10 février 1978, base aérienne de l'URSS, quelque part au nord de Moscou.

Trois soldats faisaient leur ronde habituelle autour du hangar de Lénine 1, puis continuèrent en direction des logements. Il ferait jour dans quelques heures et les soldats étaient complètement gelés. Tous pensaient très fort que dans quelques dizaines de minutes, ils auraient droit à un peu de vodka avant d'aller dormir mais ceci ne fit pas baisser les rafales de froids mordant leur chair. L'un d'eux irait se plaindre au général de la base dès sa ronde finie, lui demandant de couper en deux la garde de nuit. Ce ne serait pas la première fois, mais il espérait toujours être entendu.

Les trois hommes virent Chekov se diriger vers son appareil, et ouvrir le hangar. Lénine 1 allait aller prendre l'air aujourd'hui, peut être défier la puissance américaine.

Une journée comme une autre venait de commencer dans cette base.

Dans leur hélico, Clark et O'Neill se mirent debout et marchèrent jusqu'à la trappe de saut. Le commandant venait de leur faire signe que la zone d'atterrissage était à deux minutes de leur position.

Une minute…

Trente secondes…

O'Neill inspira un bon coup, ordonnant à son cœur de battre moins vite. Mais il savait qu'il était trop tard pour se détendre.

Clark regarda en bas, espérant qu'ils n'arriveraient pas trop loin du point initialement prévu.

Dix secondes, cinq, quatre, trois, deux, une…

Clark sauta le premier, presque immédiatement suivit du capitaine. L'hélico ne volait pas très haut et il disparut de la vision de Clark peu après que celui-ci ait ouvert son parachute. Clark atterrit dans une congère de plus d'un mètre de haut. Il se mit sur le dos pour pouvoir dégager ses jambes, puis chaussa ses raquettes. Au moins, il ne s'était rien cassé. O'Neill eu plus de chance, il atterrit au milieu d'un champ à quelques dizaine de mètres de Clark. Il chaussa lui aussi ses raquettes, et essaya de dissimuler comme il pouvait son gros parachute blanc. Les raquettes ne laissaient presque aucunes marques, et seul le gros trou dans la congère témoignerait de leur passage ici après leur départ.

Comme Clark le lui avait dit, O'Neill ne ressentait plus cette peur, cette appréhension qu'il avait encore quelques minutes plus tôt. Maintenant il était seulement excité, l'adrénaline coulant dans ses veines lui donnait une force et une volonté qui lui faisait oublier tout le reste.

Leur atterrissage s'était fait assez près de l'endroit prévu, et il ne leur fallut que quelques minutes pour le rejoindre, puis se diriger vers la base militaire. Clark avait été formel, pas de discussion inutile, alors O'Neill se contentait de le suivre en silence. Le temps lui paru long, et le jogging qui lui paraissait suffisant aux États-Unis ne le fut en fait pas. Ils marchaient depuis une heure, assez vite selon O'Neill, quand ils firent la première pose. Clark but, imité par le capitaine, puis dit à voix basse.

- Tout se passe bien. On a déjà fait plus de la moitié du chemin, on y sera avant la nuit je pense. Une fois là-bas, on aura peut être une à deux heures de surveillance puis ce sera la nuit et on pourra passer à l'action.

O'Neill lui fit signe qu'il avait compris. Et ils repartirent.

Le voyage continua sans problème encore quelques temps. Soudain, on entendit un bruit de moteur, d'avion selon O'Neill, arriver vers eux. Les deux hommes se mirent à plat ventre, devenant invisible dans la neige blanche. L'avion qui passa au-dessus d'eux ne faisait pas beaucoup de bruit par rapport à sa vitesse. Le tour était en métal blanc gris, plus clair que celui des avions soviétiques habituels, et en dessous se trouvaient deux espèces de bâtons d'une couleur assez particulière, dont seules les extrémités dépassaient. C'était le Lénine 1, ils le surent rien qu'en le voyant. Cette scène, qui ne dura qu'une seconde ou deux, parut être une éternité et les deux hommes comptèrent jusqu'à cent avant de se relever et de continuer leur marche.

Cet épisode avait redonné peur à O'Neill qui sentit qu'il avait eu chaud et qu'il lui faudrait être deux fois plus prudent. Il tendait l'oreille encore plus mais ne remarqua rien d'inhabituel jusqu'à ce que Clark lui fit signe de s'arrêter et de se baisser.

Devant lui il y avait une route. Un camion était sur le côté, entouré de soldats. Clark en compta six. Il les écouta, alors que O'Neill essayait de se rapprocher silencieusement. Clark lui fit de nouveau signe de ne pas bouger, et il se tourna vers lui et chuchota.

- Ils ont dérapé. Quelqu'un de la base va venir les chercher. Ils sont là pour rapporter à Moscou quelque chose pour l'analyser, mais je ne sais pas ce que c'est.

- Tu crois que ça a un rapport avec le Lénine 1 ?

- Oui, c'est sûr. Je ne vois pas ce qu'il y a d'autre qui pourrait les intéresser dans la base. Il va falloir se dépêcher.

- Et s'ils l'enlèvent avant qu'on l'ait voler ?

- Alors j'espère que c'est quelque chose qui ne nous empêchera ni de décoller, ni de voler, ni d'atterrir. En fait, il vaudrait mieux qu'ils n'enlèvent rien.

Clark se retourna, cherchant à écouter de nouveau les militaires. Un homme arriva et leur dit qu'un camion allait arriver pour les tirer de là bientôt. Quelques-uns grommelèrent, pour savoir quand serait le bientôt.

Clark fit signe à O'Neill qu'il était temps de repartir.

La base était maintenant en vue, et seule la route les séparait de l'enceinte fortifiée, gardée par des hommes armés. Un camion sortit, sûrement pour aider leurs amis en contrebas. Clark sortit une paire de jumelle et se mit à observer. Il les tendit à O'Neill, lui désignant la direction du Lénine 1 qui était en train de manœuvrer pour rentrer dans son hangar. O'Neill admira la technique du pilote qui réussit du premier coup à faire passer l'avion dans la petite ouverture du hangar.

La nuit tomba rapidement, mais le camion était déjà rentré dans la base, et la garde de nuit avait déjà pris son service. L'avantage, c'est que maintenant il y avait deux fois moins d'hommes qui patrouillaient, mais l'inconvénient c'est qu'il ne voyait plus rien. O'Neill se rendit compte qu'il avait du penser ceci à haute voix quand Clark le regarda et lui fit son sourire malicieux. Il sortit son arme, s'assura du silencieux et se dirigea telle une ombre vers la clôture. Maintenant la partie délicate de Formateur était en route, et Clark se sentait vraiment dans son élément. L'excitation était à son comble, et il se sentait redevenu ce chasseur indétectable qu'il avait longtemps été.