Kikou tout le monde ! Je tiens, avant toute chose, à vous prévenir (pour éviter qu'il y ait des déçus à la fin) que ce chapitre ne concerne aucun des X-men (ils sont un peu évoqués, mais c'est tout). J'ai centré ce chapitre sur Janis et Jeanne («Sententia»). C'est un chapitre nécessaire pour l'histoire. Il est lisible, je vous rassure ! Mais vous inquiétez pas : Diablo, Scott, Mystique, Logan… seront de retour dans le chapitre suivant !
Réponses aux reviews : chacun sait que les «3 Mousquetaires» étaient en réalité 4 bah, c'est le cas aussi avec les reviews !!
Loo-Felagund : Toujours un grrrannd merci pour tes compliments !! ^-^ Concernant l'action du précédent chapitre, je ne pouvais pas introduire de combat fabuleux avec Logan, car cette «expédition» chez les Turner est un véritable fiasco pour Cyclope et Wolverine ! Ils sont littéralement «écrasés» par Janis !! La suite de l'histoire telle que tu te l'imagines, c'est pour le chapitre suivant ! Bizz
Diablo-Satoshi : Mer'chi ! Mer'chi ! Ch'uis contente !! La suite des «aventures» de Logan et Scott pour le chapitre suivant ! (enfin, y aura pas vraiment d'aventures en fait… pas tout de suite !) Pour la confrontation Mystique, Diablo, Malicia, avec le Prof X en arbitre, c'est pas pour tout de suite non plus… Désolée !
Matteic : Tu es à genoux ?! ?! 0_o Mais faut pas !! C'est à moi de me mettre à plat ventre !! (à ce propos, je surveille ta prochaine update, qui devrait arriver cette semaine, c'est ça ? tu sais une fic avec Diablo et Mystique… :p)
Anne Laure : Serais-tu une fan de Cyclope ? Je vais tenter alors de le développer plus ! Mais tu sauras ce qui lui arrive au prochain chapitre (enfin, je peux déjà te dire qu'il est quelque peu diminué tant physiquement que mentalement… *la suite au prochain numéro*) !
Bonne lecture !!
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Chapitre 6 : Janus
Jeanne ouvrit lentement les yeux. Mais elle ne vit rien. Elle était entourée d'un halot éblouissant. Elle se dit qu'elle devait encore rêver… alors, elle se rendormit.
Plusieurs heures après, elle crut entendre des voix chuchoter auprès d'elle. Elle se laissa bercer par la douce monotonie de ces chuchotements. Ils résonnaient bizarrement à ses oreilles, comme un écho très lointain, à la fois faible et sonore. Rêvais-t-elle encore ? Elle ouvrit les yeux…
Le lendemain de la visite de Mme di Vita [cf chap 4], Jeanne s'était réveillée avec un sentiment de joie qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle se sentait bien, sa poupée Sally dans les bras.
Elle avait 10 ans et venait d'arriver chez les Turner. Elle avait passé deux mois au Centre pour Jeunes Mutants, Etat de New York. Elle y avait appris le sens du mot «discipline». En l'occurrence, c'était un des seuls mots anglais qu'elle avait pu assimiler et ce pour deux raisons : la première, il est identique à son équivalent en français [n/a : souvenez-vous, elle vient de Belgique] la deuxième, la notion qu'il implique est une des plus facile à définir par le concret. Ce qui signifiait : sonneries pour se lever, pour les repas et pour se coucher «extinction des feux» à telle heure… Plus tout un ensemble de joyeusetés dignes des maisons carcérales pour délinquants infantiles.
Après une existence errante, à traîner dans les recoins les plus sordides de Manhattan, chapardant de quoi manger ou volant de quoi se vêtir, elle avait finalement été ramassée par les «bonnes âmes» des services sociaux de la ville. Au Centre, elle avait d'abord eu droit un «check-up» complet : elle devait depuis lors tenir en sainte horreur les examens médicaux. Trop jeune à l'époque pour saisir quoi que ce soit de ce qui se faisait autour d'elle, elle n'avait pas compris le but de ces analyses.
Sa mâchoire se serra quand elle sentit une piqûre dans son avant-bras gauche. Après une perfusion, on lui posait une sonde. Sa tête tournait et sa vue n'était pas très claire, mais elle parvint tout de même à se faire une petite idée de sa situation actuelle. Sanglée fermement par les poignets et les chevilles à une sorte de table chirurgicale, elle était entourée de blouses vertes, qui remuaient des instruments métalliques à l'aspect inamical.
