A quatre heures et demi, Clark réveilla O'Neill qui n'avait pas trop ronflé. Il hésitait encore à mettre le nez dehors, mais il était sûr que la garde n'avait pas changé, que les hommes étaient fatigués et que la déneigeuse venait de commencer son travail. Il laissa un peu de temps au pilote pour émerger, puis ils mangèrent et burent une sorte de café froid. Bien qu'absolument dégoûtant, le breuvage lui redonna la pêche. Il se dirigèrent ensuite vers le Lénine 1 que Clark avait passé la nuit à étudier. O'Neill s'installa aux commandes et il essaya de deviner à quoi chacun des boutons servait selon ce que Clark lui traduisait du russe, et ce qu'il savait des avions soviétiques. Quand la déneigeuse stoppa son travail, O'Neill s'estima près à décoller. Le problème était que tout aussi fatigué que pouvaient être les soldats, ils étaient là. Le colonel Chekov leur apporta sans le vouloir une solution en entrant dans le hangar. L'ayant entendu venir, O'Neill s'était caché dans le cockpit, et Clark près de la porte d'entré. Chekov entra seul, et dès que la porte fut fermée, il sentit une arme sur sa nuque. Clark lui parla en russe :

- Qui êtes vous ?

- Colonel Chekov, cet appareil est à moi !

- Maintenant il est à nous.

- Et vous êtes qui ?

C'était la question que Clark attendait. En lui répondant quelque chose de faux, il mettrait les Soviétiques sur une fausse piste pour quelques temps. Prenant son temps, il lui répondit :

- L'armée de libération de l'Ukraine. Cet avion serait une monnaie d'échange contre notre liberté.

Les Ukrainiens n'avaient pas d'armée de libération, mais tant que le KGB regardait ailleurs, eux pouvaient faire ce qu'il voulait.

- Je n'ai rien contre toi Chekov, et si tu me donnes le nom de code de ton appareil pour avoir l'autorisation de décoller, je ne te tuerais pas.

Le colonel dut sentir qu'il disait vrai car il le lui donna sans faire de problème. Clark l'assomma et la mit dans le camion. Il n'avait rien pour l'attacher mais il espérait que cela suffirait. Il retira ses vêtements de camouflage puis s'installa sur le siège du fond de Lénine 1. O'Neill mit le moteur en route alors que des soldats arrivaient pour ouvrir les portes du hangar. O'Neill calma sa respiration et laissa l'appareil avancer.

Les soldats regardaient l'appareil sortir du hangar. Clark doutait qu'ils puissent voir le pilote, et même si c'était le cas, O'Neill avait un casque qui le rendait moins facilement visible. Comme il n'y avait qu'un seul casque dans l'appareil, Clark n'en avait pas. Il était tapis au fond de son siège, espérant ne pas être vu par les spectateurs. Quand le Lénine 1 fut au départ de la piste, Clark se releva, et s'attacha à son siège. Une voix parla dans le casque, qu'O'Neill passa à Clark. Quelqu'un à la tour demandait le code d'identification. Ayant entendu Chekov parler, il savait qu'il avait une voix plus grave que la sienne. Il répondit comme il put, en essayant d'imiter le vrai pilote de l'avion. Une voix lui demanda d'attendre, puis l'alarme de la base se mit en route. Clark cria à O'Neill de décoller.

Ce qu'aucun des deux hommes ne savait, c'est que le code donné par Chekov n'était pas le vrai. Le général lui avait donné deux codes d'identification, un réel et un autre qu'il pourrait donner à des voleurs qui en voudraient à son appareil. Clark n'avait pas pensé à ça sur le coup, mais plus tard, il s'en voudrait de ne pas l'avoir un peu plus menacé. En tout cas, pour le moment, Clark et O'Neill se trouvaient dans un avion de combat soviétique, dans une de leur base en train de décoller.

