Disclaimer : les  personnages et les lieux que vous reconnaîtrez ne m'appartiennent malheureusement pas... Mais l'histoire, et tout ce que vous ne reconnaissez pas, vient de ma petite tête !! Bonne lecture...

CHAPITRE 12 : LES YEUX DE L'OUBLI

Soudain, Van ouvrit les yeux, complètement affolé. A sa grande surprise, il ne vit tout d'abord rien de plus que l'obscurité. Mais, quand ses yeux furent habitués au noir, il repéra plusieurs éléments qui lui semblaient familiers. Il chercha à savoir où il était. Il s'était éveillé en position allongée. Il tâta prudemment autour de lui. Il semblait être dans un lit. Il s'aventura hors de ce lit. Le parquet qui recouvrait le sol devait être d'aussi médiocre qualité que celui qui était dans sa chambre car il grinçait avec le même son aigu et désagréable. Il n'y avait pas un bruit dans cette chambre. Van pensa tout d'abord que quelqu'un l'avait trouvé dans les décombres du palais incendié et l'avait ramené chez lui pour le soigner. Il avançait avec précautions dans la chambre, évitant soigneusement de se cogner dans les meubles. En tâtonnant les murs, il finit par trouver la poignée d'une porte. Il l'ouvrit et fut aveuglé par la lumière provenant de dehors.

Il sursauta alors, découvrant l'un des couloirs du palais. Il ouvrit la porte plus grande et se retourna pour avoir une vision plus exacte de la chambre qu'il avait occupée. De nouveau, il ne put s'empêcher de sursauter. C'était sa chambre ! Pourtant, sa chambre était située dans la même aile que son bureau. Le bureau ayant été détruit par les flammes, sa chambre devrait elle aussi avoir été brûlée ! Mais, il n'y avait aucun doute possible : c'était bel et bien sa chambre.

Il en sortit et marcha dans le couloir. Evidemment, c'était la nuit et personne n'était éveillé. Tout à coup, il entendit un cri :

Maître Vaaaaaaaaaaaaaan !

            Van se tourna vers l'endroit d'où semblait provenir le cri, et découvrit Merle qui courait vers lui. Elle se jeta sur lui.

Maître Van ! Je suis contente de vous voir !

Moi aussi, je suis heureux de te revoir. J'ai eu peur que tu ne sois restée dans l'incendie…

L'incendie ? Quel incendie ?

Comment ça quel incendie ? Celui de ce matin !

Mais, il n'y a pas eu d'incendie…

Pas d'incendie !

            Van s'approcha d'une fenêtre et en poussa les rideaux. En effet, ni l'extérieur du palais ni la ville ne portait les traces du terrible incendie auquel il avait pourtant assisté.

Mais…C'est incroyable ! Je n'ai pas pu rêver !

De quoi est-ce que vous parlez, Maître Van ? Je m'inquiète, moi !

Où est le moine qui est venu dans mon bureau ce matin ?

Quel moine ? Ce matin, c'était jour de fête. Vous n'avez reçu aucun visiteur…Expliquez-moi ! Je veux savoir ! JE VEUX SAVOIR !!!

Je n'y comprends plus rien…

Moi non plus ! Expliquez-moi !

Non, ce n'est rien Merle. J'ai dû rêver. Va te coucher. Il doit être très tard.

Mais…

            Van s'éloigna, sous le regard inquisiteur de Merle. Il regagna sa chambre et alluma une lampe.

Aurai-je rêvé ? Pourtant, cela paraissait si réel…

            Il se promenait de long en large dans sa chambre. Soudain, en s'approchant d'une petite table, il vit un minuscule objet noir. Il s'en empara. La pilule noire ! Comment le moine l'avait-il appelée ? Le modélisateur de rêves…Il n'avait donc pas rêvé. Il avait vraiment rencontré cet homme qui lui avait offert cette pilule. Malgré tout, il ne gardait aucun souvenir du reste de la journée. Pourquoi ? Et pourquoi Merle ne se rappelait-elle pas de l'incendie, ni du moine ? S'il lui avait donné la pilule, il l'avait forcément rencontré ! Etait-il possible qu'il ait…des hallucinations ? Non, il ne pouvait y croire.