Et ce qui devait arriver arriva…
Mr Turner sortit violemment la gamine de la voiture. Comme chaque mois, il l'emmenait à l'hôpital pour que lui soit injecté le sérum d'inhibition. Il haïssait cette corvée au vu des nombreux désagréments qu'elle offrait.
Premièrement, il n'aimait pas emmener Jeanne «en public». En tant que potiche exotique lors des soirées mondaines, elle était parfaite, mais dans la rue, au milieu des «gens normaux», elle faisait tache. En outre, ces séances lui coûtaient les yeux de la tête. Car, bien qu'étant millionnaire à plus d'un million, cela le taraudait de devoir dépenser autant d'argent pour cette mutante. Cela dit, comme on n'a rien sans rien, il devait bien admettre qu'elle devenait un investissement juteux auprès de ses actionnaires, qui n'hésitaient pas à jouer en bourse pour les entreprises de Turner uniquement pour avoir le privilège de la voir. Alors, Turner savait se montrer philosophe et avalait donc tant bien que mal le coût de ces «visites médicales».
Mais, il y avait une chose qui, par-dessus tout, ne l'enchantait jamais :
Passée la porte d'entrée de l'hôpital, la gamine commençait comme toujours à paniquer et à se débattre. Deux infirmiers surgissaient alors immanquablement pour la saisir et l'emmener dans une petite salle de soin, de laquelle les cris de Jeanne retentissaient dans tout le bâtiment. On l'aurait crue soumise à la torture. Tout le monde, alors, regardait Mr Turner, qui, invariablement, fulminait dans son coin.
Dans la petite salle, Jeanne tentait toujours en vain de s'échapper. L'univers médical lui faisait horreur, elle en avait peur comme de la peste. Dans son imagination de petite fille, elle faisait régulièrement des cauchemars, dans lesquels, elle était enfermée dans une bulle de verre, plongée dans une sorte de liquide amniotique et reliée à un nombre considérable de tuyaux et des perfusions.
Jeanne poussa un hurlement retentissant et épouvantable, qui fit faire un bon de deux mètres à la blouse qui lui posait la sonde. Criant de démence, elle tira de toutes ses forces sur les attaches qui la retenaient. D'un coup sec, elle arracha la sangle qui lui retenait le poignet droit. De sa main libre, elle repoussa une deuxième blouse. Elle griffait tous ceux qui tentaient de l'immobiliser, mais c'était peine perdue. En moins de deux, quelqu'un l'attrapa au cou par derrière, tandis qu'on lui retenait le bras pour une injection.
Sa tête retomba et elle fut rattachée fermement.
«Cette fille est comme sa sœur, commenta Janis au général Norman [cf chap 03 pour Norman].
- Ce qui veut dire ?
- Je me comprends, mon général.
- Sans doute, mais moi, je ne vous comprends pas, Janis ! Qu'est-ce que vous essayez de me dire ? Que vous avez connu la sœur de cette mutante ?»
Les deux hommes observaient la salle d'opération derrière un mur vitré. L'agent de la CIA, le toujours très élégant et répugnant Janis, avait ramené la mutante, codée «Sententia», la veille dans la nuit. Le général John F. Norman l'avait observée attentivement puis avait ordonné le début immédiat des expériences.
«Oui, j'ai effectivement connu sa sœur.
- Ha ! Ha ! Maintenant, je comprends !… Voilà pourquoi vous avez tant insisté pour capturer cette mutante, plus que n'importe quel autre de la liste «Mutati» !
- Il y a sans doute un peu de ça… si vous le dites !»
Le militaire attrapa l'espion par le revers de sa veste et le fusilla du regard.
«Ecoutez bien, Janis… Puisque vous officiez à l'Intelligence Agency, je pense que vous devez savoir combien je vous trouve antipathique ! Vous me pompez l'air, au sens propre comme au figuré !»
Janis remonta ses lunettes d'un doigt et voulut se dégager, mais l'autre affermit sa prise et le rapprocha de son visage.
«Je ne sais pas ce que vous manigancez, mais je n'aime pas beaucoup ce que vous traficotez dans mon dos. Ce que vous projetez pour la liste doit se faire avec moi ! Et si vous préfériez vous passer de mon concours, je pourrais y remédier de façon expéditive ! Suis-je clair ?
- Très clair.
- Alors, vous allez me dire la véritable raison pour laquelle vous avez voulu cette fille ?!
