Chapitre 2. La fin et le commencement

Il ignorait où il se trouvait, d'ailleurs, il s'en moquait éperdument. C'était étrange comme la vie pouvait changer à tel point de direction en si peu de temps. Il aurait presque pu trouver ça drôle. Presque. S'il n'y avait pas eut cinq détraqueurs de l'autre côté de la porte, et si cette sinistre blague n'avait pas été sa vie. Ou ce qu'il en restait.

Les pensées et les images tournoyaient dans sa tête, de plus en plus sombres à mesure que le temps passait, que les détraqueurs continuaient leur implacable avancée, se nourrissant de sa douleur. Il faut dire qu'ils en avaient pour leur argent : il avait fait le plein de désespoir et d'horreur ces trois derniers jours. Comme un vieux disque un peu rayé, son esprit s'immobilisait sur certaines images une rue dévastée, le corps d'un jeune homme brun étendu sur un tapis de salon, fixant le plafond de ses yeux vides, le visage maculé de sang et de larmes d'un bébé aux yeux verts. Avec, en fond sonore, cette phrase, inlassablement répétée, qui les avait détruits, qui était à la fois accusation, jugement et sentence : " Le traître, James, est l'un d'entre vous ".

Des pas retentirent dans le couloir. De toutes ses forces, il tenta de se raccrocher aux dernières parcelles d'humanité qu'il lui restait encore. Peine perdue. Tout n'était plus que ténèbres noir, noir et toujours plus noir. Sa conscience vacilla, il sentit qu'il était perdu. Puis ce fut la chute.

" Spero patronum. "

Il rouvrit les yeux. L'emprise se relâcha légèrement, lui rendant une partie de son âme. Une étincelle se raviva. Quelque chose perturbait les détraqueurs. Clac clac. Encore ces pas. L'échos se perdait de l'autre côté de la porte, comme dans un couloir immense, et vide.

" Sirius ? Sirius, tu es là ? "

Il mit un moment à reconnaître son propre prénom. Incapable de parler, il s'approcha de la porte.

" Si tu es là dedans, écarte toi un peu, je vais ouvrir…

Alohomora. "

La lourde porte s'ouvrit lentement, une lumière diffuse en profita pour se glisser dans la pièce. Bien que très faible, cet éclairage soudain fut douloureux.

" Ca va ? "

Sirius ne parvenait pas à distinguer le visage du nouveau venu, d'abord parce qu'il ne voyait que deux grosses taches rouges à chaque fois qu'il essayait de fixer quelque chose, ensuite parce que la capuche de son sweat était rabattue sur sa tête, dissimulant en partie ses traits.

" Il faut qu'on se dépêche, les détraqueurs vont certainement revenir, cela ne les arrêtera pas longtemps… "

A sa voix, on pouvait dire que cet homme était très jeune, un adolescent sans doutes.

" D'ou venez vous ? ". Sa voix parut à Sirius inhabituellement rauque, comme si quelqu'un d'autre avait parlé avait parlé en utilisant sa bouche.

" Peu importe, pas le temps de t'expliquer, il faut sortir d'ici ! "

Contre toute attente, une infime part de lui se rebella. Il ne pouvait pas se laisser entraîner comme ça. Mais les événements de ces quelques derniers jours s'étaient tellement précipités qu'il ne parvenait plus à réfléchir.

" Une minute ", hésita t'il, " c'est peut être… Un piège… "

" Un piège ? Je ne voudrait pas te casser le moral, mais… Honnêtement… Je ne vois pas comment ta situation pourrait être pire… "

Un bon point pour lui, songea Sirius, mais s'échapper, ce serait un peu comme si…

" Mais, je suis innocent ! "

" Peut être, mais il n'y a que trois personnes qui soient au courant de cela : tu es la première, et je doutes que cela ne nous avance beaucoup, ensuite, il y a Pettigrow, et il ne voudras probablement pas prendre ta défense… "

Au nom de Peter, Sirius sentit une vague de rage l'envahir. Le garçon sembla s'en rendre compte.

