The best Enemies in the World

by Sataï Nad

Disclaimer : The characters are not mine. They belong to Thomas Harris. I just borrowed them. No copyright infringement is intended.

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Chapter 4 : The Bait

L'avion de Miami avait pris du retard, ce qui acheva de mettre Clarice Starling hors d'elle. Assise dans un coin de la salle d'attente, des lunettes de soleil dissimulant son regard et une casquette sur la tête, elle tentait de passer inaperçue en lisant le journal. Même une semaine après l'annonce officielle de sa démission, les journaux continuaient à parler de "l'affaire".

Depuis que la nouvelle avait été rendue publique, les journalistes n'avaient pas arrêté de la harceler, espérant obtenir une interview. Clarice Starling était restée cloîtrée chez elle, évitant de sortir. Elle n'avait pas répondu au téléphone. Elle avait changé son adresse e-mail deux fois. Elle ne lisait pas son courrier. Jack Crawford l'avait appelé, ainsi qu'Ardelia, son amie de l'Académie. Tous deux s'inquiétaient pour elle. Elle ne les avait pas rappelés.

Elle avait loué une villa sous une fausse identité et préparé son départ vers la Floride. Elle se sentait épuisée après des semaines de pression médiatique et de stress personnel. Elle savait aussi qu'elle n'aurait pas le loisir de se reposer. Etre dans cet état d'esprit faisait partie de la mission. Plus on la croirait désespérée, plus on s'intéresserait à elle.

Un appât, voilà ce que tu es devenue une fois de plus, pensa t'elle amèrement. Un appât prêt à être sacrifié sans regrets. Longtemps auparavant, elle avait accepté les risques de son métier. Elle avait perdu des collègues, parfois des amis, au cours de missions. Elle savait qu'elle pouvait être tuée. Par deux fois déjà, elle avait été blessée dans des fusillades. Mais jamais encore, on ne lui avait manqué de considération. Elle savait que cette mission était risquée et que ses chances de réussite étaient minces. Elle s'interrogeait : une réhabilitation, oui, mais à quel prix ?

L'avion pour Miami décolla avec une heure de retard. Starling décida d'écarter toutes pensées et vida son esprit. Elle sombra dans un sommeil sans rêves.

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La villa était immense, mais elle l'avait choisie pour son isolement de l'extérieur. Elle en fit tranquillement le tour et s'installa au rez-de-chaussée dans une grande chambre qui donnait sur la piscine. Elle se rendit dans le garage, où l'attendait le 4x4 mis à sa disposition. Dans le parc, elle avisa l'abri où les jardiniers devaient entreposer leur matériel. Elle y rentra et en ressortit quelques instants plus tard, une caisse à outils à la main.

Clarice rentra dans la maison et se rendit dans la salle de bain de la seconde chambre à l'étage. Elle ouvrit la trappe de la baignoire. Elle alluma la torche qu'elle avait prise dans la cuisine et trouva la mallette comme prévu. Elle referma la trappe et se rendit dans le salon, où elle fit l'inventaire du contenu de l'attaché-case.

Elle trouva un passeport et un permis de conduire sous une nouvelle identité, un téléphone portable sécurisé avec sa batterie, une arme chargée, munie d'un silencieux, des munitions, un brouilleur-décodeur. Il y avait aussi une grande enveloppe, dont elle connaissait déjà le contenu. Elle l'ouvrit néanmoins et sortit une photographie. C'était un homme d'affaires d'une cinquantaine d'années, grand et fin, entouré de ses gardes du corps. Suivait un dossier très complet sur cet individu. Elle remit les papiers en place et referma l'enveloppe. Enfin, dans la doublure de la mallette, elle trouva la petite enveloppe qu'elle cherchait. A l'intérieur, il n'y avait qu'une clé et un numéro sur un bout de papier. Elle garda cette enveloppe sur elle, mit le téléphone à recharger, puis alla ranger la mallette dans le coffre dissimulé dans sa chambre.

Cinq minutes plus tard, elle sortait le 4x4 et prenait la direction du centre ville.

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Starling fit quelques courses pour remplir son réfrigérateur, se rendit dans une librairie où elle acheta des livres et de la musique, puis entra enfin à la HSBC Bank. Un employé la conduisit dans la salle des coffres où il la laissa seule quelques minutes. Elle repéra le coffre et l'ouvrit. La jeune femme trouva vingt mille dollars en liquide, en différentes coupures. Elle prit l'argent et referma le coffre. Enfin, elle signa le registre sous sa nouvelle identité et quitta la banque.