            Le modélisateur pouvait lui permettre de retrouver Hitomi. Au début, il avait ressenti de la méfiance à l'égard du moine, mais peu à peu, cette sensation s'était dissipée. Il se demandait s'il pouvait lui faire confiance, s'il ne prenait pas de risques en l'utilisant. Mais retrouver celle qu'il aimait était ce qu'il souhaitait par-dessus tout. Cela valait bien de souffrir un peu, par la faute de la pilule. Il la regardait avec un sentiment indéfinissable, à la fois attiré par ses pouvoirs inimaginables et repoussé par son aspect lugubre.

            Il se demanda s'il ne devait pas d'abord en parler à Merle avant de s'en servir…Mais, que lui dirait-elle ? Qu'Hitomi finirait par le rejoindre un jour ou l'autre, que cela ne servait à rien de prendre des risques inutiles. Elle ne comprendrait certainement pas que son désir était plus fort que tout et surpassait son appréhension face à l'inconnu. Il attrapa la pilule et, sans la regarder, de peur de perdre la minuscule once de courage qu'il lui restait, il l'avala.

            Il attendit quelques instants, puis comme rien ne se passait, il commença à croire qu'il s'était fait avoir par un moine sans scrupules. Il soupira de déception.

Il vaut mieux que je me recouche. Ca ne sert à rien de rester comme ça…se dit-il.

            Il s'allongea et laissa aller ses pensées vers le souvenir d'Hitomi, comme chaque fois, qu'il se sentait inutile. Après quelques minutes, il sentit qu'il s'endormait. C'était une sensation étrange, qu'il n'avait jamais ressentie auparavant. La vision du visage d'Hitomi s'effaçait peu à peu, sans qu'il n'y prête attention. Il lui semblait qu'il n'avait plus la force de penser à quoique ce soit…

            Il ouvrit les yeux. Il était dans une grande et longue pièce claire. Le jour était levé, mais cela ne le surprit pas. La pièce était une sorte de galerie percée de très nombreuses fenêtres par où entraient les rayons du soleil. Il se leva doucement. Ses membres étaient endoloris, mais il ne réussissait pas à se souvenir de ce qu'il avait fait pour avoir mal. Il tourna sur lui-même, cherchant un repère, quelque chose de familier. Mais, il ne trouva rien. Il tenta de se souvenir où il était avant d'arriver ici. Même en se concentrant de toutes ses forces, il n'y parvenait pas.

            Il s'avança vers l'une des fenêtres. La pièce où il était devait être située au rez-de-chaussée d'une grande bâtisse carrée, percée d'une petite cour transformée en jardin, sur lequel donnait la galerie. Il observa longuement le jardin, espérant y trouver un indice sur…Mais sur quoi ? Il avait l'impression que sa tête était vide.

En reculant, il vit un visage qui se reflétait dans la vitre. Il se retourna. Personne. Il revint à la fenêtre en silence et regarda à nouveau dans la vitre, avec plus de précision. Le visage était toujours là ! Soudain, il comprit. Il toucha sa bouche du bout des doigts. Le reflet fit de même. Il ferma un œil. L'image l'imita, en même temps que lui. Il s'approcha et fronça les sourcils. En voyant le reflet en faire autant, il dit à voix haute :

C'est…moi…

            Il sursauta en voyant les lèvres de l'image dans la vitre bouger. Il approcha sa main de la fenêtre. Au même moment, une autre main se rapprocher de la sienne, derrière le carreau. Lorsqu'elle se rencontrèrent, il sentit le contact froid du verre. Pour être certain, il toucha son autre main. Elle était tiède et moite.

            Il recula, effrayé. Il ne s'était pas reconnu. Son propre visage l'avait surpris. Que s'attendait-il à voir ? Il n'en avait aucune idée…

            Il poursuivit sa quête en marchant dans la galerie. C'était une pièce simple, dallée de carrelage blanc et noir, aux murs peints à la chaux, très impersonnelle. Aucun souvenir ne lui revenait. Il arriva enfin devant une porte entrouverte. Il la poussa délicatement mais elle grinça malgré tout. La pièce suivante était un vestibule aussi inconnue que la galerie. Il y avait trois autres portes dans ce vestibule. Il en ouvrit une, au hasard. Elle donnait sur le petit jardin qu'il avait vu par la fenêtre. Il en ouvrit une seconde. Celle-ci ouvrait la voie vers une galerie en tous points semblables à la précédente. Il ouvrit la dernière. Derrière celle-là, il y avait un escalier en bois. Il referma la troisième porte et soupira de désespoir. Il ne se souvenait de rien, absolument rien…