On continue tout ensemble !!

Juste un petit message concernant les reviews : voilà, j'ose imaginer qu'il y a plus de deux personnes à me lire. C'est sans doute de la prétention de croire ça, mais s'il y a un 3ème ou 4ème (voir 5, 6, 7ème…) lecteur dans les parages, ce serait tellement gentil de sa part de me dire ce qu'il pense de mon histoire !!! Vous pouvez dire ce que vous voulez : dire ce qui va et ce qui ne va pas, des suggestions à faire, des conseils, des envies que vous aimeriez que je concrétise (je le ferai dans la mesure du possible…) Seule condition : soyez pas trop méchants quand même si c'est si nul que ça !! « Si vous plaaaîîîîîtttttt ! » (en même temps, c'est peut-être parce que c'est nul que je n'ai pas plus de reviews… Bouhou !!)

Réponses à mes 2 seules et fidèles revieweuses (les filles, je vous aime !) :

Matteic : Niark ! niark ! niark ! c'est qui la bêbête qui titille et titille toujours plus ? Vive Kurt ! (bon… ok… faut que je me calme… vite ! Douche froide !!) Enfin, merci de me faire confiance !! Je vais essayer d'être à la hauteur ! A part ça, ch'uis pas encore allée lire la fic en anglais que tu me conseillais (29 chaps !! faut que je prépare psychologiquement à lire tout ça !)

Loo-Felagund : Merci pour toutes tes suggestions ! Ca m'a aidée à m'en sortir ! Tu jugeras toi-même du résultat : je pense que j'ai assez bien goupillé la chose !! Et puis, tu vas être contente : j'ai exhaussé tes souhaits concernant… tu sais qui ! A toi de voir donc, en espérant que ce chapitre te plaise autant que le précédent !!

Chapitre 2 : Réminiscences

Jeanne regarda le militaire, qui hurlait après sa sœur en lui maintenant le canon d'un revolver sur la tempe.

Ils étaient dans Central Park, la nuit. Jeanne tenait encore contre elle ce qu'elle et sa sœur avaient réussi à voler cette journée : quelques victuailles. Elle tremblait de froid et de peur, ses pieds mal chaussés trempés par la neige, sa robe déchirée. Mais, du haut de ses cinq ans, elle tentait d'avoir l'air aussi résistante que sa grande sœur. Elle la regarda : elle était droite, le visage fermé et résigné ; elle semblait ne pas se rendre compte qu'un homme vitupérant la visait de son arme.

Autour d'eux, il devait y avoir quatre ou cinq autres militaires, dont un officier. Mais Jeanne n'aurait su dire leur nombre exact car elle était éblouie par les lumières qu'ils projetaient vers elles. Soudain, l'officier prit la parole, mais Jeanne ne comprenait pas encore l'anglais. Sa sœur répondit sur le ton de la lassitude et l'homme soupira bruyamment d'énervement.

//Jeanne…\\

La petite fille sursauta en reconnaissant la voix de sa sœur dans sa tête. Elle leva les yeux pour la regarder, mais elle était toujours immobile.

//Jeanne, écoute-moi attentivement… Je vais créer une diversion et toi, tu t'enfuiras aussi vite que tu peux. Tu as bien entendu ? Tu couras très vite. Cache-toi dans les ténèbres, là où ils ne pourront pas te trouver…\\

//Et toi ?\\

Sa sœur ne répondit pas, mais se jeta contre le militaire toujours hurlant, qui, déstabilisé, tira en l'air. Aussitôt, la confusion régna parmi les hommes armés, qui se précipitèrent pour la maintenir. Telle une Furie, elle griffait, se débattait et donnait les coups les plus divers. Jeanne, quant à elle, en profita pour se faufiler entre deux jambes et commença à courir de toutes ses forces, les tympans bourdonnant. Un militaire la vit s'enfuir et se mit à la poursuivre. Mais très vite Jeanne parvint à se glisser dans un fourré, où sans peine elle devint invisible, se dissimulant très facilement dans le noir.

