6 février 1978, base de l'USAF près de Miami.

Debout dès l'aube, Clark venait de finir une séance d'échauffement plutôt difficile. Ni lui ni le capitaine O'Neill ne l'avait trouvée si dure que ça, même le colonel en sortit en état de continuer, mais sur les trois majors, deux manquaient d'exercice au point de ne pas finir les 5 kilomètres de course. Pour y arriver, Clark avait dû s'entraîner quelques jours de plus qu'ils n'avaient, mais il n'était pas là pour faire de l'endurance avec ces hommes.

L'un des majors abandonna en rentrant à la base, dès que Clark eût fini son petit discours. Ce n'était pas son but principal, mais il pensait que la personne qu'il allait emmener devait avoir un minimum d'endurance et il le leur fit bien remarquer.

La place libérée, O'Neill put la prendre. C'était pour lui presque au-dessus de tout espoir, mais maintenant qu'il était de nouveau dans la course, il avait la volonté d'être le meilleur à tout prix. D'autant plus que la conversation qu'il avait eu avec Clark la veille lui avait redonné espoir. Mais il savait aussi que s'il avait tenu durant la course, c'est uniquement parce qu'il courait toujours plus que ce qui était prévu dans les entraînements. Il pensait que ceci lui permettrait d'avoir un poste dans une unité terrestre. D'après ce qu'il savait, ça allait bientôt être le cas.

Le reste de la journée se déroula beaucoup mieux pour tout le monde, Clark les obligeant sans cesse à être sur leur garde, les emmenant au-delà de la fatigue.

8 février 1978, Langley, USA.

Les rapports de Spillway était de plus en plus inquiétants. En tout cas, le juge Moore savait désormais que Clark et le pilote qui serait avec lui n'auraient pas trop à craindre de se faire détecter. Il n'avait même pas eu le rapport du porte-avions disant que quelque chose s'était approché de lui. Ça en disait long sur l'importance de son rapport pour le haut commandement militaire. Pourtant, Lénine 1 avait réussi ce qu'aucun n'avion soviétique n'avait jamais fait : s'approcher d'un porte-avions à portée de tir sans être détecté. C'en était presque effrayant. Il appela Ritter sur le réseau de téléphone interne.

- - Ritter, vous avez l'autorisation pour commencer formateur. Je veux que Clark et son coéquipier embarquent pour l'URSS ce soir au plus tard.

- - je vais prévenir Clark, il aurait du avoir un jour de plus…

- - Cette mission est passée prioritaire, vous avez lu le rapport de Spillway ?

- - Oui monsieur. Je le préviens.

8 février 1978, base de l'USAF près de Miami.

Les choses avaient encore changé en quelques jours. Le colonel s'était foulé la cheville et la femme d'un major avait accouché. Les deux étaient désormais hors course. Restaient donc le major Sunders et le capitaine O'Neill. Sunders avait rattrapé sans trop de problème le niveau de Clark. Au niveau du pilotage, chacun des deux hommes avait à peu près le même niveau.

Clark aimait bien son rôle de chef. Il n'avait jamais vraiment fait ça avant, et il savait qu'il n'était pas près de recommencer. Sa place n'était due qu'au fait que l'opération avait été montée trop vite et il le savait.

Le fax de Ritter était on ne peut plus clair : formateur en route, départ ce soir.

Cette journée en moins posait beaucoup de problèmes. Il était près de midi et la matinée avait été fatigante, même pour lui. Il comptait se reposer le lendemain, partir dans l'état de fatigue où il se trouvait était presque du suicide.

Il appela O'Neill et Sunders dans un bureau.

- - L'opération a été avancée. Le départ est ce soir, alors je vais changer ce qui a été prévu. Vous vous doutez bien que ce que je vais vous dire est classé top secret et que vous allez devoir vous empresser de tout oublier dès que ce sera fini.

Les deux hommes lui firent signe qu'ils avaient compris.

- - Peu importe comment, les Soviétiques ont mis au point un avion qui a des années d'avance sur tout ce qui se fait dans tous les domaines, et il nous le faut. Il est dans une base au nord de Moscou. Nous allons nous faire parachuter à 5 Km au nord de la base, qu'on rejoindra à pieds. On aura toute la journée pour y arriver, mais il ne faudra pas se faire remarquer. Dès que la nuit sera tombée, l'un de vous se mettra aux commandes de l'avion, et on le ramènera ici. Là encore il ne faudra en aucun cas se faire voir ou détecter par qui que ce soit, ami ou non. Nous savons que l'avion est à deux places, mais pour une raison que l'on ignore, il est toujours piloté par une seule personne. Des questions ?

Comme il n'avait pas l'air d'y en avoir, Clark leur laissa leur après-midi de libre pour réfléchir et se reposer. Le départ avait lieu à 20 heures, il les voulait dans ce bureau trois heures plutôt.

O'Neill ne savait pas très bien à quoi s'attendre, mais ce qu'il venait d'entendre dépassait tout ce qu'il avait imaginé.

A l'heure du rendez-vous, O'Neill se rendit dans le bureau. Il avait eu le temps de dormir un peu, ce qui n'avait pas été très dur étant donné sont état de fatigue. Clark était là, il le regardait. Ses yeux durent le trahir, ou peut être autre chose qu'il ignorait, mais avant qu'il ait pu dire ce qu'il comptait faire, Clark prit la parole.

- - Bonne décision. Je me doutais que tu ne renoncerais pas.

- - Et Sunders ?

- - Il est venu il y a une demi-heure. Sa femme est enceinte de leur troisième enfant. Il ne veut plus jouer avec sa vie comme autrefois.

- - Alors c'est pour nous deux.

- - On dirait bien. Écoute, j'ai lu ton dossier. Quand on sera là-bas c'est moi qui déciderai, que ça te plaise ou non. Les soviétiques ne plaisantent pas avec les espions, surtout ceux qui veulent voler leur meilleur avion de combat.

- - J'ai une question.

- - Vas-y !

- - Vous parlez un peu le russe, parce que moi pas un mot.

- - Je le parle comme un natif de Leningrad.

- - C'est rassurant.

Clark passa les heures suivantes à expliquer la mission en détails, s'aidant des cartes et rapports qu'il avait sous la main.