Chapitre 2

La guerre entre Antheme et Chryshia n'avait plus vraiment d'importance. La victoire d'un pays n'était plus le but à atteindre. Ce qui comptait, c'etait de vaincre l'autre stratège, d'inventer de meilleures strategie. C'était un duel de deux stratèges maniant des armées entieres comme des pions sur un echiquier.

Les armées avancèrent, reculèrent, se battirent, se cachèrent. Cela dura longtemps sans qu'aucune victoire ne soit décisive. Sur les champs de bataille, Albert voyait de loin le plus souvent, quelque fois de près, la femme qui était capable de tenir tête à un Silverburg. La decrire..? difficile... des longs cheveux noirs lisses, des yeux noirs, une peau de couleur un peu foncée, jeune, pas plus de 30 ans. L'expression calme et hautaine du stratège qui joue à Dieu avec ses armées et la vie de ses soldats. Un regard sans illusion, un peu triste, mais capable de sacrifier des centaines de vies sans frémir. Une femme que l'apparence faisait sortir du lot sans qu'on puisse vraiment dire ..pourquoi.

Mais la partie d'echec atteint un jour sa fin. Et Albert gagna.
Dans le soir tombant, il regarda le champ de bataille qui se vidait lentement de ses guerriers. L'armée Chryshiane était en déroute, la sienne victorieuse.Il avait gagné sur cette femme. Il avait réussi à la prendre au piège, à dejouer ses embuscades et ses mouvements inattendus. Albert l'avait entrainé dans son piège à lui et avait massacré ses troupes. Son régiment à elle avait été encerclés, et Albert avait donné des ordres précis pour qu'elle soit capturée vivante et en bonne santé. Mais les soldats n'avaient pas réussi à la prendre, alors que tous ses hommes étaient tombé. Ils avaient attrapés son cheval, mais elle n'était pas dessus.
Yuber avait disparu quand les choses avaient mal tournées.
Albert scrutait le champ de bataille à sa recherche; elle partait toujours dans les derniers des champs de bataille. Dans ces moments là, Albert et elle étaient souvent à quelque metres l'un de l'autre pour voir les armées partir. Ce soir ne derogerait pas aux habitudes. Il la vit un peu plus loin, à la lisière d'un petit bois, à pied. Elle le regardait.

Il la rejoignit seul et descendit de son cheval. C'etait la première fois où ils étaient aussi proches, face à face. Ils se regardèrent longtemps en silence. Puis Albert parla le premier: " tu as perdu."
Elle eut un petit sourire sans joie: "Oui, je reconnais ma défaite. Tu es tres fort, plus fort que moi." Puis elle tourna la tete, fuyant les yeux verts du stratège d'Anthéme. Mais la main d'Albert se posa sur sa joue et la contraint à lui faire face. De nouveau leurs yeux se croisèrent, verts contre noir. "J'ai gagné."
Vaincue, elle ferma les yeux et laissa l'homme poser ses lèvres contre les siennes.
La nui était totalement tombée maintenant, mais ni l'un ni l'autre ne s'en souciait. Enlacés, debout aux milieux des cadavres et des charognards, ils s'embrassaient dans le lourd silence de la mort.

Quand ils durent se séparer pour retourner chacun à leur armée, il lui demanda son nom.
"Béryl. Je m'appelle Béryl. Je connais deja le votre. Vous etes Albert Silverburg."
Puis elle partit par la foret. Et Albert remonta sur son cheval.