Anxieusement, elle regarda sa sœur qui criait des invectives envers les militaires. Deux d'entre eux réussirent à l'immobiliser par les bras. Avec effroi, Jeanne vit l'officier sortir son arme. Lentement, il pointa son revolver sur la tête de la jeune femme et, sans sommation, il tira.

Jeanne se réveilla en sursaut. Elle regarda sa chambre. Puis, elle observa, à travers le vasistas, les étoiles de la nuit, scintillantes. Elle s'adossa au dos de son lit et ramena ses genoux contre elle. Sans bruit, elle pleura…

********************

«Elfe… Tu as une tête à faire fuir ! s'exclama Wolverine.»

Diablo eut un pauvre sourire en guise de réponse et passa son chemin, saluant à peine les élèves qui s'enquéraient de sa santé. Tournant dans un couloir, il s'aperçut dans la vitre d'une fenêtre. Logan n'exagérait pas : les traits tirés, les yeux cernés, les paupières lourdes, les cheveux en broussailles et l'air mort. Sûr qu'il avait une tête à faire peur ! Kaputt, mein Freund... Tu es complètement kaputt…

Riant jaune de sa propre image, il alla frapper à la porte du professeur Xavier.

«Ah ! Kurt ! Assieds-toi, je t'en prie.»

Ce qu'il fit sans se faire prier d'avantage, épuisé au dernier degré par sa précédente nuit : sans cauchemar mais sans sommeil non plus, puisqu'il s'était évertué à rester éveillé. Désormais, il redoutait la venue de la nuit et ses cortèges de mauvais songes. Si seulement, il avait su ce que tout cela signifiait…

«Nous parlerons de la signification de ces cauchemars en temps utile, Kurt. Ne t'inquiète pas…»

Diablo sursauta, toujours quelque peu déstabilisé quand le professeur le surprenait dans ses pensées.

«J'ai parlé avec Malicia à l'instant, continua le professeur. Elle m'a confirmé le fait que tu t'étais confié à elle… Kurt, je trouve très bien que tu ais parlé de ça avec quelqu'un. Mais, … je crains que Malicia ne soit pas la personne indiquée pour t'aider. Je ne dis pas ça pour que tu te confies exclusivement à moi, non ! Tu peux parler à qui tu veux.

- Alors, pourquoi pas Malicia, Herr Professor ? Je ne comprends pas.

- Parce que j'ai découvert, dans ma conversation avec elle, qu'elle aussi a besoin de se confier, sur quelque chose que malheureusement elle a cachée. Comprends ceci, Kurt : Malicia ne pourra pas t'aider car, en quelque sorte, elle subit la même chose que toi en ce moment…»

Diablo, qui jusqu'à maintenant avait gardé les yeux baissés, les leva pour fixer intensément le professeur. Ce dernier avait contourné son bureau et se trouvait près de lui à présent.

«Vous voulez dire que… Malicia fait les mêmes cauchemars que moi…

- Pas exactement. Je ne sais pas encore ce que ça signifie… J'ai essayé de parler avec elle, mais il y a manifestement quelque chose qu'elle nous cache. Je ne sais pas encore si c'est lié aux cauchemars… Dis-moi, pourquoi es-tu allé vers elle en premier ?

- Je… Je ne sais pas… Je veux dire… Je crois que j'ai eu besoin de lui parler, mais je ne saurai dire pourquoi. C'est même indéfinissable. On s'entend bien, on rigole facilement ensemble… Bobby n'aime pas trop d'ailleurs, mais il se trompe à notre sujet… Car avec Malicia, j'ai l'impression d'être avec une âme sœur… Vous me comprenez ?… Ce n'est ni de l'amour ni de la franche camaraderie, c'est autre chose.

- Elle s'est confiée à toi, comme toi avec elle ?

- Oui… Souvent elle parle de sa tristesse de ne pouvoir toucher Bobby sans lui faire mal. Elle me parle de ce genre de chose… Mais jamais elle ne m'a dit qu'elle faisait des cauchemars équivalent aux miens. Pensez-vous, Herr Professor, qu'il y ait… un lien ?

