Chapitre 4.
« Je suis rentr ! »
Il referma la porte derrière lui et posa son sac par terre. Sa mère sortit de la cuisine pour l'accueillir.
« Shinichiro ! Waya a appelé il y a une demi-heure. Tu n'es pas rentré avec lui par le train ? »
« Non quelqu'un a offert de me ramener. Waya a fini son travail plus tôt que moi. Je vais dans ma chambre. »
« Tu es parti trois jours, tu rentres et tu ne me racontes rien ! » lui reprocha-t-elle. « Ton séjour s'est bien pass ? »
« Très bien. » répondit-il sans plus d'explication avant de rentrer dans sa chambre et de refermer la porte.
« Shinichiro ! Tu vas bien ? » demanda-t-elle inquiète.
Il ne répondit pas, se sentant soudain un peu honteux.
Que pouvait-il raconter à sa mère ? Qu'il n'était pas rentré plus tôt car il avait passé une bonne heure à rouler des pelles à un homme dans un parking ? Et mon dieu ! Qu'est-ce qu'il embrassait bien ! C'était peut-être ça qui le faisait se sentir si étrange…
Cette expérience… tout cela était nouveau pour lui. Il découvrait sa sexualité et c'était donc certainement normal que cela l'obsède en ce moment.
Juste le temps de prendre une douche et de ranger ses affaires et il filerait chez Ogata !
*****
Son amant n'avait pas encore tout à fait repris un rythme normal de respiration. Il l'entendait haleter à côté de lui et cela l'émoustillait presque à nouveau. Cette fois-ci, ils avaient été libres de laisser cours à l'expression de leur plaisir sans se soucier d'être entendu par d'éventuels voisins.
Il attrapa le paquet de cigarette posé sur sa table de chevet.
« Tu en veux une ? » proposa-t-il.
« Non-merci. Je ne fume pas. »
« Tu ne bois pas, tu ne fumes pas… Bon garçon ! »
Isumi regarda Ogata allumer une cigarette et disparaître brièvement derrière un nuage de fumée et il se demanda si sa remarque était une moquerie ou non.
Il se sentait désormais un peu plus détendu en compagnie de l'homme aux cheveux châtains clairs mais il restait insondable pour lui. Son humour, notamment, le mettait mal à l'aise. Mais c'était aussi une partie de la personnalité du joueur qu'il ne connaissait pas auparavant. Ogata n'était pas seulement cet homme élégant, froid et sérieux, il avait d'autres facettes, un côté mystérieux infiniment séduisant.
Depuis qu'ils étaient rentrés ensemble, Isumi avait envie de lui demander pourquoi il avait écrasé Mashiba de la sorte lors du match commenté. Il avait entendu des rumeurs selon lesquelles Ogata aurait fait cela pour impressionner Akira Toya et Hikaru Shindo, leur prouver que les anciens étaient encore redoutables.
Hikaru… Pourquoi tout le monde pensait qu'il était un génie ? Certes, il avait énormément progressé mais lors de la coupe Hokuto, il avait perdu ses deux matchs… Pourtant, personne n'avait revu à la baisse son opinion.
Est-ce que Ogata avait peur d'Hikaru et d'Akira ?
Il n'osait lui poser la question dans ces termes… Et en fait, il n'osait même pas aborder le sujet du tout. Cela allait peut-être énerver le Maître….
Le silence se prolongeait et Isumi se décida soudain à le rompre. Il prit une grande inspiration.
« Est-ce que… » commença-t-il « Est-ce que vous… ? »
« S'il te plait, tutoies-moi ! Au moins quand nous sommes au lit. C'est grotesque ! »
Isumi approuva de la tête, perdant un peu le courage d'aller jusqu'au bout de sa phrase mais comme l'homme écoutait attentivement, il se décida à poursuivre.
Le tutoiement ne venait pas aisément dans sa bouche et il se sentit rougir en parlant.
« Pourquoi av… as-tu écrasé Mashiba-kun de la sorte ? Est-ce vrai que… ? »
« Il était mauvais. » dit Ogata en recrachant un nuage de fumée.
Isumi sentit à son ton qu'il valait mieux ne pas poursuivre la conversation. Ils n'étaient visiblement pas assez intimes pour que l'homme le mette dans la confidence s'il avait commencé à concevoir des craintes quant à la jeune génération.
« Au moins quand nous sommes au lit… » se répéta Isumi « Est-ce que cela signifie qu'on va se revoir ? »
*****
L'atmosphère lui paraissait curieuse. La fumée des cigarettes, les lumières tamisées, donnaient une impression de mystère et la douce euphorie qui l'avait gagné n'arrangeait rien.
Comme si l'alcool rendait soudain son esprit clair.
