Note de l'auteur :

Pfiou… je crois ke je suis pile poil à temps !!

Ou alors à un ou 2 jours près ms je n'avais pas le choix… j'ai eu incroyablement de mal à écrire ce chapitre, ça a été horrible… j'ai séché, réécrit, réarrêté, enfin bon, je sais pas pourquoi, mais ça a été très lourd… finalement, j'ai dû en plus me grouiller à tt vitesse pour le finir, et ensuite je n'ai meme pas pu le mettre en ligne car de petits ennuis m'en ont empêché… saleté de parents

Bon, là, pour ceux ki auraient été là hier soir, vous vous êtes peut-être rendus compte ke le chapitre était déjà mis, ms là je le reposte comme je l'ai dit hier car je n'avais pas pu répondre aux reviews, et tt et tt !

Alors… tout d'abord, les réponses au sondage :

J'ai été tres contente de voir que pratiquement tt le monde y a participé, ms surtout, c'était marrant de voir vos avis car il y en a eu pas mal de différents… surtout pour Kyo ! Il y en a qui l'ont détesté ds le chapitre précédent, d'autres qui l'ont adoré… bref, y avait de tous les goûts ! et j'aime bien ça, que mes petits persos suscitent des opinions différentes… héh !

La première question était :

Que pensez-vous du caractère de Kyo ?

Il y a eu 6 avis catégoriques comme quoi il était moins bien dans le chapitre 9.

11 avis comme quoi il était encore mieux, ou comme quoi il était assez normal qu'il réagisse comme il l'a fait.

Plus qq avis qui étaient entre les deux.

Personnellement, j'ai bien compris les deux opinions différentes, car chacun de vous avait de bons arguments, ms ce qui est sûr, ce que je ne pourrai pas contenter tt le monde, vu tous les avis opposés ! donc j'espère quand même que personne n'aura envie de tuer Kyo à la fin de ma fic… lol même si je trouve ça intéressant que des traits de caractère chez lui énervent certaines personnes, et soient appréciées chez d'autres

Que pensez-vous du caractère de Misao ?

Environ 7 personnes l'ont trouvée attachante.

Environ 4 l'ont trouvée un peu gamine sur les bords et un peu trop indécise.

Là encore, je partage les deux opinions. J'aime Misao mais je sais parfaitement qu'elle est un peu immature, plus ou moins dans les chapitres, cela dépendra. J'ai fait exprès de la faire ainsi, et c'est pareil pour Kyo.

Et donc je préfère tous vous prévenir que même si les personnages évolueront (en tout cas je m'efforcerai de les faire évoluer j'espère que j'y arriverais), cela ne signifiera pas qu'à la fin, tous leurs défauts auront disparu… Parce que pour moi, créer des persos, c'est leur faire des qualités comme des défauts, faire qu'ils ne soient pas parfaits, donc à la limite, lorsque l'on me dit que l'on aime pas tel perso parce qu'il a tel trait de caractère, ça peut me faire plaisir car je me dis qu'au moins j'ai inventé des persos humains, qui ne sont pas parfaits… vous me suivez ?

Sinon, pour la question que j'avais posée sur Will, beaucoup me l'ont fait remarquer et ils avaient raison : vu comment Will était dans le chapitre 9 (il donne quand même un coup de pied sous la table à Misao, et lui parle sans être vraiment gêné), j'aurais du mal à faire de lui un personnage timide par la suite. En fait, je me suis embrouillée toute seule car au début, je comptais vraiment faire de lui qqn de timide, et puis j'hésitais, et puis bref, avec ce chapitre, vous verrez qui il est vraiment.

Peut-être que vous allez être surpris, car là encore, j'ai fait le contraire de ce que je pensais faire, enfin bon… je me comprends !

Réponses aux reviews !

Suncet : merci pour tt ! si tu ne voulais pas trop d'un Will à la Allen Schezar, tu vas être servie ! car il n'est pas ce qu'on croit. Sinon, j'espère que tu as eu ton bac !! moi je l'ai eu, mention bien z'étais trop contente !

Amy Evans : Je comprends que tu trouves Kyo « suffoquant », c'est clair qu'il apparaît assez sur le dos de Misao ds le chapitre 9. Tout ce que je peux dire pour sa défense, c'est qu'il se prépare à être futur Roi, donc pas question d'être mou, ms surtout, il ne peut pas s'empêcher d'être protecteur et un peu possessif vis à vis de Misao, et comme celle-ci ne comprend rien, c'est pas si facile pour lui non plus ! Je suis contente que tu te reconnaisses en Misao ! C'est une fille super donc tu dois l'être aussi !

Lamagic : aaaaaaargh ! j'ai pleuré en lisant ta review et en apprenant le suicide de ta souris ! se mouche bruyamment Toutes mes condoléances… snif, à cause de ça, je ne dors plus et je ne pourrais plus jamais me regarder dans une glace !!! c'est sans doute pour ça que j'ai eu autant de mal à écrire ce chapitre… la mort de ta souris m'a perturbée…

Il n'est pas prévu ke Kyo devienne un vieux grincheux nympho ! lol

C'est juste qu'il est jaloux en fait… possessif, mais comme Misao ne le comprend pas… et puis, il est perturbé par plein de choses, le pauvre Kyo… menfin, tu verras bientôt koi !

Lory : merci pour ta review ! Je sais que Misao est gamine, mais c'est vraiment intentionnel, c'est un de ses défauts et on ne peut pas la changer du jour au lendemain ! le côté tombeur de Kyo ne le quittera pas, t'en fais pas…

Et je te remercie mille fois pour tes encouragements !!

Emy : je suis contente ke tu ais aimé le chapitre précédent ! Pour Will… en fait, au dernier moment, j'ai complètement changé d'idée et je pense que ça va se voir… j'expliquerais plus en fin de chapitre. En tout cas, bonne lecture, et merci pour tt !

Alinemcb54 : moi aussi je pensais à un Will timide au début, ms en fait ça ne colle pas comme je l'ai expliqué ci-dessus. J'ai bien aimé ce ke tu as dit ds ta review, car ca correspond un peu à ce que je pense, c'est à dire que Kyo est un futur roi, il est têtu, aime avoir raison, et c'est sûr qu'il est du genre jaloux !! donc ca peut justifier son attitude… et pour Misao tu as encore tt à fait raison ! Lorsque tu dis que tu penses qu'en fait, elle aime faire enrager Kyo et avoir son attention ! Tu vas le voir ds ce chapitre ! Bon, ben tu es bien perspicace !

Shina : aïe aïe aïe!! Je crois bien au contraire ke Will va semer la zizanie ds notre pauvre petit couple… héhé.. c une idée tordue ki m'est venue comme ça d'un coup, je pensais pas le faire… et puis finalement… bon, ben bonne lecture de ce chapitre, et merci d'être tjrs au rendez-vous !

Ilithye : ta review m'a fait bien marrer ! je les adore, tes reviews de tt façon ! moi, mon petit Norbert a cessé de bugger, donc ca va je peux écrire sans trop de problemes ! je préfère t'écrire ds un mail tt ce kil y a à dire, donc pour l'instant, je te remercie juste d'être là et de suivre mes fics !!

Alisa Adams : w !! je suis heureuse de voir ke tu aimes encore plus Kyo ! Oui c'est sûr ke Misao est indécise, c'est énervant, ms elle est comme ça en tout cas pour l'instant ! En ce qui concerne un coup d'éclat au bal… ben déjà, vu le titre du chapitre, tu te doutes ke ca va pas être de tt repos ! Gros bisous à toi Ali et bonnes vacances !

Kaorulabelle : je ne peux plus vraiment faire un Will timide finalement, ms j'espere ke tu aimeras quand meme ! sinon, merci pour ta review et profite bien de ce chapitre !

ThatOOm : héhé… oui il y aura un triangle amoureux, ms finalement pas avec ceux ke l'on croit enfin c ma faute, j'ai brusquement changé d'idées… Misao aurait sûrement besoin d'être un peu plus réfléchie, malheureusement c pas encore inscrit ds sa nature, et va falloir qu'elle apprenne à l'être plus à l'avenir !

Garik : w ! un nouveau lecteur ! j'ai été sincèrement très heureuse en lisant ta review, car en plus tu as l'air de bien t'y connaître en histoire, et j'aurais même qq petites questions à te poser… En tout cas, j'ai bcp aimé ta review car je trouve que tu as parfaitement analysé mes personnages… Tu as résumé la situation et les raisons des attitudes de Kyo et Misao exactement comme je le voyais moi, donc s'il y a des personnes qui à l'avenir ne comprennent pas le comportement plus ou moins autoritaire de Kyo, je crois qu'il suffira que je leur dise de lire ta review pour le justifier !

Sinon, voilà mes questions : à un moment donné, tu dis :

« Etant donné que Kyo porte le nom de Fanel et que l'ancien Roi l'a adopté, il a normalement un titre et une fonction beaucoup plus haute que ce que tu laisses paraître dans ton chapitre. En tant que fils (adoptif ou naturel) de Van Fanel, il est normalement l'héritier présomptif de la couronne et porte donc aussi le titre de Prince ou de Dauphin. »

Je comprends bien ce que tu veux dire, et du coup, je me demande si ce que j'ai fait n'est pas faux. Car pour moi, Van a certes adopté Kyo, mais pas dans le sens où tu l'entends, c'est à dire qu'il n'a pas fait de Kyo son héritier légitime. Il lui a seulement donné un nom et une situation. Bon, je n'aurais peut-être pas dû donner à Kyo le nom de Van dans ce cas… en fait, je ne sais pas trop. Pour moi, il fallait absolument que Kyo ne soit pas l'héritier présomptif à la couronne, car sinon, il n'y avait plus l'histoire de la concurrence avec Hetan.

Donc peut-être que je me suis trompée, que je n'aurais pas dû faire en sorte que Van donne son propre nom à Kyo (il aurait dû le faire adopter par qqn d'autre par exemple, car sinon, cela porte à confusion et on croit que Kyo est en fait le fils adoptif de Van et donc son héritier) mais qu'il lui donne seulement une situation. Car Kyo est plus le fils spirituel de Van, que son fils sur le plan légal.

Sinon, j'avais quelques questions sur la mode vestimentaire à cette époque. Dans ce chapitre par exemple, je ne savais pas trop comment décrire les vêtements de Kyo, et je crois que j'ai fait une erreur, enfin, dis-moi si tu trouves que oui et quels sont tes conseils.

Enfin, je me demandais si à cette époque, les montres ou du moins le système d'heure existait bien. Au début, j'ai hésité considérant que non, et puis finalement, dans ce chapitre, j'ai fait en sorte que oui, mais si ça se trouve, c'est un anachronisme…

Voil ! Merci pour ta review aussi intéressante, et j'espère bénéficier de tes conseils héh ! merci !

Kiana1 : salut ! la suite est là comme promis, et j'espère qu'elle te plaira ! Tu as raison pour Kyo : il aime contrôler les choses autour de lui, et voir Misao lui compliquer la tâche ne lui plaît pas forcément ! Mais c'est quand même qqn de bien, il a de petits (parfois de gros ) défauts, mais j'espère qu'il ne te décevra pas !

Julie : je terminerai cette fic, je suis bien partie pour, et les événements de la suite de l'histoire se dessinent de plus en plus dans ma tête, donc ne t'inquiète pas pour ça ! C'est vrai que j'essaie de faire en sorte de vous surprendre des fois, notamment avec Kyo qui, tu as raison, dévoile quand même pas mal de personnalité donc je suis contente que tu apprécies cela ! Enfin pour Will, c'est exact, je ne peux pas le faire timide vu ce qu'il fait ds le chapitre 9…

Voici la suite alors bonne lecture !

Blue Helios : merci d'avoir review !!! en effet, le comportement de Misao est compréhensible je pense, pour une 1ere journée à Fanelia. Je sais que Kyo n'est pas toujours facile, surtout avec Misao, mais je ne crois pas qu'il soit égoïste pour autant. Kyo est qqn d'entier, il a de quoi être stressé en plus par la situation, et vu l'éducation qu'il a reçue (même si l'on ne peut pas en être sûr, il est peut-être un futur Roi !) et son passé (encore inconnu mais ça va venir ), je crois que son comportement à lui aussi peut être compréhensible, même si cela ne veut pas dire que je lui donne raison.

Les « méchants » veulent en effet que Kyo devienne roi… pourquoi ? suspense si je te le disais, ça ferait des jaloux ! lol

Laurianne : j'espère que tu as passé de bonnes vacances ! Je comprends ton énervement contre Kyo Mais qui a dit qu'il serait facile à vivre ? Pauvre Misao… Je ne peux rien te promettre de sûr, mais je pense que d'ici quelques chapitres, Kyo te satisfera un peu plus, enfin je l'espère ! Et Misao est du genre à reprendre du poil de la bête, alors pas de panique ! Si elle n'a peut-être pas encore le dessus sur Kyo, il est certain qu'à un moment donné, ce sera lui qui sera à plaindre…

En tout cas, je crois avoir tenu ma promesse, donc j'espère que tu seras contente de pouvoir lire ce nouveau chapitre !

Nouky84 : tant mieux si tu aimes encore plus Kyo ! C'est vrai qu'un mec qui aime les enfants, ça fait plaisir à voir je trouve dsl mais comme je l'ai dit au-dessus, je ne vais pas pouvoir faire de Will un grand timide…. Enfin, je te remercie d'avoir participé au sondage, et de suivre cette fic avec enthousiasme !! Merci !

Fluffy-yama : merci pour tes compliments et pour ton opinion ! Tu as tt à fait raison pour Kyo : je me vois mal le faire devenir un ange comme ça, tout d'un coup, on ne peut pas changer les gens radicalement ! Oui, il est possessif et orgueilleux, ce sont sans doute ses plus gros défauts (il a aussi des qualités, ms c'est normal qu'il ne soit pas parfait…) mais c'est ce qui permet aussi de donner des relations explosives avec le caractère tout aussi emporté de Misao !