- Avec toi ? Il est possible aussi que ses mauvais rêves n'aient aucun rapport avec les tiens. Tu vois, je t'avoue mon ignorance sur le sujet… J'aurais évidemment besoin pour comprendre que vous me parliez plus, tous les deux, mais je ne veux pas vous brusquer… Je sais que ça peut être difficile de se confier.»

Kurt hocha tristement de la tête. Il revoyait les images défiler. Cette chambre infernale… Rien que le fait d'y penser lui donnait la nausée ! La personne allongée à ses côtés… Il ne voulait pas se rappeler son visage, car… cette personne, dans son rêve, baignait dans son sang, une dague fichée dans le ventre. Et il ne comprenait pas pourquoi cette image revenait sans cesse, pourquoi il rêvait d'elle, morte à ses côtés.

Puis, il y avait ces visions d'horreur, qui le projetait dans le charnier d'une guerre antique. Bousculé, renversé, piétiné, il était traîné à terre par une foule affolée. Péniblement, il se relevait et devait suivre le mouvement pour éviter de tomber à nouveau à terre. Dans sa course, il devait enjamber les corps des malheureux, étouffés par la bousculade.

De nombreux enfants, trop fragiles, qui avaient été emportés par le flot, étaient tombés, pour ne plus se relever, et avaient été foulés aux pieds par la foule. Cette dernière ne réfléchissait plus, seule la peur guidait ses pas.

Soudain elle débouchait sur une place, où un peloton d'archers l'attendait pour lui assener une volée de flèches. Avec violence et force cris, les gens touchés s'abattaient sur ceux de derrière. Une femme, une flèche enfoncée dans son front, tombait lourdement sur Diablo, qui, par les bras, tentait en vain de la retenir tandis que le sang, giclant de la plaie, lui éclaboussait le visage. Haletant, Diablo parvenait à la déposer à terre sans s'effondrer à son tour, puis s'enfuyait dans la confusion crée par l'attaque des archers.

Il se retrouvait dans une venelle, où s'amoncelaient des cadavres. Aveuglé, la figure dégoulinante du sang de la femme, il trébuchait sur des jambes, des corps, avant de s'étaler parmi eux. Avec dégoût et panique, il tentait de se remettre debout, mais une main l'agrippait. Une jeune adolescente le retenait par le poignet en gémissant, les yeux agrandis par la terreur et les joues creusées par les larmes. Diablo la regardait avec une peur grandissante et remarquait qu'elle avait une horrible entaille au travers du ventre, et les jambes coupées net sous les genoux. Hurlant, Kurt retirait sa main de la prise glaciale de la fille, dont la tête s'affaissait en avant, morte. Il reprenait sa course, ne retenant plus ses cris.

Il débouchait dans une grande artère. Un soldat à cheval le renversait en passant au galop, le faisant rouler contre le mur. Meurtri, la peau arrachée par le frottement contre la chaux, Diablo se retrouvait à nouveau au sol, parmi les morts. Impuissant, il observait le chevalier continuer sa course et empaler de sa lance un homme fuyant devant lui. Kurt pensa alors à se téléporter, mais se rendit compte qu'il en était incapable.

Brusquement, la terre se mit à trembler. Dans un mugissement effroyable, elle se craquela et ouvrit de profonds fossés dans la ville. Maintenant, population et soldats partageaient la même terreur face à la colère de la terre. Kurt vit avec horreur l'eau surgir des excavations, dans un dégorgement bouillonnant. Son cri fut interrompu par les eaux, qui l'entraînèrent dans leur déversement, engloutissant la ville. Partout retentissaient des hurlements de mort…

~ Kurt !

Désespérément, Diablo cherchait à atteindre la surface, mais, inexorablement, il s'enfonçait toujours plus profondément. Bientôt les ténèbres furent totales. Il sentait un étrange apaisement l'envahir, tandis que ses poumons se gorgeaient d'eau et qu'il étouffait…

~ Kurt !!

Mais, il se retrouvait alors dans la chambre aux murs mouvants. Face à lui, une statue sombre trônait sur un meuble. Et à ses côtés, agonisait…

«KURT !!!»

