Note de l'auteur :

Heyyyyyyyyy !!!!!! une update !!! je sais, je sais… je suis confuse, désolée, je me repentis, je me proclame coupable pour vous avoir fait attendre aussi longtemps… -- '

Mais j'avais des circonstances atténuantes : le BAC !! (ça c'était surtout pour les derniers mois… sinon avant je bossais sur d'autres fics, c pas des blagues )

Mais maintenant c'est (enfin) passé donc à moi la libert !! hihihi… j'ai toutes les vacances devant moi (bon, je vais sûrement partir quelques semaines chez une copine et puis travailler… mais ça sera quand même pas pareil que si j'allais encore en cours !) et je vais essayer d'écrire plus surtout que là j'en ai trop envie !

Sinon, qq mots sur ce nouveau chapitre… et bien, je le trouve très innovateur moa… bon, vous allez me dire que ça ne veut rien dire, ms si si ! vous comprendez en lisant. En fait, le truc, c que j'ai décidé de parler pas mal de la vie de château sur Gaïa (dans la série, cet aspect n'était pas beaucoup décrit, on ne voyait jamais Hitomi participer à un bal par exemple, mais moi je vois pas pourquoi ça n'arriverait pas donc Misao va être servie héhé!) surtout pour l'instant, étant donné que Misao vient juste d'arriver. J'ai essayé de faire en sorte que ce que je raconte soit assez crédible, mais ce n'était pas facile car je ne connais pas précisément le mode de vie des gens à cette époque-là (je considère que la vie de château sur Gaïa correspond un peu sur Terre à nos anciennes époques). J'ai donc écrit des trucs en espérant ne pas faire trop d'erreurs

Ce chapitre est aussi encore ce qu'on peut appeler un chapitre « intermédiaire », c'est à dire que même si je suis pressée d'arriver plus loin, il me fallait décrire un peu la nouvelle vie de Misao donc même si j'essaie petit à petit d'introduire l'intrigue, on n'y est pas encore mais ça va arriver !

Et maintenant, mes petites réponses aux reviews (MERCI A TOUS ET A TOUTES !!!) :

Thatoom : en effet, il serait temps que Misao et Kyo se mettent ensemble !! malheureusement, ils vont avoir encore bcp d'obstacles à affronter… (que ce soit à cause de leurs propres caractères qui les empêchent de s'avouer leurs sentiments les povres petiots… lol ms aussi ensuite, avec la guerre…). Le ptit bisou sera ds le prochain chapitre ! ce sera même sûrement plus qu'un petit bisou si tu veux mon avis

Amy Evans : tu es triste parce que Kyo ne semble s'intéresser à Misao qu'à cause du trône ?? je vois ce que tu veux dire ms attention, ce qu'il faut se rappeler, c'est que Kyo est très fier et n'envisage pas sérieusement pouvoir tomber amoureux de Misao… il préfère donc se persuader qu'il ne l'apprécie que parce qu'elle lui est utile… (d'ailleurs plus tard, cela peut devenir intéressant car donner lieu à une situation comme ds l'anime, c'est à dire quand Hitomi reproche à Van de vouloir se servir d'elle à cause de son pouvoir) ms de là à savoir si c'est la vérité tout au fond de lui… héhéh ! tu verras bien comment Kyo évoluera au fil des chapitres, s'il mettra de côté sa fierté et se rapprochera de Misao, ou si au contraire ils vont se séparer de plus en plus… je te fais peur là, nan ?? lol Mais t'en fais pas ! Après tout, c'est une fic Romance, donc ça veut tout dire, nan ?

Shina : Alala… l'éternelle question ! Quand Kyo et Misao finiront-ils ensemble ? Sachant que la guerre n'est même pas commencée, pas tt de suite en tout cas ! Ben c'est vrai, ds l'anime, Hitomi et Van ne finissent ensemble qu'à la fin, pour faire durer le suspense, non ? C'est pas marrant si dès le début, ils sont déjà ensemble ! Mais t'inkiete, ce n'est pas parce que je ne les mets pas tt de suite ensemble qu'il ne se passera rien entre eux ! L'un n'empêche pas l'autre héh

Alisa Adams : Une fan d'Aki ! chuis super contente que tu l'aimes, le ptit bout de chou ! moi aussi je l'adore, ils sont trop mignons à cet âge-l ! en plus, au début, ce petit perso ainsi que les autres enfants ne devaient pas exister, ils sont venus comme ça tt d'un coup pendant que j'écrivais le chapitre… et finalement je suis bien contente qu'ils soient l ! En tt cas, mici bcp bcp BCP !! je t'adore Ali !!!!

Lyla-chan : wow ! ca c de la review!! J'ai été super touchée merciiiii !!! j'espere ke cette suite te fera autant plaisir et ke tu seras tjrs aussi enthousiaste !! toi aussi tu veux les caser Misao et Kyo ?? tt ce que je peux dire pour l'instant, est que s'ils ne sont pas ensemble, ça ne les empêche pas de se tourner autour !

Laurianne : salut !! c vrai, il ne se passait pas tellement grand chose ds le dernier chapitre (et celui-là non plus j'en ai bien l'impression… TT) ms bon, je suis obligée de présenter les choses pour amener l'intrigue alors ces passages sont bien obligatoires ! en tt cas, il s'agit kan meme d'un long chapitre où les choses évoluent mine de rien, et j'espere ke tu aimeras !!

Ilithye : oui je suis cruelle ! mwahahahaa… il y a qq scenes entre misao et kyo ds ce chapitre, ms c ds l'autre kil y en aura encore plus ! donc j'espere ke ca te satisfera ! argh ! je c pas koi dire, tu me flattes trop ! rougi michi bcp !! au fait, je compte lire ta fic sur les anges pendant ces vacances vu ke g du temps devant moi ! j'espere kil y aura des choupis comme Lilian…

Lamagic : prévois une éponge pour ce chapitre il est encore plus long ke l'autre lol Par contre pardonne-moi !! j'ai peur d'avoir la mort de ta souris sur la conscience… Oo ben c vrai là l'attente aura été pire ke longue et dis-moi si ta souris y a survécu je DOIS savoir !!! en ttk, merci pour tt et bonne lecture !!

Seelio : je crains de te stresser encore plus avec la romance entre Kyo et Misao paskil risk d'y avoir des hauts et des bas !! ben voui, ct vrai ke il y a de koi devenir nerveux avec tt ça ms bon… c'est comme ça ke je les aime mes petits persos : tout torturés par leurs sentiments ! merci pour tt tes compliments, c tres gentil et ca me booste pour continuer

Marie : oui, Misao aura bien sûr des visions étant donné qu'elle est la nièce d'Hitomi et puis surtt, on le voit ds le chapitre 3 lorsqu'elle a vu Kyo et Hetan en vision. Nos 2 tourteraux vont-ils enfin s'avouer leur amour ?? hmm…hmm… affaire à suivre… lol En tt cas merci énormément et j'espere ke tu aimeras ce chapitre !!

Kiana1 : thank you ! ta review m'a fait tres plaisir et ca m'encourage pour la suite!

Naya : on ne pourra pas dire ke j'ai été rapide, ms j'ai qq excuses… petits yeux doux la voici la suite en esperant kelle sera à ton goût !

Emy : ma première revieweuse de cette fic!! ca fait trop plaisir de te vois tjrs au rendez-vous !!! merci d'etre là et de me soutenir ! merciii !!!

Bertrand kevin : alors, merci d'abord pour tt tes conseils notamment pour harry potter où ca va bien me servir ! j'espere que tu apprécieras ce chapitre et que tu ne m'en voudras pas trop de t'avoir fait attendre ! a quand la publication de TA fic ?

SunCet : oui oui oui ! pas de pb, la suite arrivera et ce jusqu'à la toute fin !! toi ki a passé le bac, peut etre m'excuseras-tu plus facilement du retard, hein, dis, dis ??? lol La relation entre Kyo et Misao ne va pas cesser d'évoluer, et c ds le prochain chapitre ke ca va chauffer vraiment !! sinon, j'espere tjrs ke tu aimeras celui-ci ! et merde pour les résultats de ton bac le 2 juillet…

Bruno/hibiki : hey ! salut ptit frere! Ben keske tu fais là toa? Lol bienvenue et merci ca me fait tt bizarre de te parler là…

Blue helios : oui, les mechants commencent à arriver et à mettre au point un plan machiavélik ! hin hin… en effet, misao va souffrir, et elle ne sera pas la seule… ds ce chapitre, un autre petit passage (tres court encore) sur les mechants, histoire de ne pas trop en dévoiler… j'espere ke tu aimeras !!

Bon, j'arrete de parler maintenant, je dois etre pénible… mdr

D'autres infos en fin de chapitre !

D'ici là, bonne lecture !

ESCAFLOWNE : Nouvelle génération

Chapitre 9 : « Premières difficultés »

         Misao était intimidée. Jamais dans sa vie elle n'avait été l'objet de tant d'attention et de regards, et cet accueil plein de curiosité à son égard l'avait mise mal à l'aise. Surtout que tous ces gens pensaient pratiquement qu'elle était la petite amie de Kyo ! Avant de venir, elle savait qu'il lui faudrait mentir et assurer qu'elle était apparue à Kyo et à lui seul, mais se faire passer pour sa compagne n'avait jamais fait partie du plan. Pourtant, Kyo ne semblait pas s'en plaindre et elle aurait presque pu parier qu'il serait prêt à continuer ce petit jeu… Misao ne l'entendait pas de cette oreille. Il faudrait qu'elle remette les points sur les « i » rapidement avant que toute cette histoire ne dégénère. Il n'avait jamais été question d'amour entre Kyo et elle, après tout.

         Et pourtant… il y avait bien eu quelque chose, et elle le savait. Il était inutile de se mentir à elle-même. Quelque chose s'était bien passé entre elle et Kyo, mais elle ne savait pas comment le définir. Ils s'étaient embrassés, plus ardemment qu'elle n'aurait pu le penser, et ce seul fait prouvait que le stade de l'amitié avait été dépassé… mais maintenant ? Que devait-elle faire ? Continuer à faire comme s'il n'y avait jamais rien eu ? Comme s'ils n'avaient jamais été que de bons vieux amis ?

         Misao savait qu'elle serait capable d'agir ainsi. Après tout, c'est toujours comme cela qu'elle avait fonctionné auprès de tout le monde, même lorsqu'il s'était agi de garçons : être la bonne copine qui plaisantait avec chacun et sur qui on pouvait toujours compter.

         Malheureusement, si elle était bel et bien capable de faire abstraction du petit « incident » qui avait eu lieu sur un certain tapis, il n'en serait sûrement pas de même pour Kyo. Et c'était bien là où se situait le problème : Kyo était différent. Il n'était pas comme elle ni comme les garçons qu'elle avait déjà rencontrés auparavant. Lui, il était déterminé et savait ce qu'il voulait. Il était direct, un peu trop peut-être, et cela l'effrayait et l'intriguait à la fois. Il voulait plus. Il ne se contenterait pas de son amitié, cela, elle en était sûre. Bien sûr, si elle refusait catégoriquement d'aller plus loin, il ne l'obligerait pas, mais elle était certaine qu'il userait de toutes ses cartes avant de baisser les bras. Kyo était comme ça. Il voulait toujours tout obtenir de ce qu'il désirait.

Cet aspect égocentrique de la personnalité du jeune homme était un peu agaçant parfois, mais Misao ne pouvait s'empêcher de l'admirer et de l'envier un peu. Car elle, elle avait toujours eu du mal à prendre une décision, à faire des choix tout ça parce qu'elle craignait les conséquences de ses actes, et peut-être aussi parce qu'elle n'était pas aussi forte que ce que tout le monde pensait.

Misao soupira. Tout cela ne l'avançait guère. Tout ce qu'elle savait, c'est que Kyo n'était pas comme Shinji, qu'il n'avait pas sa patience ni sa compréhension, et qu'il demanderait à Misao une réponse claire et précise sur ses intentions les concernant. Cela allait donc être à elle, et à elle seule, de mettre un frein à leur relation, ou au contraire de précipiter les choses…

         Comme toujours lorsqu'elle ne savait pas quoi faire, la jeune fille décida de remettre la question à plus tard, et, chassant ses interrogations de son esprit, elle regarda avec attention la pièce dans laquelle elle se trouvait.

         Misao se tenait en effet à présent dans la chambre qu'on lui avait assignée sous les ordres de Kyo lui-même. Une fois qu'ils étaient entrés dans le château de Fanelia, le jeune homme avait fait en sorte qu'elle ne manque de rien en la confiant à des domestiques, tandis que lui était parti dans une autre direction étant donné qu'il avait des « choses à régler ».

         La chambre en question était superbe. Grand lit à baldaquin, meubles de bois anciens, rideaux en velours et balcon avec vue sur le royaume… La jeune fille n'aurait pu espérer mieux. Heureuse, Misao se laissa tomber sur son lit et s'étira langoureusement. Elle se demandait ce que pouvait bien faire Kyo en ce moment. Quelles genres de choses avaient bien pu le retenir ? Il devait sûrement être question de la réunion des ministres et puis, il devait aussi avoir envie de revoir ses amis… Une vague de nostalgie s'empara alors de la jeune fille qui pensa également à ses propres amis. Nozomi… Shinji… Je me demande si…

         Misao stoppa net ses réflexions. Mieux valait ne pas commencer à éprouver des regrets qui gâcheraient son aventure. Elle s'était promis d'être courageuse et de ne pas se laisser aller à la morosité et puis, elle n'avait qu'un mois à tenir, ce n'était pas la mort. D'autant plus qu'elle allait sûrement découvrir des tonnes de choses uniques et d'une valeur inestimable.