Merci pour ta review et tes encouragements, ça ne peut que me motiver encore plus !

Laurène : alala… tu craques pour Kyo ?? Dommage qu'il ne soit pas vraiment libre… mais si tu veux, Hetan n'est pas encore casé Alors, intéressée ? lol

N'empêche, j'aime bien l'adjectif que tu utilises pour le qualifier : si agréablement insupportable… moui, c'est ce ke je pense aussi !

C'est vrai que Misao se fait souvent marcher dessus, mais le problème, c'est qu'elle a beau être inventive, elle raisonne trop comme une gamine, donc elle est prévisible ! Mais un jour ou l'autre, cela changera…

Will, un lover ! mdr

Ca m'a fait marrer, ça

Bah, tu verras bien ds ce chapitre comment il est…

A et merci !

Je vous remercie pour toutes ces reviews qui m'ont encouragée, et je vous laisse avec le chapitre 10 !

ESCAFLOWNE : NOUVELLE GENERATION

Chapitre 10 : « Un Bal mouvement

         Quel rustre ! Misao trépignait de rage. Et pourquoi fallait-il toujours qu'il ait le dernier mot ? C'était humiliant, à la fin ! Mais la jeune fille n'en avait pas terminé avec Kyo. Si celui-ci pensait qu'il était parvenu à la raisonner, il se trompait lourdement. Qu'il se tienne donc sur ses gardes…

         Jeanne plaçait avec adresse et doigté des épingles à cheveux pour faire tenir le chignon de Misao.

  « C'est fou la masse de cheveux que vous avez, s'exclama la jeune femme de chambre en maudissant une mèche ondulée qu'elle n'arrivait pas à faire tenir. Mais ils sont superbes. J'ai toujours rêvé d'avoir une telle chevelure, vous savez. »

         Misao se taisait. Une foule de sentiments contradictoires se bousculaient en elle, et elle n'arrivait pas à faire le tri.

  « Que se passe-t-il, mademoiselle ? Vous me semblez bien silencieuse, remarqua Jeanne en continuant de s'affairer autour de la jeune fille.

  Il n'y a rien du tout.

  En êtes-vous bien certaine ? Vous me paraissez nerveuse. »

         Misao soupira.

  « Kyo m'exaspère ! avoua-t-elle avec une pointe d'agacement. Vous avez bien vu comment il me traite ! Une vraie fillette ! Et lui agit comme si je lui devais obéissance ! Je ne supporte pas les airs qu'il se donne ! »

         Jeanne se mit à rire.

  « Vous êtes un peu sévère avec monsieur Kyo ! Il ne veut que votre bien.

  Vous n'allez pas vous y mettre, vous aussi ! Je suis la seule à savoir ce qui est bien pour moi !

  Je vous comprends, ma pauvre petite. Vous n'êtes pas habituée à voir le jeune maître si sûr de lui et si autoritaire, n'est-ce pas ? Mais c'est bien normal. Il est préparé depuis son plus jeune âge à devenir Roi de Fanelia, si l'occasion se présentait. Or nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un Roi mollasson, vous comprenez ? Je sais que le comportement de monsieur Kyo peut vous paraître excessif, mais au fond, c'est un jeune homme honorable. C'est quelqu'un de bien, il est vraiment le digne héritier de Van Fanel.

  Je sais tout ça, mais parfois, il m'arrive de ne plus le comprendre, et de le détester pour ce qu'il me fait, soupira Misao.

  Vous ne devriez pas voir que le mauvais côté des choses, mademoiselle. Je connais bien monsieur Kyo et s'il est vrai qu'il a un côté autoritaire, je n'ai toutefois pas pour habitude de le voir si inflexible. S'il l'est d'ordinaire, c'est uniquement pour se faire respecter. Or, je remarque que c'est vous qui semblez le faire perdre patience. Croyez-moi mademoiselle Misao, si monsieur Kyo se comporte ainsi avec vous, c'est uniquement parce qu'il tient à vous, j'en suis sûre.

  Il le montre parfois d'une bien étrange manière !

  Vraiment ? »

         Le cœur de Misao manqua un battement. Kyo venait d'entrer dans sa chambre, et semblait avoir entendu la fin de sa conversation avec Jeanne ! Pire, depuis quand était-il l ?

  « T'arriverait-il de frapper avant d'entrer ? se plaignit-elle.

  Pourquoi prendrais-je cette peine ? Je suis chez moi ici, se contenta-t-il de répondre tranquillement. »

         Grr… qu'il était arrogant ! Misao mourait d'envie de le remettre à sa place une bonne fois pour toute.

  « Es-tu prête ? lui demanda-t-il. »

         La jeune fille acquiesça.

  « Au fait, comment comptes-tu m'apprendre à danser sans musique ? questionna-t-elle.

  Il est vrai que la musique aide, mais je ne peux pas faire venir un orchestre exprès pour nous. On va donc devoir se débrouiller sans.

  Pas si sûr ! corrigea Misao. Figure-toi que j'ai emmené mon lecteur MP3.

  Ce truc minuscule qui permet d'écouter de la musique n'importe o ?

  Oui, et avant de partir, j'ai pris la peine de télécharger de la musique classique, car je savais que tu la préférais à ma musique.

  C'est sûr qu'on aurait du mal à danser sur ta musique de barbare…

  J'ai téléchargé des valses de Chopin et de Strauss exprès, elles sont toutes enregistrées là-dedans, expliqua Misao en désignant son lecteur MP3. J'ai aussi pris des écouteurs avec de très longs fils pour nous deux, comme ça, on pourra danser en musique.

  Je dois avouer que tu as eu une bonne idée, admit Kyo en souriant et en la prenant par le bras. »

Le jeune homme l'emmena dans une pièce minuscule située au dernier étage du château.

  « C'est ici que tu comptes m'apprendre à danser ? s'étonna Misao. Ce n'est pas un peu petit ?

  Bien sûr que si. Attends un peu et tu vas comprendre. »

         Kyo se plaça alors au milieu de la pièce et se hissa sur la pointe des pieds en saisissant un levier qui ouvrait une trappe dans le plafond. Il attrapa alors une échelle qui se présentait à lui et fit signe à Misao de monter.

  « Cette trappe nous conduit à une partie des greniers, expliqua le jeune homme en montant à la suite de la jeune fille. Cette partie est quasiment vide et très spacieuse, ce sera idéal pour un cours de danse. »

         En arrivant là-haut, Misao eut du mal à retenir un cri d'exclamation. Elle ne s'attendait pas à ce que la pièce soit aussi grande. Elle était certes assez poussiéreuse, et il s'entassait par-ci par-là quelques objets hétéroclites, mais l'espace était suffisamment grand pour esquisser bon nombre de pas de danses.

         Retenant avec peine son enthousiasme, la jeune fille jeta un regard satisfait à la pièce, et surprit le regard de Kyo se poser sur elle, le jeune homme lui adressant même un de ces sourires qui la laissaient songeuse. Lorsqu'il lui souriait comme ça, Misao ne savait plus où se mettre. Elle était tellement habituée à ses sourires moqueurs et ironiques que le voir lui adresser un sourire franc et spontané la faisait fondre.

         La jeune fille se reprit cependant bien vite. C'était rageant de voir la vitesse à laquelle il pouvait lui faire de l'effet. C'est vrai ça, il y a quelques minutes à peine, elle était furieuse contre lui et voilà qu'elle était maintenant complètement sous son charme !

Il ne fallait pas qu'elle lui montre l'emprise qu'il avait sur elle, sinon elle était perdue…

  « Et si on commençait ? proposa Kyo en lui tendant sa main. »

         Misao sentit la nervosité s'emparer d'elle. De plus, elle ne voulait pas qu'il croit qu'elle était contente de se retrouver avec lui. Après tout, elle était encore énervée contre lui.

  « Avec plaisir, assura-t-elle avec sarcasme en joignant sa main à la sienne. »

         Le jeune homme prit sa main avec assurance, puis posa son autre main sur la taille fine de Misao, tandis que celle-ci posait son autre main sur l'épaule de Kyo.

  « Détends-toi, murmura celui-ci. Surtout, il ne faut pas que ton partenaire sente que tu es crispée. Respire bien et reste naturelle, d'accord ? »

         Misao hocha la tête, sans pour autant être relaxée.

  « Maintenant, on va faire quelques pas ensemble. On commence sans musique. Je compte jusqu'à trois, et tu essaies de suivre mes pas. Tu es prête ?

  Inutile de prendre la peine de me poser la question. Après tout, je suis censée obéir au moindre de tes ordres, non ? »

         Kyo fronça les sourcils, mais fit semblant de n'avoir rien entendu. Le jeune homme commença le décompte, puis entraîna Misao dans un rythme de valse d'abord très lent.

  « C'est très facile, il suffit de suivre le mouvement, et le rythme. Le tempo est toujours le même. Un, deux, trois… un, deux, trois… un, deux, trois… tu comprends ?

  Oh oui ! Tu fais vraiment un merveilleux professeur… »

         Kyo ne décela pas tout de suite l'ironie dans le ton de Misao. Il comprit néanmoins à quel point elle se moquait de lui lorsqu'elle lui écrasa le pied sans vergogne.

  « Oh, pardon ! Je n'ai vraiment pas fait exprès… C'est fou ce que je suis maladroite… Mais c'est normal, je débute, n'est-ce pas ? »

         Kyo mourait d'envie de l'étrangler. C'était tellement irritant de la voir utiliser ce petit ton suave et sucr ! Cependant, il se força au calme une fois de plus.

  « Bon, je crois qu'on n'y est pas encore, grinça-t-il en grimaçant.

  Je ne t'ai pas fait mal au moins ? s'enquit Misao avec un air faussement contrit.

  On recommence, déclara-t-il sèchement en lui lançant un regard noir. »

         Misao obtempéra et exécuta à nouveau quelques mouvements de danse à trois temps, comme le lui avait expliqué Kyo. Tout aurait été parfait si la jeune fille ne lui avait pas écrasé le pied à trois reprises, et en souriant d'un air ridicule qui montrait qu'elle l'avait fait exprès.

         A bout de patience, Kyo s'arrêta net et dit, agac :

  « Ok. J'en ai assez de me faire broyer le pied, alors si on s'expliquait ?

  Excellente idée. Par quoi veux-tu qu'on commence ? Par le fait que tu agis comme un mufle, ou par ta tendance à me considérer comme une femme de chambre ?

  Je vois. Tu es encore fâchée contre moi, si je comprends bien ?

  A ton avis ?

  Je ne te considère pas comme une femme de chambre. Tu ne comprends vraiment rien !

  Ce n'est pas mon impression. »

         Kyo soupira, puis mit ses mains dans ses poches et prit un instant de réflexion. Un sourire nonchalant naquit alors sur ses lèvres, et, approchant sa bouche de l'oreille de la jeune fille, il murmura :

  « Serais-tu en colère parce que je ne te montre pas assez mon… affection ?

  Qu… quoi ? Où veux-tu en venir ?

  Ne fais pas l'innocente, je t'ai entendue tout à l'heure. Selon toi, je ne m'occuperais pas assez bien de toi… parfait. Je vais y remédier. Tout de suite. »

         Sans rien ajouter et sans laisser le temps à Misao de réagir, le jeune homme se pencha sur elle et prit possession de ses lèvres.

         Interdite, Misao ouvrit des yeux exhorbités. Kyo ne lui laissa cependant pas le temps de se ressaisir, et approfondit le baiser avec tout le talent dont il était capable. La jeune fille gémit sans le vouloir et repoussa aussitôt Kyo.

  « Tu… tu n'avais pas le droit, bégaya-t-elle, encore stupéfaite par ce qu'il venait de se passer.

  Pourquoi ? Tu es choquée, peut-être ? lui demanda Kyo, amusé.

  Mais… mais… je ne t'avais rien demand !

  Ne joue pas à la demoiselle effarouchée avec moi. Tu ne semblais pas vraiment contre. »

         Misao détesta Kyo pour le ton condescendant qu'il employait, et se détesta elle-même pour avoir poussé ce petit soupir qui l'avait trahie. Cela ne fit qu'accentuer sa colère.

  « C'est parce que… tu m'as prise par surprise ! Je ne parlais pas de… de cette affection-l ! »

         Kyo éclata de rire.

  « Ah bon ? J'ai dû mal comprendre alors… Pourtant, tu disais que je te montrais mon affection d'une bien étrange manière… J'ai pensé que tu parlais de cette affection qui existe entre un homme et une femme… Tu vois ce que je veux dire, Misao, ou il faut que je te fasse un dessin ? »

         La jeune fille était furibonde. Pourquoi fallait-il toujours qu'il se moque d'elle ? Pourquoi ?

         Elle serra les poings et darda sur lui un regard accusateur.

  « Tu ne penses donc qu'à ça ?! s'écria-t-elle avec fureur. Il faut toujours que tu ramènes tout au… au… »

         Kyo ne retenait plus son sérieux depuis longtemps. Misao pouvait être vraiment drôle lorsqu'on la sortait de ses gonds. Et il adorait la mettre dans cet état. Ses cheveux plein de mèches folles, ses joues colorées par la rage, ses yeux emplis de défi, son menton relevé, ses lèvres boudeuses… oui, elle était absolument adorable. Le jeune homme ne se lassait pas de ce spectacle.

         Il leva un sourcil interrogateur en entendant Misao qui ne finissait pas sa phrase.

  « Et bien ? Termine ta phrase, je t'en prie, déclara-t-il avec une bonne dose d'humour. Je crois voir ce que tu veux dire… Allez, je vais t'aider. Ca commence par un s… Mot en quatre lettres. Tu y vois plus clair, Misao ?