Diablo faillit se renverser en arrière en revenant à la réalité. Logan le retenait par les bras, le visage déformé par l'inquiétude. Kurt se rendit alors compte qu'il était à moitié assis, à moitié allongé à terre, au milieu du bureau du professeur. Ce dernier se tenait derrière Wolverine, penché en avant sur son fauteuil et extrêmement soucieux.

«Kurt ! lui dit-il. M'entends-tu ?»

Diablo hocha nerveusement la tête. Logan l'aida à se relever et à s'installer dans un fauteuil. Vaguement, il écouta le professeur lui raconter que soudain il avait basculé en avant sur le sol avant d'être pris de convulsions. Puis qu'il avait été sourd aux appels et qu'il s'était mis à crier et crier encore, toujours plus fort. Wolverine avait surgi à ce moment-là.

Confus, Kurt constata qu'une fois encore il avait ameuté tout le monde : plusieurs élèves se pressaient à la porte, dont Malicia qui le regarda avec un gentil sourire triste. Tornade dut derechef écarter les curieux pour entrer dans la pièce.

Diablo l'entendit discuter avec le professeur, qui acquiesça, puis elle s'adressa à Logan, qui, sur ce, l'aida à se mettre debout. Ses jambes fléchirent et lâchèrent sous lui, mais Wolverine le rattrapa au vol et l'aida à marcher.

«On te conduit à ta chambre, l'informa Ororo. Tu as besoin de dormir.»

Diablo voulut s'en défendre, mais n'en eut pas la force. Avant de quitter la pièce, il se tourna vers le professeur.

«Herr Professor… Vous avez vu ?

- Oui, Kurt… J'ai vu…»

********************

Au volant de sa superbe Ford bleu métal, Scott se sentait habituellement l'esprit clair et déchargé de ses habituelles bêtes sombres. Mais ayant à ses côtés une Tornade particulièrement crispée et émotive, il était à son tour contrarié, ce qui, à son corps défendant, se répercutait sur sa conduite. Par trois fois, il avait pilé à un feu rouge il accélérait, décélérait, faisait crisser ses pneus. Ororo ne disait rien, mais se tenait fermement à sa ceinture de sécurité et à la poignée de la porte, tout en jetant un coup d'œil craintif au conducteur.

Elle avait veillé Diablo toute la matinée et le début de l'après-midi, après l'avoir «forcé» à s'endormir. Totalement paniqué, il n'avait pas lâché sa main pendant que le somnifère faisait effet. Sans s'en rendre compte, elle avait chantonné une vieille berceuse africaine de son enfance, en lui caressant avec douceur les cheveux. Il s'était détendu et avait finalement fermé les yeux. Peu après, il s'était endormi. Longtemps, elle le couva du regard. Un enfant… Il n'est encore qu'un enfant… Mais, en ayant cette pensée, elle sentit ses sentiments basculer ; elle dut bien admettre qu'il ne s'agissait pas d'un élan purement maternel qui la poussait vers le jeune allemand…

Ce fut donc dans un état second qu'elle partit avec Scott. A la demande du professeur, ils devaient se rendre à la propriété du milliardaire Conrad J. Turner, magnat de la finance et promoteur réputé de la côte Ouest des Etats-Unis. Résidait chez lui un mutant une jeune fille d'après ce que put en savoir le professeur grâce au Cerebro. Il n'avait pas pu, par contre, découvrir son pouvoir.

L'homme habitait une demeure luxueuse, pas très loin du Manoir de Xavier, dans l'Etat de New York. Dans un créneau aléatoire, Scott gara la voiture le long de la grille d'entrée et coupa le moteur d'un coup sec.

*******************

Mystique secoua vigoureusement la tête dans le sens négatif, puis se retourna dans son lit.

Mi-exaspérée, mi-boudeuse, elle contempla le mur gris qui lui faisait face. Devant cette paroi nue aux traînées noirâtres, elle constata, pour la première fois de sa vie, qu'elle n'avait jamais connu de chambre avec une fenêtre, qui lui eût permis de regarder l'horizon. Non, de son lit, elle n'avait toujours connu que la barrière des quatre murs. Une chambre était pour elle quelque chose de sinistre, de renfermé. Certains peuvent s'évader vers des rivages imaginaires sans quitter leur lit. Mais, pour Mystique, une chambre ou un lit la ramenait toujours à la triste réalité. Des draps et un oreiller n'avaient rien de réconfortant. Ils lui rappelaient combien elle avait été seule toute sa vie.