         Elle regarda sa montre, curieuse de savoir si l'heure ne s'était pas arrêtée. A son grand étonnement, elle fonctionnait toujours normalement, la trotteuse continuant d'égrener les secondes au fil du temps. La montre indiquait minuit. Misao regarda par la fenêtre et vit bien que le soir tombait, mais il ne faisait pas encore nuit. La jeune fille en déduit que l'heure sur Gaïa était en décalage de quelques heures avec celle sur Terre. Sa montre ne serait donc pas bien utile.

         Soudain, quelques coups frappèrent à la porte. Sursautant, Misao se retourna vivement et se retrouva face à une jeune domestique d'une vingtaine d'années en allant ouvrir la porte. La domestique se présenta comme étant la nouvelle femme de chambre de mademoiselle, et que si mademoiselle avait besoin de quoi que ce soit, elle n'aurait qu'à désormais faire appel à elle.

         Stupéfaite, Misao se prépara à refuser l'offre.

  « Vous savez, je n'ai vraiment pas besoin de femme de chambre. C'est très gentil à vous, mais je peux…

  Ce sont les ordres du jeune Maître, Mademoiselle.

  Et qui est ce charmant jeune homme ?

  Monsieur Kyo Fanel. »

         Misao esquissa un sourire. Elle aurait dû s'en douter. Le choix de la chambre venait aussi de lui. La jeune fille était ravie de constater que Kyo pouvait avoir d'aussi agréables attentions à son égard. Décidément, il ne cessait de l'étonner ces derniers temps.

  « Bon, puisque Kyo en a décidé ainsi… murmura Misao en ouvrant grand la porte de la chambre. De toute façon, je suppose que c'est votre travail habituel et en fait, je dois bien vous avouer que je suis un peu perdue dans ce château.

  Ne vous inquiétez pas. Je suis là pour ça, déclara la jeune femme de chambre en souriant. Je vais vous guider pour tout, et je vous garantis que d'ici quelques jours, vous serez comme une reine dans son palais. Au fait, je m'appelle Jeanne.

  Enchantée, Jeanne. Mon nom est Misao Kanzaki.

  Oh, je le savais déjà. Votre nom est déjà murmuré dans tout le royaume, associé à celui de Kyo Fanel, vous savez.

  Encore cette histoire… ecoutez, mieux vaut que vous ne vous fassiez pas trop d'idées, prévint Misao, qui ne voulait pas que les gens s'imaginent des choses alors qu'elle-même ignorait où elle en était. Kyo et moi ne sommes pas…

  Amoureux ? Et bien, ce n'est pas une surprise. Je n'ai jamais pensé une seconde que vous l'étiez. »

         Misao ressentit à la fois du soulagement mais aussi une petite pointe d'agacement qu'elle n'arriva pas à analyser.

  « Tant mieux alors, approuva-t-elle. Mais qu'est-ce qui vous a fait penser ça ?

  Disons que j'ai grandi dans ce château pendant toute mon enfance, et que je connais bien le jeune Maître.

  Le Maître ? Pourquoi appelez-vous Kyo ainsi ?

  Chaque individu possédant un titre même insignifiant se voit affublé de ce genre de qualificatif. C'est ainsi à Fanelia. On appelle quelqu'un en fonction de son rang. Il y a des comtes, des ducs, des seigneurs etc. Officiellement, Kyo est Comte de Valencia, une province de Fanelia. C'est le roi Van Fanel qui lui avait offert cette terre. On peut donc l'appeler par son titre, c'est à dire Comte, ou bien plus simplement Maître pour ceux qui le servent. Voilà. »

         Misao hocha lentement la tête, assimilant toutes ces nouvelles avec étonnement. Kyo était donc Comte ? Cela faisait étrange de penser qu'à son âge, il pouvait déjà posséder un tel titre. Comte Kyo Fanel… la jeune fille se voyait mal l'appeler comme ça. Cela faisait un peu pompeux pour un garçon qui, en somme, avait quasiment le même âge qu'elle.

  « Je disais donc que je n'étais pas bien étonnée de savoir qu'il n'y avait rien entre vous et maître Kyo car il n'est pas très… constant, pousuivit Jeanne.

  Vous voulez dire qu'il est volage ?

  Il ne court jamais deux lièvres à la fois, mais c'est vrai qu'il a plusieurs conquêtes à son actif, expliqua Jeanne en souriant malicieusement. Mais vous savez, cela n'a rien de bien extraordinaire. Je ne sais pas comment cela se passe dans votre monde, mais ici les jeunes garçons sont initiés très tôt aux jeux de l'amour. Et puis, Kyo représente un beau parti, ce ne sont pas les occasions qui manquent…

  Ne vous inquiétez pas, c'est un peu pareil chez moi aussi, murmura Misao en haussant les épaules. C'est étrange, j'aurais plutôt pensé qu'ici, dans un monde où les règles d'éducation sont beaucoup plus importantes que chez moi, il y aurait justement, comment dire… beaucoup plus de… tenue, enfin, je pensais que les gens seraient plus…

  Coincés ? Oh, mais ils le sont ! Enfin, la plupart du beau monde… Ce qu'il y a, c'est qu'ils le sont seulement en public pour bon nombre d'entre eux. Vous allez par exemple rencontrer beaucoup de femmes à l'air sévère et sérieux qui seront choquées par la moindre incartade de votre part. Mais en privé, la plupart des gens ne se gênent pas pour être plus… naturels. Mais… ne vous tracassez pas avec toutes ces histoires, il y a beaucoup plus important ! reprit Jeanne en souriant. Comme par exemple… le bal de demain soir.

  Le bal ? répéta Misao en haussant les sourcils, intriguée.

  Je suis surprise que vous ne soyez pas encore au courant ! Surtout étant donné qu'il est organisé en partie en votre honneur.

  Quoi ?!

  En fait, il est surtout organisé pour le retour du jeune Maître à Fanelia. C'était une idée du conseiller Lundar. Mais comme vous êtes l'invitée de monsieur Kyo, il est normal que ce soit votre bal, à vous aussi.

  Kyo ne m'avait jamais parlé de ce bal ! Et qu'est-ce que je vais faire ? Je ne sais même pas danser !

  Oh, c'est vrai que je n'y avais pas pens

  Je vais avoir l'air ridicule ! Je préfère ne même pas y aller…

  Vous n'y pensez pas ! Ce serait faire une offense à toute la Cour. Vous auriez toutes les dames et tous les seigneurs à dos. Allons, ce n'est pas grand chose. Et puis, vous aurez toute la journée de demain pour vous entraîner !

  M'entraîner ? Mais avec qui ? Vous pourriez m'apprendre, Jeanne ?

  Moi ? N'y pensez même pas ! Je ne suis qu'une femme de chambre. Je ne vais jamais au bal ! Non, il vous faudrait quelqu'un d'expérimenté, avec qui vous vous sentiez à l'aise… et je suis sûre que le jeune Maître se fera un plaisir de vous initier à la valse, Mademoiselle Misao. Il suffira de le lui demander. »

         La jeune fille se sentit rougir. Kyo, lui apprendre à danser ? Elle se demandait vraiment ce que cela allait donner…

  « En tout cas, il vous faut vous reposer pour être en forme pour la journée de demain. Il se fait tard, vous devriez déjà être au lit à l'heure qu'il est. »

         Misao étouffa un bâillement.

  « Vous voyez bien ! Allez donc vous débarbouiller dans la salle de bains tandis que je prépare votre lit. »

         Misao ne se fit pas prier et alla se laver la figure dans la salle d'eau prévue à cet effet. Elle était aussi luxueuse que la chambre, et la jeune fille fixa avec envie la grande baignoire en marbre au milieu de la pièce.

  « Avez-vous terminé, Mademoiselle ? »

         Misao rejoignit la chambre à l'appel de Jeanne.

  « Bien, dit celle-ci. Je vais vous aider à vous débarrasser de vos vêt… Oh. Vos habits sont assez… originaux. »

         Misao sourit en regardant son jean et son pull à fermeture éclair en diagonale.

  « Disons que la mode est assez différente chez nous, expliqua-t-elle en commençant à se dévêtir. »

         Jeanne se dirigea alors vers la grande armoire et en sortit une grande chemise de nuit blanche d'allure virginale.

  « Tenez, enfilez-la et allez dormir, vous en avez bien besoin. »

         Misao obéit et s'enfouit sous les couvertures avec contentement. Le grand lit à baldaquin était incroyablement douillet et confortable, et elle n'avait jamais eu autant envie de s'envoler au Pays des Songes. Elle salua Jeanne qui la quitta en refermant doucement la porte derrière elle, et ferma les yeux.

#---------#

         Il était bien plus de minuit lorsque Kyo quitta Lundar et Padelius pour aller rejoindre ses appartements. Le jeune homme était exténué mais très satisfait d'avoir pu retrouver ses deux vieux amis. Surtout que le conseiller et le guerrier avaient semblé fiers de lui en constatant qu'il n'avait pas failli à sa mission : Misao l'accompagnait. A présent, plus personne ne pouvait être sûr qu'Hetan devienne roi…

         Kyo sourit à cette pensée. Comme cela faisait du bien de pouvoir rabattre le caquet de ce minable ! Et cela ne faisait que commencer. La réunion des ministres avait lieu dans trois jours, et d'ici là, il allait se conduire de façon exemplaire, de façon à ce qu'on ne puisse rien lui reprocher. Il avait promis à Lundar et Padelius de se montrer digne de la confiance qu'ils avaient placée en lui, et il ne les décevrait pas.

Et puis, avec Misao, tout serait plus facile. Il n'aurait qu'à montrer à tous combien ils étaient proches tous les deux, et le tour serait joué. Rien qu'avec la petite démonstration de leur retour à Fanelia, lorsqu'il avait présenté Misao à la foule, il savait qu'il s'était déjà mis la population dans la poche. Il ne restait plus à présent qu'à convaincre les ministres récalcitrants. Et pour cela, rien de plus simple que se faire humble, poli et respectueux. Les ministres lui avaient toujours reproché son arrogance et sa trop grande confiance en lui. Lundar lui avait donc conseillé de se faire discret et d'être le plus aimable possible. Pour le reste, c'est à dire au cas où certains ministres hésiteraient toujours sur la position à adopter, Padelius et le conseiller s'en chargeraient en usant de leur influence pour effacer les dernières réticences.

Heureux que la situation tourne aussi bien à son avantage, Kyo se mit à siffloter et ralentit le pas en constatant qu'il arrivait près de la chambre de Misao. C'est presque inconsciemment qu'il s'arrêta devant la porte et attendit, l'oreille aux aguets.

Bah, à quoi s'attendait-il, de toute façon ? Elle était sûrement en train de dormir. Et il devrait peut-être même en faire autant, songea-t-il en s'apprêtant à poursuivre son chemin. Pourtant, quelque chose l'arrêta. Il avait envie de la voir, tout simplement. Sans se poser de questions, il ouvrit doucement la porte et pénétra dans la chambre. Au bout de quelques secondes, ses yeux finirent par s'habituer à la pénombre et il s'avança sans bruit jusqu'à son lit.

Recroquevillée sur elle-même, Misao dormait. Ses cheveux noirs éparpillés sur l'oreiller encadraient son joli visage dont il avait appris à aimer chaque expression. Un souffle chaud et régulier s'échappait de ses lèvres bien dessinées que Kyo avait envie d'embrasser jusqu'à l'extase. C'était bien simple : il ne parvenait plus à détacher ses yeux d'elle. Elle était tellement belle. A cause de la chaleur de la nuit, elle avait repoussé un peu les couvertures et à la voir aussi innocente, enveloppée dans cette chemise de nuit virginale, Kyo avait l'impression qu'elle lui était offerte. Rien qu'à lui. Pour lui.

Mû par un instinct, le jeune homme se pencha sur elle, et, lentement, rapprocha ses lèvres des siennes. Arrivé à mi-chemin, il hésita et resta penché au-dessus d'elle, s'interrogeant sur ce qu'il devait faire ou ne pas faire. Il s'apprêtait tout juste à aller au bout de son audacieux projet, lorsque Misao se mit à gémir dans son sommeil et laissa échapper une plainte du nom de « Shinji… ».

Kyo se pétrifia. Son visage se fit plus dur, et il serra les poings pour s'empêcher de faire quelque chose d'insensé sous le coup de la colère noire qu'il sentait monter en lui.

Puis, sans un regard en arrière, il quitta la pièce et rejoignit ses appartements d'un pas rageur.

#---------#

         Le lendemain matin, Misao fut réveillée par un raie de lumière qui illumina la pièce et par conséquent, son visage. La jeune fille grimaça et ouvrit précautionneusement un œil, apercevant ainsi Jeanne qui s'occupait à ouvrir les rideaux et la fenêtre de sa chambre pour faire entrer la lumière du jour.

  « Jeanne… marmonna Misao d'une voix ensommeillée. Qu'est-ce qui se passe ?

  Désolée de réveiller Mademoiselle, mais j'ai pensé utile de le faire si vous voulez vraiment visiter le château et le royaume ! Et puis, n'oubliez pas qu'en plus de tout ça, vous avez une leçon de danse à prendre aujourd'hui.

  Oh.