" Tu n'as pas le choix, il faut y aller. Tu as envie de passer le restant de tes jours en compagnie des détraqueurs ? "

Sirius cessa de résister. Il se sentait vidé de tout désir et de toute crainte. Presque à contre cœur, il sortit de se cellule.

" Et la troisième personne ? ", demanda t'il, plus pour dire quelque chose que par réelle envie de savoir.

" Quoi ? "

" Tu as dis que trois personnes savaient que j'étais innocent, tu n'en a cité que deux. "

" Oh ! Eh bien, c'est moi. Mais ça ne te servira pas à grand' chose : je n'existe pas ici. Pas de cette façon, du moins. "

Une fois de plus, Sirius renonça à comprendre.

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Son regard était fixé sur les flammes. Ses yeux ne cillaient pas. Son esprit était

léger, comme vidé de toute substance, il avait l'impression qu'il pouvait s'envoler d'un instant à l'autre, emportant la douleur. Ce ne serait peut être pas plus mal, mais alors, il ne lui resterait vraiment plus rien.

Ses bras étaient serrés autours de ses genoux, et il se balançait d'avant en arrière, lentement, un peu comme s'il se berçait lui même. Il ne quittait pas les flammes du regard, elles pourraient disparaître. Il avait eut le loisir d'apprendre que les choses avaient tendance à s'évaporer dès qu'on les perdait de vue.

Il ne vit pas l'oiseau arriver. Il était trop absorbé par le feu et par le vide. Un petit cri lui fit détourner les yeux de la cheminée. C'était une chouette, avec de grands yeux de couleur d'ambre et un plumage d'un blanc pur. Il se demanda vaguement comment elle avait pu entrer, mais il n'avait pas la force de se concentrer sur la question, et puis ça ne l'intéressait pas vraiment. La chouette poussa un nouveau cri, pour attirer son attention, et lui tendit sa patte. Un morceau de parchemin y était accroché. Après un regard étonné à la messagère, il ouvrit la lettre.

Tout n'est pas fini, mais j'ai besoin de votre aide.

Faites moi confiance, je vous en prie, même si c'est difficile.

Vous n'êtes pas seul. Suivez Hedwige, elle vous guidera.

Hedwige ? De nouveau, il regarda la chouette, qui hulula doucement. La lettre n'était pas signée. Il ne savait pas quoi faire. Tout n'est pas fini, il se demanda ce que ça voulait dire. Qu'il n'avait pas tout perdu, ou bien que la partie contre Voldemort n'était pas encore gagnée ? Il hésitait, et si c'était un piège ? Et s'il s'agissait de quelque mangemort cherchant à tuer le dernier des maraudeurs ? Il eut un rire amer. Non pas que le fait de rester en vie lui sembla très important, ces derniers temps.

Il se souvint brusquement du jeune garçon rencontré quelques jours plus tôt, à Godric's Hollow, avant… Avant. Qu'avait il dit ? " Vous croirez que tout est perdu, mais il vous restera quelqu'un " ou quelque chose dans ce goût là.

Il vous restera quelqu'un.

Brusquement décidé, il se leva vivement.

Tout n'est pas fini.

La chouette le suivi de ses yeux d'ambre étonnés tandis qu'il attrapait son manteau. Les mots agissaient sur lui comme autant d'électrochocs.

J'ai besoin de votre aide

" On y va, ou non ? ", lança t-il à l'oiseau en ouvrant la porte.

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La petite pièce sombre dans laquelle Sirius avait passé les dernières vingt quatre heures faisait partie d'un grand manoir. Le bâtiment était désert, hormis les détraqueurs. Il se dit qu'il devait être très difficile à localiser, aussi. La prison parfaite, songea t'il avec amertume. Tout autours, il n'y avait que des bois. Sirius suivi son étrange compagnon dans le dédale de couloirs obscurs jusqu'à la porte de sortie puis pénétra avec lui dans la forêt glacée.