Depuis sa majorité, tant de choses s'étaient déroulées dans sa vie qu'elle les avait, non pas oubliés, mais retranchés dans sa mémoire : maintenant, ils revenaient en force, en choisissant le biais des rêves.

Du temps du professeur Werner, pourtant la plus belle époque de sa vie, la chambre qu'elle occupait était déjà sans fenêtre. Sans horizon. Pour la protéger du dehors, avait dit le professeur. La protéger contre quoi ? Elle ne comprenait pas à l'époque. Elle n'avait qu'entre deux et cinq ans. Trop jeune pour comprendre. Mais paradoxalement, ses souvenirs s'étaient ancrés en elle.

Le professeur Werner, en la privant de la vue du dehors, empêchait en réalité le dehors de la voir. Sans horizon, sans vis-à-vis, sans contact humain. Jusqu'à ce qu'il la confie à un jeune couple. Grâce à une rente annuelle, il devait désormais s'occuper d'elle comme de leur propre fille. Aujourd'hui encore, Mystique ne comprenait pas pourquoi le professeur l'avait éloignée de lui. Car c'était cela : il l'avait rejetée, c'était débarrassé d'elle brusquement. Pourquoi ? Le simple fait qu'elle fut une mutante n'expliquait pas le pourquoi.

Bref, après l'avoir privé d'horizon, le professeur Werner l'avait privée d'avenir en la confiant à ce couple, qui eut tôt fait de la priver du reste. La chaleur humaine que lui donnait le professeur se transforma en froideur auprès de ses parents adoptifs. Son innocence d'enfant disparut du même coup face à cette fadeur de sentiment. Les joies que procurent les jeux lui furent enlevées quand on lui interdit de jouer pour ne pas faire de bruit. L'expression «être sage comme une image» fit d'elle une statue de craie, à la surface dure mais fragile. Quant à sa chambre, ce fut la seule chose qui resta à peu près identique à ce qu'elle avait connu : elle logeait au grenier, sans fenêtre. Une enfance sans affection. Elle n'était pas battue, mais jamais elle n'était touchée non plus. La seule condition qu'on lui imposait était de se faire aussi uniforme qu'une huître sur un rocher : elle devait disparaître, oublier même qu'elle fut vivante afin d'être la moins visible possible.

La camaraderie enfantine lui inculqua la «loi de la jungle» et la «loi du talion». Ces deux notions apparurent bien sûr avec l'école : la petite mutante violette à écailles devint très vite le souffre-douleur et le bouc-émissaire des autres. Se laissant faire au départ, très vite pourtant, elle développa un sens de l'instinct et de la conservation. Elle commença par savoir se mettre hors de portée des coups, avant de rendre ces mêmes coups à son tour. Dans cet «art», elle était devenue sans pitié, aussi opiniâtre qu'habile à répondre à la violence par la violence.

Puis, elle avait fugué, sans que personne par la suite n'entame de recherches poussées pour la retrouver. De cette terne existence dans sa famille d'adoption, il ne lui était resté que son nom sur une carte d'identit : «Raven Darkholme». Mais, assez tôt, elle fut fichée sous le pseudonyme de «Mystique». Raven la Mutante, surnommée «Kraken-girl» par les enfants nourris à «Superman», mourut du même coup.

Récemment, grâce à un rêve énigmatique, elle s'était souvenue qu'elle s'était appelée «Onyx». Qui l'avait appelée ainsi ? Werner, ou sa vraie mère, que jamais elle ne connut ?

«Mystique» s'activa avec ténacité au sein de la Confrérie des Mauvais Mutants, 1ère du nom, qu'elle fonda en Allemagne, où elle avait grandi. En y réfléchissant rétrospectivement, elle jugea ses compagnons et elle-même comme de vulgaires sales gosses. Une période misérable de sa vie, passée à commettre du vandalisme de bas étage et à rester cachée dans les égouts : avec pour seul horizon, les conduits d'évacuation des eaux débouchant sur le Rhin.