- Général…»
Avec précaution, il tenta à nouveau de se défaire de la poigne de Norman, mais sans succès.
«Sachez que si je complotais dans votre dos, je me serais depuis longtemps débarrassé des obstacles… Suis-je clair ?»
Le militaire le repoussa brusquement, à tel point que Janis manqua de s'étaler à terre. Norman respirait difficilement. Un écœurement profond lui tordait les entrailles. Il était soudain pris d'une nausée indescriptible qui le faisait frissonner maladivement.
«Vous me dégoûtez, Janis…»
********************
Les navires marchands étrusques abordèrent au port de commerce, construit en aval de la Cité. Une foule de badauds s'amassa sur le quai pour voir débarquer les marins et pouvoir admirer les riches marchandises venues de Rome, de Syrie et d'ailleurs. Céréales, poissons séchés, aromates d'Egypte, étoffes de lin, bois de Phénicie, cuivre du Sinaï… Egalement des pierres précieuses, essentiellement rubis et saphirs dont les couleurs sont les emblèmes d'Atlantide. Puis des essences et des parfums d'Arabie et d'Orient. Enfin de la soierie romaine pour les longs drapés, des plus réputées et jouissant d'un succès considérable auprès de toutes les jeunes Atlantes.
Ces demoiselles en question se pâmèrent quand descendit du bateau un Romain justement, blond à souhait et beau comme un cœur. En l'occurrence, tout le monde le connaissait dans la Cité : Caius Janus, le seul étranger admis à pénétrer dans Atlantide en sa qualité de conseiller auprès de ses dirigeants, surnommé «l'éphèbe de Rome» par ses détracteurs.
Il posa pied sur le quai et aussitôt un homme se fraya un passage dans la foule jusqu'à sa rencontre. Janus sourit en reconnaissant Argenteus [cf prologue], novice du Grand Prêtre. Les deux compères se donnèrent l'accolade.
«Mon ami ! s'exclama l'Atlante.
- Sic qui sum ! répondit en riant Janus.
- Nous désespérions de te voir revenir ! Athènes t'aurait-elle enchanté ?
- Cette Cité est merveilleuse, mais Atlantide me manquait terriblement. Aucune ville ne l'égale !… Argenteus, ajouta Janus un ton plus bas. Il faut que je te parle.
- Allons dans une échoppe, tu dois avoir faim.
- Certes ! Mais je préférais de loin passer d'abord aux thermes ! J'ai besoin de me délasser de ce voyage qui a été éprouvant. Nous avons essuyé trois tempêtes et j'ai dû me cogner à peu près partout !»
Rendus aux bains publics, ils pénétrèrent dans le laconicum, la salle la plus chaude, idéale contre les rhumatismes et autres douleurs physiques.
Se détendant peu à peu, Janus se prit à observer son vis-à-vis. Argenteus était le fils d'un haut dignitaire Atlante, d'ascendance noble. Physiquement, il était fascinant et Janus ne s'étonnait pas du succès qu'il pouvait avoir auprès des filles [n/a : oui, je sais, il me faut une douche froide]. Bien bâti mais fin, de grande taille. Sa peau et ses cheveux avaient la même couleur, gris pâle un peu bleuté. Ses yeux avaient la teinte profonde de la Méditerranée. Enfin, il était pourvu d'une longue queue fourchue préhensile qui remuait toujours un peu nerveusement [n/a : Matteic, je t'en prie, reste calme !:p]. En l'occurrence, il semblait très nerveux, sa queue ne cessant de fouetter l'air de gauche à droite.
«Argenteus ! Tu me donnes le tournis ! Assieds-toi… voilà ! Qu'est-ce qui se passe ? Quelque chose qui te tracasse ?
- C'est juste que je me doute un peu de ce que tu veux me dire… Un navire en provenance du Latium est arrivé la semaine dernière. Depuis, les rumeurs enflent à n'en plus finir ! Les Pythies et les Haruspices s'arrachent les cheveux à essayer de découvrir un signe des Dieux !
- La Prêtresse Somnia n'a rien vu ?
- Si ses rêves lui ont montré la moindre chose, nous n'avons pas été informés. Même en tant que novice du Grand Prêtre, je ne sais pas tout !… Mais toi qui sait, qu'en est-il alors réellement ?»
Janus soupira et se passa une main sur le visage. Il huma un instant, les yeux fermés, les bains de vapeur parfumés. Déglutissant, il s'humecta la bouche.