Ses émotions étaient exacerbées, il ressentait à la fois une envie de pleurer et de rire.
Il fallait se rendre à l'évidence, il ne le voyait que comme un ami ou peut-être seulement une vague connaissance. Il semblait même plus détendu avec Waya…
Et pourtant, son rire, ses yeux malicieux, cette façon de prendre les choses toujours avec légèreté, son sens de l'humour, de la dérision…. Plus il le regardait, plus il avait envie que ses sourires ne soient plus que pour lui.
Pour ce soir au moins, il était tout à lui. Seuls, isolés dans ce petit box, les discussions de leurs voisins de table ne leur parvenaient plus que de façon confuse. La musique trop forte les obligeait à se pencher l'un vers l'autre pour se parler et à chaque fois, il entendait son cœur battre plus vite. Il n'aurait eu qu'à tendre la main pour caresser avec douceur ses cheveux blonds cendrés.
Il avait la taille si fine ! Des épaules larges mais pas démesurées, une silhouette fine et athlétique mise en valeur par ce pull plutôt moulant qu'il portait ce soir. Il lui semblait deviner son torse musclé à travers et il avait envie de le caresser, de passer ses bras autour de sa taille si svelte.
« Tu habites à Tokyo même ? »
« Oui. J'ai mon propre studio depuis quelques années et toi ? »
« Ah ? Tout comme moi ! »
« Ma mère ne supportait plus mes horaires irréguliers. C'est elle qui a insisté pour que je parte ! » dit le jeune homme en souriant. « Tu habites seul, Ashiwara ? »
« Oui, pourquoi ? »
« Tu n'as pas de petite amie ? »
Le jeune homme brun se sentit rougir.
« Euh… Non ! Pas du tout ! Et… et toi ? » demanda-t-il avec appréhension et curiosité mêlées.
« Non. Pas évident de rencontrer quelqu'un avec notre emploi du temps. Mais en fait… ha ha ha ! Je ne sais pas si je peux t'en parler ! » fit Saeki, riant mais gêné.
Ashiwara sentit un frisson le parcourir et même temps qu'une certaine excitation le gagnait. Il était peut-être sur le point d'apprendre quelque chose d'important et qui sait ? Une lueur d'espoir s'était allumée dans son cœur. Si Saeki d'ordinaire si à l'aise pour aborder tous les sujets était gêné, c'était peut-être que… Et si comme lui il préférait les hommes ?
« Vas-y ! Dis-le-moi ! Je ne répéterai rien, tu peux avoir confiance ! »
« Ca risque d'être un peu gênant ! Mais je crois que j'ai un peu trop bu ce soir pour pouvoir tenir ma langue ! Ha ha ha ! »
« S'il te plait ! Dis-moi Saeki !! » supplia Ashiwara, tremblant d'impatience.
« Et bien en fait, il y a une personne qui me plait assez… Mais comme tu la connais… »
« Oh… » Ashiwara se sentait de plus en plus fébrile, se demandant s'il était en train de s'égarer ou si Saeki pouvait encore lui faire la déclaration tant espérée. « Et qui c'est ? »
« Mlle Sakurano ! Je la trouve hyper sexy ! »
Ashiwara manqua de tomber de sa chaise.
Quel idiot il était ! Bien sûr, Saeki aimait les femmes ! Et lui qui s'imaginait qu'il aurait pu lui dire que ses sentiments étaient réciproques !
« Oh… » put seulement dire Ashiwara, baissant la tête, en proie à la plus grande des déceptions.
« Euh… Ashiwara ? Ca ne va pas ? »
« … »
« Est-ce que… ? Peut-être qu'elle te plait aussi ? »
« Non, non, pas du tout ! » Le jeune homme brun se força à redresser la tête et à sourire « Ne t'en fais pas, je ne dirais rien ! C'est bien pour toi, tu peux la croiser souvent ! »
Sa voix tremblait légèrement. Il avait du mal à la contrôler. Il se sentait au bord des larmes. Après cette poussée d'adrénaline à l'annonce du secret, il se sentait comme vidé intérieurement comme s'il venait de faire un effort physique intense.
« Tu… tu en… es amoureux ? » demanda-t-il, inquiet.
« Amoureux ? Non. Je ne peux pas vraiment dire ça. Elle m'attire physiquement pour le moment, c'est tout. »
« Ah ! » fit Ashiwara, un peu soulagé tout de même.
« T'es sûr que tu vas bien ? Tu as l'air bizarre tout à coup… »
« J'ai peut-être trop bu. Je devrais rentrer maintenant… »
« Je te raccompagne. »
*****
Ils n'avaient échangé que peu de mots. Tout juste un 'bonsoir' et d'autres politesses. Même lui se sentait pressé de se retrouver dans les bras de son amant et n'avait pas spécialement envie de bavarder.
