11 février 1978, base aérienne de l'URSS, quelque part au nord de Moscou.
O'Neill se sentait de plus en plus fatigué. L'excitation des premiers moments était passée, et les deux dernières heures avaient été d'autant plus longues qu'il n'avait rien eu à faire. Clark était allé voir la porte, puis il était revenu avec une drôle d'idée en tête. En tout cas, O'Neill avait été contre pour leur sécurité et pour celle de la mission mais Clark la trouvait marrante et il la mit quand même en chantier. Quand il revint, c'était déjà le lendemain. Plus d'une heure s'était écoulée et O'Neill commençait à se dire qu'il l'avait tout simplement oublié. En revenant, il fit un tour par la porte qui était toujours fermée, puis il plaça une charge d'explosifs sur un côté du bâtiment qu'on ne pouvait voir que de la forêt environnante, vide à cette heure de la nuit. D'après ce qu'O'Neill avait compris, il était allé placer des explosifs le long du grillage, en plusieurs endroits. Comme les soviétiques ne verraient pas l'explosion du bâtiment, ils se précipiteraient pour garder leur base et la porte, mais pas le trou grâce auquel ils comptaient entrer. Une fois à l'intérieur, il leur faudrait attendre que la méfiance des hommes soit tombée. Clark estimait pouvoir partir avec l'avion au petit matin, juste après le passage de la déneigeuse sur la piste d'envol.
Ce plan ne convenait toujours pas à O'Neill, même après réflexion, mais il laissa faire l'expert. Il se dit que dès qu'ils seraient en l'air, il montrerait lui aussi de quoi il est capable.
Clark et O'Neill se cachèrent du mieux qu'ils le purent, et attendirent l'explosion. Comme prévu, il y eut plusieurs détonations au niveau du grillage, semblables à des feux d'artifice unicolore dans cette nuit noire et silencieuse. O'Neill qui n'avait pensé à protéger ses yeux se trouva aveuglé pendant un moment, et aussi un peu étourdit par le bruit. Clark qui n'avait pas perdu le nord le fit bouger vers le hangar avant même que l'alarme de la base se mette en route. L'explosif du hangar avait été posé près du sol et était de faible puissance. S'amusant, autant que les circonstances le permettaient, Clark s'assura qu'aucun bout de tôle n'avait volé et passa dans le hangar, immédiatement suivit par O'Neill. Le hangar était suffisamment grand pour abriter un avion de ligne, si les circonstances le demandaient. Ici, il n'y avait que le Lénine 1 posant au centre de la pièce. Le long du mur du fond se trouvaient de grandes caisses en bois fermées. Après avoir embrassé une première fois la pièce et l'avoir estimée sans danger, Clark essaya de remettre à leur place les morceaux de tôle pliés à cause de l'explosion. Son travail achevé, il estima que le petit trou restant ne serait pas visible de l'extérieur tant qu'il ferait nuit à moins de vraiment le chercher, ce que les soldats ne feraient pas. Pour eux, seul la clôture avait été touchée, sinon, ils auraient déjà investi le hangar. Mais si jamais l'un d'eux rentrait pour une visite de routine, la marque de l'explosif était bien trop visible de l'intérieur.
En regardant mieux la salle, il vit le camion qui avait dérapé de l'autre côté de l'avion, et une caisse en bois qui visiblement avait volé à cause du souffle mais qui heureusement n'était pas cassée. S'en approchant, Clark en déduisit qu'elle irait très bien devant le trou et les tôles noircies par l'explosif. Elle était assez légère pour sa taille et Clark en conclut qu'elle était vide.
O'Neill, qui avait été un peu déboussolé par l'explosion, semblait aller de mieux en mieux. Il s'était approché du Lénine 1 et semblait l'observer, sans encore y toucher. En regardant son coéquipier, Clark se dit que si cet homme était un jour formé pour, il deviendrait un excellent homme de terrain. Il avait un flair pour ses choses là, depuis qu'il avait été lui-même dans l'armée.
O'Neill revint vers lui, et lui dit :
- On attend maintenant ?
- Oui, y'a que ça à faire.
- Mais s'ils rentrent, faudrait pas essayer de se cacher ?
- Oui, on pourrait. Mais je voudrait faire encore quelques vérifications.
Ce que O'Neill n'avait pas compris, c'est que Clark venait de quitter son statut de soldat surentraîné pour redevenir un agent de renseignement. Il alla vers l'avion, et l'examina un peu, puis il se dirigea vers le camion. A l'intérieur on pouvait voir une caisse en métal, celle-ci plus grande que les autres, mais aussi beaucoup plus fine. Un deuxième était à terre, ouverte. Clark en déduisit qu'elle était destinée à recevoir les longs bâtons qui étaient sur le coté de l'appareil. En effet, l'un des deux manquait à l'appel, et Clark le devina dans la boite fermée. Ceci n'était pas très gênant, un des deux suffirait mais il aurait quand même préféré ramener tout l'engin. A la place, on avait placer un missile air-sol. Clark ne pensait pas qu'ils voulaient attaquer les Etats-Unis avec, pas encore en tout cas. Il était peut-être prévu pour un entraînement. Mais le missile était réel, alors que ceux des entraînements ne sont en général pas chargés. Encore une question sans réponse pensa-t-il alors qu'il se dirigeait vers les caisses en bois contenant les autres missiles. Mais un bruit à l'extérieur le fit changer d'avis : on essayait d'entrer.
Il courut jusqu'au camion, dans lequel Clark avait déjà commencé à monter. Avant de s'y hisser lui-même, il balaya la pièce du regard, s'assurant qu'il n'avait rien laissé traîner.
Le colonel Chekov détestait par-dessus tout être réveillé au beau milieu de la nuit, et encore plus devoir se lever. En temps normal, il laissait les soldats s'occuper de l'alerte, et il essayait de se rendormir, même si c'était presque vain. Mais là, il fut par réveillé par une série d'explosions qui le firent bondir de son lit, et s'habiller en quatrième vitesse. En descendant, il rencontra le général qui paraissait aussi réveillé que lui. A peine sorti du bâtiment qui leur servait de dortoir, le général alla vers la clôture, alors que Chekov voulu se diriger vers son appareil. Mais un soldat arriva avant qu'il ne parvienne au hangar, porteur d'un message du général qui voulait le voir. Une rapide vérification des deux côtés les plus exposés ne lui montrèrent rien du tout, alors il suivit le soldat. Il ne revint que bien plus tard en compagnie du général vérifier l'état de son appareil. Dès qu'il entra dans le hangar, il jeta un rapide coup d'œil sur l'ensemble de la pièce et ne vit rien d'inhabituel. Il fit un petit tour, en baillant et il regagna son lit. Si le général l'avait laissé faire dès le début, il aurait sans doute tout inspecté, mais là, il était presque deux heures du matin et il était debout depuis plus d'une demi-heure, beaucoup trop selon lui. Ni le général ni ses hommes ne trouvèrent quoi que ce soit, mais la garde fut doublée pour le reste de la nuit.
Dans le hangar, Clark poussa un soupir quand l'homme partit. Il regarda O'Neill et lui dit qu'il pouvait dormir un peu s'il le souhaitait. Il était maintenant debout depuis plus longtemps et le stress accompagné de leur longue marche était très fatigant pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude des missions de ce genre. Clark aurait bien dormi un peu aussi, mais il fallait que quelqu'un monte la garde, et c'est O'Neill qui piloterait l'avion, pas lui. En plus, il connaissait ses limites, et elles étaient encore loin de lui.