  Va te faire foutre ! »

         La jeune fille était hors d'elle. Elle n'avait plus qu'une envie : mettre entre Kyo et elle une distance raisonnable, c'est à dire environ vingt mille kilomètres… Sans hésiter, elle se dirigea vers l'échelle et posa un pied sur le premier barreau.

  « Qu'est-ce que tu fais ? Tu ne vas pas partir, quand même ? Je te rappelle que tu n'as toujours pas appris à danser correctement. »

Il n'avait pas tort. Il était important qu'elle sache bien danser, car elle n'avait aucune envie de se ridiculiser le soir même lors du bal. D'un autre côté… elle ne comptait pas non plus faire plaisir à Kyo.

  « Dans ce cas, peut-être devrais-je aller requérir les services de Will ? Il paraissait être prêt à me donner quelques conseils pour la danse, avant que tu ne viennes nous interrompre, déclara Misao, sarcastique.

  Je t'interdis d'aller voir ce type.

  Voilà que tu recommences à me balancer tes ordres ! Je fais ce que je veux, tu ne pourras jamais rien me dicter, n'oublie jamais ça.

  Personne ne fait ce qu'il veut. Il y a toujours des règles à respecter, où que tu sois. Mets-toi ça dans la tête une bonne fois pour toute. De toute façon, Padger est parti, et tu ne sais même pas où il est, alors je vois mal comment tu pourrais lui demander ce service. »

         Encore une fois, Kyo avait raison. Misao n'avait aucune idée de comment s'y prendre pour retrouver Will… oh, et puis merde ! La jeune fille ne voulait pas se ranger à la raison. Même si elle savait pertinemment que le mieux à faire était d'obéir à Kyo et de continuer sa leçon avec lui, elle ne voulait pas le faire. C'était une question d'amour-propre, bon sang ! Kyo n'était pas le seul à être quelqu'un de fier. Elle en avait ras le bol d'être la petite idiote incapable de se débrouiller sans lui. Il ne la prenait jamais au sérieux ! Elle allait lui montrer ce dont elle était capable. Et alors il n'oserait plus se moquer d'elle ainsi !

  « Je me débrouillerai, ne t'en fais pas.

  Tu ne peux pas faire ça ! C'est de l'inconscience. Reste ici.

  Non.

  Si.

  Non !

  Si !

  Je trouverai quelqu'un d'autre.

  Tu n'as aucune chance et c'est complètement débile.

  Tu es débile.

  Je pourrais te faire enfermer pour moins que ça.

  Ne te gêne pas. »

         Les deux jeunes gens se toisaient en silence. La bonne humeur de l'un s'était envolée et la fureur de l'autre s'était transformée en une colère sourde et une détermination à toute épreuve. On n'entendait même plus une mouche voler.

         Le silence fut brisé par la voix d'un domestique en bas, qui s'adressa à Kyo (la trappe avait été ouverte par Misao) :

  « Monseigneur ! Un courrier urgent pour vous ! Un coursier vient de l'apporter. C'est de la part de la princesse Fiona d'Astria !

  La princesse, dîtes-vous ? Bon, je descends tout de suite. »

Une fois arrivé en bas de l'échelle, le jeune homme prit la lettre des mains du domestique, et la parcourut rapidement.

  « Ca alors… murmura Kyo après avoir terminé sa lecture. Je n'arrive pas à y croire ! »

Puis, s'adressant au serviteur, il lui demanda :

  « Savez-vous où se trouve le général Padelius ? Je dois absolument lui parler.

  Il doit toujours se trouver dans le petit salon avec les autres seigneurs, monsieur.

  Parfait. »

Kyo regarda alors Misao, puis déclara :

  « Désolé d'interrompre notre échange très enrichissant, mais je dois y aller. Je ne devrais pas être long. En attendant, reste ici ou retourne dans ta chambre, mais ne t'éloigne pas trop pour que je te retrouve lorsque je serai de retour. Nous pourrons alors continuer ton apprentissage de la danse. Il est inutile de préciser que cela signifie que tu ne partiras pas à la recherche de Padger ? »

         Misao ne répondit pas tout de suite. Elle avait été un peu perturbée par la nouvelle apportée par le domestique. Qui était cette princesse Fiona, d'abord ? Pourquoi Kyo partait-il ainsi, la laissant en plant, pour cette princesse ? Etait-elle si importante ? Pas que cela la gêne. Non, en fait, cela l'arrangeait bien. Ainsi, Kyo allait enfin la laisser tranquille, et elle allait pouvoir mettre sa menace à exécution. Bien évidemment, Kyo ne devait se douter de rien. Sinon, il l'en empêcherait et cet imbécile arrogant serait bien capable de l'enfermer dans sa chambre ! Oui, il valait mieux lui laisser croire qu'elle s'était rangée à son avis.

  « Très bien, soupira donc Misao. Mais ne crois pas que tu vas t'en tirer comme ça. A ton retour, on reprendra cette conversation. »

         Kyo dévisagea la jeune fille avec étonnement. Que se passait-il ? Il avait connu Misao plus bornée que ça. Commençait-elle enfin à devenir plus raisonnable ? Quel soulagement. Cette fille était une véritable calamité. Si on la laissait faire, elle était capable d'apporter des tas d'ennuis. La voir moins réticente était donc une bonne nouvelle.

  « D'accord. A tout à l'heure dans ce cas, dit-il tout en commençant à s'éloigner.

  Oui, à tout à l'heure… »

         Kyo ne vit pas le sourire triomphant qui se dessinait sur les lèvres de Misao. Sinon, il se serait douté qu'elle préparait quelque chose…

#--#

         Kyo relut la lettre une seconde fois, ayant encore du mal à croire à la bonne nouvelle.

Mon bien cher Comte,

         Croyez en ma joie de vous savoir de retour parmi nous, après ce long voyage initiatique qui nous a privés de votre présence. J'avoue que depuis votre absence, pas un seul bal n'a été aussi mouvementé que le dernier auquel vous avez figur ! J'ai donc hâte de vous voir au bal de ce soir, au moins je serai sûre que l'ennui ne me rongera point.

         Mais cessons ces banalités. Si je vous envoie cette missive d'urgence, c'est pour vous entretenir d'un fait de la plus haute importance. Vous avez dû entendre parler de cette rumeur qui circule un peu partout, et qui affirmerait que mon frère Hiro serait encore en vie… Cette fameuse rumeur a tout d'abord profondément bouleversé ma famille… Mère était dans tous ses états et Père, d'habitude si serein, semblait nerveux et crispé… Quant à Nagi, je ne l'avais jamais vu ainsi. Lui si calme et réservé, se mettait en colère pour un rien… J'étais moi-même assez tourmentée, mais tout est fini à l'heure où je vous parle…

         Car Hiro est véritablement vivant ! La rumeur n'est plus une rumeur, mais la réalit ! Je devais absolument vous prévenir, car vous êtes, avec le Seigneur Hetan, les personnages principaux du royaume de Fanelia, or celui-ci entretient d'étroites relations avec ma patrie, Astria. Père était tellement occupé que j'ai pris la liberté de vous faire part de la nouvelle moi-même. A vrai dire, je n'ai pas encore vu Hiro de mes propres yeux, mais ce n'est qu'une question de temps. Il a été retrouvé dans les environs de la province d'Italgo, évanoui et fiévreux. Si nous sommes sûrs qu'il s'agit bien de lui, c'est parce que l'homme qui l'a identifié cette fois-ci n'est autre que Gadès, un des meilleurs amis et officiers de Père, qui connaissait parfaitement Hiro.

         A l'heure actuelle, des amis de Gadès sont sur le chemin de la capitale pour ramener Hiro au château ! Père et Nagi sont partis à leur encontre dès qu'ils ont appris la nouvelle. Ils ne devraient plus tarder à présent… Si vous saviez à quel point je suis heureuse ! Hiro, vivant… c'est un miracle.

         Il est fort probable qu'une grande fête soit organisée pour son retour, et j'espère que vous nous ferez l'honneur d'y assister pour partager notre bonheur. Lady Misao sera bien évidemment la bienvenue. Il me tarde de la rencontrer au bal de ce soir. Mère n'a cessé de me parler d'Hitomi et je ne doute pas qu'elle sera également enchantée de connaître sa nièce.

         Je vous prie d'agréer mes plus sincères sentiments. Mes hommages à Lady Misao.

Bien à vous,

Fiona d'Astria.

         Kyo replia la lettre d'un air songeur. Pas de doute, le prince Hiro, le fils d'Allen et de Mirana, était bel et bien vivant. C'était pour le moins inattendu. Il n'avait pas pensé une seule minute que la rumeur puisse s'avérer exacte. Après tout, Hiro était mort lors d'un accident à la chasse deux années auparavant…

Il se trouvait avec deux amis. Un dragon fou furieux, parti hors de ses terres, les avait agressés et le jeune prince avait été grièvement blessé. Ses deux amis avaient également été attaqués et s'étaient retrouvés inconscients sous le coup de la douleur. Plusieurs minutes plus tard, lorsque les secours étaient arrivés, il avait fallu se rendre à l'horrible évidence : le prince Hiro d'Astria était mort. Ses deux amis avaient succombé à leurs blessures quelques heures plus tard.

Hiro avait été enterré selon la tradition, dans le cimetière de la famille royale, et malgré l'horreur que sa mort pouvait représenter, il avait fallu tourner la page. Cependant, Hiro était vivant...

Kyo ne pouvait donc que s'en réjouir surtout pour la famille d'Hiro qui avait eu tant de peine à faire le deuil d'un des leurs. Enfin, il n'y avait pas de temps à perdre : le jeune homme devait en effet aller annoncer la bonne nouvelle à Padelius. Celui-ci avait été le maître d'armes du prince Hiro et aimait beaucoup le jeune Astrien, c'est pourquoi Kyo souhaitait prévenir le guerrier le plus vite possible.

Retraversant les couloirs en sens inverse, il finit par arriver au petit salon où s'étaient réunis tous les hommes après le déjeuner. La plupart buvait de l'alcool et fumait tout en bavardant, et Kyo trouva Padelius en train de boire et de parler avec le baron Milton.

Le jeune homme s'excusa de les déranger puis prit Padelius à part pour lui annoncer la nouvelle. Le guerrier fut difficile à convaincre et Kyo dut lui montrer la lettre de la princesse Fiona pour le persuader de la véracité de ses dires. S'il en fut ému, Padelius ne le montra pas, mais un grand sourire éclaira son visage, chose rare chez lui. Il invita ensuite Kyo à se joindre à la conversation qu'il tenait auparavant avec le baron Milton.

  « Désolé, Padelius, mais j'ai des chos…

  Cela attendra. Voyons, Kyo, il s'agit du baron Milton ! Tu sais qu'il peut user de son influence sur certains ministres. C'est une occasion rêvée que tu as là. Il faut que tu parles avec lui et que tu fasses forte impression sur lui.

  Mais…

  Ne pense même pas à discuter ! Tu te souviens de la promesse que tu nous a faites, à Lundar et moi ? Tu étais censé bien te conduire et te faire apprécier des ministres, non ? Si tu veux honorer ta promesse, c'est maintenant qu'il faut le faire. Je te rappelle que la réunion des ministres est dans deux jours…

  D'accord… d'accord… mais je ne pourrai pas rester longtemps. »

         Satisfait, Padelius retourna avec Kyo s'asseoir près du baron et ils commencèrent à discuter. Le jeune homme écoutait d'une oreille distraite. Pourvu que Misao ne s'impatiente pas trop…

#--#

         Misao n'avait pas attendu une minute. Qu'il aille s'occuper de sa princesse, avait-elle songé avec colère en descendant les barreaux un à un jusqu'en bas de l'échelle.

         Consciente qu'elle ne pourrait jamais retrouver Will qui avait quitté le château, la jeune fille réfléchissait. A qui donc allait-elle pouvoir s'adresser pour demander une leçon de danse ? Elle n'oserait jamais demander une telle chose à un des seigneurs pompeux avec qui ils avaient diné. Un domestique peut-être ? Peu probable qu'ils sachent danser. En dernier recours, Misao se décida à aller voir Jeanne pour lui demander des conseils. Mais comment retrouver sa chambre dans cet immense château ? Plus facile à dire qu'à faire.

         Elle errait donc dans les couloirs du château, lorsqu'elle croisa Ellie Padger, la sœur de Will.

  « Que faîtes-vous là, Miss Kanzaki ? lui demanda-t-elle. Je vous croyais souffrante. »

         Prise au dépourvu et ne sachant que répondre, Misao éluda la question.

  « Je pourrais vous retourner la question, Miss Padger. »

         Celle-ci eut un sourire espiègle.

  « Si je vous réponds, m'expliquerez-vous également ce que vous fabriquez ici ?

  Et bien… oui, je crois.

  Au fait, si je ne me trompe, Miss Beckley est votre chaperon…

  Oui, pour mon plus grand malheur. »

         Ellie ouvrit de grands yeux ravis en entendant les derniers mots de Misao.

  « L'aimez-vous ?

  Cette vieille bique ? Vous voulez rire. La vie à ses côtés est un enfer. »

         Cette fois-ci, Ellie Padger éclata de rire.

  « Je crois que nous allons bien nous entendre… Miss Kanza… cela vous ennuie si je vous appelle Misao ?

  Pas du tout. Puis-je vous appeler Ellie ?

  Bien sûr ! »

         Misao eut un grand sourire. Cette jeune fille semblait très sympathique. Dynamique, amusante… bref, peut-être ne s'ennuierait-elle pas en sa présence.

  « En fait, j'en avais tellement assez d'écouter les ragots de toutes ces commères que j'ai réussi à m'éclipser pour prendre un peu le large… Vous ne pouvez pas savoir à quel point c'était mortellement ennuyeux ! Vous avez eu bien de la chance que Kyo Fanel vous trouve un prétexte pour quitter les dames…

  Qui vous dit que c'était un prétexte ? Je… j'étais vraiment souffrante. »

         Ellie eut un sourire amusé.