«Soit… J'ai quitté Athènes car on m'a, pour ainsi dire, jeté dehors avec tous les autres Barbares. Tous ceux ayant révélé le pouvoir qui couvait dans leurs veines ont été chassés des Cités grecques. Dans le Latium, il se passe la même chose… En ce moment, des centaines de navires de guerre sont armés. On dit qu'un émissaire va être envoyer ici-même afin de négocier…
- Négocier quoi ?!
- La capitulation d'Atlantide.»
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Une douleur affreuse dans la poitrine la tira de son sommeil artificiel. Elle était à présent enfermée dans une sorte de tube de verre, dont les parois étaient couvertes de machines clignotantes. Un rien désorientée, Jeanne constata avec une pointe de gêne qu'elle était à moitié nue constatation qui la fit aussitôt frissonner de froid. Les membres toujours attachés, elle voulut se relever légèrement, mais elle était vidée de ses forces.
De petites capsules reliées à des fils avaient été disposées tout le long de son torse. Soudain, elles crépitèrent et la jeune fille reçut un choc électrique qui la laissa tremblante et abasourdie. La bouche grande ouverte, elle avait du mal à respirer. Elle avait l'impression d'étouffer, comme si elle s'était retrouvée dans le vide, privée de tout oxygène. Un nouveau jet d'électricité lui fut envoyé. Cette fois, son corps fut littéralement soulevé, comme convulsionné.
Jeanne courait de toutes ses forces, fuyant au plus profond de Central Park. Derrière elle, les torches électriques se rapprochaient. S'engageant à couvert sous les arbres, elle se fondit dans l'obscurité et se cacha. Les militaires passèrent, sans soupçonner sa présence.
Elle plaqua ses mains sur sa bouche pour s'empêcher de crier. Elle se répétait que c'était impossible, que cela ne pouvait être.
L'officier avait tiré, froidement [cf chap 2]. Du sang-froid. La froideur d'une machine faite pour tuer. Jeanne avait vu la scène au ralenti. Mais elle n'avait pas pu le croire. Sa sœur avait été propulsée en arrière. Le sang avait giclé de son front. Tombant lourdement à terre, tout son corps avait été parcouru de mouvements nerveux et rapides, comme un automate détraqué. L'officier avait alors vidé son chargeur sur la jeune femme, qui s'était raidie à jamais.
A jamais. A jamais. Non ! Jeanne ne croyait pas ce qu'elle venait de voir. C'était une hallucination. Sa sœur était vivante. A jamais.
«Qu'est-ce que c'est que ça ?!»
Janis regardait l'image du scanner et les différentes radiographies qui avaient été faits du corps de Jeanne.
«Je tenais précisément à vous montrer ça, Monsieur, commenta un jeune scientifique.
- Bon sang ! Arrêtez toutes vos expériences à la noix immédiatement ! Vérifiez son état physiologique, puis placez-la en cellule de soin !!»
L'espion tourna alors brusquement les talons et sortit de la salle d'analyse. Le scientifique le rattrapa : «Monsieur ! Où allez-vous ?
- Voir votre supérieur !
- Mais le général Norman est parti !»
Janis s'arrêta net dans sa lancée. Parti ? Juste comme ça : parti. Pour une fois, le visage de l'espion ne reflétait aucun sourire. Il était vert de rage. Il se retourna pour faire face au scientifique, qui recula de terreur en voyant son visage. A cet instant précis, la répugnance, qui semblait caractériser si bien Janis, se reflétait sur sa figure, transfigurée par la haine.
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Facetia sortit de son bain de lait, se couvrit d'une courte toge puis s'assit sur sa couche. Elle ouvrit son coffret de toilette orné de créatures marines. Attrapant un petit pot de marbre ciselé, elle s'enduit le visage et les mains d'une crème à base de fève. Puis, elle prit la poudre de craie pour les joues, le safran pour le dessous des yeux, un fard rouge pour rehausser ses pommettes…
Elle détestait cette corvée, mais c'était la mode dans la haute société Atlante d'imiter les Grecs pour «l'esthétisme corporel». Attrapant un miroir de bronze poli, elle observa le travail : le lait de son bain avait séché en croûtes sur sa peau, la crème et la poudre avaient formé des granulés, le safran avait débordé sur le nez… J'ai l'air d'un crapaud déguisé pour les Dionysies ! [=fêtes grecques en l'honneur du dieu Dionysos]
Elle rangea avec soin ses «produits de beauté», puis elle se dirigea à sa fenêtre, l'enjamba et sauta. Elle atterrit, dix mètres plus bas, dans un immense lac artificiel qui bordait une cinquantaine de maisons. Quasiment vide, Facetia put en jouir librement, s'ébrouant comme un jeune chien, se décrassant de son bain fermenté.