Puis, elle avait effectué un virage à 180°. Usant de son pouvoir de métamorphe, elle se façonna l'image d'une jeune et jolie humaine. Par jeu, sans doute. Jeu devenu manie. Comme pour les joueurs des casinos. Elle s'amusa à créer une vie entière à l'image qu'elle avait façonnée. Grâce à l'argent de ses vols, elle parvint à s'installer et à tromper son entourage sur sa condition, ses voisins ne voyant en elle qu'une jeune fille moderne et «normale». Puis, tout avait basculé, quand elle eut rencontré le Comte von Löwenberg…

Refermant ses bras dans les draps, Mystique ferma les yeux pour taire ce défilement intolérable de ses souvenirs, qui se projetaient allégrement sur le mur gris. Déjà qu'elle en rêvait chaque nuit, elle ne voulait pas se les rappeler éveillée. Que ses journées au présent lui appartiennent, sans être vampirisées par des réminiscences du passé.

«Mystique ?

- Je t'ai dit non, Eric.»

Magnéto soupira, fatigué. Il regarda, pensif, la nuque de la femme, qui lui avait tourné le dos sitôt qu'il avait suggéré qu'elle se fasse aider par Xavier.

«Pour ton bien, ce serait pourtant préférable, argumenta-t-il. Pour… celui de ton fils également.

- Qu'est-ce que Kurt à avoir là-dedans ?»

Elle avait posé cette question sur un ton si froid qu'il fit frissonner Magnéto lui-même. Il n'ignorait pas comment Mystique avait dû abandonner son enfant, sous peine qu'il se fasse lyncher. Depuis qu'elle avait reconnu le jeune Kurt comme étant son fils, une culpabilité latente la dévorait. Magnéto n'avait pas réussi à la faire parler sur ce sujet. Elle se confiait parfois au Crapaud, qui, remis de ses émotions de la Statue de la Liberté, était revenu récemment auprès d'eux (Dents-de-Sabre, lui, manquait encore à l'appel). Le Crapaud avait toujours été son confident, même si son amour portait sur Eric.

«Si tu acceptais de voir Charles et de lui parler, il pourrait alors peut-être aider également Diablo, car ce dernier a en ce moment des nuits aussi troublées que les tiennes.

- Grand bien lui fasse !

- Mystique, ton ironie est mal placée. Il est ton fils !»

Avec un visage extrêmement sérieux, elle se retourna pour lui faire face. Les yeux aussi durs que la pierre, la voix plus coupante que le silex, elle parla, sans s'en rendre compte, en allemand, très vite : «S'il est mon fils, je ne mérite pas d'être sa mère. L'ayant abandonné, je vois mal ce que je pourrais faire pour lui. Je suis… peinée qu'il soit perturbé en ce moment, mais je ne vois pas de rapport avec ma propre situation.

- Tu es perturbée toi-même, répondit Eric dans la même langue. Ne dis pas le contrai…

- Je ne vois pas, disais-je, de rapport dans le fait que Charles Xavier pourrait aider Kurt en m'aidant moi. Qu'il s'occupe de mon fils, qu'il le soulage comme je n'ai jamais pu le faire. Je ne pourrai pas revenir sur le passé afin de l'aider moi-même. Lui révéler qui est sa mère ne ferait que le perturber d'avantage. Je veux au moins lui éviter ça…»

********************

«Jean est une grande timide, disait d'un sourire mielleux Mr Turner.

- Nous ne lui voulons pas de mal, répondit avec le même sourie Tornade. Juste la voir…

- Oh, oui ! La «voir» bien sûr ! Tout le monde veut la voir : elle est si exceptionnelle physiquement. Une merveille de la nature !»

Mr Turner, croyant avoir affaire en les personnes de Tornade et Scott à deux inspecteurs des relations publiques, se délectait en peignant un portrait de lui-même en grand seigneur et bon samaritain. Il avait d'abord accueilli les deux jeunes gens avec beaucoup d'obséquiosité. Dans le salon, Mrs Turner avait apporté des petits gâteaux parfumés et du thé aromatisé. Puis, il avait répondu aimablement aux questions de ses hôtes : avec conviction, il avait plaint la pauvre «Jean», qu'il avait recueillie, elle qui n'avait connu que les rues, elle qui avait découvert avec lui l'amour paternel, elle qui…

Tornade avait finalement coupé court ce déversement d'hypocrisie sucrée, en réclamant de voir la fille, restée invisible jusqu'à maintenant.