  « A qui vouliez-vous faire croire cela ? Pas à moi en tout cas. De ce que j'ai vu, vous ne sembliez pas si mal en point. C'était plutôt le contraire. Vous sembliez prête à arracher les yeux de ce pauvre Comte de Valencia !

  Il l'aurait mérit ! ne put s'empêcher de s'écrier Misao.

  Pourquoi ça ? Racontez-moi tout. Je veux tout savoir ! s'exclama Ellie d'un air enthousiaste. »

         Misao eut un instant d'hésitation. Pourquoi irait-elle raconter ses malheurs avec Kyo à cette fille quasi inconnue ? Il n'y avait aucune raison qu'elle se confie à elle… D'un autre côté… elle ressentait le besoin de raconter ses soucis à quelqu'un de son âge, quelqu'un qui la comprendrait et Jeanne était tellement dévouée à Kyo qu'elle prendrait sûrement le parti du jeune homme et non le sien. Et puis, Ellie Padger semblait vraiment gentille : elle non plus n'aimait pas Miss Beckley, ce qui était un bon point, et qui plus est – Misao venait de le réaliser – peut-être Ellie accepterait-elle de lui donner quelques leçons de danse ! Oui, finalement, c'était une excellente idée. D'ailleurs, il fallait bien qu'elle se fasse des amies, non ?

  « Très bien. Allons trouver un coin tranquille pour parler, proposa Misao. C'est assez… compliqué.

  D'accord, je vous suis !

  Je pensais aller dans ma chambre, mais je ne me rappelle plus le chemin… Bah, trouvons une pièce au hasard, il y en tellement dans ce château que ce ne sera pas bien difficile.

  Attendez, je ne suis pas venue ici souvent, mais je me souviens d'une pièce tranquille où il n'y aura sûrement personne. C'est au premier étage. Suivez-moi. »

         Chose dite, chose faite. Quelques minutes plus tard, les deux jeunes filles se retrouvaient assises sur un tapis richement décoré, dans une vaste pièce qui ressemblait à une bibliothèque, si l'on en croyait les immenses étagères qui longeaient les murs. Installées en tailleur, Misao et Ellie parlaient comme deux amies d'enfance.

  « Comment ? Il vous a vraiment dit ça ? Quel rustre ! Vous venez tout juste d'arriver ici, c'est bien normal que nos règles vous soient encore difficiles à assimiler ! Et vous dire seulement parce que vous vous êtes échappées que vous étiez immature… c'est très déplac ! Personnellement, il m'arrive moi-même d'avoir parfois envie de m'enfuir lors de certaines réunions mondaines particulièrement étouffantes. Je vous admire d'avoir ce cran, vous savez. »

Misao sentit une bouffée de reconnaissance et de fierté l'envahir. Enfin quelqu'un qui la comprenait, qui partageait son opinion et la soutenait ! Décidément, cette Ellie Padger lui plaisait de plus en plus. Peut-être qu'une nouvelle amitié était née…

  « En tout cas, je trouve que Kyo Fanel est dur avec vous, Misao. Remarque, je n'en attendais pas moins de lui… murmura Ellie d'un air songeur.

  Comment ? Que voulez-vous dire ? demanda aussitôt Misao, intriguée.

  Oh, pas que je veuille dire du mal de lui, mais… disons qu'il n'a pas vraiment la réputation d'être un parfait gentilhomme…

  Et pourquoi cela ?

  Je vois que cela vous contrarie… Parlons d'autre chose, d'accord ?

  Pas question ! Si vous reprochez quelque chose à Kyo, je veux savoir ce dont il s'agit ! »

         Ellie se rengorgea.

  « Très bien… en vérité, j'ai entendu dire que Kyo Fanel était quelqu'un d'assez violent, sans aucune morale, et qui se fichait pas mal des convenances… Il serait même du genre à se jouer des femmes, et à abuser de leur confiance… »

         Misao secoua la tête avec véhémence.

  « Vous vous trompez ! Kyo n'est pas du tout comme ça.

  Qu'en savez-vous ? Je comprends que vous vouliez le défendre, mais réfléchissez. Vous ne le connaissez pas depuis si longtemps ! Qui vous dit que vous n'avez pas dressé un portrait erroné de lui ? De ce qu'il est vraiment ?

  Vous avez tort. Kyo n'est pas une brute, ni n'importe quoi de ce à quoi vous faites allusion. J'en suis sûre ! »

         Ellie Padger eut un sourire indulgent.

  « Je vous avais prévenue que nous n'aurions pas dû aborder ce sujet ! Je suis navrée que nous ayons ce désaccord. Je ne cherche vraiment pas à vous influencer, simplement, restez sur vos gardes. Kyo Fanel n'est pas le genre d'hommes en qui on peut avoir confiance, c'est mon opinion. Il suffit de regarder ses origines. Personne ne sait d'où il vient.

  Et alors ? Ca ne fait pas de lui un monstre !

  Peut-être… mais je vous aurai prévenue. Bon, et si nous parlions d'autre chose ? »

         Misao approuva de la tête. Cette discussion sur Kyo avait eu pour effet de tendre l'atmosphère. En fait, même si la jeune fille avait souvent des accrochages avec Kyo, elle n'arrivait pas à croire Ellie. Kyo avait beau être diablement énervant, il ne pouvait tout simplement pas être telle que Ellie l'avait décrit.

         Mais dans ce cas, pourquoi Ellie Padger lui avait-elle assur tout cela ? Mentait-elle ? Misao ne le pensait pas. Elle avait l'air d'une fille honnête. Peut-être y avait-il des mauvaises langues qui circulaient et qui critiquaient Kyo – après tout, cela ne serait pas bien étonnant que de telles inepties courent en ce moment, les partisans d'Hetan cherchant probablement à ternir la réputation du jeune Fanel – et Ellie y avait prêté plus d'attention qu'elle n'aurait dû le faire… Oui, ce devait être cela, tout simplement.

         En attendant, Misao était décidée à détourner la conversation afin de détendre l'atmosphère, comme venait de lui proposer la jeune Padger. Ellie fut la première à commencer à parler d'elle-même à Misao, lui présentant tous les membres de sa famille l'un après l'autre. Ainsi, la discussion ne tarda pas à dévier sur Will, le frère d'Ellie.

  « C'est quelqu'un que j'admire beaucoup, expliqua la jeune fille. Il paraît si fort, si rassurant… pour moi, il est un peu mon grand frère protecteur. Et puis, il est si gentil ! Et pas qu'avec moi, avec tout le monde. Vous avez dû vous en rendre compte, non ?

  En fait, je ne lui ai pas parlé tant que ça, mais… c'est vrai qu'il avait l'air sympa.

  Et encore, vous n'avez rien vu ! Il peut être très spirituel quand il veut, et je peux vous dire que beaucoup de jeunes filles ont des vues sur lui.

  Ah bon ?

  Oui, mais Will sait faire la part des choses… et il y a fort longtemps qu'aucune fille ne l'intéresse plus vraiment… enfin, jusqu'à aujourd'hui.

  Ho ho… aurait-il trouvé sa bien-aimée ? plaisanta Misao. Et bien, qui est l'heureuse élue ? ajouta-t-elle comme Ellie se taisait.

  Je crois bien qu'il s'agit de vous.

  Pardon ? »

         Misao crut qu'elle avait mal entendu.

  « Vous plaisantez ? insista-t-elle.

  Pas du tout. Je suis on ne peut plus sérieuse. Ecoutez, j'ai bien observé mon frère, durant le déjeuner et… je peux vous dire qu'il vous a dévorée des yeux pendant tout le repas. Je suis catégorique : il est amoureux de vous.

  Mais… non ! C'est absurde ! On ne se connaît même pas !

  Vous ne croyez pas au coup de foudre ?

  Vous avez eu une fausse impression. Nous avons un peu parlé, c'est vrai, mais il n'y a pas de quoi en faire tout un plat…

  Moi, je vous dis ce que j'ai vu… Enfin, promettez-moi une chose : ne faites pas de mal à Will.

  Quoi ?

  Et bien… il n'a pas l'air comme ça, mais c'est quelqu'un de fragile. Il a connu une jeune fille il y a longtemps et… ils ont rompu. Will en a beaucoup souffert et depuis, même s'il fait semblant de paraître sûr de lui et use de son charme pour cela, il est resté très vulnérable, vous savez… Alors, si jamais il tente de rester en votre compagnie, si jamais ce soir par exemple, il vous demandait de danser avec vous à plusieurs reprises… ne le repoussez pas. Je vous en prie.

  Oh… et bien… pas de problèmes. Je n'y vois aucun inconvénient…

  Merci ! Vraiment. Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela me fait plaisir… De toute façon, dès que je vous ai vue, j'ai su que vous étiez quelqu'un de bien.

  Ce n'est rien… vraiment rien… Mais je peux vous retourner le compliment. Depuis que je suis arrivée ici, je me sentais un peu seule, et je suis contente d'avoir trouvé quelqu'un avec qui parler, expliqua Misao en souriant.

  Pareil pour moi ! Je n'ai pas tant d'amies que ça et puis, cela fait plaisir de voir que nous serons deux à affronter la vieille Beckley ! »

         Misao pouffa de rire et les deux jeunes filles continuèrent de parler jusqu'à ce que la jeune habitante de la Lune des Illusions demande à Ellie de l'aider pour le bal.

  « Vous cherchez un partenaire ?

  Non, non, c'est juste que comme je vous l'ai dit, Kyo n'avait pas terminé de m'enseigner la valse alors…

  Dans ce cas, je vais me charger de vous donner un cours ! s'écria Ellie avec enthousiasme. Je ne suis pas une experte en la matière, mais de toute façon, ce n'est vraiment pas difficile. Vous ne saurez peut-être pas danser à la perfection, mais le principal est que vous ayez seulement les bases pour que cela passe inaperçu… »

         Ravie, Misao hocha la tête et laissa Ellie lui expliquer ce qu'avait commencé Kyo. La pièce était moins vaste que les greniers et cela allait être beaucoup moins pratique pour danser, mais Ellie assura que pour un soir, ce ne serait pas dramatique si elle faisait des erreurs, quoique de toute façon, les pas étaient toujours les mêmes et les apprendre était enfantin.

  « Quel dommage que mon frère ne soit pas disponible… Il aurait été ravi d'être à ma place… déclara Ellie d'un air malicieux. »

         Gênée, Misao haussa les épaules et exécuta quelques pas de danse avec sa nouvelle amie. La jeune fille était heureuse d'avoir rencontré Ellie. Le seul point négatif était que celle-ci dénigrait Kyo. Mais Misao ne s'inquiétait pas. Ellie se trompait sur Kyo, mais c'était simplement parce qu'elle ne le connaissait pas. Avec le temps, elle réaliserait son erreur, et tout rentrerait dans l'ordre.

Pour l'instant, Misao s'interrogeait, vis à vis de Kyo. Elle se demandait quelle allait être sa réaction en apprenant qu'elle était partie sans l'attendre. Serait-il très en colère ? Secrètement, elle espérait que ce serait le cas car à vrai dire, cela l'amusait beaucoup de savoir que pour une fois, c'était elle qui allait avoir le dernier mot. En fait, elle espérait l'avoir mis hors de lui car ainsi, elle pourrait enfin estimer avoir suffisamment pris sa revanche sur lui… comme cette sensation serait réconfortante !

#--#

         Kyo étouffa un bâillement. Le baron Milton ne s'arrêtait-il donc jamais de parler ? Bon sang, si Padelius avait le malheur d'encourager le baron dans son bavardage en lui posant une nouvelle question, il allait le tuer.

         Le jeune homme faillit pousser un soupir de soulagement en voyant Padelius se lever pour prendre congé du baron. Pas trop tôt… songea-t-il en faisant de même et en adressant un sourire purement hypocrite à ce cher Milton.

  « Ce fut un plaisir de converser avec vous, mentit-il en serrant la main au baron.

  J'ai aussi passé un agréable moment, assura celui-ci en souriant. J'avoue que je vous pensais moins réfléchi… je n'imaginais pas que vous puissiez faire preuve d'autant de sérieux, Comte. J'espère donc pouvoir partager à nouveau de tels moments avec vous. »

         Kyo eut cette fois un sourire franc. C'était gratifiant de voir que toutes ces heures d'ennui n'avaient pas été inutiles.

  « Il en est de même pour moi. A bientôt, baron ! »

         Kyo salua également Padelius puis se hâta de regagner les greniers. Cela faisait deux heures qu'il aurait dû rejoindre Misao. La jeune fille allait le tuer… si elle était encore là. Il se demandait si elle l'avait attendu. Sûrement, pensa-t-il. Ou du moins, si elle avait trouvé le temps long, ce qui était compréhensible, elle devait être allée dans sa chambre, comme il le lui avait conseillé. Après tout, elle n'était pas idiote au point d'être partie à la recherche de William Padger. Elle se trouverait donc toujours dans le grenier pour l'accueillir, certes furieusement, toutes griffes dehors, mais elle serait là. Enfin… il l'espérait.

         Ses espoirs furent déçus lorsqu'il constata que la pièce était vide. Il alla dans sa chambre et n'y trouva personne une fois de plus. Elle n'avait même pas laissé un mot pour lui indiquer où elle se trouvait. Cela aurait pourtant été la moindre des choses. Où diable avait-elle pu aller ? Il demanda à quelques domestiques s'ils l'avaient vue quelque part. Lorsque le jeune homme apprit que l'un d'eux l'avait aperçue en train de traîner dans les couloirs du château deux heures auparavant, Kyo aurait aimé qu'elle soit là pour pouvoir l'étrangler. Car si elle n'était déjà plus dans les greniers il y a à peine deux heures, cela signifiait qu'aussitôt qu'il avait eu le dos tourné, la petite peste avait pris la poudre d'escampette.

