— 𝐍𝐎𝐏𝐏𝐄𝐑𝐀-𝐁𝐎 —
𝑱𝒆𝒂𝒏 𝒂𝒏𝒅 𝑨𝒄𝒆
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𝐀 𝐒𝐚𝐝 𝐋𝐨𝐯𝐞 𝐒𝐭𝐨𝐫𝐲
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L'immense navire fend les flots déchaînés, son pavillon noir claquant dans la tourmente. De lourds nuages noirs ont depuis longtemps remplacé l'éclat rassurant des étoiles et des trombes d'eau glaciale se mélangent au fracas de la houle, balayant le pont du vaisseau. Malgré la mer démontée, l'équipage est en pleine effervescence, pendu dans les cordages à replier les voiles ou à stabiliser les gigantesques mâts pour éviter la catastrophe. Partout, des hommes, trempés jusqu'aux os, déambulent au pas de course suivant les ordres braillés à travers les grondements de l'orage. Une nuit de plus sur les mers du nouveau monde.
Profitant du chahut provoqué par la tempête, une minuscule embarcation, à peine assez grande pour accueillir un homme, file à vive allure malgré l'océan déchaîné. Échappant au contrôle de la vigie, trop occupée à se cramponner pour pouvoir réellement surveiller, la chaloupe s'arrime sans mal à la coque du trois-mâts laissant à son occupant tout le loisir d'escalader jusqu'au bastingage.
Passant une tête attentive par-dessus le garde-corps, la silhouette encapuchonnée patiente tranquillement jusqu'à une ouverture qui lui permettra de grimper à bord en toute discrétion. Ouverture qui se présente quelques minutes plus tard en la présence d'un malheureux, passé par-dessus bord de l'autre côté du navire. L'attention de tous les matelots étant portée vers leur camarade à la dérive, la silhouette profite de l'inattention générale et glisse, aussi rapide et tranchante qu'une bourrasque jusqu'à se faufiler dans les couloirs de l'insubmersible.
De là, elle n'a qu'à se laisser guider, suivant, presque trop facilement, les écriteaux et autres indications jusqu'à sa destination finale. Ils sont inconscients ces marins à laisser ainsi les informations placardées aux murs, persuadés que nul ne parviendra jusqu'ici. C'est leur excès de confiance qui les perd ce soir alors que la silhouette poursuit sa route dans les couloirs presque vides, se fondant dans les ombres pour éviter toute rencontre non désirée.
Elle est presque déçue, c'est si facile que ça en devient gênant. Pas qu'elle se soit attendue à quelque chose d'insurmontable, mais juste un peu plus palpitant. Elle se laisse même aller à afficher une moue ennuyée alors qu'un autre matelot passe devant elle sans la voir. À croire que les rumeurs sur la puissance de cet équipage sont exagérées, elle devra en toucher un mot à ses informateurs.
À présent, elle est presque arrivée à destination, plus que quelques couloirs et elle aura ce qu'elle est venue chercher. Pas plus d'une ou deux intersections avant que les choses sérieuses ne commencent vraiment.
Soudain, elle se fige, les sens en alerte. Quelqu'un arrive. Quelqu'un de puissant. L'ennui s'efface sur ses lèvres au profit d'un sourire carnassier. Enfin, quelque chose d'intéressant. Plaquée dans le renfoncement d'un mur, elle se concentre et réduit progressivement le rythme de sa respiration jusqu'à la rendre parfaitement inaudible. Puis, elle canalise son aura, la malaxe juste assez pour parvenir à la dissimuler aux yeux d'un utilisateur de haki. La présence est proche, mais il ne devrait pas y avoir de contact, il se dirige vers le pont principal, à l'opposé de l'endroit où elle se trouve, elle en est presque frustrée. Sans avoir rien remarqué, la présence intimidante s'éloigne jusqu'à être hors de portée et la silhouette laisse échapper un soupire satisfait, plus rien ne la sépare de sa cible.
Poussant sans un bruit le lourd battant d'une immense porte de bois, la petite ombre se faufile à l'intérieur d'une pièce plongée dans l'obscurité la plus totale. Le temps que ses yeux ne s'habituent à la noirceur ambiante, elle abaisse son capuchon révélant une couronne de cheveux blonds disséminés autour d'une frimousse enfantine.
D'un pas léger, la jeune fille s'avance de quelques enjambées avant de s'immobiliser tendue comme un arc, les deux mains en l'air en signe de reddition, mais un sourire canaille pendu aux lèvres. Juste sous son nez, éraflant doucement la peau tendre de son cou, Murakumogiri, l'immense bisento de l'homme le plus fort du monde n'attend qu'un geste de son maître pour envoyer la jeune intruse rejoindre Davy Jones.
La lumière vacillante d'une lampe à huile éclaire soudain d'une flamme tremblante la chambre de l'empereur et les deux se font face dans un calme apparent, uniquement détrompé par la crispation du sourire de l'inconnue.
D'un regard lassé par l'habitude, l'homme le plus fort du monde avise la jeune imprudente qui a osé s'introduire à bord de son navire. Depuis toujours, nombreux sont les aventuriers, ou les fous, à tenter de s'introduire sur le Moby Dick pour des motifs plus ou moins valables, cette gamine trop sûre d'elle n'est que la dernière d'une longue liste. Cependant, rares sont ceux à être parvenus jusqu'à la cabine de l'empereur. Rien que pour cela, le vieil homme consent mentalement à lui laisser une petite chance avant de la jeter par-dessus bord.
- Parle morveuse. Que fais-tu ici ? Soupire-t-il.
Loin d'être intimidée, le sourire de la jeune fille s'agrandit encore un peu et le pirate à la soudaine impression d'être tombé dans un drôle de piège. Inconsciemment, ses sourcils se rehaussent juste ce qu'il faut pour témoigner de son intérêt croissant.
À présent certaine de son effet, la mine de l'inconnue prend un air plus assuré et elle fait un grand pas en arrière avant d'exécuter une parfaite courbette, abaissant un chapeau imaginaire dans une pose digne des plus grands acteurs sous l'œil vaguement amusé du Yonko et se redresser, sûre d'elle :
- Bien sûr cher client ! Je suis venue vous faire une offre que vous ne pourrez pas refuser !