Un homme la regarda sortir et lui emboîta le pas. Elle ne le remarqua pas

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Clarice Starling sortit sur la terrasse pour profiter de la tiédeur du soir et des étoiles. Cela faisait maintenant cinq jours qu'elle était arrivée. Elle avait mis à propos ces moments de solitude pour planifier sa mission et se préparer à son rôle. Elle s'était vidée l'esprit des récents événements, s'était reposée et courait tous les matins sur la plage. Elle avait fini par repérer l'homme qui la suivait. Pas vraiment discret. Ce n'était pas un homme du F.B.I. Mais c'était un signe. Les personnes concernées par son avenir la contacteraient bientôt. Alors les choses sérieuses commenceraient.

Clarice se perdit dans la contemplation du ciel étoilé pendant de longues minutes. Inévitablement, ses pensées allèrent vers Hannibal Lecter. Où êtes-vous, Docteur ? J'espère que nous avons quelques étoiles en commun. Le sentiment de perte était revenu, plus fort que jamais et une mélancolie soudaine l'avait saisie. Elle frissonna et ferma les yeux. Non, ne plus penser à lui. De toute façon, elle ne le reverrait sûrement plus. Pas après la lettre qui sonnait comme un adieu dans sa tête. Elle se secoua. C'est ridicule. Je suis ridicule… Elle quitta la terrasse et alla se coucher.

=====    Au même moment, quelque part à La Havane…

Telle une statue, un homme se tenait dans l'ombre sur un balcon et observait la mer en fumant un cigare. Pour des observateurs attentifs, cette figure solitaire dans la nuit semblait attendre quelque chose. Une femme, auraient dit certains. Une réponse, auraient avancé d'autres.

Non, la silhouette massive et élégamment vêtue guettait autre chose : un appel au secours. Ce soir, son formidable instinct de chasseur lui avait soufflé quelque chose. Il ferma les yeux, se détendit et vida son esprit. Fugitivement, il vit une jeune femme debout en chemise de nuit, seule. La vision disparut aussi vite qu'elle était apparue, mais elle s'inscrivit nettement dans l'une des pièces du palais de sa mémoire, associée à une sensation qu'il identifia immédiatement : de l'auto-dérision. Comme si la jeune femme s'était dit… Je suis ridicule… Il fut surpris et se concentra. Mais il ne s'était pas trompé. Il eut un sourire. Non, Clarice, tu n'es pas ridicule. Il semblait que la jeune femme n'avait pas besoin de lui pour l'instant. Il n'avait pas ressenti d'insécurité ou d'angoisse chez elle. Cela l'étonna et le rassura. Il jeta un dernier regard vers les étoiles en lui adressant une prière muette Fais de beaux rêves, Clarice. Puis il quitta le balcon et disparut.

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Clarice se concentrait sur sa respiration. Elle courait depuis une vingtaine de minutes sur un rythme régulier, à bonne allure. Elle croisait d'autres coureurs, mais peu la doublait. Elle sentait la forme revenir et en tirait déjà une immense satisfaction. Courir lui avait toujours permis de se ressourcer. Elle faisait le vide en elle, pour retrouver un point d'ancrage, aller vers les choses essentielles… comme en cet instant, inspirer et expirer, alimenter les muscles en oxygène, gérer l'effort et les battements de son cœur.

Elle s'aperçut tout à coup que deux hommes la suivaient en courant derrière elle. Ils n'avaient aucune peine à la suivre, et se maintenaient à faible distance d'elle. Cette présence lui procura un léger agacement. Elle tenta de les ignorer et continua le long de la plage. Elle prit un sentier dans les dunes, et les deux hommes lui emboîtèrent le pas. L'agacement avait fait place à un malaise, mais elle continua en accélérant le rythme. Elle ne les distança pas. Starling savait qu'elle ne pourrait pas continuer longtemps à cette cadence. Elle décida de ralentir. Les hommes ralentirent à leur tour et restèrent derrière elle. Le malaise fit place à une réelle inquiétude, d'autant qu'elle venait de déboucher sur la route, où une voiture luxueuse se mit à rouler à sa hauteur à la même vitesse qu'elle. Clarice se tenait à cinq mètres mais ne parvenait pas à apercevoir le visage des occupants au travers des vitres opaques. Elle ne remarqua ses deux poursuivants que lorsqu'ils se mirent à sa hauteur et l'escortèrent. Elle les regarda tour à tour, et chacun lui retourna son regard derrière des lunettes noires.