         Et dire qu'il l'avait crue plus raisonnable en la voyant accepter docilement de l'attendre… Quelle blague ! Il l'avait sous-estimée. A présent, elle devait être en train de se féliciter de le faire ainsi enrager… Oui, elle était sûrement très satisfaite d'elle-même et s'attendait vraisemblablement à ce qu'il remue ciel et terre pour la retrouver et déclencher une nouvelle dispute.

         Et bien non ! Cette très chère Misao se trompait lourdement si elle s'attendait à le voir débarquer comme un fou furieux près d'elle. Il ne lui ferait pas ce plaisir. Car c'était sans doute ce qu'elle voulait. Qu'il soit en colère contre elle et qu'elle ait enfin le dernier mot.

         Kyo réfléchit à ce qu'il allait faire. Devait-il la laisser se débrouiller toute seule, au risque qu'elle se ridiculise lors du bal ? Il en avait bien envie. Mais il n'était pas cruel… pas à ce point en tout cas. Il fit donc appeler Jeanne pour savoir où se trouvait exactement Misao et ce qu'elle fabriquait. Mieux valait se tenir au courant car la jeune fille était capable de tout.

         Jeanne lui apprit qu'elle aussi avait cherché Misao pendant un certain temps, et qu'elle était parvenue à la retrouver. Misao était ainsi en grande discussion avec Ellie Padger, qui apprenait à danser à la jeune fille. Bien… dans ce cas, il n'avait plus aucune raison de s'inquiéter pour elle en ce qui concernait le bal de ce soir. Restait à savoir si Ellie Padger dansait comme un pied ou non, mais bon, ça, ce n'était pas son problème.

         Kyo décida donc de faire comme si rien ne s'était passé. Même s'il en avait grandement envie – il faut avouer qu'il était un peu déçu de ne pas avoir pu terminer sa leçon de danse avec Misao – il n'allait pas tempêter et resterait de marbre. A la limite, il allait même simuler l'entrain ou du moins, faire comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Oui, cette attitude allait sûrement énerver Misao. La connaissant, elle et son tempérament de feu, le voir tout sucre tout miel allait la mettre hors d'elle.

         Kyo sourit à cette pensée et regagna ses appartements en sifflotant. Il venait de retrouver sa bonne humeur. Il avait hâte d'être au bal…

#--#

         Misao était perplexe. Déçue aussi. Où se trouvait Kyo ? Après qu'il soit parti, elle ne l'avait pas vu de l'après-midi. Pourquoi n'était-il pas venu la voir ? C'était tout bonnement incompréhensible. Etait-il tellement en colère qu'il était parti s'enfermer dans sa chambre dans l'espoir de se calmer ? Ou était-il allé passer ses nerfs sur quelqu'un d'autre ? La jeune fille se perdait en hypothèses, sans en trouver une seule de convaincante.

         Ce n'était pas qu'elle était pressée de le voir furieux contre elle pour qu'ils puissent se dire leurs quatre vérités en face, non, c'était juste que pour une fois, elle avait envie d'inverser les rôles. Elle voulait le mettre en colère pour pouvoir se moquer de lui tout à son aise. C'était cela, sa revanche. Le voir enragé à cause d'elle, qu'il perde ses moyens à cause d'elle… tandis qu'elle se contenterait de sourire ironiquement et triomphalement, sans jamais hausser le ton. Oui, c'était ainsi qu'elle voulait que cela se passe. Qu'elle ait le dessus sur lui, pour une fois !

         Misao se trouvait à cet instant précis dans sa chambre, et attendait l'heure du dîner qui allait être servi d'une minute à l'autre. Jeanne faisait des allées et venues dans la pièce, rangeant des vêtements dans la grande armoire de la chambre au grand étonnement de Misao.

  « D'où viennent tous ces vêtements ? Et depuis quand… ?

  Auriez-vous oublié que j'étais censée renouveler votre garde-robe, mademoiselle ? C'est exactement ce que je suis en train de faire.

  C'est vrai… ça signifie que je n'aurai plus à porter ces horribles robes dignes de miss Beckley ? s'extasia Misao.

  Exactement ! confirma Jeanne en riant.

  Je me demande ce que va dire Kyo… pas que cela m'importe mais… Il paraissait contre, n'est-ce pas ?

  J'en suis consciente, mais ce n'était probablement qu'une saute d'humeur de sa part… j'en ai reparlé avec Reeves qui connaît parfaitement monsieur Kyo, et il m'a assuré qu'il n'y avait aucun problème. De toute façon, pour le bal de ce soir, il fallait absolument vous trouver une autre robe, alors… c'était inévitable.

  Et cette robe pour le bal ? Vous l'avez ? »

         Jeanne eut un sourire mystérieux.

  « J'allais vous proposer de vous la montrer. »

         Enthousiaste, Misao dévora des yeux la robe que Jeanne étala sur le lit. Elle était tout simplement sublime. Elle était aussi en mousseline, mais contrairement à l'horrible robe qu'elle avait portée, celle-ci avait un profond décolleté, des couleurs vives, et était cintrée à la taille ce qui ne manquerait pas de souligner la taille de guêpe de Misao.

  « Je peux l'essayer ? demanda aussitôt celle-ci, incapable de patienter.

  Surtout pas ! Le dîner va être servi. Vous la metterez après le dîner, avant d'aller au bal, et nous ferons les dernières retouches si nécessaire avant de partir. »

         Misao se résigna de mauvaise grâce.

Jeanne venait de quitter la chambre, lorsque soudain, quelques coups furent frappés à la porte, et Kyo fit son apparition. Misao retrouva immédiatement le sourire. Elle la tenait, sa revanche. D'une seconde à l'autre, Kyo allait foncer sur elle et l'accuser de l'avoir fait attendre durant deux bonnes heures, alors qu'il lui avait demandé de patienter quelques minutes pour pouvoir ensuite reprendre leur leçon de danse. Il allait la traiter de gamine qui n'en faisait qu'à sa tête, lui dire qu'elle lui avait fait perdre son temps, qu'elle était impossible, et pendant tout ce temps-là, elle, que ferait-elle ? Elle garderait son calme, hocherait tranquillement la tête à chacun de ses mots, et le toiserait d'un air mi-moqueur mi-ennuyé, comme si elle le trouvait ridicule.

         Après ça, ils seraient enfin quittes, et peut-être alors pourraient-ils envisager de faire la paix.

         Ravie, Misao attendit la colère de Kyo avec impatience…

  « Bonsoir, Misao. Prête pour aller dîner ? »

         La voix de Kyo était calme, son sourire engageant, sa silhouette décontractée… Interdite, ne comprenant pas ce qui clochait, la jeune fille le regarda avec ahurissement.

  « Qu… quoi ?

  Je te demandais si tu avais faim, mon cœur. Nous sommes attendus pour le dîner. »

         Misao eut un hoquet de surprise. Mon cœur ?! C'était une mauvaise blague… Ou alors elle n'allait pas tarder à se réveiller en sursaut sur son lit… en tout cas, ça ne pouvait pas être réel.

         Kyo s'avança d'un air nonchalant dans la pièce et examina la robe étendue sur le lit.

  « Cette robe est magnifique, commenta-t-il en gardant le sourire. Je suis sûre qu'elle t'ira à ravir, Misao. Une vraie princesse. »

         Misao était incapable de proférer un mot. Elle ne comprenait pas. Elle ne saisissait pas où Kyo voulait en venir. Car il ne faisait aucun doute qu'il jouait la comédie. Ce ton mielleux… cette voix douceâtre… ce n'était pas lui ! Il simulait la gentillesse… mais pourquoi ?

  « Tu es bien silencieuse… que se passe-t-il ? Tu voulais essayer la robe et Jeanne a refus ? Si tu insistes, je veux bien t'aider à l'enfiler… proposa-t-il en lui lançant un clin d'œil presque coquin. »

         Auparavant bouche bée, Misao se décida à réagir plutôt qu'à garder la bouche ouverte telle une carpe.

  « A quoi tu joues ? siffla-t-elle, méfiante.

  A rien, mon chou. Je prends soin de toi, tu n'apprécies pas ? »

Tout en parlant, il s'était mis à lui tourner autour, comme un rapace devant sa proie.

  « Je ne te crois pas ! Maintenant, si tu le veux bien, pars dîner sans moi. J'arriverai après toi. »

Misao essayait par tous les moyens de gagner du temps. Elle avait besoin de réfléchir. Seule. Car avoir Kyo auprès d'elle en train de lui tourner autour comme cela avait le don de la perturber. Elle sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Comme si elle était en train de se faire avoir…

  « Que pensera-t-on si l'on nous voit arriver à part, trésor ? Ce n'est pas une bonne idée, crois-moi…

  C'est au contraire la meilleure chose à faire. J'ai besoin d'être seule ! Est-ce trop demander ?

  Calme-toi, mon ange… Quelqu'un m'a reproché il n'y a pas si longtemps de ne pas… comment était-ce dit, déj ? Ah oui, de te montrer mon affection d'une bien étrange manière… Alors, j'ai décidé de changer de comportement, de faire plus attention à toi, tu comprends ? Il serait donc très déplacé de te laisser seule… tu n'aimes pas ma compagnie, chérie ? »

         Le « chérie » fut le mot de trop. Surtout lorsque Misao réalisa à quel point l'intonation avait été ironique. Le fumier ! Il faisait semblant d'être gentil, tellement gentil que c'en était insupportable. Quoique la gentillesse chez lui, était forcément associée à cet insoutenable soupçon de raillerie et elle se mit à le haïr de toutes ses forces en cet instant.

  « Je te déteste ! hurla-t-elle, tandis qu'un sentiment d'humiliation et de colère montait en flèche en elle. »

         Elle s'était faite avoir en beauté à son propre jeu. Elle qui s'était déjà imaginée tout un scénario pour se moquer de Kyo proprement… elle qui s'était fait toute une joie à l'idée de pouvoir enfin l'humilier comme il le méritait… et voilà que cela se retournait contre elle ! C'était insupportable. Misao avait toujours détesté perdre. Oui, elle était mauvaise joueuse. Et c'était sans doute pour cela qu'elle l'insultait de tous les noms et vouait Kyo à l'enfer en cet instant.

  « Je te déteste ! répéta-t-elle, comme elle le voyait rire. »

         Grr… si elle s'écoutait, il serait mort à l'heure qu'il est. Puis, consciente qu'elle se ridiculisait une fois de plus, elle quitta la chambre en trombe et se dirigea vers la salle à manger d'un pas rageur pour le dîner.

         Kyo la rattrapa en quelques enjambées.

  « H ! Ne pars pas comme ça ! D'ailleurs, je parie que tu ne connais même pas le chemin.

  Figure-toi que si, mentit Misao en continuant de marcher au hasard.

  Bon, dans ce cas, à plus tard, trésor, moi je m'en vais de l'autre côt »

         Kyo lui fit un petit salut ironique, et partit dans une autre direction. Par l'enfer ! Fallait-il en plus qu'elle ne puisse même pas s'en aller avec une once de dignit ? songeait Misao, vexée comme jamais et se sentant néanmoins dans l'obligation de suivre Kyo. Cependant, elle s'efforça de le suivre du plus loin qu'elle le put, car elle n'avait aucune envie d'arriver à sa hauteur et de l'entendre se moquer d'elle. Cet idiot…

         Finalement, ils arrivèrent tous les deux ensemble dans la salle à manger, car malgré tous ses efforts, Kyo s'était appliqué à l'attendre, et c'est donc côte à côte qu'ils firent leur entrée. De nombreuses personnes étaient déjà là, il s'agissait d'ailleurs à peu près des mêmes individus que lors du déjeuner du midi, mais ils n'étaient pas les derniers. Lorsque les retardataires arrivèrent, tout le monde s'installa à table pour commencer à manger.

Le dîner allait être servi, mais Misao n'avait pas faim. Kyo lui avait coupé l'appétit. Et son vœu le plus cher à présent était de lui rendre la monnaie de sa pièce…

#--#

         Finissant son repas, Kyo soupira d'aise. Tout avait parfaitement fonctionné. Comme il s'en était douté, Misao avait été verte de rage. Et c'était follement amusant ! Elle était tellement prévisible parfois… mais c'était aussi ce qui faisait son charme. Cependant, la jeune fille ne manquait pas de ressources. Et il pouvait s'en rendre compte facilement en constatant la tactique qu'elle venait d'adopter. Apparemment, elle avait décidé de ne plus lui accorder un seul regard et donc de ne plus lui adresser la parole en revanche, elle ne se privait pas pour faire la conversation à ce Will comme s'ils s'étaient toujours connus…

Kyo avait parfaitement compris qu'elle cherchait de cette façon à le rendre furieux. Le problème était qu'elle y parvenait beaucoup trop facilement. Il ne pouvait pas s'empêcher de les regarder, et surtout de maudire cet enfoiré de Padger qui ne se gênait pas pour en profiter ! Il n'avait pas arrêté durant le repas, d'essayer par tous les moyens de la frôler. Ce n'était pas grand chose, seulement toucher sa main du bout du doigt, frôler son bras, pencher sa tête de son côté et humer son parfum… mais tous ces petits gestes d'apparence anodine étaient des techniques pour se rapprocher d'elle, rendre leur relation plus intime… Kyo en était certain. Il n'était pas né de la dernière pluie. Il connaissait toutes les stratégies pour séduire une jeune fille de la haute société, sans avoir l'air auprès des aristocrates coincé(e)s de la Cour d'en faire trop afin de ne pas être discrédité. Et apparemment, ce William Padger n'était pas si innocent qu'il semblait vouloir le faire croire.