  Ne vous en faites pas, tout va parfaitement bien se passer ! De toute façon, pour l'instant, vous avez encore un peu de temps devant vous pour vous préparer. Le jeune Maître ne sera pas revenu avant l'heure du déjeuner. C'est toujours ainsi lorsqu'il part à l'orphelinat.

  L'orphelinat ? Vous voulez dire qu'il part rendre visite aux enfants ?

  Ah, je vois que vous en avez déjà entendu parler. Oui, monsieur Kyo est très attaché à eux vous comprenez. »

         Misao eut un sourire attendri en revoyant les visages de la bande de gamins qui s'étaient jetés sur Kyo.

  « Comment suis-je censée m'habiller ? demanda-t-elle à Jeanne.

  Je m'occupe de tout. En attendant, allez donc faire votre toilette, j'ai déjà fait préparer un bain pour vous ce matin.

  Merci, dit Misao en prenant la direction de la salle de bains. »

         L'eau avait été chauffée exprès pour elle et versée dans la grande baignoire qu'elle avait aperçue la veille. Une autre domestique était même venue se proposer de l'aider pour lui frotter le dos et la sécher. Misao avait refusé, peu habituée à ne pas se débrouiller seule, surtout rien que pour un malheureux bain. A vrai dire, la jeune fille était presque gênée de voir tant de gens se mettre en quatre uniquement pour son bien-être. Elle avait été habituée à être indépendante, et cette situation la déconcertait.

         Elle en parla à Jeanne, lorsque celle-ci vint l'aider à s'habiller.

  « Je peux très bien le faire toute seule, vous savez. Je n'ai pas besoin que l'on s'occupe de…

  Bien sûr que si ! Vous êtes une demoiselle, et pas n'importe laquelle. Vous êtes l'invitée du jeune Maître, et ne pas prendre soin de vous serait…

  Je n'ai rien demandé à personne ! Et puis, vous avez sûrement mieux à faire que perdre votre à temps à me…

  Trêve de bavardages ! Nous en avons déjà parlé et il est inutile de revenir là-dessus. Il est hors de question qu'une demoiselle comme vous se débrouille seule comme une vulgaire souillon. Ceci est mon métier, et quoi que vous puissiez en dire, je suis très honorée d'avoir été assignée à ce poste. Je suis heureuse en servant monsieur Kyo, et encore plus en voyant qu'il m'accorde sa confiance en faisant de moi votre femme de chambre et, je l'espère, votre amie.

  Dans ce cas, laissez-moi être seulement votre amie et non votre… »

         Misao s'interrompit en voyant le regard noir que lui adressait Jeanne. La jeune fille leva les yeux au plafond et soupira :

  « Bon, d'accord… puisque vous y tenez… mais ne comptez pas sur moi pour vous traiter comme une esclave. »

         Jeanne éclata de rire.

  « Je n'en ai pas douté une seule seconde, affirma-t-elle en souriant. Je savais bien que vous ne seriez pas comme ça. Et c'est bien pour ça que je suis heureuse d'être votre femme de chambre personnelle. Bon, et si vous arrêtiez de gigoter et deveniez plus raisonnable ? Peut-être arriverions-nous enfin à vous passer cette satané robe. »

         Une fois passée, Misao trouva la robe en question horrible. Il s'agissait d'une simple et banale robe en mousseline gris sombre, surmontée d'un col qui lui grimpait jusqu'au menton, et qui lui donnait un air de vieille fille absolument ridicule.

         Jeanne ne put réprimer un sourire en voyant la jeune fille faire la grimace.

  « Je vous comprends, ma pauvre. En plus, même si la robe semble être à votre taille, nous n'avons pas encore pris vos mensurations alors ce n'est pas l'idéal… Mais surtout, j'avoue que je suis un peu étonnée. Je croyais que le jeune Maître avait meilleur goût en matière de mode féminine.

  Vous voulez dire que cette robe vient de Kyo ?

  Oui, il a pris soin de vous faire envoyer toute une garde-robe très tôt ce matin. Malheureusement, j'ai eu beau fouiller et examiner toutes les robes, je crains qu'elles ne soient toutes aussi… hum… disons… sérieuses que celles-ci. A croire que monsieur Kyo craint pour votre vertu, ajouta Jeanne avec un drôle de sourire. »

         Misao ne comprit pas l'allusion et se contenta de se regarder dans le miroir avec une moue désapprobatrice.

  « Ne faites pas cette tête ! Ce n'est pas si terrible. D'ailleurs, vous êtes tellement mignonne que même une robe comme celle-ci ne peut vous porter préjudice.

  Merci.

  Et puis, je vais essayer d'arranger ça. Il n'est vraiment pas convenable qu'une jeune fille comme vous soit obligée de porter ce genre de choses affreuses ! Je vais faire en sorte de vous trouver une robe digne de vous pour le bal de ce soir.

  Le bal ! C'est vrai… je n'y pensais plus.

  Ne vous tracassez pas pour l'instant. Pour le moment, Madame Beckley va vous faire visiter le château et vous allez être présentée à toutes les têtes qu'il vous sera nécessaire de connaître.

  Madame Beckley ?

  Hum… oui, c'est une vieille dame absolument charmante.

  Mais je croyais que c'était vous qui alliez m'accompagner !

  Et bien… ce n'est malheureusement pas mon rôle. Je ne suis qu'une femme de chambre. Je peux vous accompagner dans vos sorties pour veiller à ce que vous ne manquiez de rien mais je n'ai pas d'autre fonction. Ce sont les dames de la Cour que vous allez devoir apprendre à fréquenter, pas moi. »

         Misao eut un soupir à fendre l'âme, mais se résigna. Après tout, cette Madame Beckley était peut-être vraiment « absolument charmante ».

Une fois Misao complètement habillée, la jeune fille quitta sa chambre et put alors faire connaissance de la fameuse Madame Beckley. Dès le premier regard, Misao comprit que cette vieille dame serait loin d'être des plus charmantes. Avec son air pincé et son chignon serré à la perfection d'où ne dépassait pas un cheveux gris, Miss Beckley était le stéréotype de la vieille fille coincée qui passait son temps à médire et à critiquer la jeunesse. Misao jeta un regard à la fois désespéré et plein de reproche à Jeanne qui se tenait en retrait tandis que Miss Beckley se présentait. Malheureusement, Jeanne n'était pas en mesure d'agir et la jeune femme de chambre partit vaquer à d'autres occupations tandis que Misao restait en compagnie de la vieille dame.

  « Comme je viens de vous le dire, mon nom est Miss Beckley et je vous servirai de chaperon pour toute la Saison. Je serai là pour vous guider et vous expliquer comment vous conduire, car je présume que vous ne connaissez rien à nos coutumes et nos mœurs. »

Intimidée par la voix sèche et coupante de la vieille femme, Misao hocha lentement la tête.

  « Ne vous en faites pas, je saurai vous remettre dans le droit chemin si nécessaire. Je vois en tout cas que vous commencez plutôt bien : votre mise est parfaite. Cela fait plaisir à voir. Il faut que vous sachiez que je suis totalement contre les vêtements déplacés. C'est parfois d'une indécence à faire peur. »

         Misao approuva les paroles de Miss Beckley avec vigueur, bien qu'elle n'en pense pas un mot. La jeune fille était épouvantée. Allait-elle réellement devoir supporter ce vieux dragon pendant tout son séjour à Fanelia ? C'était horrifiant ! Et Jeanne qui lui avait assuré que tout se passerait bien… Tu parles ! Misao n'avait qu'une envie : prendre ses jambes à son cou. Mais bien évidemment, cela aurait paru des plus déplacés aux yeux de la vieille bique qui se serait fait une joie d'aller raconter ça à tort et à travers.

  « Nous allons commencer la visite. Avancez donc, Miss Kan… Kanzaki, c'est bien ça ? Nom bien étrange, si je puis me permettre. Nous allons commencer la visite et nous rencontrerons sûrement sur notre chemin des gens qu'il me faudra vous présenter. Prions pour que nous ne fassions pas de mauvaises rencontres… Ce serait par exemple le comble de la malchance si nous croisions la petite Padger. Cette petite oie stupide est une manipulatrice que je vous conseille à tout prix d'éviter. Ah oui, il faudra que je vous fasse une liste des gens inconvenants pour que vous sachiez où vous mettez les pieds… Et surtout, lorsque nous allons nous arrêter pour parler à d'autres personnes, n'oubliez pas de saluer convenablement. Très important, le salut. J'espère que l'on vous a montré comment faire. Comment ? Vous n'êtes pas au courant ?! Dieu du Ciel ! C'est plus grave que ce que je pensais. »

         Misao déglutit difficilement. La matinée s'annonçait longue…

La visite fut un véritable supplice. Le château était incontestablement magnifique, mais la présence de l'acariâtre Miss Beckley venait tout gâcher. Le vieux dragon semblait prendre un malin plaisir à faire sentir à Misao combien celle-ci était ignorante des choses de la vie mondaine et la vieille dame faisait en sorte de montrer à Misao à quel point sa présence lui était indispensable. Durant la visite, elles avaient croisé de nombreuses personnes dont Misao avait oublié la plupart des noms. Elle se demandait si elle s'en sortirait un jour et parviendrait à mettre un nom sur chaque visage…

La jeune fille n'avait jamais connu pareil ennui ni pareille appréhension, en songeant qu'elle devrait supporter la présence de cette vieille femme aigrie pendant un mois entier. Bon sang, il était urgent qu'elle parle à Kyo pour changer la situation… Il était hors de question qu'elle ait à subir cette Miss Beckley durant tout son séjour.

Lorsqu'une demi-heure avant le déjeuner, la vieille femme la laissa rejoindre sa chambre, Misao eut du mal à retenir un cri de joie et de libération. Soulagement qu'elle laissa cependant éclater lorsqu'elle se retrouva seule avec Jeanne.

  « C'est la pire journée de ma vie ! gémit la jeune fille en se laissant tomber sur son lit. J'ai l'impression d'avoir passé dix heures enfermée avec mon prof de physique…

  Votre quoi ?

  Mon prof de ph… oh, non. Laissez tomber, c'est trop compliqué.

  Oh non ! Ne vous étalez pas comme ça sur votre lit ! Vous froissez toute votre robe !

  De toute façon, elle est horrible, je croyais que vous étiez d'accord pour ça ? Tiens, au fait, saviez-vous que cette adorable Miss Beckley, elle, trouvait cette robe tout à fait convenable ? Peut-être devrions-nous la lui offrir… qu'en pensez-vous ? »

         Jeanne eut un sourire indulgent.

  « Ne soyez pas si amère, mademoiselle Misao ! C'est vrai, je reconnais que Madame Beckley est parfois un peu…

  Stupide ?

  Non !

  Une affreuse mégère ?

  Ce n'est pas les mots que je voulais employer voyons !

  Allons, soyez franche. Cette vieille fille a vraiment un balai dans le…

  Mademoiselle ! »

         Misao prit un air angélique tandis que Jeanne essayait de la réprimander. « Essayait » seulement car la jeune femme de chambre était sur le point d'éclater de rire. Ce qu'elle fit sans pouvoir se retenir quelques secondes plus tard.

  « En tant que domestique ayant reçu une certaine éducation, je ne peux pas approuver votre… verve plutôt osée pour une dame, mais j'avoue que c'est très rafraîchissant ! Cela change vraiment des hypocrisies que l'on entend partout à la Cour… Mais je dois vous mettre en garde. Ne changez pas, préservez cette fraîcheur et cette spontanéité qui vous caractérisent, mais surtout, ne la montrez pas lors de réunions mondaines. Ce n'est pas ce que l'on attend d'une jeune fille bien élevée.

  Je ne comprends pas. Qu'attend-on de moi dans ce cas ?

  Ici, une jeune fille de bonne éducation doit savoir se faire discrète, agréable, charmante et attentionnée, tout cela pour se trouver un bon mari… Les hommes n'apprécient pas les femmes qui se montrent plus malignes qu'eux. Et les mégères qui font la loi des commérages n'apprécient pas les femmes qui se font trop remarquer et vont à l'encontre de la bienséance.

  Tout ça me paraît bien compliqué… Chez moi, il n'y a pas toute cette rigueur… toutes ces choses idiotes à respecter…

  Ne désespérez pas ! Il suffit d'être rusée et de savoir utiliser les uns et les autres pour agir presque à votre guise. Vous apprendrez à connaître nos règles et à jouer avec, ne vous en faites donc pas. »

         Misao eut une moue sceptique. Il faut dire que sa matinée avec la vieille Miss Beckley n'avait pas été pour lui remonter le moral…

         Le regard de la jeune fille s'attarda alors sur des vêtements qu'elle n'avait jamais vus, posés sur une chaise dans un coin de la pièce.

  « Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle à Jeanne en les désignant de l'index.

  Une petite surprise, expliqua celle-ci en souriant. Figurez-vous que pendant votre matinée, j'en ai profité pour commencer à remplacer votre garde-robe. J'en ai parlé à Reeves, le valet de chambre de monsieur Kyo, et il n'y voit pas d'inconvénients si c'est vous-même qui en avez émis le souhait. Je n'ai pas encore déniché votre tenue de bal, mais regardez toujours ceci. »

         Misao s'approcha des vêtements et les détailla un à un. La jeune fille ne tarda pas à comprendre qu'il s'agissait d'une tenue de cavalière. Aussitôt, elle se mit à sautiller de joie.