Elle nageait lorsque quelqu'un lui attrapa le pied. Aussitôt apparut devant elle le dénommé Poisson. C'était un garçon possédant poumons et branchies, à la face plate, sans nez, la bouche immense et étirée vers le bas, de gros yeux vairons, les mains et les pieds palmés, la peau jaune grisâtre et écaillée. Ses oreilles, rouges, ressemblaient à des nageoires, et une longue crête dorsale lui débutait en haut du crâne et se finissait en une courte queue. Orphelin, on ne lui connaissait pas de nom. Alors, on s'était contenté de l'appeler Poisson.
«'Onjour, Fa'etia !
- Poisson ! Tu m'as fait peur !
- Dé'olé ! Ai vu 'I'ias !
- Qui ? Ah ! Xiphias !»
Xiphias était, comme le Poisson, une Atlante vivant exclusivement dans l'eau, et dont le jeune orphelin était amoureux.
«Elle a vu A'enteus. A'ec Ja'us.»
A ses mots, Facetia sourit de joie : Janus était de retour ! Abandonnant Poisson, qui sans se démonter repartit faire sa cour auprès de Xiphias, Facetia se précipita chez elle. De retour dans sa chambre, elle prit sa tête à deux mains et se concentra légèrement : elle vit Argenteus sortir des thermes en compagnie de Janus, ils venaient chez elle !
Elle mit un pagne blanc aux motifs dorés, posa un lourd collier sur sa poitrine et ceignit ses cheveux par un ruban de perles. Elle peignit sa lèvre inférieure en noire, rajouta plusieurs bracelets à ses poignets et s'échina à retrouver ses boucles d'oreille. Enfin, elle entendit son père l'appeler.
Elle se précipita dans la salle à manger où les visiteurs étaient reçus. Son père, Argenteus et Janus avaient déjà pris place sur les tapis au sol et buvaient, dans de petites coupelles, une boisson noire assez épaisse : spécialité atlante, à base de réglisse et d'épices, appelée «Horrere» car elle vous dressait les cheveux sur la tête. La mère de Facetia leur présentait des boules pâteuses de blé mélangé à des morceaux de fruits.
Janus leva les yeux à l'arrivé de la jeune femme et ils se regardèrent fixement, éblouis l'un par l'autre. Facetia souriait, débordante de bonheur. Elle sentit soudain que quelqu'un tirait sur son pagne. Elle baissa les yeux et découvrit sa petite sœur de trois ans.
«Tu sais, Facetia, tu devrais fermer la bouche, car tu ressembles de plus en plus à Poisson.
- Tace, Sententia !» [=Tais-toi, Sententia !]
********************
Jeanne se réveilla en se sentant nauséeuse. L'esprit toujours embrumé, elle put néanmoins constater qu'elle n'était plus attachée et était allongée dans un lit, recouverte d'un drap et d'une couverture. Autant qu'elle put en juger, on l'avait habillée d'un pyjama blanc. Dans ses bras, on lui avait glissé sa poupée Sally, qu'elle serra plus fortement contre elle.
Se tournant sur le côté, elle étira ses jambes et sa queue. Puis, elle observa sa «chambre». C'était une pièce large de deux mètres et longue de trois environ. Près du lit, il y avait une petite table tubulaire avec un pichet d'eau et un verre. Passablement décontenancée, elle constata qu'elle avait encore une perfusion dans le bras. D'abord tentée de l'arracher, elle n'en fit rien, lasse au dernier degré.
De quoi avait-elle rêvée déjà ? Ah, oui ! De sa sœur, la belle et gentille Facetia, fille de l'aristocratie atlante, abattue par des militaires du XXIe siècle en plein Central Park. D'Argenteus, dont ses souvenirs assez vagues lui laissaient l'image d'un garçon fort et d'une grande beauté. D'un certain Poisson à tête de batracien humanoïde…
Jeanne serra les jointures de ses mains jusqu'à se faire mal pour s'empêcher de penser à tout ça. Elle avait tenté d'oublier sa courte enfance en Atlantide pour éviter de devenir folle. Elle ne pouvait concevoir qu'elle était restée endormie pendant pratiquement 2500 ans elle ne pouvait croire que sa sœur était morte d'une balle dans la tête, et ce deux ans seulement après être sortie de son sommeil millénaire elle ne pouvait imaginer la Cité engloutie par les eaux elle ne pouvait admettre tous ces brusques caprices du destin… Enfin, elle n'arrivait pas à faire la somme de tout ce qui lui était arrivé ces derniers jours.