Mais bien sûr, Misao n'y voyait que du feu. Trop naïve pour son propre bien, elle discutait avec Padger en faisant preuve de beaucoup plus d'enthousiasme qu'elle n'aurait dû, et elle lui souriait sans compter. Comme c'était agaçant… et ridicule en plus ! Toute cette petite comédie ne rimait à rien. Tout ça uniquement dans le but de le rendre jaloux ! De toute façon, il n'en avait rien à faire. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent… ça ne le regardait pas.

Pourtant, Kyo ne pouvait s'empêcher d'envisager une autre possibilité qui le troublait sans qu'il puisse lutter. Et si Misao ne jouait pas la comédie ? Et si elle appréciait réellement William Padger ?

Le jeune homme chassa toutefois rapidement cette éventualité de son esprit. En fait, cela le contrariait de constater que Misao était capable d'influencer son jugement. Car c'était bien ce qui se passait. Malgré tous ses efforts pour garder la tête froide, il ne pouvait s'empêcher d'être agacé par le tableau que représentaient Misao et William Padger en grande conversation. Kyo comprit alors bien vite une chose qui allait devoir devenir un de ses nouveaux principes.

Ne jamais montrer à Misao l'emprise qu'elle avait sur lui, sinon il était perdu…

#--#

         Le dîner fut moins long qu'à l'ordinaire, étant donné le bal qui devait suivre. Ainsi, il était à peine huit heures lorsque le repas s'acheva et que les domestiques arrivèrent pour débarrasser et tout remettre en ordre. En attendant, tous ceux qui étaient attablés auparavant pour dîner devaient maintenant commencer à aller se préparer en vue du bal, qui allait débuter à partir de huit heures et demi.

         Misao se sépara ainsi de Will et d'Ellie et fut conduite par Kyo jusqu'à sa chambre. Cette fois-ci, la jeune fille prit garde de mémoriser le chemin à suivre, qui d'ailleurs n'était pas si compliqué que cela, afin d'être capable de mieux se repérer dans le château à l'avenir.

         Kyo et Misao restèrent silencieux jusqu'à ce qu'ils arrivent devant la chambre de la jeune fille.

  « Je viendrais à huit heures et demi te chercher pour que nous allions ensemble au bal, d'accord ? »

         Misao hocha la tête et quitta Kyo sur ces derniers mots. Finalement, la jeune fille n'était pas si mécontente d'elle. Elle était parvenue à exercer une petite vengeance sur Kyo en discutant exagérément avec Will. Cela avait marché car le jeune homme avait perdu son entrain précédent.

D'un autre côté, Misao avait malgré tout passé un bon moment avec Will, qui était tel qu'Ellie l'avait décrit : gentil, charmant, séduisant et spirituel avec ça ! Bref, le voisin de table idéal. Elle ne regrettait donc pas d'avoir beaucoup parlé avec celui-ci car cela s'était avéré fort agréable.

         Jeanne arriva dans la chambre de Misao au moment même où celle-ci y pénétrait.

  « Et si vous essayiez cette robe ? Elle n'attend plus que vous, suggéra la jeune femme de chambre à Misao.

   Allons-y ! »

         Si la robe était déjà superbe à regarder en tant que vêtement, l'effet était tout simplement magnifique sur Misao.

  « Vous êtes splendide, mademoiselle Misao ! Avec ça, vous êtes sûre d'attirer le regard de tous les hommes de la salle !

   C'est vrai ? dit Misao en riant et en virevoltant dans la pièce. »

         Elle aimait la robe et sentit son moral remonter en réalisant qu'elle allait assister et participer à un bal. Un bal ! Combien de jeunes filles avant elle n'en avaient rêv ?

  « Au fait, combien y aura-t-il d'invités ? demanda Misao à Jeanne.

  Une bonne centaine, mademoiselle. C'est un bal important. Il y aura déjà tous ceux qui figuraient au dîner de ce soir, à part les seigneurs Lundar et Padelius je crois, qui sont attendus autre part. Et beaucoup d'autres invités arriveront pour huit heures et demi. De toute façon, maintenant que la Saison a commencé, il risque d'y avoir de nombreuses fêtes et beaucoup de bal auxquels vous serez conviés, vous et le jeune Maître.

  J'espère seulement que j'arriverai à danser correctement…

  Ne vous faites donc pas tant de souci ! De toute façon, même s'il vous arrivait d'écraser par malheur un ou deux pieds, votre compagnon de danse sera bien trop poli pour vous le faire remarquer !

  Espérons-le… »

         A huit heures vingt-cinq précises, Kyo vint chercher Misao. Il entra dans sa chambre, et cligna des yeux à deux reprises en la contemplant dans sa robe de bal. Elle était… radieuse. Rayonnante. Sublime. Non, mieux que ça. Le problème, c'est qu'aucun mot n'était capable de qualifier la vision qui se trouvait devant lui.

  « Alors ? Comment tu me trouves ? demanda Misao en voyant qu'il se taisait.

  Tu es… grandiose. »

         Misao regarda Kyo avec étonnement, surprise par son gentil commentaire. Elle s'était attendue à un « Pas mal… » ou encore « Bon, alors, on y va ? », mais pas ça en tout cas… Et cela lui faisait tellement plaisir qu'elle en était toute retournée.

         La jeune fille inspecta alors à son tour Kyo et en eut le souffle coupé. Le terme « grandiose » aurait également convenu pour le qualifier. Il était superbe. Cette fois-ci, il avait opté pour un costume complètement noir, de haut en bas. Seule une chemise blanche qu'il portait en-dessous faisait ressortir le tout, et ses vêtements avaient beau être classiques, rien à dire, ils lui allaient comme un gant.

Misao aurait juré que c'était le noir qui lui allait aussi bien. Avec ses cheveux bruns comme la nuit, ses yeux tout aussi sombres… aucune autre couleur n'aurait pu mieux le mettre en valeur. Et à le voir ainsi tout de noir vêtu, la jeune fille ne put s'empêcher de penser qu'il était diaboliquement séduisant. Irrésistiblement dangereux.

Misao constata également qu'il avait tenté de donner à ses cheveux en bataille un aspect moins désordonné et plus raffiné, mais peine perdue, des épis réapparaissaient ici et là, sans succès. Pourtant, Misao ne s'en formalisait pas. Au contraire, elle aimait ses cheveux indisciplinés, et une irrésistible envie d'y placer sa main pour les toucher la prit soudainement. Cela l'étonna elle-même, mais elle se reprit bien vite. Il n'y avait vraiment que Kyo pour faire naître en elle des désirs aussi absurdes…

  « Tu n'es pas mal non plus, assura-t-elle en le regardant droit dans les yeux. »

         Ils se toisèrent en silence, mais cette fois-ci, ce ne fut pas un silence froid ni dur comme les autres fois, après une de leurs disputes. Cette fois, le silence fut tout aussi pesant, mais d'une toute autre façon. Il était lourd de sentiments inexprimés, de désirs inassouvis, et de peur… Peur de faire le premier pas. De ne pas savoir dans quoi ils allaient s'embarquer. Peur d'avoir mal ensuite.

  « Vous n'êtes pas encore partis ? »

         La voix de Jeanne brisa le silence, et ce fut comme si un de ces instants privilégiés était parti en fumée.

         Kyo toussota.

  « Nous allions y aller, dit-il en offrant son bras à Misao. »

         Celle-ci approuva et saisit le bras que le jeune homme lui tendait.

         Quelques instants plus tard, ils pénétraient dans la grande salle de bal du château.

#--#

         La salle était magnifique. D'énormes bougies qui mettraient beaucoup de temps à se consumer, avaient été suspendues dans les lustres ornés de cristal, et illuminaient la pièce de mille feux. Une partie de la salle était réservée aux musiciens ainsi, violonistes, violoncellistes, clavecinistes, flûtistes et autres artistes, allaient permettre aux invités de danser et de virevolter au gré de la musique tout au long de la soirée.

         Au centre se trouvait la piste de danse bien entendu, où de nombreux couples allaient bientôt valser jusqu'à en avoir la tête qui tourne.

         Le long des murs de la salle avait été installé un buffet constitué d'entremets et surtout de boissons plus ou moins alcoolisées pour permettre aux invités de se rassasier ou d'étancher leur soif le moment venu. Enfin, pour ceux qui éprouveraient de la fatigue, des chaises étaient placées près du buffet.

         Misao fut immédiatement émerveillée par l'univers qu'elle découvrait. Toutes ces lumières, cette musique, cette atmosphère de fête, tous ces gens réunis pour célébrer le retour de Kyo et sa venue à elle… c'était presque féérique. Son appréhension de commettre d'éventuelles erreurs en dansant s'était envolée, et seule l'excitation régnait dans l'esprit de Misao.

         Kyo, qui se trouvait toujours aux côtés de la jeune fille, ne put s'empêcher de sourire devant son enthousiasme presque enfantin. Misao était une bouffée de fraîcheur et d'innocence, de naturel, et il avait toujours été attiré par sa spontanéité et l'éclat avec lequel elle rayonnait.

         Le jeune homme fut sorti de ses pensées par l'arrivée de la princesse Fiona et d'un vieux duc originaire d'Astria qui l'accompagnait.

         Kyo s'empressa de les saluer et présenta Misao.

  « Enchantée de faire votre connaissance, Lady Kanzaki, déclara Fiona en souriant.

  Enchantée, princesse. »

         Les deux jeunes filles ne firent pas plus ample connaissance, car Fiona choisit alors de prendre Kyo à part et d'échanger quelques mots avec lui.

  « Excusez-moi d'être aussi brusque, mais… avez-vous reçu ma lettre ? demanda-t-elle au jeune homme.

  Oui, ne vous inquiétez pas. Je vous remercie de m'avoir mis dans la confidence. J'imagine que l'annonce du retour de Hiro n'est pas encore officielle.

  C'est exact. Père rendra la nouvelle publique demain matin.

  Je suis heureux pour vous. Ce doit être formidable de… »

         Kyo s'interrompit en voyant la princesse au bord des larmes.

  « Qu'avez-vous ? Excusez-moi si j'ai dit quelque chose qui…

  Non, non ! Laissez… c'est ma faute… je… c'est à cause de Hiro… Je suis tellement contente de le savoir vivant ! Seulement… »

         Kyo comprit qu'elle avait besoin de parler et entraîna la princesse loin des regards indiscrets, sur la terrasse derrière les grandes fenêtres qui avaient été ouvertes à cause de la chaleur de la nuit.

  « Je suis désolée, je ne veux pas vous causer de…

  Il n'y a aucun problème. Vous êtes bouleversée par le retour de votre frère, que l'on croyait mort depuis deux ans… C'est bien normal d'être…

  Non, ce n'est pas ce que vous croyez ! Je suis heureuse… mais si je suis bouleversée, c'est parce que… je l'ai vu, avant de venir ici. Père… et Nagi… ils l'ont ramené au château.

  Que s'est-il pass ?

  Il ne m'a pas reconnue ! Vous vous rendez compte ? Je me suis approchée et… il m'a dévisagée comme… comme si j'étais une étrangère ! Je… »

         Quelques larmes s'échappèrent des yeux de la jeune princesse sans qu'elle puisse les retenir.

  « Je ne sais plus quoi faire… je ne sais plus… murmura-t-elle. »

         Embarrassé, Kyo se rapprocha d'elle et posa une main réconfortante sur son épaule.

  « Je suis sûr que cela va s'arranger… et puis, n'y a-t-il qu'avec vous qu'il a réagi ainsi ? N'en a-t-il pas été de même avec votre père et votre frère ? »

         Fiona hocha lentement la tête.

  « Vous voyez ? Cela signifie qu'il ne vous a pas oubliée, vous et les autres, de lui-même… Simplement, il a dû perdre la mémoire, comme cela peut arriver après un accident… mais il la retrouvera, j'en suis sûr.

  J'aimerais en être aussi certaine. Et je suis morte de peur… à l'idée que… vous vous souvenez de ce qui est arrivé à ma tante, Serena ?

  Oui…

  Elle a subi des expériences à cause de ces maudits Zaïbacher ! Et si Hiro avait eu le même sort ? Et si on s'était servi de lui comme d'un vulgaire cobaye ?!

  Princesse… »

         A bout de nerfs, la jeune fille éclata en sanglots et trouva du réconfort dans les bras de Kyo. Celui-ci essayait de la réconforter de son mieux, comprenant l'épreuve douloureuse qu'elle était en train de traverser. Il avait toujours eu beaucoup d'estime pour la princesse Fiona et pour toute sa famille. Et il ne pouvait tout simplement pas la laisser tomber comme ça.

#--#

         Misao était profondément déçue. Désappointée par l'attitude de Kyo et la façon avec laquelle il l'avait quittée pour la préférer à cette fameuse princesse Fiona… Elle les avait vus. Ils étaient partis tous les deux s'isoler sur la terrasse.

  « On dirait deux amants…

  Hein ? Pardon ? »

         Misao se retourna pour voir qui avait parlé. Il s'agissait d'Ellie, qui s'était glissée près d'elle et observait maintenant la terrasse de loin.

  « Je parle bien sûr de Kyo Fanel et Fiona d'Astria ! Vous avez vu comme elle s'est précipitée sur lui dès qu'il est arriv ? Et comment il l'a conduit immédiatement vers un coin plus tranquille, sûrement pour trouver un endroit plus… intime ?

  Que voulez-vous dire ?

  Misao… ne soyez pas si naïve. D'ici la fin de la soirée, tout le monde aura compris qu'ils sont ensemble. Mais ce n'est pas une si mauvaise chose. Beaucoup pensent que le roi Allen Schezar approuvera cette union.

  Vous faites fausse route ! Kyo n'est pas amoureux d'elle !

  Qui a dit une chose pareille ? Connaissant Kyo Fanel, il ne cherche à séduire cette pauvre princesse uniquement dans le but de redorer son blason auprès des ministres. C'est une technique comme une autre pour avoir la cote auprès des ministres, la princesse Fiona étant très appréciée par bon nombre d'entre eux…

  C'est cruel ! Kyo ne ferait jamais une chose pareille. Arrêtez de le critiquer à tort et à travers !