Scott, lui, se sentait troublé, pour une raison qu'il jugeait lui-même stupide : «Jean», elle s'appelle «Jean» ! Que la jeune mutante porte ce nom l'avait remué plus qu'il n'aurait cru. Comment pouvait-il être troublé par ce seul fait anodin ? De nombreuses femmes s'appellent «Jean» ! Peut-être était-ce parce que Mr et Mrs Turner lui rappelait énormément le couple petit bourgeois que formaient les propres parents de Jean Grey. La similitude l'avait marqué d'emblée.

Cédant finalement, Mr Turner se leva, peinant visiblement à soulever son énorme ventre, puis monta les escaliers menant à l'étage. Mrs Turner, elle, s'était discrètement retirée dans la cuisine, par conséquent Ororo et Cyclope se retrouvèrent seuls dans le salon.

«Je n'aime pas l'idée que cette jeune mutante vive ici, murmura Tornade. Je suis sûre qu'elle n'est pas aussi heureuse que le prétend Mr Turner. Cet homme faux est aussi sournois qu'une anguille. Il n'a fait que nous mentir...»

Redescendit alors Mr Turner, suivi de la jeune «Jean». Les deux X-men furent véritablement surpris par son apparence : à quelques détails près, la jeune fille était la réplique de Diablo au féminin. Une queue fourchue préhensile, la peau bleu/violet foncé, les oreilles pointues, les yeux jaunes. Les différences fondamentales étaient celles-ci : sa peau était tachetée de noir et elle avait cinq doigts à ses mains, et non pas trois.

Elle ne les regarda pas, dardant son regard sur un point entre ses pieds. Elle répondit par monosyllabes à Tornade. A chaque fois, Mr Turner lui tapotait l'épaule, une lueur de menace terrible dans les yeux.

«Donc, tout va bien pour toi ?

- Oui, Mrs Turner est très gentille avec moi. Et Mr Turner est comme un père pour moi.

- Nous sommes ici pour te connaître. Il n'y a vraiment rien que tu veuilles nous dire ?

- Les Turner m'ont sauvée, Madame. Ils sont mes sauveurs. Il faut que vous sachiez combien ils sont gentils avec moi.

- Oh, elle est adorable ! minauda Mr Turner. Timide, n'est-ce pas ? Je vous avais prévenus !… Allez, tu peux remonter dans ta chambre, Jean.»

Elle fit mine de s'exécuter, mais à la dernière minute, elle attrapa la main de Scott et leur souhaita au revoir. Puis, elle se précipita dans l'escalier, suivie par le regard courroucé de Mr Turner. Scott, lui, cacha discrètement dans la poche de son jeans le bout de papier qu'elle lui avait glissé dans la main.

********************

Elle regarda ses enfants. Les jumeaux étaient complètement dissemblables, aucun ne ressemblait à l'autre. Le petit garçon tenait d'elle assurément, mais la petite fille avait tout pris de son père. Elle s'attendrit en souriant à leurs frimousses endormies. Mais le bruit de la foule haineuse lui parvint, détruisant ce moment de tendresse.

Elle reprit sa course, atteignant un bosquet en forêt où elle se réfugia un moment. Essoufflée, elle contempla de loin l'avancée de la foule. Cette dernière élevait haut des armes rudimentaires et barbares : faux, fourches… On aurait dit un mauvais film d'épouvante à la Frankenstein.

Elle constata que le seul moyen d'échapper au massacre était de se fondre dans la mêlée. En un tour de main, elle prit l'apparence d'une jeune paysanne. Elle paraissait tout à fait humaine. Elle regarda à nouveau ses enfants. Sa fille avait l'air d'une enfant normale, mais son fils, avec sa peau bleue et sa queue de diable, serait brûlé vif en un rien de temps.