Une marche pénible commença alors. Il faisait nuit, et les chemins était presque invisibles, d'ailleurs, le garçon avait renoncé à les suivre, il se contentait d'avancer, s'arrêtant de temps en temps et murmurant " pointe au nord " à sa baguette magique pour trouver son chemin. Sirius était gelé, le vent froid de novembre s'insinuait dans le col de sa cape légère, et il trébuchait presque à chaque pas.

Trois quarts d'heure et une douzaine de " pointe au nord " plus tard, son étrange compagnon s'arrêta devant un petit chalet de bois, semblable à la cabane hurlante, qui abritait Rémus durant les nuits de pleine lune, pendant leurs années d'étudiants. Dieu, que ce temps semblait loin. Un nouvel Alohomora eut raison de la serrure et ils entrèrent.

Tout était sombre et poussiéreux. Avec un frisson, Sirius sentit se déposer dans ses cheveux quelque chose de petit et remuant, qu'il ne pu identifier.

" Lumos " souffla le jeune inconnu. En clignant des yeux, Sirius détailla les alentours. Le mobilier était réduit à sa plus simple expression. Un banc de bois courait le long des murs, à demi effondré par endroits au milieu de la pièce, une table, en bois elle aussi, trônait fièrement sur ses trois pieds il y avait aussi trois tabourets, un fauteuil éventré et un vieux placard.

" Où sommes-nous ? ", s'enquit Sirius.

Il détailla le jeune garçon. Il ne pouvait distinguer que le bas de son visage, mais il lui semblait étrangement familier, comme quelqu'un qu'il aurait connu très longtemps auparavant, mais jamais complètement oublié. Ce sentiment le mettait très mal à l'aise.

" Dis moi, est ce que je te connais ? "

" Bien sûr ", répondit l'autre, un sourire dans la voix, " quant à l'endroit où nous sommes… Je n'en suis pas trop sûr, quelque part au nord de Londres. "

" Mais, pourquoi ? Qu'est ce qu'on fait là ? Qu'est ce qu'il se passe après ? "

" Là, nous attendons quelqu'un. Ce qu'il se passe après… c'est difficile à dire, tout ne s'est pas déroulé comme prévu… ". Il semblait plus soucieux.

Un coup léger fut frappé à la porte. Le garçon l'ouvrit et une chouette blanche alla se poser majestueusement sur le banc crasseux.

" Ha, enfin ! Tu en as mis, du temps… "

La chouette émis un ululement outré et lui tourna le dos.

" Oh, arrête un peu ! Je suis certain que tu as traîné en chemin pour chasser les musaraignes. "

Offusqué, l'animal ne sembla pas juger utile de lui répondre. Le garçon se tourna vers Sirius.

" Il ne va pas tarder. Il arrive, n'est ce pas ? ", ajouta t-il a l'intention de la chouette.

L'oiseau lui jeta un regard hautain, comme pour dire " non, mais tu me prends pour qui ? "

" Qui arrive ? ", risqua Sirius

" Qui ? Mais Lupin, bien sûr ! ", cela sonnait comme une évidence.

" R… Rémus ? Mais comment est ce que… "

" Parce que je lui ai demandé. Nous avons besoin d'aide et je ne vois pas qui d'autre pourrait gober ton histoire. A part peut être Dumbledore, mais il est assez occupé, en ce moment. "

Sirius ne comprenait rien

Il décida néanmoins de cesser de poser des questions, acceptant le fait que, depuis le début de la semaine, il n'avait plus aucun contrôle sur son existence.

Il s'écoula près de cinq minutes sans qu'il ne vienne personne. Sirius vit que son hôte semblait s'impatienter, jetant des regards de plus en plus soupçonneux à sa chouette.

Puis, de nouveaux, on frappa à la porte.