Ogata l'avait entraîné directement dans sa chambre. Il avait hésité à venir dans ses bras, de peur de froisser l'élégante chemise mais l'homme ne semblait pas s'en soucier et l'avait enlacé, le renversant sur le lit pour l'embrasser plus aisément.
Ils échangèrent quelques caresses à travers leurs vêtements jusqu'à ce que l'homme enferme soudain son visage entre ses mains et le regarde droit dans les yeux.
« S'il te plait… »
Isumi leva vers lui des yeux interrogateurs, ne comprenant visiblement pas ce qui était attendu de lui.
L'homme exerça une légère pression sur ses épaules, l'incitant à se mettre à genoux devant lui. Il posa la main sur sa tête, caressant doucement ses cheveux, massant sa nuque.
Isumi sembla enfin comprendre. Les doigts tremblants, il s'attaqua à la boucle de la ceinture. Il batailla avec maladroitement un moment avant qu'Ogata, dans un geste agacé, décide de la défaire lui-même.
Le jeune homme sentit ses joues rosir. Il était vraiment trop inexpérimenté et malhabile ! Il craignait que l'homme ne finisse par s'en énerver. Il voulait faire de son mieux mais…ce qu'il venait de lui demander de faire… il ne savait pas s'il allait être à la hauteur.
Ogata sentit son bas ventre s'enflammer douloureusement comme Isumi tardait à accomplir ce qu'il voulait de lui. Mais il fallait qu'il se montre patient, qu'il le guide pour sa première fois. Par moment, il se demandait vraiment pourquoi il tenait tant à baiser ce gamin alors qu'il aurait pu avoir des hommes plus expérimentés dans son lit !
Et il n'aurait certainement même pas le temps de bénéficier des progrès de son élève…
Une grande excitation le gagna lorsqu'il sentit les mains du jeune homme dénuder ses hanches puis baisser son sous-vêtement pour libérer son érection déjà bien marquée.
Isumi marqua une courte pose avant de se saisir du membre qu'il commença à caresser.
« Prends-moi dans ta bouche ! » réclama l'homme.
Isumi s'interrogea brièvement. Bien sûr, Ogata lui avait fait à de nombreuses reprises la même chose. Mais… un sexe d'homme… Il avait cependant assez envie d'embrasser cette partie de l'anatomie de son partenaire.
Ogata ne prononça pas un mot, ne voulant pas le brusquer, le forcer, même s'il aurait bien aimé que le jeune homme se décide rapidement car il avait de plus en plus l'impression de brûler vif. Mais le fait de devoir se contrôler, d'attendre, renforçait son désir et peut-être le plaisir qui allait suivre.
Il se contenta donc de lui caresser les cheveux. Il n'aurait de toute façon pas aimé que ça dégoûte Isumi.
Malgré son appréhension, Isumi se sentait assez excité par la perspective de faire une fellation à un autre homme et il sentit son propre sexe se gonfler. Cependant, il se demandait encore s'il devait faire cela, s'il n'allait pas passer pour un coup facile, si ce n'était pas trop rabaissant. Mais au point où il en était… Il redoutait avant tout la réaction de son partenaire.
Enfin, il se pencha sur lui et une vague de plaisir enveloppa Ogata lorsqu'il sentit la chaleur humide de cette bouche qui entourait son membre.
La sensation était bizarre. C'était chaud, doux dans sa bouche mais aussi assez imposant et il avait du mal à avaler sa salive et devait lutter contre l'envie de refermer la mâchoire. Ogata caressait toujours sa tête et appuyant légèrement sur son crâne, commença à imprimer le rythme à suivre, repoussant sa tête puis la pressant contre lui.
Isumi était concentré sur sa tâche qui consistait avant tout à ne pas le toucher avec ses dents. Il posa sa main sur la base du sexe, débutant un mouvement de va et vient, il sentit sa propre salive couler le long du membre comme il n'arrivait pas à déglutir.
La pièce était quasiment silencieuse et Isumi avait peur que l'homme s'écrie tout à coup qu'il s'y prenait trop mal. Mais seule la respiration de plus en plus irrégulière d'Ogata lui répondait pour le moment.
Son propre désir grandissait et il avait envie qu'on s'occupe également de lui. Son entrejambe devenait douloureux et son pantalon trop étroit. Ogata sembla deviner son état :
« Tu peux te caresser en même temps si ça t'excite… »
Isumi obéit. Il glissa sa main libre dans son pantalon et entreprit un mouvement de va et vient sur son sexe de plus en plus dur.
Il continua, accélérant le rythme, prenant beaucoup de plaisir à tout ce qu'il était en train de faire, fortement émoustillé par le fait d'avoir un sexe dans la bouche.