Miss Munroe lui rendant visite. Mr Summers à qui elle avait donné un message de désespoir. Le premier bal «new-yorkais» des Turner. Mr Logan et ses griffes d'acier. La fuite sur le toit, le cèdre. Ces hommes-robots insensibles. Et Janus…
Comment ai-je pu l'oublier, celui-là ?
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La brume du petit matin enveloppa l'île de Kérkyra [=Corfou, cf prologue : ça va ? vous suivez ?]. Les pouvoirs de Procellus sur les vents avaient conduit très rapidement à l'abri le navire et ses occupants. Les derniers immigrants ayant fuit Atlantide.
Janus se réveilla lentement, balancé dans son hamac par le léger remous des vagues contre le bateau. A sa gauche, Argenteus dormait toujours, la petite Onyx [vous vous rappelez qui sait, j'espère !] dans ses bras. Janus sentait l'Atlante nerveux, en proie à des cauchemars désagréables. D'une main, il lui toucha le front. Ses yeux prenant un éclat doré, il enleva de l'esprit de son ami le cafard et la tristesse qui le rongeait. Avec soulagement, il vit qu'Argenteus respirait plus doucement. Se redressant, il s'aperçut que la petite Sententia l'observait depuis le coin où elle avait dormi.
«Salve ! lui dit-il [=bonjour !].
- Ma sœur m'a dit de te dire, quand tu te réveillerais, qu'elle est sur le pont.»
Enjambant les corps endormis, Janus rejoignit donc Facetia à l'air libre. La jeune femme lui sauta aussitôt au cou en sanglotant.
«Ils sont morts !! Ils sont tous morts !!»
Elle avait pratiquement hurlé ces mots. Ne voulant pas que tout le monde se réveille dans la panique en l'entendant, Janus chercha à la calmer, en la rassurant de son mieux, chuchotant à son oreille des paroles réconfortantes.
«Je voulais savoir comment aller Père et Mère, continuait-elle. Alors je me suis concentrée, j'ai fixé mes pensées sur eux, mais je ne les ai pas trouvés !! A la place, j'ai vu un monstrueux raz-de-marée qui passait au-dessus des maisons !! Les gens étaient tous morts, massacrés dans les rues !!
- Facetia ! Facetia !»
Janus mit une main sur le front de la jeune Atlante pour lui enlever ces images d'horreur. Comme pour Argenteus, ses yeux devinrent dorés. Mais, il reçut d'un seul coup les visions noires de Facetia : elles s'imposèrent à son esprit, l'engloutirent comme Atlantide sous les eaux ! Submergé par l'épouvante et la répulsion, il hurla…
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Janis, debout, se tenait le menton d'une main. Perdu dans ses pensées funestes, il regardait par la fenêtre la base stratégique militaire, qui s'étendait à ses pieds. Le gigantisme du site rendait caduc son soi-disant caractère secret. Cependant, c'était ici qu'étaient effectuées toutes les plus grandes recherches et expériences officieuses du pays. Le projet «Mutati in pejus» en faisait parti. Et c'était Janis lui-même qui l'avait déclench
Quelqu'un frappa à la porte. Janis se retourna. Il s'agissait d'un scientifique.
«Alors ? Comment va-t-elle ?
- Bien, Mr Janis. Son organisme a peu souffert des quelques expériences que nous avions faites jusque là. Cela en est même stupéfiant !
- A part ça, vous avez vérifi
- Oui, monsieur ! Le fœtus a lui aussi peu souffert ! La mutante Sententia et son enfant se portent à merveille…»
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Jeanne se passa la main sur la tête. Elle sursauta. On avait rasé ses cheveux. Elle aperçut alors quelque chose sur son avant-bras, un tatouage : M10. Elle étouffa un sanglot en se refermant sur elle-même, emmitouflée dans ses draps et sa poupée contre sa joue.
Je m'appelle Jeanne Blain rebaptisée Jean Turner, née Sententia. Je suis la fille d'aristocrates atlantes et la sœur de la belle Facetia. Mutante, Atlante. Mon numéro de série est M10. Mon passé est vieux de presque 2500 ans. Et je n'ai pas d'avenir.