Oh - oh pensa Clarice.

La vitre arrière du véhicule descendit et un homme l'apostropha.

" Belle mâtinée pour faire un jogging, n'est-ce pas ? "

Clarice ignora l'homme et continua.

" Je vous en prie… arrêtez-vous, vous m'épuisez… J'ai à vous parler, Miss Starling. "

Clarice s'arrêta, ainsi que les deux hommes. Le véhicule stoppa.

" Je m'appelle Gallagher, pas Starling. "

" Allons, allons, s'il-vous-plaît… "

" Qui êtes-vous ? "

" Je répondrai volontiers à cette question, mais d'abord montez. "

Starling hésita. Elle regarda ses escortes qui avaient fait chacun un pas vers elle.

" Il ne vous sera fait aucun mal, je vous le promets. Je veux juste m'entretenir avec vous. "

La portière s'ouvrit, et elle monta dans la voiture. Il y faisait frais. Le véhicule démarra et roula vers la ville.

" Où m'emmenez-vous ? "

" Nous allons faire un petit tour. Nous vous ramènerons à la villa ensuite. Entre-temps, vous et moi allons faire connaissance. "

" Que me voulez-vous ? "

" J'y viens. Mais voulez-vous d'abord boire quelque chose ? De l'eau ? Du jus de fruit frais ? "

Clarice fut surprise. Le ton de l'homme était courtois. Elle accepta un verre d'eau, qu'il lui servit avec un glaçon. Elle en profita pour l'observer. L'homme semblait avoir une quarantaine d'années mais pouvait en avoir plus. Son visage était bronzé comme ces milliardaires qui passent l'année entière au soleil quelle que soit la saison et il était habillé comme ces gangsters dans les films. La panoplie était complète : la montre sertie de diamants, la chevalière et la gourmette en or, les mains soigneusement manucurées, le costume-cravatte noir taillé sur mesure, la coûteuse chemise rose, les chaussures italiennes qui brillaient comme des sous neufs. Ce mec respirait l'argent blanchi.

" Maintenant, venons-en à ce qui m'amène. Mon nom est Tony Benedetti. Je suis le représentant d'une organisation qui voudrait s'assurer vos services, Miss Starling. Nous connaissons votre situation et nous savons que vous êtes à la recherche d'un employeur. "

" Vous avez quelque chose à me proposer, peut-être ? "

" Cela dépend. Notre contact à Washington s'est beaucoup intéressé à vous dernièrement. Il a découvert des choses intéressantes dont ne parlent pas les journaux. Par exemple, que Monsieur Krendler était votre associé… "

" Qui vous a raconté ça ? "

" Une source bien informée… Pourquoi le FBI a t'il volontairement étouffé cette information ? "

Starling regarda par la fenêtre.

" Les agents corrompus sont une mauvaise publicité pour le Bureau, qui préfère laver son linge sale en famille, si vous me passez l'expression… "

Benedetti hocha la tête et eut un sourire.

" Nous avons trouvé trace du transfert que Mason Verger a fait en votre nom. Un million de dollars pour attirer 'Hannibal le Cannibale', c'est beaucoup d'argent ! "

" J'ai pris des risques. Le Docteur Lecter n'est pas un criminel ordinaire. Il est très intelligent et imprévisible. "

" Pourquoi êtes-vous allée à la ferme ? "

" Je voulais voir ce fumier mourir. "

Benedetti prit un cigare et l'alluma. Lentement, il souffla la fumée vers Clarice.