Mais tout à coup, Ogata bloqua sa tête et se dégagea. Isumi leva vers lui un regard anxieux, se demandant s'il avait mal fait, s'il n'arrivait pas à lui procurer du plaisir.
Malgré son état, l'homme s'amusa de l'expression inquiète du jeune homme.
« C'est bien ! » le rassura-t-il.
Il avait envie de se libérer mais voulait le faire dans son corps.
Il reprit la tâche d'Isumi, le caressant, finissant de lui ôter son pantalon puis l'asseyant sur ses genoux pour que ce soit plus facile. Il fit passer une jambe de chaque côté de son corps. Il ne résista pas à la tentation de frotter le sexe du jeune homme contre le sien. Il se saisit du petit flacon de lubrifiant et en versa dans sa main.
Il avait trop envie de le prendre immédiatement pour pouvoir se contrôler. Il introduisit tout de suite deux doigts mais s'efforça de ne bouger que lentement. Le corps de jeune homme était si chaud ! Et il aimait le sentir se cambrer à chaque fois qu'il enfonçait plus profondément ses doigts en lui.
*****
« Et Waya ! Tu n'aurais pas vu Ashiwara ? » l'interpella Saeki comme ils se dirigeaient tous les deux vers les ascenseurs.
« Il me semble qu'il est parti tout de suite après la fin de son match. Il avait l'air press »
« C'est bien ce qu'il me semblait… » murmura Saeki pensif.
« Tu pensais quoi ? » interrogea Waya.
« Rien… Laisse tomber ! »
Ils montèrent tous les deux dans l'ascenseur. Saeki profita de la glace pour arranger sa coiffure.
Il ne s'était pas trompé hier. Il semblait évident que Ashiwara le fuyait maintenant à cause de sa confession. Il lui avait demandé s'il était amoureux. Peut-être qu'Ashiwara s'intéressait aussi à Riekko Sakurano... Dans ce cas, ils étaient rivaux.
Il aurait dû le lui dire franchement ! Si Ashiwara était amoureux, il aurait lâché l'affaire ! Il n'avait pas envie de se brouiller avec lui pour une vague attirance.
Non, quand même, Sakurano était vraiment très sexy. Ils devaient être plusieurs jeunes joueurs sur l'affaire.
De toute façon, elle ne semblait pas tellement faire attention à lui… C'était idiot qu'Ashiwara réagisse comme ça. Il aurait mieux fait de se taire !
« Saeki-san ? A quoi tu penses ? Ca a un rapport avec Ashiwara ? Le clan Toya ne nous pose que des problèmes !»
Le jeune homme sourit.
« Méfie-toi, Waya, à parler ainsi ! Ta façon de te conduire avec Akira Toya pourrait te valoir des ennuis ! »
« Bah ! Il m'énerve ! Je n'y peux rien ! Toi et Hikaru, vous êtes des petits traîtres ! »
Saeki explosa de rire :
« Ha ha ha ! En fait, tu es mécontent que Hikaru ne déteste pas Toya autant que toi ! »
« Il dit que c'est son rival mais il rampe à ses pieds en fait. Et en plus, il se conduit avec Akira Toya exactement comme moi je le fais mais lorsque je dis la même chose, il prend sa défense !: Je n'y comprends rien ! »
Saeki lui fit un clin d'œil :
« Ha ha ha ! C'est son rival ! Et il veut préserver cette relation privilégiée ! T'es jaloux ? Garde ton agressivité pour battre Ochi ! »
*****
« Tu ne déjeunes pas ? » demanda Ogata en reposant son journal.
« Non quand je suis un peu nerveux, je préfère ne rien manger. J'ai toujours l'estomac noué avant un match. »
L'homme sourit :
« Akira fait ça aussi. »
« Il a tout de même plus d'intérêt pour Akira que pour moi… » pensa Isumi en se dirigeant vers l'aquarium.
Quand ils n'étaient plus au lit, Ogata se montrait toujours un peu froid, sérieux, comme s'il n'était qu'un vague collègue de travail, comme s'il n'y avait rien entre eux. C'était étrange…
Comme il était désœuvré, il se chargea de nourrir les poissons comme Ogata le lui avait montré.
L'homme le regarda faire avec une certaine tendresse. Comment pouvait-il avoir tellement confiance en ce garçon pour le laisser prendre soin de ses petits chéris ?
Jamais il n'aurait laissé sa propre mère les approcher !
Mais Isumi apprenait vite et respectait scrupuleusement ses consignes.
Il fallait tout de même qu'il se méfie, qu'il ne le laisse pas trop prendre de place dans sa vie.
« Tu as un match ce matin ? Quel est ton adversaire ? » demanda-t-il en se resservant un café.
*****