Beryl ne mit guère de temps à rejoindre les restes de l'armée de Chryshia. Quand elle arriva au campement, un soldat l'informa qu'elle était attendue à la tente de commandement. Elle entra. Les généraux et officiers qui criaient et grondaient firent tous silence. Le roi était la aussi. Puis tous l'accablèrent de reproches, lui criant qu'elle était responsable de cette défaite, que sa strategie était mauvaise, qu'il fallait en trouver une meilleure strategie pour remonter la pente, qu'elle devait porter la responsabilité de tous les morts, que c'était une erreur d'avoir confié la bataille aux mains d'une femme inconnue...meme les mots de traitresses et espionne furent prononcé. Puis Béryl parla et sa voix pourtant douce imposa immédiatement le silence.
Béryl:"Tant que nous gagnions, vous n'avez jamais mis en doute mes idées. Et maintenant, elles ne vous plaisent plus et vous doutez de moi. Je n'ai jamais prétendu etre stratège. La victoire ne dépend pas que de mes idées."
Le Roi: "Mais vous avez fait des erreurs, ce mouvements là etait mauvais et le placement de cette troupe.."
Béryl: "Etait parfait pour prendre en tenaille ici. Mais en face aussi il y a un stratège. Un Silverburg. Il a déjoué mon plan et a été plus fort que moi. Ce n'etait pas des erreurs de ma part, mais je suis moins forte que lui. c'est tout."
Le Roi: "Alors comment faire pour gagner?"
Béryl: "Je ne sais pas. Et ça ne me concerne plus. Puisque mes idées sont mauvaises, trouvez-en d'autres vous même. Je ne suis pas un outil dont on se sert à loisir."
Elle sortit de la tente comme un courant d'air. Un officier se précipita pour la rattraper. Mais elle avait disparu.

Albert avait mené Anthème à la victoire. C'était incontestable. Chryshia n'avait pas encore capitulé, mais son armée enchainait les defaites. Béryl ne menait plus les Chryshians. Albert ne se fatiguait même plus à inventer des plans subtils. La force brutales suffisait à ecraser le reste de resistance.
A la fin d'une autre de ces batailles gagnées d'avance, Albert resta longtemps sur le champ de bataille. Il attendait Béryl. Il esperait, malgré tout, qu'elle serait là à, leur rendez-vous tacite des fins de bataille. En attendait, il reflechissait. Une fois la guerre finie, il aurait droit à des grands honneurs un petit moment, puis le gouvernement oublierait vite ce qu'il lui devait, et lui ferait des ennuis. Ce n'était pas un pays où il pourrait rester tranquille, et de tout façon, il n'avait pas envie d'y rester. Cela n'avait aucun interet. Albert pensa un instant à Harmonia, le plus ambitieux des empire, un pays dans lequel il aurait pu exercer toute sa vie la strategie sans jamais se lasser. Mais il ne pouvait plus y retourner. Il faudrait aller chercher un autre pays plein d'ambitions...
Albert sursauta et fit avancer son cheval, le coeur battant. Elle était là. Elle était venu. Elle l'attendait un peu plus loin, à la lisière d'une foret, comme toujours. Elle ne portait plus son uniforme chryshia, mais une robe bleue sombre à la coupe simple.
Béryl: "C'est fini. Anthème a gagné."
Albert: "Oui."
Silence. Ils n'osaient pas se regarder en face. Etait-ce le moment des adieux?
Albert: "Acceptes-tu de...m'épouser?"
Elle le regarda et sourit.
Béryl: "Pour...certaines raisons, je ne veux pas me marier.. mais si ce que tu me demandes est: acceptes-tu de partager notre vie ensemble, alors c'est oui."

Ils partirent ensemble, encore plus loin vers l'Est. Ils trouvèrent une place dans la république de Lohren, un pays au climat chaud, constitué d'un ensemble de grandes et petites îles. Ils eurent une fille, qu'il appelèrent Eléonore. Elle avait les yeux verts de son père et les cheveux noirs de sa mère. Et leur intelligence. Quelques années plus tard, un fils naquit, appelé Artis. c'etait une vie normale et heureuse, même si le mystère des origines de Béryl demeurait entier.

Eleonore avait 9 ans et Artis 6 ans quand Béryl annonça à son compagnon une nouvelle difficile. Depuis quelques temps, Albert avait remarqué un changement d'humeur chez Béryl, c'était bien la seule chose qui avait changé en elle. Elle regardait de plus en plus vers le ciel, vers le lointain. Elle voulait partir. Albert pensait qu'ils partiraient ensemble, comme avant. Mais elle annonça qu'elle partirait seule. Elle le devait. Elle devait changer de vie. Elle ne put expliquer à son compagnon et à ses enfants pourquoi. Albert ne dit rien pendant un long moment. Puis il accepta et s'engagea à veiller sur les enfants. Il l'aimait, et c'est pour ça qu'il la laissait partir sans essayer de la retenir. Pour que ça ne soit pas trop dur pour elle. Béryl embrassa une dernière fois ses enfants et son compagnon, en larmes. Puis elle sorti de la maison, et n'y revint plus.