Elle reprit sa course, traversant la forêt. A la lisière, elle déboucha sur un ruisseau. En allant en amont, elle découvrit que le cours d'eau filait loin et vite. Une branche, prise dans ses remous, partit en tournoyant et disparut rapidement à l'horizon.

Les bruits de haine approchaient. Avec l'énergie du désespoir, elle entassa branchages et mousses, confectionnant un radeau rudimentaire. Embrassant son fils nerveusement, elle le déposa sur la frêle embarcation, qui, à son grand soulagement, flottait. Avec une légère poussée, elle la dirigea vers le courant. Très vite, son enfant disparut au loin, emporté par les eaux.

Serrant bien fort sa fille contre elle et luttant contre les larmes, elle se cacha derrière un arbre, attendant que la foule soit à son niveau avant de se glisser parmi elle discrètement.

Une semaine plus tard, les paysans et son raciste de mari, le Comte von Löwenberg, avaient abandonné les battues pour les retrouver, elle et les jumeaux. En vain, elle fit des recherches concernant un enfant qu'on aurait retrouvé sur les berges de la rivière. Elle n'osait imaginer le pire des scénarios. Elle préférait croire que les eaux l'avaient emmené trop loin.

Renouant le contact avec ses anciens amis de la Confrérie, elle rencontra leur nouveau leader : Magnéto. Elle ne se rappelait pas, elle devait l'admettre, comment leurs sentiments avaient peu à peu évolué jusqu'à un amour réciproque. Lui-même venait de perdre sa femme et sa fille, ce qui lui faisait un douloureux échos avec la perte de son fils. Magnéto l'emmena en Amérique. Elle dut alors abandonner sa fille à son tour, leurs activités terroristes l'interdisant d'être mère. Elle déposa son enfant, encore bébé, dans un centre d'adoption et elle n'entendit plus parler d'elle…

Mystique se réveilla en sursaut. Eric remua à côté d'elle, mais resta endormi. Elle pleura alors en silence, infiniment triste. Elle avait abandonné ses deux enfants… Récemment, le destin lui avait permis de retrouver son fils, Kurt. A sa naissance, elle l'avait appelé Friedrich. Elle sourit en se souvenant de son visage bien rond, mais se rembrunit aussitôt : le fait de l'avoir abandonné l'empêchait d'aller à lui en tant que mère. Du reste, il ne l'accepterait pas : étant du camp adverse, elle était autant son ennemi que celui des X-men. Il nierait tout, la rejetterait et le traumatisme serait aussi grand pour l'un que pour l'autre.

Et puis… Quels droits pouvait-elle avoir sur lui ? Elle avait également abandonné sa fille. Elle, elle ne l'avait jamais retrouvée. Et pourtant au fond d'elle-même, elle avait l'impression de ressentir sa présence. Pour elle-même, elle murmura : «Marie… Marie…»

********************

«Marie… Marie…»

Malicia ouvrit brusquement les yeux en gémissant légèrement. La respiration rapide, elle se calma petit à petit en s'efforçant à respirer de grosses goulées d'air.

«Malicia ? Ça va ?

- Oui… Je vais bien. Désolée de t'avoir réveillée, Jubilé.»

Son amie se rallongea peu convaincue. Malicia, elle, se tourna sur le côté, un bras passé sous l'oreiller. Pendant un instant, elle avait cru voir sa mère dans son rêve. Sa vraie mère. Mais ce qu'elle avait vu ne pouvait être la réalité. Ce n'était encore qu'un cauchemar, elle en faisait si souvent en ce moment… Oui, ce qu'elle avait vu n'était qu'un rêve, rien de plus.

********************

Scott replia le bout de papier que la jeune «Jean» lui avait glissé dans la main. Assis dans son lit, les genoux repliés contre son torse, il laissa pendre son bras et contempla les ténèbres de sa chambre. A la lueur de la lune, il relit le papier, puis il le déposa sur son chevet. Enlevant précautionneusement ses lunettes, les yeux fermés, il se coucha mais resta longtemps pensif avant de s'endormir.

Le message de la jeune mutante était simple. Mais il était aussi poignant qu'un cri du cœur : «Sauvez-moi.»