  « Formidable ! Est-ce que cela veut dire qu'il y a une ballade à cheval de prévue ? s'exclama-t-elle, ravie. »

         Elle qui avait toujours adoré les chevaux et faisait de l'équitation depuis qu'elle était toute petite, ne pouvait que se sentir enthousiasmée par l'idée.

  « Bien sûr, et il y en aura d'autres. »

         Misao avait presque oublié qu'ici, voyager à cheval ou en carrosse était le principal moyen de locomotion. Et elle ne pouvait que s'en réjouir.

  « Essayez donc la tenue, pour voir si elle est à votre taille, je n'en étais pas certaine. »

         Misao ne se le fit pas dire deux fois et troqua sa robe sévère contre la tenue de cavalière noire, cintrée à la taille, constituée de hautes bottes et d'un petit chapeau en castor orné d'une plume qui lui donnait un petit air malicieux qui lui correspondait parfaitement.

  « Elle vous va à merveille, il n'y a aucune retouche à faire ! constata Jeanne en la regardant sous toutes les coutures à la recherche de la moindre petite imperfection. Non, rien à dire. Elle vous sied parfaitement.

  Merci beaucoup, Jeanne ! Rien n'aurait pu me faire plus plaisir, s'extasia Misao. A présent, montrez-moi les écuries, il n'y a pas une minute à perdre !

  Oh, c'est impossible. Je suis désolée, mais le déjeuner va être servi dans une demi-heure. Vous ne serez jamais revenue à temps si vous sortez faire une ballade maintenant. »

         La jeune fille ne masqua pas sa déception. Dire qu'elle se faisait déjà toute une joie de galoper comme une folle à travers champs !

  « Peut-être aurez-vous le temps cet après-midi, la réconforta Jeanne.

  Je croyais que je devais m'entraîner à danser, bougonna Misao.

   C'est vrai, mais tout dépend du temps que cela vous prendra… mais de toute façon, vous aurez tout le loisir de faire du cheval, croyez-moi. Allons, soyez raisonnable et redescendez donc en bas pour aller accueillir les invités.

  Quels invités ?

  Et bien, nous sommes tout juste au début de la Saison. La Cour vient donc se rapprocher du château pour ceux ayant des habitations secondaires dans les environs ou y habiter, pour les personnes qui y sont invitées par le seigneur Hetan ou monsieur Kyo. Le conseiller Lundar, le baron Milton et sa famille, monsieur le Comte de Wendling et sa famille également, ainsi que la famille Padger, et le général Padelius sont arrivés hier. Aujourd'hui, nous attendons la venue du duc et de la duchesse de Dunbrooke, ainsi que leurs enfants, pour le déjeuner.

  Comment pourrais-je les accueillir ? Je ne suis même pas chez moi ici ! Et puis, je ne les ai jamais vus !

  Justement, c'est une bonne occasion de vous familiariser avec les gens de ce monde. »

         Misao soupira avec lassitude. Cela ne faisait qu'une journée qu'elle était arrivée, et elle en avait déjà assez. Etait-ce vraiment cela la vie de château ? Toujours devoir respecter toutes ces règles ennuyeuses de peur de se faire mal voir ? Toujours obligée de faire des choses qu'elle n'aimait pas, de parler à des gens qu'elle n'appréciait pas ? La jeune fille était profondément déçue. Elle avait détesté cette matinée avec Miss Beckley, et elle était sûre qu'elle n'allait pas mieux aimer se retrouver avec tout ce beau gratin de gens plus prétentieux les uns que les autres. Et Kyo qui ne se montrait toujours pas !

         Non, cette fois-ci, c'en était trop. Elle n'avait pas la moindre envie de descendre se présenter aux invités. Elle allait finir par mourir d'ennui si elle continuait comme ça !

         Misao ouvrit la fenêtre et sortit sur le balcon pour admirer la vue qui s'offrait à elle. Apercevant le paysage verdoyant au loin, elle n'avait qu'une envie : seller un cheval et galoper jusqu'à n'en plus finir. Mais bien sûr, tout ceci lui était interdit… Quelle plaie !

  « Mademoiselle Misao, ils vont bientôt arriver. Ce sont des gens importants. Vous devriez vraiment y aller. »

         La voix de Jeanne la rappelait à l'ordre. Au diable les invités ! Et puis, Miss Beckley en ferait sans doute partie, alors si c'était pour entendre à nouveau ses sermons ennuyeux et ses jérémiades, elle préférait autant s'en abstenir.

         La colère et une furieuse envie de bouger et d'envoyer tous ces gens au diable commençaient à prendre la place de la lassitude dans l'esprit de Misao. La jeune fille se sentait enfermée et prisonnière, et soudain, seule l'envie de liberté comptait. Guidée par ce sentiment de rébellion, Misao n'écoutait Jeanne que d'une oreille, et après lui avoir promis qu'elle comptait aller se rendre auprès des invités, la jeune fille préféra plutôt chercher le chemin menant aux écuries.

         Ce fut encore plus simple que ce à quoi elle s'attendait. Elle n'eut qu'à demander la direction à prendre à un ou deux domestiques pour atteindre son but. Apparemment, ceux-ci sachant qu'elle était l'invitée de Kyo n'avaient pas osé la contredire... Héhé, c'était intéressant de savoir qu'elle avait une certaine influence, si minime soit-elle.

         Arrivée aux écuries, la jeune fille réalisa cependant qu'elle allait devoir ruser si elle voulait partir à cheval. Un palefrenier était en effet présent et il n'accepterait sûrement pas de la laisser partir seule, même si elle lui assurait avoir une bonne expérience en équitation.

         Le palefrenier semblait jeune et simple d'esprit. Misao se prit donc à espérer qu'il serait facile de le berner.

  « Bonjour, dit-elle en avançant vers lui avec un sourire engageant.

  Oh, mademoiselle, excusez-moi, je… je ne vous avais pas vue, bafouilla le jeune garçon. Mais… je suis désolé, vous ne pouvez pas partir à cheval maintenant, ce…

  Oh, mais je le sais parfaitement, ne vous inquiétez pas, le rassura Misao avec un autre sourire bienveillant. Je venais juste voir les chevaux. Ils sont splendides… »

         Elle commença ainsi à engager la conversation sur tel ou tel cheval, et bientôt, le jeune palefrenier nommé Aldo, ravi de voir qu'une aussi jolie demoiselle s'intéressait d'aussi prêt à sa passion, se détendit et se mit à parler avec enthousiasme.

         Ils discutèrent ainsi pendant quelques minutes, puis Misao repéra une jument déjà sellée et demanda d'un air innocent à qui l'animal était destiné.

  « Oh, elle n'est destinée à personne, c'est seulement que je n'ai pas encore eu le temps de lui enlever sa bride. En fait, c'est Mademoiselle Padger qui vient juste de revenir d'une ballade avec un ami à elle, et je m'apprêtai à m'occuper de cette jument lorsque vous...

  Je vous en prie, ne vous donnez pas cette peine. Laissez-la comme ça encore sellée. Puis-je l'approcher ?

  Et bien… oui, bien sûr. Allez-y, n'ayez pas peur. Elle est très douce avec les gens. »

         Misao esquissa un sourire. Si elle se débrouillait bien, elle devrait pouvoir grimper sur le dos de la jument et s'enfuir enfin à travers les vastes prairies que l'on voyait se dessiner à l'ouest.

         Quelques instants plus tard, la jeune fille mettait son plan à exécution. Ni une ni deux, elle enfourcha Listie, qui était le nom de l'animal en question, et quitta les écuries en chevauchant avec l'assurance d'une cavalière expérimentée. Elle eut bien un petit pincement de cœur en entendant le cri surpris et déçu d'Aldo, mais elle se promit de se racheter la prochaine fois qu'elle le verrait.

         Tout ce qui lui importait pour le moment, était de sentir le vent lui fouetter le visage tandis qu'elle galopait libre comme l'air. Néanmoins, elle ne pourrait ressentir ces sensations qu'une fois qu'elle aurait lancé son cheval à plus grande vitesse encore, car pour l'instant, si elle avait quitté l'enceinte du château, elle restait toutefois dans la ville, et il lui fallait donc rejoindre la campagne pour pouvoir galoper comme elle l'entendait.

         Quelques minutes plus tard, Misao chevauchait à bride abattue et éclatait de rire en songeant à la tête qu'aurait fait Miss Beckley si elle l'avait vue à cet instant...

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         Kyo était de bien meilleure humeur que lorsqu'il avait quitté son lit le matin même, en se réveillant. Car entendre Misao la veille prononcer le nom de ce satané Shinji dans son sommeil ne lui avait pas apporté une nuit paisible... Cependant, sa visite aux petits de l'Orphelinat lui avait remonté le moral, surtout lorsqu'il avait reçu les cadeaux que les enfants lui avaient faits pendant son absence. Ils avaient été adorables et leurs présents l'avaient beaucoup touché. Tous, sans exception, lui avaient donné quelque chose qu'ils avaient fabriqué eux-mêmes, et ce même ceux qui d'ordinaire étaient récalcitrants pour ce genre de choses.

         Le jeune homme se souvenait encore avec émotion des événements de la matinée…

FLASH-BACK :

  « Tiens, c'est pour toi Kyo ! »

         Zia et Kalie venaient de lui mettre dans les mains un gateau au chocolat qu'elles avaient cuisiné elles-mêmes. Le gateau, même s'il paraissait un peu cramé sur le dessus, serait sûrement très bon après avoir enlevé la couche de brûlé.

  « Merci mes puces ! Il a l'air excellent je vais me régaler c'est sûr ! s'écria Kyo en les embrassant. »

         Les deux petites rosirent de plaisir puis dûrent laisser leur place à Tom et Jun qui se plantaient triomphalement devant Kyo en brandissant dans leurs petites mains d'un air victorieux une grande épée en bois qu'ils avaient fabriqué pour lui. L'épée ne lui servirait probablement pas à tuer ses futurs ennemis mais qu'importe ? Seule l'intention comptait.

         Sincèrement ravi, Kyo prit l'épée avec enthousiasme et fit mine de transpercer des ennemis invisibles en faisant de grands moulinets avec son poignet, ce qui fit rire autant les garçons que les filles qui ouvraient de grands yeux devant le spectacle improvisé de Kyo.

  « Attends, attends ! Il te faut un bouclier ! s'exclamèrent en chœur Sam et Lio qui se précipitèrent pour lui en donner un.

  Formidable ! J'ai toute la panoplie maintenant ! affirma Kyo en leur ébourrifant les cheveux avec affection. »

Sam et Lio s'étaient en effet chargés de lui fabriquer un bouclier pour accompagner l'épée. Le bouclier n'était pas plus grand que son avant-bras, mais Kyo leur assura que grâce à eux, il ne pourrait jamais plus être blessé par quiconque.

Puis ce fut le tour de Relina et Yuna. Les deux fillettes avaient tenté de lui confectionner une sorte de chemise en lin, que Kyo enfila à leur demande. Le jeune homme fut le seul à se rendre compte que le vêtement était beaucoup trop petit pour lui et menaçait de se déchirer, mais il remercia en riant Relina et Yuna et les embrassa chaleureusement.

         Ne restaient plus que Shino et Aki. Kyo chercha celui-ci des yeux, mais ne l'aperçut nulle part. Shino s'approcha alors et donna son cadeau à Kyo. Il s'agissait d'un dessin représentant le jeune homme à cheval en train de se battre contre toute une armée de méchants soldats. Kyo émit un sifflement d'admiration.

  « C'est magnifique, Shino ! Merci, ça me fait très plaisir ! »

         Le jeune homme serra l'enfant dans ses bras puis regarda à nouveau si Aki était dans les parages. Mais celui-ci demeurait introuvable.

  « Où est Aki ? demanda Kyo à Merle qui se trouvait près de lui.

  C'est une longue histoire… soupira Merle sans pouvoir s'empêcher de sourire. Figure-toi que Aki est d'humeur exécrable depuis ce matin et qu'il a été épouvantable avec tout le monde. Il s'est bagarré avec Sam et a cassé un œuf sur la tête de Relina... Il a donc été consigné dans son lit sans avoir le droit d'en sortir jusqu'à ce qu'il se soit calmé. Je l'ai appelé quand tu es arrivé pour lui dire qu'il pouvait revenir s'il était sage, mais il n'a pas répondu et il boude dans son coin. »

         Kyo étouffa un rire.

  « J'aurais quand même pensé qu'il serait de bonne humeur étant donné que je lui ai parlé hier soir et qu'il paraissait plutôt content. Tu as une idée de ce qu'il a ? demanda le jeune homme, intrigué par le comportement du petit garçon.

  Bon, je t'avoue que j'ai bien une petite idée de ce qu'il trotte dans le crâne de cette tête de mule... Je crois qu'il est gêné et qu'il ne se montre pas parce qu'il a honte.

  Quoi ? Mais pourquoi ?

  C'est à cause de cette histoire de cadeaux... »

         Merle commença alors à expliquer à Kyo comment Aki, pendant l'absence du jeune homme, avait refusé de fabriquer un cadeau avec l'aide de Shino, affirmant qu'il était capable de se débrouiller tout seul.

  « Mais je le soupçonne de n'avoir agi ainsi que dans le but de récolter tous les honneurs pour lui tout seul ! déclara Merle en souriant. Tu le connais, il veut tout le temps impressionner tout le monde, et toi plus que n'importe qui. Il préférait donc te faire un cadeau tout seul, sans l'aide de Shino. »

         C'était tout à fait le genre de Aki… pensa Kyo en souriant.