  Je m'excuse de vous faire autant de peine, Misao, car je sais l'affection que vous lui portez. Cependant… je pense qu'il est de mon devoir de vous ouvrir les yeux. Si vous ne me croyez pas… venez donc. De là où nous sommes, nous ne pouvons pas voir ce qu'ils font sur la terrasse, mais en nous approchant un peu… je suis sûre que nous découvrirons des choses… intéressantes. Suivez-moi. »

         Désemparée, Misao obéit. Pourtant, elle avait confiance en Kyo. Il devait avoir de bonnes raisons pour s'être éloigné ainsi avec la princesse. Et rien de ce que Ellie affirmait n'était vrai. Celle-ci était encore aveuglée par les méchancetés qui pouvaient courir sur Kyo en ce moment. Mais Misao n'y croyait pas, elle. Même si le jeune homme pouvait être odieux avec elle, elle savait qu'il avait un bon fond, quelque part. Sinon, pourquoi autant de gens aussi gentils, tels que Jeanne, Aldo, et probablement les dénommés Lundar et Padelius, voueraient à Kyo une confiance aussi absolue ?

         Elle allait suivre Ellie, faire ce que celle-ci disait – c'est à dire observer Kyo et la princesse Fiona – et elle verrait bien qu'elle ne s'était pas trompée. Kyo ne chercherait jamais à séduire la princesse. Il ne s'amusait pas à jouer avec les sentiments des autres.

         Pourtant, elle les vit. De ses propres yeux. Tous les deux, dans les bras l'un de l'autre. Misao éprouva un tel choc qu'elle sentit ses jambes vacillées sur le coup.

  « Ne dirait-on pas deux amants pris en flagrant délit ? chuchota Ellie à son oreille, sans doute satisfaite de pouvoir montrer à Misao qu'elle avait raison. »

         Bouleversée, Misao recula précipitamment, puis alla s'accouder contre un mur. Elle n'arrivait pas à y croire. Cela faisait trop mal.

  « Vous auriez dû me faire confiance dès le début… murmura Ellie en s'approchant d'elle. Je suis toutefois navrée que vous ayez dû réaliser tout cela dans de telles circonstances. Kyo Fanel se sert de la princesse d'Astria pour son propre bénéfice. C'est abominable…

  Mais… peut-être qu'il… peut-être est-il vraiment amoureux de la princesse ! s'écria Misao, se rattachant au moindre doute de l'innocence de Kyo. »

         Quoique imaginer Kyo amoureux de cette princesse lui fasse tout aussi mal, voire plus…

  « Misao… réfléchissez un peu. Hier à peine, Kyo Fanel tentait de vous séduire, et aujourd'hui, il serait amoureux de la princesse Fiona ? Allons bon. A qui voulez-vous faire croire cela ?

  Qui vous a dit que Kyo avait tenté de me séduire ?

  Il suffisait d'avoir des yeux pour le voir. Lorsqu'il est entré au château le jour de son retour, il vous portait dans ses bras comme un trophée. N'était-ce pas une manière détournée de faire comprendre que vous et lui étiez liés ? Que vous lui apparteniez ? De plus, lorsque des bruits ont couru prétendant que vous et lui seriez amoureux, il n'a pas cherché une seule fois à nier ce fait et à soutenir le contraire. Ne croyez-vous pas qu'il cherchait par là à obtenir vos faveurs ? »

         Ellie fit une pause, sans doute pour apprécier son effet, puis poursuivit :

  « Mais là n'est pas la question. Ce qui est important, c'est que l'on voit qu'après avoir semblé s'intéresser à vous, il jette maintenant son dévolu sur la princesse Fiona ! Pour moi, le message est clair : Kyo Fanel est un manipulateur. Il est évident qu'il cherche à influencer les ministres en s'accordant les faveurs et le mérite de la princesse. Je pourrais même aller plus loin. Qui vous dit qu'il n'a pas cherché à s'attirer VOTRE affection afin de mieux influencer la population et les ministres, qui n'ont pas oublié le couple symbolique que formaient Van Fanel et Hitomi Kanzaki ? »

         Décontenancée, Misao sentait la tête lui tourner. Elle ne savait plus où elle en était. Pire, elle ne savait plus qui était Kyo. Les paroles accusatrices d'Ellie se bousculaient dans son esprit désorienté, telle une spirale infernale.

« Kyo Fanel est un manipulateur. »

« Kyo Fanel se sert de la princesse d'Astria pour son propre bénéfice. C'est abominable… »

« Qui vous dit qu'il n'a pas cherché à s'attirer VOTRE affection afin de mieux influencer la population et les ministres, qui n'ont pas oublié le couple symbolique que formaient Van Fanel et Hitomi Kanzaki ? »

         Ellie avait même pratiquement deviné la raison de la venue de Misao sur Gaïa. Car le fait qu'elle était arrivée sur Gaïa dans le seul but d'aider Kyo à être mieux considéré par les ministres était véridique. Misao en avait été consicente dès le début, et n'en avait jamais voulu à Kyo pour cela. Jusqu'à aujourd'hui. Car maintenant qu'Ellie le disait… était-il possible que Kyo ne la considère que comme un outil ? Comme un objet précieux, un moyen inestimable pour parvenir au pouvoir ?

         Misao avait envie de pleurer. Pouvait-on se tromper à ce point sur une personne ? Etait-ce possible ? Certes, l'entente entre Kyo et elle avait plutôt été en dents de scie depuis leur rencontre, mais cela n'avait pas empêché Misao d'éprouver du respect pour lui, et de l'admirer pour ce qu'il représentait à ses yeux. Mais s'il n'était qu'un manipulateur, et si elle n'avait jamais été pour lui qu'un pion pour accéder à la couronne, alors tout s'effondrait…

         Misao avait du mal à se rendre à l'évidence, mais pourtant les preuves étaient là. Kyo flirtait avec la princesse Fiona ! Pour le disculper, on aurait pu penser qu'il était réellement amoureux de la princesse, mais dans ce cas, pourquoi lui avoir tourné autour, à elle, Misao Kanzaki ? Car maintenant que Ellie l'éclairait, Misao se rendait compte que son amie avait raison. Combien de fois Kyo l'avait-il embrassée depuis qu'ils se connaissaient ? Si ça ce n'était pas une preuve qu'il avait voulu la charmer… Et voilà maintenant qu'il séduisait la princesse !

         Il avait donc forcément une idée derrière la tête. Tout ça n'était forcément qu'une combine destinée à se faire apprécier des ministres… A moins que Kyo Fanel ne soit qu'un don Juan et qu'il s'amuse en séduisant plusieurs filles à la fois ? De toute façon, dans les deux cas, elle n'avait jamais rien représenté pour lui…

         Misao était complètement perdue. Elle ne savait plus que penser. Peut-être que je me trompe… Peut-être que je fais des conclusions trop hâtives… lui disait une petite voix dans sa tête. Il fallait qu'elle réfléchisse. Qu'elle pense à tête reposée…

         Cependant, Ellie lui barra la route lorsqu'elle chercha à remonter dans sa chambre.

  « Vous n'allez pas partir comme ça, tout de même ? Vous n'avez même pas dans ! Ce serait un outrage si vous vous enfuyiez comme une voleuse, faites-moi confiance. Mieux vaut que vous restiez ici encore un peu. Et si vous alliez danser avec mon frère ? Lui est sincèrement amoureux de vous, ce n'est pas comme Kyo Fanel… »

         Désorientée, totalement hébétée, Misao se laissait faire et écoutait Ellie sans broncher. En vérité, elle était trop lasse pour protester.

         Will arriva alors devant elle sans même qu'elle en ait vraiment conscience.

  « Bonsoir, Misao. Vous êtes resplendissante, ce soir. »

         La jeune fille répondit par un inaudible « merci » et n'eut pas le cœur de refuser lorsqu'il lui proposa de danser. Après tout, pourquoi pas ? Elle n'avait rien d'autre à faire, Kyo l'avait abandonnée pour les beaux yeux d'une princesse, et d'affreux doutes planaient sur lui…

         L'instant d'après, Misao se retrouvait au milieu de la piste de danse, et évoluait dans les bras de Will. Elle dansa de façon médiocre et écrasa le pied du jeune homme à deux reprises, mais elle n'en avait cure. Plus rien n'avait d'importance… en fait, elle commençait même à avoir mal à la tête. C'est pourquoi, lorsque Will lui proposa gentiment d'aller lui chercher une boisson pour se désaltérer, elle accepta vigoureusement et vida le verre qu'il lui tendit d'un trait. Le liquide était chaud et doux, et coula lentement dans sa gorge.

Il ne supprima pas pour autant le mal de tête de la jeune fille. Lorsque Will insista pour lui offrir un second verre, elle accepta donc une fois encore et engloutit le breuvage passivement. Au bout du troisième verre, elle commença à éprouver une sensation de bien-être réconfortant. Apparemment, boire un peu lui faisait du bien. Il lui en fallait plus.

Le mieux, c'est que sa fatigue et sa lassitude précédentes semblaient s'envoler comme par magie. Elle avait soudainement envie de s'amuser, de rire, et de danser comme une folle. Plus rien ne comptait. Penser à Kyo lui donnait une migraine, alors plutôt que de se concentrer sur lui, elle allait faire le vide et ne songer qu'à danser follement avec Will, et tous les autres hommes qui l'invitaient !

Car il y en avait de plus en plus. C'était étonnant. Ils se faisaient de moins en moins timides et certains se précipitaient pour aller l'inviter à danser. Misao était flattée et ravie. Elle avait envie de rire tout le temps. Son esprit embrouillé n'arrivait même plus à distinguer clairement la silhouette de son partenaire mais qu'importe ? Elle avait juste envie de s'amuser. Rien de plus.

La jeune fille ne faisait même plus attention à ce qui se passait autour d'elle. Ainsi, elle n'aperçut pas le changement de comportement de Will ni celui de Ellie Padger. Elle ne perçut pas la façon avec laquelle ils paraissaient enchantés de la voir vider verre sur verre, ni comment ils l'encourageaient à le faire. Elle ne vit pas non plus leurs sourires auparavant aimables se transformer en des rictus méprisants.

A vrai dire, Misao ne vit rien de tout cela. Elle ne comprit pas que les masques commençaient à tomber…

#--#

Kyo était un peu dépassé les événements. Il ne s'attendait pas à ce que la princesse Fiona soit aussi bouleversée. Il voyait à présent comme elle était sensible et vulnérable, et son unique souhait était de la rassurer et de la protéger. Il avait de l'estime et beaucoup de respect pour sa famille, qui avait été très proche de Van, et il ne pouvait décemment pas la laisser tomber. Surtout dans un moment aussi difficile pour elle.

Même si le jeune homme aurait aimé profiter du bal avec Misao, il savait qu'il ne pouvait se permettre de faire ce dont il avait envie, sans prendre en compte le cas des autres personnes qui avaient besoin de lui. Car c'était aussi cela, la vie d'un Roi. Un bon monarque devait penser aux autres, avant de s'occuper de son propre bien. Son intérêt devait passer après celui des autres. Sinon, comment faire le bonheur de tout un peuple ?

Et pour le moment, la princesse Fiona n'était pas en état de se débrouiller sans aide. Elle ne pouvait pas réapparaître dans la salle de bal avec les yeux rouges et bouffis à force d'avoir pleuré... Les mauvaises langues se seraient fait un plaisir de la harceler de questions, et cela n'aurait fait qu'empirer le moral déjà au plus bas de la jeune princesse.

Pendant de longues minutes, Kyo avait donc tenté de la réconforter de son mieux, puis elle avait même fini par se confier plus ouvertement à lui, en lui racontant son enfance, l'amour qu'elle éprouvait pour ses frères et la terreur qui l'avait submergée en apprenant la mort de Hiro. Elle lui avait exprimé ses peurs, son angoisse de retrouver un Hiro différent de celui qu'elle avait connu auparavant...

A un moment, inquiet d'avoir laissé Misao derrière lui, Kyo s'était avancé vers l'intérieur de la salle et avait jeté un coup d'oeil furtif dans la direction de la jeune fille, et avait été plus ou moins soulagé en la voyant discuter avec Ellie Padger. Il ne connaissait pas beaucoup la famille Padger, et si le dénommé William ne lui inspirait pas grande confiance, il ne pensait pas en revanche que la jeune Ellie puisse causer grand mal à Misao. Et puis, il fallait bien que celle-ci se fasse des amies...

Kyo et Fiona discutèrent donc longtemps au final. Presque trois quarts d'heure, estima le jeune homme en songeant qu'il serait temps de retourner dans la salle de bal. La princesse semblait enfin s'être ressaisie, et paraissait prête à faire bonne figure devant la centaine d'autres invités.

Sans plus attendre, les deux jeunes gens quittèrent donc la terrasse et rentrèrent à l'intérieur. Aussitôt, Kyo chercha Misao des yeux.

Ce qu'il vit lui donna l'impression de recevoir une douche froide.

Misao était joyeuse, trop joyeuse, tellement que c'en était ridicule. Elle dansait avec un homme, virevoltait et riait dans ses bras, puis un autre venait l'arracher aux bras du précédent, et elle riait encore, à la limite de ce qui pouvait sembler déplacé, et ainsi de suite...

Kyo manqua s'étouffer. L'idiote. A peine avait-il le dos tourné qu'elle en profitait pour se donner en spectacle ! Et quel spectacle... elle frisait l'indécence ! Où était passée sa soi-disante pudeur ? Il le lui ferait payer. De toute façon, ce n'était plus de l'inconscience, mais de la stupidité. Ils allaient aller droit dans le mur, si elle continuait ainsi. Qu'allait-on penser ? Bon sang, il préférait ne même pas y songer.

