Erszebeth
A nu
Chapitre 3 : Le sourire du Bouddha
Can't ever keep from falling apartAt the seams
Cannot believe you're taking my heart
To pieces
Come undone, Duran Duran
Pov de Heero :
J'aurais dû savoir que Duo n'attendrait pas pour prendre le taureau par les cornes, il agit toujours comme ça quand quelque chose lui tient à cœur. Comme par ironie, toutes nos missions se faisaient à deux, car les professeurs s'étaient rendus compte que nous faisions une bonne équipe. Il n'y avait que moi qui essayais de prouver le contraire en restant à l'écart du pilote à la tresse.
Il était donc inévitable que cela se produise. C'était en forêt, juste après une attaque, sous une pluie drue qui faisait monter l'odeur de terre humide dans l'atmosphère. Il ne me regardait pas dans les yeux quand il a commencé à parler et ça tombait bien ; je n'aurais pas pu soutenir son regard.
Maintenant je m'en rends compte, nous avions peur tous les deux. Comment pouvions nous être assez vieux pour nous battre comme nous le faisions, mais assez jeunes pour avoir peur de nos sentiments ? Ou peut-être que nous battre comme nous le faisions n'était que de l'inconscience, tandis que réaliser que nous avions des sentiments l'un pour l'autre nécessitait véritablement du courage.
Pour ma part, c'était la première fois que je devais vraiment les affronter. Prendre Duo dans mes bras quand il était à quelques centimètres de moi n'avait pas demandé de réflexion ; ça avait été un réflexe, un instinct viscéral. Mais à présent que la distance nous séparait, il ne restait plus à Duo que les mots pour essayer de combler le vide entre nous.
"Tu sais Heero, je ne sais pas comment tu as vécu jusqu'à présent, mais tout le monde à besoin d'avoir quelqu'un à ses cotés. Se battre à deux rend plus fort, vivre à deux aussi."
Je sais que Duo regardait le ciel en disant ces mots. Pour ma part, je fixais obstinément la terre humide et les feuilles d'automne, sans pour autant apprécier cet étalage de saison qui était non existant dans les colonies. J'avais peur et mon entraînement luttait férocement en moi avec cette partie qui voulait être humaine sans pourtant bien comprendre ce que cela voulait dire.
Je ne l'entendis pas atterrir près de moi, mais j'entendis ce qu'il avait à dire :
"Peut-être penses-tu que tu peux vivre seul, mais tu te trompes Heero. Tu m'as cherché quand tu as eu besoin de moi. Ce que tu cherchais je te l'ai donné sans arrière-pensée parce que je savais que tu en avais besoin... Et que je savais que je voulais que ça arrive."
Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et je fixais la terre les yeux écarquillés, l'esprit en déroute. Il avait raison et je le savais. Mais se pouvait-il réellement qu'il ait été poussé vers moi comme moi j'avais été poussé vers lui ? Voulait-il vraiment du soldat parfait à ses côtés, lui qui était tout le contraire de moi ?
Sa voix se fit alors plus sourde, presque chuchotée, comme si il avait peur de ce qu'il avait à dire :
"Alors je te demande Heero... Si je te dis que j'ai besoin de toi comme tu as besoin de moi, me repousseras-tu ?"
Je restais sans bouger quelques secondes, surpris par ce que je venais d'entendre, surpris par ce que cela révélait de Duo et encore plus surpris par ce que ces paroles me révélaient de moi-même.
Dans mon égoïsme, je n'avais pas réalisé qu'il puisse avoir besoin de moi. Pour une raison que j'ignore, si je pouvais me refuser mes désirs et mes besoins qui se résumaient à le toucher, je ne pouvais pas lui refuser les siens.
A un moment, ils avaient surpassé les miens, ils étaient devenus plus importants que moi-même. Jusqu'ici, seule cette guerre avait pris cette importance à mes yeux et l'intensité avec laquelle je souhaitais voir un sourire réapparaître sur ses lèvres était effrayante.
Alors je fis la seule chose possible et je m'avançais vers lui pour le prendre dans mes bras, comme j'en avais envie depuis si longtemps et je cachais ma tête dans son habit de pasteur, effrayé comme un enfant qui sait qu'il a fait une bêtise et qui ne sait pas comment se faire pardonner.
Et je sentis ses doigts dans mes cheveux et sa voix qui tentait de m'apaiser et je réalisais alors que je m'étais mis à pleurer et que c'est sans doute pour cela aussi que je ne voulais pas lui montrer mon visage, mais il me força à le regarder dans les yeux.
A travers la pluie, à travers mes larmes, il souriait du même sourire que les représentations de Bouddha ; un sourire sans haine, pur de tout ressentiment.
Mes larmes coulèrent de plus belle, j'étais pardonné. Je me blottis conte lui comme si j'essayais de rentrer sous sa peau pour me rapprocher de son cœur, non pas parce que j'avais froid, mais parce qu'il me semblait à ce moment là que c'était le seul moyen de lui faire comprendre ce que je ressentais.
La pluie continuait de tomber autour de nous mais je ne sentais plus son écoulement froid et humide, juste les bras solides de Duo autour de moi. D'un seul accord, nos lèvres se cherchèrent et ce baiser fut subtilement plus différents de ceux que nous avions échangés durant cette fameuse nuit.
Nous sommes ensembles depuis cette averse. Ça ne va pas sans peine, mais au moins nous ne sommes plus seuls et cette vérité nous rend plus forts.
Pour lui, pour moi, pour les colonies. Je sais à présent à quoi ressemble l'avenir que je voulais garantir aux autres en me battant. Duo me le montre, jour après jour.
Notes de l'auteur : Je suis un peu étonnée du succès de ce format. Il faut dire aussi que je suis bien moins exigeante pour cette histoire que pour le pentacle qui me force à être super coincée sur tous les aspects de l'histoire (et qui rend le total si dur à écrire). Je précise que même si les interventions de Heero et de Duo dans cette histoire sont des povs, il ne faut pas croire pour autant que ce soit des fragments de leurs pensées. Dans l'idéal, il s'agirait plutôt de fragments de journaux intimes et vous pouvez d'ailleurs voir que le total est rédigé au passé et non pas au présent. En même temps que ce troisième chapitre sort le 8e chapitre du "pentacle". Si vous avez envie de lire une bonne histoire de fantasy, allez le lire aussi clin d'œil publicitaire
L'histoire se termine t'elle là ? J'aurais plutôt tendance à penser qu'elle ne fait que commencer, mais je ne suis pas sûre d'écrire une suite. On verra bien, selon l'inspiration.