  « Fidèle à lui-même, figure-toi que ce petit fou s'est mis dans la tête de te construire quelque chose de grandiose ! Il voulait faire les choses en grand, et tu sais combien il ne fait pas les choses à moitié… Aki s'est donc mis dans la tête de t'offrir un Guymelef ! J'ai eu beau lui expliquer que ce n'était pas dans ses cordes, rien à faire. Il était persuadé que cela te ferait plaisir et que tu serais très impressionné. Pour finir, voyant qu'il ne changerait pas d'avis, je l'ai laissé faire pour qu'il se rende compte lui-même que son entreprise était insensée. Je me suis donc rendue avec lui à la forge car il était convaincu qu'en s'y rendant, on accepterait de lui prêter quelques pièces pour monter un guymelef… »

         Kyo éclata de rire en écoutant le début du récit de Merle. C'était du Aki tout craché, ça…

  « Et que s'est-il passé finalement ?

  Il a fallu qu'un ingénieur se dérange pour expliquer à Aki que son projet n'était pas possible… enfin, il a fini par se rendre à la raison et nous sommes retournés à l'orphelinat. Il était très déçu bien sûr, mais pas découragé. Il a décidé de se rabattre sur un projet plus raisonnable et a commencé à te fabriquer une dague.

  Et bien c'est parfait, je n'en demandais pas tant. Pourquoi ne vient-il pas me la donner ?

  C'est-à-dire que... il s'est passé quelque chose par rapport à son cadeau. Aki l'avait terminé depuis assez longtemps, mais il y a quelques jours, il a voulu le personnaliser un peu plus en utilisant de la peinture pour le décorer. Une fois la peinture passée, je lui ai conseillé de poser sa dague sur le rebord de la fenêtre pour la faire sécher. Aki l'a fait, et malheureusement, je ne sais pas s'il l'avait posée trop près du rebord, ou si un coup de vent l'a fait rouler, le résultat est que la dague est tombée de la fenêtre pendant la nuit d'avant-hier. Et… un chien a dû la prendre dans sa gueule et s'amuser avec pendant quelques heures, car nous l'avons retrouvée à moitié enterrée près d'un arbre… Et tu imagines l'état de la dague après ça… Aki était furieux ! Je ne l'avais jamais vu aussi en colère ni aussi déçu. Tu comprends, il voulait que son cadeau surpasse celui de tous les autres, et que tu sois fier de lui… Du coup, je pense qu'hier, avec ton retour, il a dû oublier un peu toute cette histoire avec son cadeau rat mais aujourd'hui, il a dû s'en rappeler en se réveillant et il est insupportable depuis ce matin !

  Le pauvre… c'est pour ça qu'il est de mauvais poil ! Il n'a jamais pu se retenir quand quelque chose le contrariait... Bon, je vais aller lui parler. »

         Sur ce, Kyo se dirigea à l'étage, là où se trouvait le dortoir des garçons. La porte du dortoir était fermée, et il frappa quelques coups à la porte.

  « Aki ! C'est moi. Ca te dérange si j'entre ? »

         Il n'obtint aucune réponse mais n'en fut pas étonné. Sans attendre, il appuya sur la poignée de la porte et entra dans la pièce. Le petit Aki se trouvait sur son lit, allongé sur le ventre et la tête enfouie dans son oreiller.

  « Hey, Aki… Qu'est-ce que tu fais l ? Pourquoi tu ne descends pas t'amuser avec les autres ?

  ...

  Tu n'avais pas envie de me voir ?

  ...

  Tu ne veux pas me parler, c'est ça ?

  ... »

         Bon, changement de tactique, songea Kyo en jetant un regard circulaire dans la pièce, et en s'approchant de la poubelle près du lit du petit garçon. Il y aperçut une espèce de bout de bois qui avait dû ressembler à une dague un jour. Kyo s'en empara d'un geste vif, et sourit en voyant Aki se relever brusquement pour tenter de lui subtiliser l'objet.

  « Donne-moi ça ! s'écria-t-il, le visage paniqué.

  Pourquoi ? Si tu l'as jeté à la poubelle, c'est que ça ne devait plus te servir à grand-chose.

  C'est à moi !

  Tu es sûr que tu ne veux pas me donner cet objet dans ce cas ? Voyons voir… qu'est-ce que ça peut bien être... tu sais ce que c'est, toi ?

  Non ! Rends-le moi !

  Tiens, tiens… on dirait… une sorte de dague… très jolie, en plus. Tu as vu comme le manche a été bien travaill ? »

         Aki regarda alors Kyo d'un air méfiant et murmura, le ton hésitant :

  « Ah bon ? Tu trouves ?

  Oui, bien sûr ! Je dirais même qu'elle est superbe ! Tu es sûr que tu ne veux pas me la donner ? »

         Aki toisa Kyo d'un regard surpris et commença à se détendre. Le petit garçon s'assit alors en tailleur sur son lit, et un sourire vint éclairer son visage tandis qu'il réfléchissait.

  « Bon, ok, je veux bien te la donner !

  C'est vrai ? Génial, c'est un super cadeau que tu me fais l !

  Vraiment ?

  Plutôt, oui !

  A une seule condition, alors.

  Laquelle ?

  En échange, il faut que tu me donnes… euh… dix pièces d'or !

  Quoi ? Tu y vas fort, toi ! C'est pas un peu exagér ?

  C'est une dague avec plein de valeur, expliqua-t-il en montrant la dague comme s'il s'agissait d'une œuvre d'art. »

         Le chenapan… il mentait effrontément ! Kyo s'amusait bien et avait du mal à garder son sérieux.

  « Je n'ai pas cette somme sur moi ! Bon, j'ai une bien meilleure idée : et si à la place, je t'offrais ceci ? »

         Tout en parlant, Kyo venait de sortir de sa poche une petite figurine de bois représentant un dragon en plein vol.

  « Waah ! Un dragon… murmura Aki, impressionné. »

         Le petit garçon s'empressa de prendre l'objet dans ses petites mains et le contempla avec ravissement. La figurine en question n'était pas ce qu'on pouvait qualifier de superbe, le dragon ayant été assez grossièrement taillé. Cependant, Aki regardait déjà l'objet comme s'il s'agissait d'un trésor, et Kyo fut content de voir que cela lui plaisait.

  « Tu me le donnes alors ? En vrai de vrai ? demanda-t-il à Kyo.

  Oui. Prends-en bien soin. C'est moi qui l'ai fabriqué. Je m'amusais à en faire quand j'étais petit.

  Dis, tu m'apprendras à en faire ? »

         Le jeune homme eut un sourire lointain.

  « Un jour, peut-être…

  C'est quand, un jour ?

  Et si on allait rejoindre les autres, plutôt ? Ils doivent se demander ce qu'on fabrique, depuis tout ce temps. »

         Aki accepta aussitôt, bien trop content d'aller montrer aux autres enfants le cadeau que venait de lui faire Kyo, histoire de faire le fier. Main dans la main, Kyo et Aki descendirent donc les escaliers à la rencontre de Merle et des enfants.

FIN DU FLASH-BACK

         Souriant encore au souvenir de ces heureux événements, Kyo, tenant par la bride son cheval Klancey, se dirigeait vers les écuries du château. Il rentrait tout juste de sa visite à l'Orphelinat et s'apprêtait désormais à confier Klancey aux bons soins du palefrenier pour ensuite aller accueillir le duc et la duchesse de Dunbrooke qui ne devraient plus tarder. Ceux-ci étaient dans la haute société des gens importants et influençables, qui entretenaient notamment d'excellentes relations avec certains des minitres auxquels Kyo était sensé plaire pour devenir roi. Il était donc capital que le jeune homme fasse bonne impression auprès de ces gens.

Il allait donc falloir qu'il assiste au déjeuner organisé en faveur des convives, auquel seraient présents également tous les nouveaux arrivants de la veille et bien que ces formalités l'ennuient plus qu'autre chose, Kyo ne pouvait s'y soustraire et savait qu'il se devait d'y paraître. Lundar lui avait assuré que son absence se ferait remarquée et serait des plus déplacée, or Kyo avait promis : sa conduite serait irréprochable dorénavant. Du moins jusqu'à ce que les ministres le proclament roi de Fanelia.

         Toutefois, Misao serait aussi présente au déjeuner, songea le jeune homme en souriant à cette pensée, et en se disant que ce déjeuner ne serait peut-être pas si ennuyeux que ça. Kyo avait en effet hâte de voir comment la jeune fille allait faire face aux mondanités dont elle n'avait aucunement l'habitude. De plus, depuis son arrivée à Fanelia, il n'avait pas vraiment eu le temps de passer beaucoup de temps avec elle, et il réalisait avec un certain désappointement que la présence de la jeune fille lui manquait.

Le jeune homme arriva aux écuries et y trouva comme à l'ordinaire Aldo, à qui il confia Klancey. Le jeune palefrenier semblait nerveux, à en croire les gestes saccadés et maladroits dont il usa pour mener le cheval jusqu'à son box.

  « Les invités sont-ils déjà arrivés ? demanda-t-il au jeune palefrenier.

  Je… je ne crois pas, monsieur. Mais… ils ne devraient plus tarder.

  Parfait. Que se passe-t-il, Aldo ? Vous ne semblez pas dans votre assiette.

  Monsieur… il y a… quelque chose que… »

         Le palefrenier n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'une Jeanne essouflée pénétra dans les écuries et se précipita vers Aldo et Kyo.

  « Que se passe-t-il, Jeanne ? questionna celui-ci. Pourquoi avez-vous couru comme si vous aviez le diable au corps ?

  Oh, je suis… si… contente de… vous voir, monsieur ! s'exclama celle-ci, à bout de souffle.

  Que signifie toute cette agitation ?

  Je suis tellement désolée ! Je vais sûrement vous décevoir, mais… c'est mademoiselle Misao. »

         Kyo aurait juré à cet instant qu'Aldo venait de blêmir d'une façon plus que suspecte. Le jeune palefrenier se tenait en effet en face de lui et les expressions de son visage en disaient long sur ce qu'il semblait savoir.

  Q'y a-t-il ? Il lui est arrivé quelque chose ? Rien de grave, j'espère.

  Elle a disparu, s'exclama Jeanne avec une intonation désespérée. Je suis venue ici parce que j'espérais qu'elle s'y trouverait. Elle semblait avoir envie d'une ballade en cheval… »

         Kyo fronça les sourcils. Il avait beau trouver Misao attachante, elle restait malgré tout capable de l'énerver prodigieusement en un temps record. Quelle idée saugrenue avait encore bien pu passer par la tête de cette petite écervelée ?

  « Aldo, si vous savez quelque chose, c'est le moment de nous en faire part, déclara sèchement le jeune homme au palefrenier qui était maintenant rouge pivoine.

  J'en avais l'intention, monsieur…

  Parlez.

  La… la demoiselle est venue ici il y a une dizaine de minutes. Elle assurait vouloir seulement s'intéresser aux chevaux mais… elle a enfourché Listie et est partie aussi vite que l'éclair… je n'ai rien pu faire, je…

  J'en ai entendu suffisamment. Aldo, allez me chercher Klancey. Je vais la chercher. Si jamais elle refaisait son apparition avant que je ne la retrouve, veillez à ce qu'elle soit enfermée dans sa chambre jusqu'à mon retour. Quant à vous, Jeanne, allez dire au conseiller Lundar que je serai en retard. Expliquez-lui discrètement la raison de mon retard, et dites-lui de me trouver une excuse, à moi et à Misao.

  Bien, monsieur.

  C'est comme si c'était fait. »

         L'air sombre, Kyo monta sur son cheval et partit avec sa monture au galop. Il pensait pouvoir réussir à retrouver la jeune fille, car en quittant le château, elle n'était sûrement pas passée inaperçue aux yeux des gens du village et il lui suffirait donc de demander le chemin qu'elle avait pris à ces personnes.

En tout cas… Misao était complètement inconsciente. Elle était sensée se trouver dans le château à l'heure qu'il est, prête à accueillir les invités comme il se doit. Au lieu de cela, la belle se faisait la malle. Que dirait-on si cela se savait ? La politesse et la bienséance tenaient un rôle majeur dans leur société, et ne pas en tenir compte pouvait donner lieu à des scandales auxquels Kyo ne pouvait se permettre en cette période. Il devait se faire discret et se conduire de façon irréprochable. Cependant, cette attitude était également valable pour Misao. Car si la jeune fille se mettait à dos la haute société et était mal considérée, cela allait forcément déteindre sur lui. On lui reprocherait de ne pas s'occuper assez de sa « protégée », de lui laisser trop de liberté et de donner un mauvais exemple à son entourage. En effet, la jeune fille n'ayant aucun parent en ce monde, Kyo devenait en quelque sorte sa seule famille, c'est à dire que c'était à lui que l'on se plaindrait ou que l'on complimenterait le comportement de Misao.

         Ainsi, la jeune fille devait tout comme lui se tenir à carreau s'ils ne voulaient pas compromettre ses chances de devenir roi de Fanelia. Kyo se reprocha de ne pas avoir mis en garde davantage Misao par rapport à son attitude dans un royaume tel que Fanelia. Les règles en ce lieu étaient bien différentes de celles qu'elle connaissait sur la Lune des Illusions. Il était temps de les lui inculquer.