Pour l'instant, la priorité était de la sortir de cette situation grotesque. Et au plus vite, réalisa-t-il avec fureur en la voyant cette fois-ci dans les bras... d'Hetan !

Elle avait osé ! La garce. Il n'arrivait pas à y croire. Que cherchait-elle, au juste ? A le pousser à bout ? Elle y était parvenue. Sous ses dehors d'ange, c'était une véritable peste. Et il la détestait.

#--#

Misao ne réalisa qu'il se passait quelque chose que lorsque quelqu'un la força à arrêter de danser, et qu'elle entendit son partenaire protester. Qui donc était cet intrus qui osait l'empêcher de s'amuser ? Le cerveau embrumé par l'alcool, la jeune fille avait du mal à distinguer clairement ce qui se passait autour d'elle. L'odieux intrus prit alors la parole, et elle crut comprendre qu'il s'adressait à elle.

  « Misao! fit la voix qui vibrait de colère. Arrête ça tout de suite et partons d'ici ! »

Misao lui lança un sourire idiot.

  « Qu... qui êtes-vous, pour me p... parler comme ça ?! Vous ne voyez donc pas que je suis occupée avec... avec ce monsieur ?! »

Kyo la regarda comme s'il la voyait pour la première fois.

  « Mon dieu, Misao... mais tu es complètement ivre ! Bon sang... viens avec moi !

  Désolé, mon cher Kyo... Mais cette demoiselle préfère ma compagnie à la tienne, alors si tu n'y vois pas d'inconvénients, j'aimerais que tu nous laisses danser en paix.

  La ferme, Hetan ! Tu essaies d'abuser d'elle, espèce d'enflure ! Maintenant, tu nous excuseras, mais Misao et moi avons des choses à nous dire. »

Kyo... Hetan... les deux noms résonnèrent dans l'esprit confus de la jeune fille. Elle comprit que c'était Kyo qui était là, mais alors son partenaire, cet homme avec qui elle était en train de danser à l'instant... était Hetan ? L'adversaire, l'ennemi de Kyo ? Tiens, elle ne s'en était pas vraiment rendue compte... ou peut-être que si, mais elle n'avait pas fait réellement attention... Mais ce n'était pas sa faute... Ciel, elle avait si mal à la tête... Et les délicieuses boissons que lui avaient apportées généreusement Will et Ellie ne lui faisaient plus aucun effet...

  « Misao, viens. »

Encore cette voix. Celle de Kyo. Elle aimait cette voix. Elle était apaisante parmi tout ce vacarme. La musique, tous ces bruits et tous ces murmures provenant des gens autour d'elle qui auparavant sonnaient à ses oreilles comme une douce musique, lui apparaissaient à présent comme un brouhaha assourdissant et infernal. Et elle avait de plus en plus mal à la tête. Elle voulait partir. Quitter cet horrible endroit.

Elle voulut suivre la voix rassurante, mais quelqu'un retint son bras de façon brusque et violente, et elle poussa un cri.

  « Elle reste ici, pas vrai, Misao ? fit l'homme qui agrippait son bras aussi durement. On s'amusait bien, toi et moi, avant que ce cher Kyo n'arrive ! Allez, viens t'amuser avec moi !

  J'ai plus envie ! geignit Misao d'une voix pâteuse, en essayant de retirer son bras maladroitement.

  Laisse-la tranquille, Hetan ! Si tu la touches encore une fois, je te jure que...

  Que quoi, Kyo? Tous les mâles ici présent l'ont déjà touchée, ta protégée ! s'esclaffa-t-il en ricanant méchamment. Où l'as-tu trouvée, cette petite délurée ! Tu crois que si je la paye, je pourrais... »

Hetan n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Kyo lui avait déjà envoyé son poing dans la figure.

  « Allons-y, Misao, déclara-t-il tranquillement en saisissant le bras de la jeune fille, complètement ahurie. »

Celle-ci ne dit rien et se contenta de s'appuyer gauchement sur Kyo. Abrutie par l'alcool, elle ne comprenait pas tout, et n'aspirait plus qu'à s'écrouler sur un lit et fermer les yeux...

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Quelque part sur Gaïa...

Siana se réveilla en sursaut et en sueur. Un abominable cauchemar. Encore et toujours ces cauchemars. Cela ne cesserait-il donc jamais ? Et se réveiller seule, dans cette chambre humide et froide, après avoir fait un de ces horribles mauvais rêves... c'était sans doute cela le pire, le plus dur à supporter. La solitude. Cette affreuse solitude, angoissante, terrifiante, qui la faisait se questionner sur son avenir. Si cela continuait ainsi, celui-ci serait sans doute aussi insupportable que son présent... et son passé.

Pourtant, elle savait qu'il existait une solution. Elle n'était pas seule. Une autre personne, qui vivait dans un autre lieu sur cette triste planète, était liée à son destin. Et si Siana faisait ce que l'on attendait d'elle, alors il se pourrait que cette personne se retrouve à ses côtés, partageant sa souffrance, sa douleur... ainsi elle ne serait plus seule pour affronter la vie... pour survivre.

L'ennui, c'est qu'elle aimait cette personne. Et que jusqu'à présent, elle s'était jurée de ne pas intervenir... de ne pas chercher à la retrouver... car qui aurait aimé partager son Enfer ?

Néanmoins, plus les jours passaient, plus ses bonnes résolutions s'envolaient. Ils avaient partagé tant de choses ensemble... alors pourquoi pas maintenant, comme au bon vieux temps, ensemble pour toujours, sans que rien, pas même la mort, ne puisse les séparer ? Oui, pourquoi hésiter ? Le Seigneur Nostrad avait raison... Il fallait le recontacter... Ils avaient besoin de lui, pour leurs projets. Et elle, elle avait grandement besoin de lui, de sa présence, pour son propre bien.

Même si cela faisait des années depuis leur séparation, ce lien aussi fort qui les unissait ne pouvait pas ne rien signifier, n'est-ce pas? Et puis, il ne pouvait pas avoir oublié... en tout cas, elle le forcerait à se rappeler. Coûte que coûte. Et lorsqu'il comprendrait où était sa véritable place, alors tout redeviendrait comme avant. Ils feraient équipe, et seraient réunis pour toujours.

Un instant, elle se trouva à nouveau égoïste. Elle n'avait pas le droit de s'imiscer dans sa vie. Pas le droit de décider pour lui...

Cependant, il suffit que des images de ses cauchemars lui reviennent en tête pour que le désespoir la submerge, et pour qu'elle repense aux paroles du Seigneur Nostrad, son Sauveur, l'homme à qui elle avait confié sa vie.

  « Nous avons besoin de lui, Siana... Il est une des clés du Dieu Sacré de la Guerre, Escaflowne... Une fois toi et lui réunis, vous ferez des étincelles. Nous avons besoin de lui et de son entière coopération pour réveiller le Dieu de la Guerre, tu m'entends? Fais ce que je te dis et tout ira bien... »

Siana respira un grand coup, toucha du bout des doigts son pendentif en forme de dragon, et ferma les yeux. Elle revit alors sa mère, son visage ensanglanté, la tristesse dans ses yeux... Et c'est à cet instant que sa décision fut prise. Une décision capitale, sur laquelle elle ne reviendrait pas. Siana choisit de faire totalement confiance au Seigneur Nostrad.

Auparavant déjà, elle avait toujours été profondément dévouée à son Seigneur, mais elle avait toujours un peu hésité lorsque cela concernait cette unique personne qui lui faisait encore éprouver des sentiments humains... Mais désormais, elle n'hésiterait plus. Elle allait faire ce que lui demandait son Seigneur, c'est à dire rallier à eux cette personne qui lui était si chère, et ce pour le meilleur et pour le pire...

Ce qui l'avait décidée à prendre cette décision ? Sa mère. Siana savait qu'elle ne voulait pas finir comme sa mère. Sa mère était seule lorsqu'elle était décédée. Or, Siana ne mourrait pas seule. Si elle devait mourir, ce serait avec lui, à ses côtés, et rien d'autre.

Elle ne mènerait pas non plus la même vie que sa mère. Celle-ci était morte parce qu'elle s'était cachée toute sa vie, parce qu'elle n'avait pas combattu. Siana, elle, se battrait de toutes ses forces, et ne faiblirait pas lorsqu'il s'agirait de tuer ses ennemis, c'est à dire tous ceux qui se placeraient sur le chemin du Seigneur Nostrad. Elle n'avait pas peur. La peur était réservée aux lâches, et elle était une battante, une survivante. Elle combattrait pour son Maître, à ses côtés, et lui aussi serait là, car il la rejoindrait, c'était inévitable...

Siana attendait avec impatience cet instant. Bientôt, très bientôt... Il reviendrait avec elle. Ce n'était plus qu'une question de temps.

A suivre…

Note de l'auteur :

Alors… un truc très important !

Dans le chapitre précédent, j'ai dit : « je vous assure un 10ème chapitre à peu près aussi long, avec une scène Misao/Kyo où on ne pourra pas dire qu'il ne se passe rien entre eux ! (en même temps, je suis dsl ms c vrai ke je ne peux pas faire en sorte kil se passe des choses incroyables entre eux à TOUS les chapitres) »

Et bien sortez vos mouchoirs pour ceux que ça intéressaient… car vous avez bien dû vous en rendre compte… s'il y en a qui s'attendaient à une petite scène disons osée, (comme je pensais moi-même le faire et je sais plus si j'en avais parlé) ben finalement y en a pas eu…

Pourquoi ?

Pas que je n'ai pas d'imagination pour l'écrire…

C'est juste qu'en fait, je bloquais car je n'arrivais pas vraiment à voir comment Misao aurait pu se jeter dans les bras de Kyo en sachant que même pas 2 minutes avant, elle s'apprêtait à lui arracher les yeux. Déjà qu'on me reproche le fait qu'elle se laisse trop faire par lui… alors si en plus, elle se jette sur lui et se met à lui baver dessus alors qu'elle est censée être fâchée contre lui, où passe sa dignité, s'il vous plaît ??? Elle a aussi de l'amour-propre, notre chère Misao…

Bref, dsl si j'ai donné de faux espoirs à certain(e)s, mais ce n'est que partie remise ! Car de toute façon, même si les disputes entre les 2 héros peuvent être intéressantes, il ne faut pas tjrs ne faire que ça, car sinon, j'ai peur de finir par tourner en rond… c'est pour cette raison que le prochain chapitre va amorcer un nouveau tournant, en commençant par lever un peu (très légèrement) le voile sur le passé mystérieux de Kyo, ce qui permettra de le faire se rapprocher de Misao… en tout cas au début

J'espère en tout cas que ce chapitre ne vous aura pas déçus, je n'étais pas très inspirée, et j'ai passé un temps fou en m'embrouillant dessus, comme par exemple avec le caractère de Will Padger et de sa sœur Ellie. Au début, je comptais faire de Will un personnage très important (un peu comme Allen Schezar dans l'anime), et de Ellie une amie très chère à Misao, et finalement… ça ne collait pas, je ne sais pas, ça ne me plaisait pas… en plus, à bien y réfléchir, ils n'avaient aucune fonction particulière, je veux dire, ils ne sont ni chevalier, ni soldat enfin bref, à quoi auraient-ils servi pendant la guerre ? Si j'avais fait d'eux des amis de Misao, je crois que je me serais lassé d'eux rapidement, sans jamais savoir que leur faire dire, ou quelles actions leur attribuer…

En gros, ils ne feront pas partie des personnages vraiment importants, d'autres prendront la relève à leur place ! (donc en gros, la question ds le sondage concernant Will était un peu débile de ma part vu que j'ai changé d'avis apres… Oo)

Une autre question pour m'aider sur cette fic : mis à part les royaumes de Fanelia, d'Astria, de Fleed (avec le prince Cid) et l'empire Zaïbacher, connaissez-vous d'autres noms de royaumes ou de pays qui existent sur Gaïa ? Parce que je ne me rappelle pas en avoir entendu d'autres dans l'anime, mais s'il y en a, peut-être que ça pourra me servir pour la guerre.

Sinon, pour finir, en même temps que de reposter ce chapitre, je publie aussi une nouvelle fiction sur le site www.fictionpress.com

Mais cette fois-ci, elle n'est pas de moi, car il s'agit d'une traduction anglaise ! Et oui, j'ai décidé depuis peu de commencer à faire des traductions en français de fics anglaises, car il y en a vraiment qui valent le détour… Pas que je sois bilingue, mais justement ça va me perfectionner (en plus j'adore les langues et j'en aurais besoin pour mes études), et puis si ça peut faire découvrir de super fics à des lecteurs français…

Le titre de l'histoire : « My embrace with taboo » de Slayin-Em

C'est une histoire que j'ai trouvée superbe et très émouvante. Elle parle d'inceste, d'un amour impossible entre un frère et une sœur qui n'ont pas vraiment été élevé ensemble (ils le sont seulement depuis qq années), le style est direct et simple (ce n'est pas une critique négative, ms au moins comme ça je n'ai pas eu de mal à comprendre l'histoire hin hin ) et en anglais en tt cas, c'était agréable à lire.

En plus de cette fic-là, j'en traduirai bientôt une autre sur Harry Potter, je viens de commencer, elle s'appelle : « Outward Appearances » de Jubilee3

C'est une super fic avec le couple James/Lily ! Ms bon, celle-là, je la publierai sûrement en même temps (ou avant si j'ai fini) que mon prochain chapitre sur Harry Potter (à Lyla et aux autres qui me le demandaient : oui, à partir de maintenant, je vais pouvoir me consacrer au chapitre 4 de HP à l'université de Northcleef car avant, escaflowne me prenait du temps !)

Du coup, le chapitre 11 d'escaflowne, c'est pas gagné car maintenant que j'ai publié 2 chapitres, faut que j'écrive mes autres fics, ms j'espère que vous continuerez à suivre cette histoire !

Merci à tous et à la prochaine !

Leera H.