" C'était donc personnel. Que vous a t'il fait ? "

" Il m'a manipulé comme toutes ses victimes. C'est un pervers qui vous dévore psychiquement pour son propre plaisir. Ce monstre ne mérite pas de vivre. Croyez-moi : vous ne voulez pas Hannibal Lecter dans votre tête. "

" C'était aussi personnel pour Evelda Drumgo ? "

" Non. Je n'ai pas eu le choix. C'était elle ou moi. "

" Elle avait un bébé dans les bras, pourtant. "

" J'ai agi par réflexe. Si c'était à refaire, je le referai. Sans hésitation. "

" Vous tireriez de sang froid sur une personne sans arme ? "

" Seigneur… Ecoutez, je ne sais pas où vous voulez en venir mais cette conversation devient particulièrement déplaisante. Alors ou vous me dites ce que vous attendez de moi, ou je m'en vais… "

" Calmez-vous… Je veux simplement savoir si vous avez les compétences requises pour le job. "

" Qui est ? "

"Patience, j'ai encore quelques questions… Que s'est il réellement passé à la ferme ? "

" Le Docteur Lecter a réussi à s'enfuir en me prenant comme otage. Il s'est servi de moi comme bouclier humain. J'ai été blessée. Il m'a emmené chez Paul Krendler, dans sa maison près du lac. J'étais inconsciente. Quand je me suis réveillée, il avait déjà tué Paul et s'apprêtait à faire de même avec moi. J'ai réussi à alerter la police et je me suis défendue. Il s'est enfui quand les flics sont arrivés. "

" Le médecin de Verger a donné une autre version des faits. "

" Cordell a menti. Il était au service de Verger et payé par lui. Sa version devait concorder avec celle que j'ai donné aux autorités. "

" Malheureusement, il y a eu la découverte de ce compte à votre nom. "

" Oui. "

" Sans quoi vous vous en sortiez… Cette histoire est injuste, n'est-ce pas ? Vous ne faisiez que votre travail après tout. Il serait dommage de gâcher de tels talents. "

" Que me proposez-vous, Monsieur Benedetti ? "

" De travailler pour mon employeur, Monsieur Andrew Palmer. Vous le connaissez ? "

" Son nom est souvent cité dans les journaux financiers. "

" Il s'est fait une réputation en tant que repreneur d'entreprises dans les années 90. Monsieur Palmer brasse beaucoup d'affaires dans des domaines diversifiés et il ne s'est pas attiré que des sympathies. Ces procédés sont considérés par certains comme… limites.

" Ces " procédés " l'ont conduit plus d'une fois devant les tribunaux pour escroquerie, Monsieur Benedetti. "

" Andrew Palmer ne fait rien d'illégal : il profite simplement de la liberté des champs législatifs. D'ailleurs, concernant les procès auxquels vous faites référence, il a été reconnu innocent. "

" Grâce à ses avocats. "

Tony Benedetti eut un sourire et se pencha vers elle.

" Je vous dois une confidence : Monsieur Palmer me paie très bien pour défendre ses intérêts… Ce sera aussi votre cas, si vous acceptez de travailler pour lui. "

" Ça tombe bien. Je suis disponible en ce moment. Allez-y, que me proposez-vous ? "

" Nous avons besoin de quelqu'un de confiance, une personne méthodique et organisée, qui sache collecter des informations de première importance. Vous êtes une excellente enquêtrice et vous savez vous servir de votre cerveau. Vous avez toutes les qualités requises pour ce boulot. "

" De quelles informations avez-vous besoin ? "

" D'ordre privées et confidentielles. C'est sur ce terrain que se jouent les véritables enjeux. Vous aurez bien sûr d'énormes moyens mis à votre disposition et une grande liberté d'actions. A vous de les utiliser de manière efficace et productive. "

" Quoi d'autre ? "

" Vous travaillerez pour moi directement. Je suis votre intermédiaire. Vous ne devrez jamais mentionner le nom de Monsieur Palmer. La règle d'or, c'est confiance et discrétion. C'est bien compris ? "

Clarice hocha la tête.

" Combien ? "

" Trois à quatre milles dollars par semaine pour commencer. Ensuite, selon la valeur des renseignements, on vous accordera des primes. "

" Je veux un appartement et une voiture à mon nom. "

" J'allais vous le proposer. "

" Un compte bancaire à l'étranger. "

" C'est comme s'il était déjà ouvert. "

" Alors nous sommes d'accord. "

" Très bien, Miss Starling… "

il lui tendit une main qu'elle serra.

" … Vous ne le regretterez pas. "

Clarice se cala confortablement dans le siège en cuir et retourna le sourire de Benedetti avec soulagement. Elle avait réussi l'examen de passage.

… To be continued…