#--------#

         Misao était aux anges. Après avoir chevauché pendant une bonne vingtaine de minutes avec une incroyable sensation de liberté, elle goûtait maintenant à un repos bien mérité, allongée comme elle était au soleil, dans un pré près duquel coulait un ruisseau. Le cadre était enchanteur, à la fois tranquille et pittoresque, et elle se félicitait à maintes reprises d'avoir pris la décision de cette petite escapade qui s'avérait délicieuse de minute en minute.

         Une légère brise caressait son visage, l'air sentait bon la nature – adieu la pollution de la grande ville où elle habitait au Japon – et les rayons chauds du soleil promettaient un joli bronzage si elle y restait assez longtemps exposée.

         Elle avait oublié tous ses soucis, et sa matinée déprimante en compagnie de l'adorable miss Beckley n'était plus qu'un mauvais et lointain souvenir. Misao savourait ainsi l'instant avec délice, et commençait même à somnoler doucement, lorsqu'elle sentit une ombre se poster devant elle, masquant ainsi à demi une partie de la lumière du soleil. Ennuyée et étonnée par cette ombre soudaine, la jeune fille ouvrit les yeux et eut une exclamation ravie en découvrant Kyo.

  « Kyo ! Comment m'as-tu trouvée ? Peu importe, viens t'asseoir près de moi, tu vas voir, c'est absolument g…

  Debout ! Nous partons.

  Quoi ?

  Ma parole, n'as-tu pas un grain de bon sens ?! Pourquoi crois-tu que je suis ici ? Pour me baigner dans le ruisseau peut-être ?

  Pourquoi te fâches-tu ? Je ne fais rien de mal !

  Plus que tu ne sembles le croire. Sais-tu qu'à la seconde où je te parle, des invités importants arrivent au château et comptent sur notre présence pour le déjeuner ?

  Bien sûr que je le sais ! C'est même pour ça que je suis partie. »

         Agacé de la voir toujours aussi peu soucieuse de son attitude, Kyo lui saisit le bras fermement et la remit debout aussi sec.

  « Lâche-moi, espèce de brute ! Tu me fais mal ! Qu'est-ce que tu as à la fin ?

  Comment faut-il que je te le dise ?! Tu n'avais pas le droit de faire ça ! Ca ne se fait pas, bon sang ! Tu devais rester au château pour accueillir les invités, parler et partager un repas avec eux. Une demoiselle ne quitte pas sa demeure sans autorisation et sans en avertir personne comme ça !

  Qu'y a-t-il de mal à cela ? Je n'ai plus quatre ans ! Quand je suis chez Amano et Nozomi, je n'ai pas besoin de…

  Tu n'es pas chez eux ! Tu es ici, à Fanelia, désormais. Tâche de ne pas l'oublier. Peu importe d'où tu viens, tu dois te conformer à nos règles. Et les nôtres concernant la bienséance sont plus strictes. Tu es une jeune fille, tu n'as pas la majorité, et je suis ton seul soutien en ce monde. C'est donc moi qui suis responsable de toi. Tout ce que tu vas faire de mal va ressurgir sur moi, tu comprends ça ? De plus, les invités que nous accueillons aujourd'hui sont des gens influents qui peuvent parler de moi à certains des ministres qui détermineront le futur monarque de Fanelia. Si tu continues comme ça, tu risques de tout gâcher !

  Mais vos règles sont totalement idiotes et affreuses ! J'ai détesté tout le temps que j'ai passé au château. Cette vieille sorcière de Miss Beckley est détestable et je n'ai pas la moindre intention de passer tout mon temps avec elle !

  Nos règles sont comme elles sont, et tu t'y feras. En venant ici, tu as pris un engagement, Misao. Qui a dit que ce serait facile ? Personne. Cependant, tu t'es engagée à m'aider à devenir roi de Fanelia, et ce n'est pas en te faisant remarquer et en te faisant condamner par la haute société que tu m'aideras ! Tu dois te conduire comme une jeune fille bien élevée et convenable. Cela signifie être à l'heure et figurer aux mondanités auxquelles tu seras invitée. Tu devras aussi être polie et respectueuse, notamment envers les personnes âgées telles que miss Beckley. Enfin, tu obéiras à ce que je te dis, et pour commencer tu vas m'accompagner au château. »

         Misao poussa un soupir à fendre l'âme.

  « Se conduire comme une jeune fille convenable, obéir aux ordres, faire bonne figure… c'est ridicule ! Vous accordez beaucoup trop d'importance à l'apparence. Je viens juste d'arriver ici et j'ai déjà l'impression d'étouffer !

  A quoi t'attendais-tu ? Ce n'est pas un jeu, Misao. Cesse d'agir comme une gamine ! L'avenir de tout un royaume est en jeu ! Qu'est-ce que ces petits inconvénients en comparaison ? Fais un effort, bon sang ! Je te croyais moins immature. Maintenant, viens. »

         Interdite, Misao obéit cette fois-ci sans discuter et alla monter Listie qu'elle avait attachée à un arbre et qui broutait tranquillement. La jument interrompit son déjeuner et se mit au trot sous l'ordre de Misao.

         Le retour jusqu'au château de Fanelia se fit dans le silence le plus complet, un silence à la fois froid et plein de rancœur qui troubla la jeune fille, déjà mal à l'aise après ce que Kyo lui avait dit. La voix du jeune homme avait en effet été sèche et presque intransigeante, ce qui avait laissé Misao sans voix. Elle ne comprenait pas très bien ce qui se passait. D'accord, elle n'aurait peut-être pas dû faire cette escapade, mais Kyo avait-il besoin de paraître si grave et de la réprimander avec tant de colère ? Certes, il n'avait pas beaucoup haussé le ton, mais elle avait bien compris à quel point il était mécontent et comme elle l'avait… déçu. Oui, « déçu » était bien le mot. Et cela la mettait mal à l'aise et la chagrinait d'être soudainement aussi mal considérée par Kyo. Celui-ci avait déjà été furieux contre elle, ce n'était pas nouveau, mais jamais de cette façon. Il ne lui avait jamais dit ces mots :

« Cesse d'agir comme une gamine ! Fais un effort ! Tu es si immature… »

         Misao savait pertinemment qu'elle n'était pas l'exemple parfait de la mâturité, mais entendre ces mots de la bouche de Kyo l'affectait plus qu'elle ne l'aurait imaginé. A vrai dire, elle en était presque honteuse. Elle regrettait maintenant d'avoir agi comme elle l'avait fait. Kyo avait raison, elle avait été inconsciente et irresponsable.

         Cependant, en voyant les portes du château de Fanelia se dessiner devant elle, la jeune fille se rembrunit et ne put s'empêcher de se trouver des excuses. Elle avait peut-être fait une bourde, mais ô combien justifiée ! Toutes ces exigences, tous ces ordres, toutes ces formalités la répugnaient et lui donnaient envie de hurler à la face de tous ces gens à quel point leur foutue bienséance était superficielle et inutile. Et si, comme le lui avait reproché Kyo, elle devait faire des efforts pour s'adapter à son monde, Misao en revanche avait bien envie de reprocher au jeune homme de ne lui avoir rien dit sur toutes ces nouvelles choses qui l'attendaient. C'est vrai ça, Kyo, avant de partir, ne l'avait prévenue en rien, ne l'avait mise au courant de rien et il s'insurgeait maintenant de sa conduite ! S'il n'était pas content après elle, il n'avait qu'à la mettre en garde plus tôt ! La veille, à peine une fois arrivés au château, il s'était contenté de la planter là et d'aller retrouver ses amis et tant pis pour toi, Misao, débrouille-toi, adapte-toi à ce monde dont les traditions et les coutumes te sont complètement inconnues, et ne fais pas une seule erreur car après tout, toutes tes fautes vont déteindre sur moi !!

         En pensant à tout cela, la jeune fille était maintenant elle aussi en colère et pleine de rancœur envers Kyo, qui la traitait comme si tout était de sa faute, alors que depuis son arrivée à Fanelia, il ne s'était pas occupée d'elle et ne lui avait rien dit du comportement qu'elle était sensée adopter.

  « Nous arrivons, déclara Kyo en passant les portes du château. »

         Les deux jeunes gens se rendirent ensuite jusque dans la cour du château puis se dirigèrent vers les écuries où Aldo les attendait, ainsi que Jeanne.

  « Mademoiselle Misao ! s'écria celle-ci avec une bonne dose de soulagement. Comme je suis contente de vous voir !

  Moi de même, grinça Misao entre ses dents, avec une mauvaise humeur appuyée. »

         Elle s'en voulut ensuite d'être désagréable avec la pauvre Jeanne, qui n'avait rien fait et n'était pour rien dans cette histoire. Néanmoins, Misao ne se sentait pas la force de paraître joyeuse et pleine d'entrain après le discours moralisateur qu'elle venait de subir par Kyo, et surtout elle appréhendait le déjeuner auquel elle allait devoir se rendre.

  « Jeanne, qu'a dit Lundar ? demanda Kyo à la femme de chambre.

  Et bien… je ne vous cacherai pas qu'il n'était pas très content, murmura la jeune femme en baissant la tête. Il m'a dit de vous faire savoir qu'il espérait que vous saviez ce que vous faisiez, puis il a déclaré qu'il se débrouillerait pour éclipser votre retard, à vous et à mademoiselle Misao, auprès de tout le monde. Il a dit qu'il prétexterait pour Misao qu'elle ne se sentait pas très bien et préférait rester un peu dans sa chambre quant à vous, monsieur, il a dit qu'il dirait à tous que vous deviez probablement avoir été retenu sur la route par des travaux, ou des choses comme ça. Enfin, il a ajouté qu'il espérait que… que cela ne se reproduirait plus. »

         Misao sentit le regard de Kyo se poser sur elle, et elle ressentit cela comme s'il la tenait responsable de tous les maux de la Terre. C'était absurde ! Il n'allait pas lui faire la tête pour un incident aussi insignifiant ! Si ?

  « Aldo, occupez-vous des chevaux, ordonna Kyo d'une voix ferme. Jeanne, conduisez donc Misao à sa chambre en empruntant le chemin des domestiques. Inutile de se faire remarquer plus qu'il ne se doit. Faites-la se changer et attendez-moi dans sa chambre. Je vais moi aussi me changer et j'irai vous rejoindre pour que nous nous rendions elle et moi dans la salle à manger. »

         Il balançait ses ordres comme s'il croyait que tout le monde allait lui obéir au doigt et à l'œil, songea Misao en se renfrognant. Pour qui se prend-il ? Et pourquoi s'adresse-t-il à Jeanne pour tout ce qui me concerne ? Ne pouvait-il pas me dire directement à moi de me changer ? Ce n'est pas Jeanne qui va assister à ce stupide repas, bon sang ! Il fait comme si je n'existais pas, comme si je n'étais pas là, alors que c'est bien de moi dont il s'agit ! J'ai l'impression d'être un pantin que l'on trimballe par-ci par-là… Jeanne, faites-la se changer, conduisez-la dans sa chambre… je ne suis pas un objet !

         Misao se sentait inutile et tellement peu considérée qu'elle en était furieuse. Et voir Aldo et Jeanne obéir effectivement au doigt et à l'œil de Kyo ne la rendit que plus amère. Ici, Kyo était un des maîtres du château, il avait ses propres domestiques et pouvait donner des ordres comme bon lui semblait. Certains allaient même jusqu'à le considérer comme un prince, puisqu'il risquait de devenir le futur roi de Fanelia. Le voir commander était donc quelque chose de normal. Pire, il avait dû être habitué à être servi depuis tout petit, et qu'on lui obéisse devait être pour lui quelque chose de naturel.

         Misao était donc prête à comprendre et à accepter de le voir ainsi donner des ordres à ses domestiques mais ce qu'elle refusait de concevoir, c'était de le voir, LUI, lui donner des ordres à ELLE. Elle ne faisait pas partie de son armada de serviteurs, elle n'était même pas de son monde et ne tolérerait pas d'être traitée comme une idiote…

Elle décida toutefois de ne pas faire d'éclat pour l'instant, étant donné que le moment ne paraissait pas approprié vu le déjeuner auquel ils devaient assister. Elle se promit néanmoins d'exposer clairement à Kyo son point de vue, afin qu'il comprenne que même si elle était venue sur Gaïa dans le but de l'aider, cela ne signifiait pas qu'elle était à son humble disposition.

Ils partirent chacun de leur côté, Kyo seul, et elle accompagnée de Jeanne, qui la conduisit jusqu'à sa chambre en empruntant de nouveaux couloirs réservés apparemment aux domestiques.

#--------#

Quelque part sur Gaïa…

  « Où en sommes-nous, Assgard ?

  La réunions de leurs ministres aura lieu dans trois jours, Maître. Nous saurons alors qui de Kyo ou d'Hetan sera roi de Fanelia.

  Très bien. L'espion est-il arrivé à destination ?

  Bientôt. C'est de lui que nous pourrons prochainement tenir de nouvelles informations. Maître, si je puis me permettre, pensez-vous vraiment que ce Kyo ait des chances de devenir roi ?

  Rien n'est encore sûr à cause de leurs stupides ministres. Aussi stupides que toute leur race, d'ailleurs.

  Ne devrions-nous pas intervenir pour qu'il remporte le trône ?

  Surtout pas. Si nous nous mêlons trop tôt de leurs affaires, nous pourrions commettre facilement une erreur qui réduirait tout notre plan à néant. Je vous ai déjà dit que nous devions être prudent.

  Pardonnez-moi.

  Nous allons attendre l'annonce du nouveau monarque. Si ce n'est pas le dénommé Kyo, nous agirons en éliminant l'autre. Kyo prendra immédiatement sa place.

