Phil était au milieu de la salle de séjour lorsqu'un cri strident retentit. Elle sursauta. Son cœur s'emballa. Mais non. C'était le volet qui grinçait contre la façade poussé par le vent du soir, impossible. Il n'y avait ni vent, ni volets aux petites fenêtres de la maison dans laquelle elle était et elle le savait très bien puisque cela faisait maintenant treize ans qu'elle vivait là avec son frère depuis que ses parents avaient disparus. Un cri. Quatre coups secs : quelqu'un frappait à la porte. Elle se précipita dans le vestibule. « Qui est là ? » Pas de réponse. Si seulement il y avait eu une chaîne à cette porte ou même un œilleton ! De nouveau, un cri, quatre coups puissants. « Qui est là ? » Silence. Une idée traversa l'esprit de Phil. La fenêtre de la salle de séjour, de là, peut-être aurait-elle une vue sur la porche. Peut-être verrait-elle qui criait de façon si inhumaine ... Un long et plaintif cri retentit encore. Saisie par une angoisse incontrôlable, elle regagna le séjour en courant, se prit les pieds dans le tapis et trébucha, se cognant brutalement le genou droit sur le coin d'une table. La douleur se propagea dans sa jambe comme une once glacée. Elle se releva néanmoins et repartit en boitant. Les rideaux écartés lui révélèrent la cour, éclairée par la pâle lueur de la Pleine Lune qui avait prit la place du Soleil dans le ciel. Soudain, une silhouette s'éleva de l'autre coté de la fenêtre, comme propulsée de dessous terre. Un hurlement jaillit de la gorge de l'adolescente en même temps que la chose hideuse qui la fixait de l'extérieur, menaçante, pressant contre la vitre son faciès mutilé. Phil se ressaisit et se précipita dans l'autre pièce. Alors qu'elle passait entre la cheminée de marbre barbouillée de suie et le canapé aux coussins dépareillés, la vitre se brisa et un bruit de pas lui parvint. Elle se figea. Avait-elle réellement entendu quelque chose, car si c'était la créature qui avait crié, ce ne pouvait être elle qui avait frappé à la porte : elle n'avait d'apparence ni bras, ni jambe et semblait flotter dans l'air ! Oui, cela recommençait. Cette fois, elle en était sûre : c'était bien des pas, assourdis. « Mais non, se dit-elle, Phil tu rêves debout, tu t'imagines des chose ... C'est le produit de ton imagination ! » Un autre pas. Plus fort. Plus proche. Quelqu'un s'approchait vers elle ... lentement ... avec détermination. Elle pivota vers la bibliothèque. Serait-elle assez rapide pour traverser le corridor et l'atteindre ... la porte ! Elle était ouverte, il était entré, il était là ! ! Elle paniquait. Un pas. Elle se retourna vers la porte du vestibule. L'intrus était là, pas la créature qui semblait avoir disparue mais celui qui avait frappé. La terreur la paralysait, totalement. C'était donc ça, elle allait mourir de peur ... La silhouette de l'intrus apparut dans l'ombre, Phil retint son souffle saccadé par la peur. Il avait la carrure d'un homme, son regard sombre semblait errer machinalement depuis le parquet jusqu'à la porte restée ouverte. Il leva les yeux. Ils brillaient. La jeune fille fut parcourue par un courant glacé. L'homme avança vers elle, tout en restant dans l'ombre, comme dans un refuge, il avançait encore et encore dans la même direction, celle ou elle était, dans le vestibule. Il n'était plus qu'à quelques centimètres, elle sentait son souffle tiède. Il parla. « Les Spectres, dit-il »

Phil laissa sa terreur se démonter par la stupéfaction. « Anthon, dit-elle dans un souffle. »