L'avion était en train de prendre de la vitesse, quand un énorme char apparut au milieu de la piste. Le but était sûrement d'obliger les voleurs à s'arrêter ou à s'écraser. Pour O'Neill, aucune des deux solutions n'était acceptable, alors il commença à lever le nez de l'appareil, espérant prendre assez de vitesse et de hauteur pour ne pas toucher le char. Cramponné à son siège, Clark se sentait inquiet pour sa sécurité et sa vie depuis qu'il avait vu l'énorme char devant lui. Il espéra très fort avoir fait le bon choix en ce qui concerne le pilote. D'après ce qu'il put voir, le Lénine 1 passa à quelques mètre au-dessus de l'obstacle et il continua de monter vers le ciel. En regardant en contre-bas, Clark vit quatre chasseurs qui arrivaient sur la piste, attendant que le char bouge. Ils n'étaient pas encore sortis d'affaire.

O'Neill repassa au-dessus de la base pour prendre la direction de Miami, et vit lui aussi les chasseurs s'apprêtant à décoller. Il chercha des yeux la commande pour activer l'arme de l'avion. La communication n'était pas facile, mais O'Neill réussit à faire comprendre à Clark que c'est lui qui devrait s'occuper de l'armement. Clark sentait que son premier voyage serait mémorable s'il réussissait à rentrer chez lui, chose qu'il espérait beaucoup car, contrairement à O'Neill, il avait une femme et une fille qui l'attendaient.

Le premier chasseur avait fini de décoller et le second s'engageait sur la piste. O'Neill poussa le Lénine 1 pour s'éloigner de la base. On va voir ce que tu as dans le ventre, se dit-il alors qu'il cherchait un endroit où s'abriter. Son appareil avait un radar qui lui permettait de voir les autres chasseurs dans les airs, mais cela signifiait que les autres le voyaient aussi.

Les quatre chasseurs étaient maintenant en l'air, en formation de combat et ils se rapprochaient du Lénine 1. O'Neill était conscient de ne pas utiliser toute la puissance de son appareil, mais il voulait se faire rattraper juste pour tester la manoeuvrabilité de l'avion. Le premier des chasseur lui envoya un missile, bientôt suivit par deux autres. Il ne fit rien pendant quelques secondes, regrettant de ne pas pouvoir voir la tête de Clark. Au dernier moment, il descendit en décrochant sur le côté, manœuvre habituelle. Le premier missile explosa en l'air mais les deux autres l'avaient suivit.

O'Neill releva le nez de son appareil afin de remonter au-dessus des nuages, utilisant cette fois-ci toute la puissance disponible. Derrière lui, Clark s'accrocha à son siège, décidant une bonne fois pour toute de ne plus jamais monter voler avec O'Neill. Il n'avait jamais été malade en avion, mais là, c'était du jamais vu. O'Neill contrôlait le Lénine 1 comme s'il l'avait toujours eu entre les mains, et il prenait une assurance qui parfois faisait peur à Clark qui n'aimait pas trop confier sa vie à n'importe qui. En tout cas, il avait réussi son coup en se débarrassant des missiles et en se plaçant en une seule manoeuvre derrière les chasseurs soviétiques. Clark arma le système de tir, et ouvrit le feu sur l'avion le plus proche d'eux. Le premier tir était trop à droite, il rectifia et recommença, touchant cette fois-ci une aile. Le chasseur était fichu, et il alla s'écraser. Le pilote s'éjecta, mais il ne représentait plus une menace pour eux.

Les trois autres réagirent en s'écartant pour essayer de reprendre leur place de chasseur. O'Neill les laissa faire, au début seulement. En se replaçant, un deuxième appareil vint à porter de tir. Cette fois, Clark fit mouche du premier coup et le chasseur explosa en l'air. Les deux autres relancèrent des missiles pour tenter d'abattre de Lénine 1. Cette fois, O'Neill choisit de mettre toute la puissance pour les semer à la course. Bien qu'il eut aimé continuer ce petit jeu, il fallait qu'il pense avant tout à ramener l'avion à destination. Il espéra fort qu'une fois chez lui, on le laisserait le piloter encore un peu.