  Ne trouveront-ils pas cela suspect ? Ils pourraient même aller jusqu'à soupçonner Kyo lui-même.

  Pas si nous agissons subtilement. Il suffirait de remplacer le petit imbécile d'Hetan par un de nos hommes, puis de simuler une grave maladie, et de le faire abdiquer. Ensuite, Kyo prendrait sa place, ainsi Hetan deviendrait inutile et pourrait être tué en toute impunité sans que l'on puisse suspecter Kyo.

  Très ingénieux, en effet.

  Où en est-on avec la fille ?

  Elle est toujours là et loge à Fanelia. Devons-nous la laisser tranquille pour le moment ?

  Oui, elle ne nous sera utile qu'une fois la guerre commencée. Mais il est vrai que la première attaque est imminente. Nos chers petits hommes se tiennent-ils prêt au combat ?

  Un mot de vous et ils se jetteront à corps perdu dans la bataille, déclara Assgard avec un rictus méprisant. »

         L'homme ricana à ces propos.

  « Astria sera notre première cible, affirma-t-il avec une évidente satisfaction. Stimulez-les en leur racontant comment ce chien d'Allen Schezar les a humilié durant la dernière guerre.

  Bien, monsieur. »

#----------#

         Kyo vint frapper à la porte de Misao quelques minutes plus tard. Jeanne lui ouvrit et il entra dans la chambre de la jeune fille sans attendre. Misao se tenait debout devant son miroir et fixait son reflet avec une grimace.

  « Pourquoi cette tête ? Les vêtements que je t'ai envoyés ne te plaisent pas ? demanda Kyo en haussant un sourcil interrogateur.

  C'est juste que…

  Les robes sont un peu sévères, pour une jeune fille, compléta Jeanne en venant à sa rescousse.

  Je crois être mieux placé pour juger de ce qui est bon pour elle, déclara froidement Kyo en fronçant les sourcils. Ces robes sont parfaites et elle les portera, n'est-ce pas, Misao ? »

         Celle-ci était trop furieuse pour répondre. Pour qui se prenait Kyo, à la fin ? Son père ? Depuis quand choisissait-il ses propres vêtements ?! Ainsi, elle ne s'était pas trompée. Il était tellement habitué à se faire obéir que cela lui semblait évident qu'il en serait de même pour elle. Mais elle ne se laisserait pas contrôler, oh non.

         La jeune fille préféra néanmoins ne faire aucune remarque. Après tout, peut-être Kyo était-il simplement encore fâché contre elle, et que cela allait lui passer. Mieux valait ne pas causer de disputes inutiles, surtout sachant la vitesse à laquelle elle et lui étaient capables de se lancer des insultes à la figure.

         Quelques instants plus tard, les deux jeunes gens se tenaient bras dessus bras dessous, et arrivaient dans la salle à manger où étaient déjà installés tous les convives.

  « N'oublie pas que tu étais censée être un peu malade il y a quelques minutes, murmura Kyo à l'oreille de Misao. Fais donc en sorte qu'on le croit. Et n'oublie pas de bien te conduire, cette fois. »

         Misao se hérissa à cette dernière remarque, mais se tut. Kyo commençait vraiment à l'agacer, mais pour le moment, elle était obligée de garder ça pour elle. La jeune fille adressa donc un faible sourire aux gens qui étaient déjà attablés pour manger, et hocha lentement la tête lorsqu'on lui demanda si elle se sentait mieux. Les présentations furent faites, et encore une fois, Misao se sentit incapable de retenir tous ces noms plus de deux minutes.

Il y avait le duc et la duchesse de Dunbrooke bien entendu, la famille Padger qui comptait le père, Monsieur Johann Padger, notable de profession, la mère et les deux enfants, un garçon et une fille, ainsi que le Comte et la Comtesse de Wendling avec leur fille aînée, ensuite le baron Milton accompagné de sa femme et de ses deux fils, et enfin le conseiller Lundar et le général Padelius, un des Quatre grands Guerriers du royaume. Miss Beckley figurait aussi parmi les invités, à la grande consternation de Misao.

Comble de la malchance, la jeune fille fut placée à la droite de la vieille femme. A sa gauche, se trouvait le fils des Padger, et en face figurait Kyo. La toute première partie du dîner, lors de l'entrée, fut mortellement ennuyeuse. Misao ne participait à aucune conversation, pour la bonne raison que tout d'abord, on ne semblait pas désirer qu'elle y participe, et ensuite parce que les discussions ne tournaient qu'autour de la politique, sujet auquel Misao s'intéressait peu, surtout dans un monde inconnu.

Le pire, était que la jeune fille avait bien du mal à saisir le fonctionnement des couverts. En effet, devant elle et près de son assiette, se tenaient à peu près une dizaine de couverts en tout, dont Misao n'avait aucune idée de l'utilité. Pourquoi ne se contentaient-ils pas de la bonne vieille fourchette et d'un couteau ? se demandait-elle avec abattement.

En attendant, elle avait l'air ridicule, car elle était complètement perdue et n'osait pas commencer à manger. Elle glissa un œil prudent vers Kyo qui la regardait. Le jeune homme essayait de l'aider en lui montrant comment s'y prendre, mais Misao ne comprenait rien, surtout qu'il se trouvait en face d'elle et qu'elle avait ainsi du mal à répéter ses gestes du fait qu'ils étaient dans un sens opposé.

Elle commençait à sentir les regards des invités se poser sur elle, lorsqu'elle sentit son voisin de gauche lui donner un léger coup de pied sous la table, et elle le regarda alors avec étonnement. Il s'agissait du fils des Padger, qui se nommait William, si elle ne se trompait pas. Le jeune homme essayait lui aussi de l'aider et lui montrait comment faire. Comme il était juste à côté de lui, c'était beaucoup plus simple qu'avec Kyo, et Misao poussa un soupir de soulagement en se saisissant enfin des couverts adéquats pour commencer à manger.

En remerciement, la jeune fille gratifia le dénommé William d'un grand sourire, que celui-ci lui rendit chaleureusement. Suite à cela, il alla même jusqu'à commencer à lui adresser la parole, ce qui eut pour effet de la distraire et de supporter le déjeuner.

  « Ainsi, vous êtes bel et bien de la Lune des Illusions, lui chuchota-t-il pour rester discret.

  Oui, c'est bien cela. Et c'est aussi pour cette raison que je suis complètement perdue avec vos coutumes. Vous venez de me sauver la vie ! Merci beaucoup.

  Ce n'était pas grand-chose. Cela me faisait mal au cœur de vous voir ainsi. Je vous observe depuis le début du repas, vous savez.

  Ah bon ? Pourquoi cela ?

  Je suis curieux. Ce n'est pas tous les jours que l'on se retrouve à la même table qu'une jeune habitante de la Lune des Illusions… Vous êtes Lady Kanzaki, si je ne me trompe ?

  Par pitié, appelez-moi Misao, dit la jeune fille en pouffant de rire. Je me sentirais plus à l'aise.

  Dans ce cas, appelez-moi Will. C'est ainsi que m'appellent tous mes amis.

  Très bien, Will. Cela signifie-t-il que je compte déjà parmi vos amis ? »

         Le jeune homme fit mine de réfléchir.

  « Cela dépend… cela vous intéresse-t-il d'en faire partie ?

  Pourquoi pas. Je vous rappelle que vous êtes mon sauveur de couverts.

  C'est vrai, admit Will en souriant. Vous avez une dette envers moi. Mais si vous voulez devenir mon ami, alors nous allons avoir besoin de nous rencontrer très souvent, et faire de longues promenades ensemble, pour faire plus ample connaissance. Qu'en dîtes-vous ? »

         Misao était un peu prise au dépourvu. Etait-elle en train de se faire draguer ? Elle n'en était pas sûre. Car ici, faire la cour à une fille semblait être beaucoup plus subtil et délicat que sur Terre. La jeune fille se sentit soudainement observée. Elle leva la tête et rencontra le regard froid et agacé de Kyo. Qu'avait-elle encore fait de mal ? Etait-ce parce qu'elle parlait avec Will qu'il était mécontent ? Si c'était bien cela, il dépassait les bornes. Après avoir choisi ses vêtements, comptait-il aussi choisir ses propres amis ?!

         Ce fut ce qui la décida à répondre au jeune Padger.

  « C'est une excellente idée, déclara-t-elle avec enthousiasme. J'adorerais mieux vous connaître. Je me sens très seule ici, vous savez.

  Vous pouvez d'ores et déjà compter sur moi pour vous sortir de votre solitude. Mais de toute façon, vous venez à peine d'arriver, c'est bien normal. Ce soir, lors du bal, vous ferez sûrement d'autres rencont…

  Je viens d'entendre le mot « bal » ! De quoi parlez-vous, mon cher William, avec Lady Kanzaki ? interrompit la Comtesse de Wendling, toujours à l'affût des commérages.

  Oh, je lui parlais juste du bal de ce soir, expliqua Will.

  Cela signifie-t-il que vous nous ferez l'honneur d'y assister, Lady Kanzaki ? demanda la Comtesse.

  Et bien, oui… je crois, répondit Misao.

  C'est bien normal, puisqu'il s'agit d'un bal organisé en l'honneur du retour du Comte de Valencia parmi nous, n'est-ce pas ? Lady Kanzaki, qui est arrivée avec lui, sera donc aussi à l'honneur, ce soir.

  En effet, déclara Kyo.

  Au fait, connaissez-vous nos danses, sur la Lune des Illusions ? demanda alors la jeune Padger avec curiosité à Misao.

  Et bien… si vous faites référence à la valse, il est certain que nous la connaissons.

  Vraiment ? Dans ce cas, vous ne serez pas perdue ce soir, pour danser.

  C'est à dire que… nous connaissons la valse, mais nous n'apprenons pas forcément à la danser. Moi-même, je ne sais pas danser.

  Chère enfant, il est temps de vous y mettre sérieusement ! s'exclama la baronne de Milton. »

         Misao hocha la tête d'un air crispé, embarrassée devant toute l'attention qu'on lui portait désormais. En effet, tout le monde lui posait maintenant des questions sur la Lune des Illusions, ses habitants, leurs coutumes, leur nourriture, bref, elle avait l'impression d'être devenue le centre de tous les regards depuis quelques minutes.

         Lorsqu'enfin, on vint servir le dessert, un autre sujet fut abordé et la jeune fille put respirer. A la fin du repas, on fut enfin disposé à quitter la table, et tandis que les hommes se retrouvaient entre eux dans un salon contigu à la salle à manger, les femmes allaient se rafraîchir sur la terrasse donnant vue sur le vaste jardin du château. Cependant, Will, qui avait des affaires à régler à l'extérieur du château, devait s'en aller et vint donc prendre congé des dames avant de partir. Lorsque vint le tour de Misao, le jeune homme en profita pour lui parler un peu et lui posa une nouvelle question :

  « Vous ne savez réellement pas danser, miss ?

  Oui. Est-ce un crime, ici ? plaisanta la jeune fille.

  Certes non ! Mais… il sera dur de vous amuser ce soir et de n'offenser personne si vous refusez toutes les danses. Allons, ce n'est pas bien difficile. Je suis sûr que cet après-midi, par exemple, vous pourriez en apprendre suffisamment pour faire bonne figure ce soir.

  C'est ce qu'on m'a dit…

  Si… enfin… si vous le désirez, je pourrais peut-être… tenter de vous initier

  Désolé, mais la demoiselle est déjà prise. »

         Misao se retourna brusquement en entendant la voix coupante de quelqu'un qu'elle commençait à bien connaître. Kyo se tenait en effet derrière elle, un verre d'alcool dans la main droite, et fixait Will avec une nonchalance affectée.

  « Vraiment ? s'enquit le jeune Padger auprès de Misao, afin de voir si elle allait approuver les dires de Kyo. »

         Celle-ci hésita. Elle se souvenait parfaitement de ce que lui avait dit Jeanne, comme quoi Kyo pourrait lui apprendre à danser cependant, le jeune homme ne lui en avait pas parlé du tout, il n'avait rien convenu de pareil avec elle, et voilà qu'il venait assurer une telle chose tout naturellement, comme si cela tenait de l'évidence, et avec un aplomb démesuré en plus ! Encore une fois, Misao fut agacée de constater comment Kyo se permettait de répondre à sa place. Depuis quand prenait-il des décisions pour elle ?

  « Mettriez-vous en doute ma parole, Padger ? demanda Kyo avec la même indolence, mais avec un soupçon de mépris dans la voix. Lady Misao m'a déjà donné son accord pour que je lui enseigne les rudiments de la valse. Vous arrivez trop tard. C'est trop dommage.

  Nous n'avons rien convenu du tout ! s'écria Misao, qui sentait la moutarde lui monter au nez. Je n'ai…

  Peut-être devrais-je vous rafraîchir la mémoire, Miss Kanzaki. Nous nous trouvions près d'un ruisseau quand nous avons parlé de cela, déclara Kyo d'une voix dure et en dardant sur la jeune fille un regard qui en disait long sur son humeur. »

         Misao comprit qu'il cherchait à lui rappeler la faute qu'elle avait commise dans la matinée en s'échappant à cheval. Il était clair qu'il mentait mais qu'il voulait qu'elle confirme ce qu'il disait, comme pour qu'elle se rachète de sa soi-disante « horrible conduite » du matin. La jeune fille pesa un instant le pour et le contre, et se décida finalement à se mettre du côté de Kyo. Elle avait beau mourir d'envie de rendre Kyo furieux en acceptant la proposition de Will, d'un autre côté, elle ne connaissait celui-ci que depuis quelques heures à peine, et se demandait si elle arriverait vraiment à se concentrer et à apprendre à danser avec quelqu'un qu'elle considérait encore comme un étranger. Or, elle avait réellement envie d'apprendre correctement l'art de la danse car risquer de se ridiculiser le soir-même n'était pas une perspective des plus réjouissantes…

  « C'est exact, admit-elle donc à contrecœur. Je… j'avais complètement oublié notre conversation de ce matin.

  Vous voyez ? Miss Misao avait déjà pris un engagement auprès de moi, déclara Kyo avec une ironie presque triomphante. J'en suis sincèrement désolé pour vous, ajouta-t-il à l'adresse de Padger avec un air tout, sauf désolé.

  Mais je n'en doute pas. De toute façon, je gage que Lady Kanzaki, qui grâce à vous saura parfaitement danser ce soir, me réservera quelques danses, n'est-ce pas, miss ?

  Bien sûr ! assura Misao en souriant. J'en serai ravie.

  Plaisir partagé. A ce soir, miss. Vous aussi, Comte, salua Will avant de les quitter. »

         Misao le regarda partir puis se tourna vers Kyo qui n'avait pas bougé d'un pouce. Celui-ci se tourna vers elle à son tour.

  « Alors comme ça, tu t'es déjà fait un nouvel ami ? On peut dire que tu vas vite en besogne. »

         Misao ne se serait pas sentie aussi furieuse s'il n'avait pas mis dans sa phrase une intonation aussi moqueuse.

  « En quoi est-ce que cela te regarde ?! Pourquoi as-tu surgi comme un vautour dès qu'il m'a fait cette proposition ? Qui crois-tu être, à la fin ?

  Kyo Fanel, Comte de Valencia, et bientôt le futur Roi de Fanelia. Ca te va comme présentation, ou il faut que je sois encore plus explicite ?

  Qu'est-ce que ça veut dire ? Que tu te crois tout permis, peut-être ?

  Pas nécessairement. Du moins, pas encore. Ce qu'il y a, c'est que je te rappelle que tu es sous MA responsabilité. En tant que tel, tu dois me faire confiance, et faire ce que je te dis ! »

         Misao n'en croyait pas ses oreilles. Comment osait-il lui parler sur ce ton ?!

  « Je ne suis pas à ton service, Kyo ! Je ne suis pas une domestique, ou un de tes innombrables serviteurs ! Je fais ce que je veux, et ce n'est certainement pas toi qui vas diriger ma vie, sous prétexte que tu te sens responsable de moi !

  Tais-toi, idiote ! Avec tes cris de mégère, tu vas ameuter tout le monde autour de nous ! »

         En effet, depuis quelques instants, les dames qui se trouvaient non loin d'eux jetaient un œil perplexe dans leur direction, ce qui n'était sûrement pas bon pour l'image du couple parfait et harmonieux qu'étaient sensés donner Kyo et Misao. Pour ne pas faire jaser plus qu'il n'en était nécessaire, le jeune homme décida de poursuivre cette discussion dans un lieu plus tranquille. Il prit donc le bras de Misao, s'excusa auprès des femmes de leur enlever la jeune fille, prétextant un mal de tête de sa part, et se dirigea d'un pas ferme vers la chambre de Misao.

         Celle-ci ne broncha pas, bien trop contente de pouvoir hurler sur Kyo loin des oreilles indiscrètes. Ce dont elle ne se priva pas dès que la porte de sa chambre fut refermée derrière eux.

  « Tu es impossible ! cria-t-elle. Depuis que je suis arrivée, tu essaies de régir ma vie, et tu agis comme si j'étais à ta disposition !

  Je ne fais qu'agir pour notre bien à tous ! Tu ne connais rien de nos coutumes, et comme en plus tu n'en fais qu'à ta tête, il faut bien que quelqu'un s'occupe de tes agissements. Rien que ce matin, que se serait-il passé si je n'étais pas allé te chercher ? Tu devrais plutôt me remercier pour tout le mal que je me donne.

  Je rêve ! Je n'ai pas besoin de toi, Kyo. Je suis désolée pour ce matin, je reconnais mon erreur, mais tu ferais bien aussi de reconnaître les tiennes ! Tu ne m'as rien dit sur toutes vos règles, pas un mot ! Et tu espérais que je les apprenne en quelques heures ?!

  Très bien. En ce cas, je vais te les énoncer. Règle numéro 1 : conduis-toi comme une jeune fille digne et bien élevée, aimable, polie et respectueuse. Règle numéro 2 : ne te mets pas à dos les familles les plus influentes, si tu ne veux pas être mise au ban de la société. Règle numéro 3 : apprends à manger, à saluer, à danser, à converser bref, à te tenir correctement dans le monde. Règle numéro 4 : tu as un chaperon, miss Beckley. Arrange-toi donc pour lui plaire, ou du moins, fais semblant. Règle numéro 5 : ne flirte pas ouvertement avec les hommes. Tu n'es pas une courtisane. Les hommes de ce monde ne sont pas différents des tiens : beaucoup ne recherchent la compagnie d'une femme que pour réchauffer leur lit.

  Pardon ?! Insinuerais-tu que je cherche à séduire ?! Et que Will fait partie de cette catégorie d'hommes dont tu viens de parler ?

  Je n'ai rien dit du tout. Je ne fais que te mettre en garde. Sois prudente, c'est tout.

  Je ne te comprends vraiment pas ! Tu m'ennuies sérieusement avec tes discours de vieux moralisateur. Le pire, c'est que je ne te crois pas très bien placé pour cela. J'ai cru comprendre par Jeanne que tu n'étais pas très constant avec les femmes. Et après ça, tu as le culot de me dire de me méfier des hommes et de te faire confiance, à toi ! Excuse-moi si je trouve ça drôle.

  J'ai toujours pensé que les domestiques avaient la langue trop bien pendue… murmura Kyo en maudissant Jeanne. De toute façon, ça n'a rien à voir. Je n'ai jamais été impoli avec aucune femme. Je les ai toujours respectées.

  Tu m'en vois rassurée, assura Misao avec un petit rire dédaigneux.

  Au fait, ma dernière règle : tu n'es pas majeure, considère-moi donc comme ton tuteur. »

La jeune fille laissa échapper une exclamation étouffée.

  « Tu n'es pas plus majeur que moi, que je sache ! Tu ne peux donc pas être mon tuteur !

  Je sais, mais c'est tout comme. Même si je n'ai pas encore la majorité officielle, je serai bientôt Roi de Fanelia. Personne n'ira donc chipoter sur le fait que je sois majeur ou non pour devenir ton tuteur.

  Très bien, deviens mon tuteur si tu en as envie, mais ne crois pas que j'obéirai à un seul de tes souhaits ! J'en ai plus qu'assez, de toi et de tes airs supérieurs ! D'abord, tu choisis mes vêtements, ensuite tu m'empêches de rencontrer Will aujourd'hui ! Jusqu'où comptes-tu aller ?

  Si je te laissais faire, tu ternirais ta réputation, et la mienne avec. Je serais déjà discrédité depuis longtemps à l'heure qu'il est.

  Alors c'est pour ça que tu te donnes tant de mal ? Pour ne pas être déshonor ? Tu as honte de moi, je suppose.

  Je n'ai jamais dit ça, et tu le sais.

  Dans ce cas, tu l'as pens !

  Non. Je n'ai pas honte de toi. Si c'était vrai, crois-tu que je t'aurai demandé de m'accompagner ici ? »

         Misao regarda un instant Kyo dans les yeux. Le jeune homme semblait s'être soudainement radouci. Mais ce n'était pas son cas. Elle en voulait toujours à Kyo d'être aussi autoritaire avec elle. Où était passé le jeune garçon attentionné et rayonnant qui s'était amusé avec une bande d'enfants la veille ? Etait-ce seulement lorsqu'il était avec elle qu'il devenait parfois aussi odieux ? Pourquoi avait-elle l'impression d'être la seule à l'énerver autant ?

  « Si tu n'as pas honte de moi, qu'as-tu contre moi alors ? insista Misao.

  Changeons de sujet, veux-tu ? Cette dispute devient stupide.

  C'est trop facile ! C'est toi qui as commencé, ne compte pas te défiler comme ça ! A moins que tu ne veuilles t'excuser de toutes tes idioties. »

         Kyo éclata d'un rire sans joie et s'avança tout près de la jeune fille.

  « Tu veux que je te dise le fond de ma pensée ? murmura-t-il en prenant délicatement entre ses doigts une mèche de cheveux de Misao. »

         La jeune fille se tut, incapable de proférer un mot devant la soudaine proximité de Kyo.

  « Je t'ai toujours trouvée adorable… commença le jeune homme en murmurant à son oreille. »

         Misao retint son souffle, sentant les battements de son cœur s'accélérer.

  « … mais tu es aussi inconsciente, irréfléchie, et immature. J'ai l'impression de causer avec une gamine qui n'en fait qu'à sa tête. Grandis un peu, Misao. »

         L'entendre lui dire ces paroles si crûment donna l'impression à la jeune fille de recevoir une douche froide.

  « Je ne suis pas une gamine ! protesta-t-elle. Il y a peut-être plus mâture que moi, mais je sais que je n'en suis pas une ! J'aurai bientôt dix-sept ans et…

  Inutile de te justifier, je sais ce que je dis. Tu voulais une réponse, tu l'as eu. J'ai été franc.

  Tu te trompes. Will n'avait pas l'air de me trouver si immature, lui.

  Il ne te connaît pas. Il tombera de haut lorsqu'il réalisera quelle gamine effrontée et impulsive tu fais, ricana Kyo.

  J'aurais dû accepter sa proposition de m'apprendre à danser, plutôt que la tienne ! répliqua Misao, furieuse de se voir gratifiée de tels qualificatifs. »

         Le jeune homme eut un sourire suffisant.

  « Je danse dix fois mieux que lui et ferai un merveilleux professeur, déclara-t-il posément. D'ailleurs, en y pensant, nous ferions bien de commencer ta première leçon. Je vais appeler Jeanne pour qu'elle s'occupe de toi et te recoiffe. Tu a tellement vociféré après moi que tu ressembles à un épouvantail. Tu as cinq minutes pour te préparer. »

         Sur ce, Kyo tourna les talons et quitta la chambre, laissant Misao seule face à sa rancœur.

A suivre !

Note de l'auteur :

Bon, là je suis sincèrement désolée d'avoir dû m'arrêter l ! ct pas prévu au départ, ms j'ai décidé de stopper ici pour publier le chapitre plus vite… (c'est aussi pour ça que le titre du chapitre laisse un peu à désirer… normalement il devait s'appeler, LE BAL, ms vu ke je suis pas allée jusque là… j'ai dû trouver un autre titre ki colle… ms ce sera pour l'autre chapitre !)

Mais comme je sais exactement ce que je compte faire après (pour une fois), le 10ème chapitre risque d'arriver bientôt ! deux semaines maximum avant sa publication (vu ke ya une copine ki vient dormir chez moi…), je dépasserai pas ce délai, promis juré crach

Donc je vous assure un 10ème chapitre à peu près aussi long, avec une scène Misao/Kyo où on ne pourra pas dire qu'il ne se passe rien entre eux ! (en même temps, je suis dsl ms c vrai ke je ne peux pas faire en sorte kil se passe des choses incroyables entre eux à TOUS les chapitres)

La réunion des ministres ne tardera pas non plus, et je vais pouvoir introduire bientôt un premier pitit combat de Guymelef !

Pour finir, un petit sondage sur les caractères des personnages (je vous explique pourquoi je le fais et que cela m'intéresse que vous y répondiez : en fait, c'est parce que ds ce chapitre, un autre aspect de Kyo apparaît, c'est à dire qu'on le voit beaucoup plus autoritaire et plus possessif aussi pareil pour Misao, le fait qu'elle soit en somme assez immature est plus développé… donc je me demandais si cela vous plaisait ou non) :

Que pensez-vous du caractère de Kyo ?

vous l'aimez bien mais pas ds ce chapitre ?

vous l'aimez encore plus avec ce chapitre ?

vous le détestiez déjà au début alors là c'est encore pire ?

Que pensez-vous du caractère de Misao ?

elle est sympa et son personnage est attachant

elle est lourde à ne jamais savoir ce qu'elle veut

elle est bien mais un peu trop gamine sur les bords

Enfin, une autre question dont vos réponses pourraient m'aider :

William Padger (Will) semble un peu s'intéresser à Misao ds ce chapitre. Vous pouvez donc deviner qu'il va peut-être un peu semer le trouble ds le petit couple déjà tourmenté que forment Misao et Kyo .

Comment verriez-vous ce Will, du point de vue de sa personnalit ?

plutôt séducteur, une sorte de nouveau Allen Schezar

très timide, histoire d'établir un contraste avec Kyo qui est au contraire plein d'assurance

(je n'ai pas d'autres idées de caractères pour lui, mais si vous en avez, ne vous gênez pas pour proposer)

Voil ! Ces petits sondages pourront m'aiguiller pour les prochains chapitres, et comme cette fic n'est pas une fanfic originale et ne m'appartient donc pas entièrement, je l'écris pour moi mais aussi pour vous donc c'est dans le but que cela vous plaise encore plus !

A dans deux semaines (au plus tard) !!!

Tchao et gros bisous à tous

Leera H.