« Es-tu cinglé ou quoi ? s'exclama Phil »
Anthon, son frère perdit son regard dans l'obscurité du corridor.
« Tu m'écoutes au moins ? continua sa sœur.
Hum ...
Tu m'a fichu une de ces trouilles ! Pourquoi tu n'as pas sonné ?
La sonnette est cassée tu te souviens ? »
Phil se maudit intérieurement. Elle n'y avait pas pensé, à la sonnette.
« N'empêche que on débarque pas comme ça ... maugréa-t-elle.
Ils étaient là ... susurra Anthon.
Qui ça 'ils' ? interrogea la jeune fille mais sans lui laisser le temps de
répondre, elle ajouta : Non ne me dit pas que c'est les .. les Spectres
comme tu dis ? c'est dingue ! Mais ça n'existe pas ces trucs là ! »
Anthon songeur, n'écoutait pas les lamentations de sa petite sœur, il
examinait la vitre brisée. Sur chacun des morceaux, la Lune, sphère
parfait, de reflétait :
« Ils étaient venus en chercher un ... Mais lequel ? dit-il pour lui-même.
Oui, lequel espéraient-ils trouver ici ?
Mais qu'est-ce que tu racontes ? Qui est venu chercher quoi ?
Un des fantômes ... répondit évasivement son frère. »
Il semblait plongé dans un mélange de réflexion et d'angoisse, comme
lorsque le preneur d'otage pose soudain un ultimatum le négociateur
réfléchit.
Phil exultait :
« Un des fantômes ? Mais ça ne va pas ! Je viens de me faire agresser par
un débile enfariné et toi tu remets ta théorie sur les fantômes et tout le
tralala ? Anthon ce n'est pas pour rien que tu as été exclu de la fac ! ! »
Elle s'était approché de son frère accroupit, afin de le secouer un peu
quand son pied se posa sur un morceau de la vitre brisée. Un crissement de
verre se fit entendre.
« Non ! Ne fait pas ça ! cria Anthon. Il ne faut pas ! »
Trop tard.
Lorsque sa sœur releva son pied, le morceau fut brisé en deux sous son
poids.
« Mon dieu, souffla Anthon. »
Il compta les morceaux de verre, autant de lunes :
Un, deux, trois et puis quatre.
« Anthon, qu'est-ce qu'il t'arrive ? »
Neuf, dix, onze ...
« Anthon réponds moi quand je te parle ! »
Douze et puis ... treize.
Treize.
Treize.
Treize.
Il répéta plusieurs fois ce nombre avant de pouvoir bien le comprendre,
treize, le treizième fantôme !
Il était ici ! Il faut partir, vite !
Le cri se fit de nouveau entendre.
Et puis des coups secs, partout sur tous les murs.
Anthon empoigna sa sœur par la bras mais elle se débattit pour échapper à
l'emprise de son frère.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda—t-elle. Tu deviens fou Anthon !
Viens ! Viens ! Je vais te montrer ! haleta-t-il. »
Il l'emmena jusque dans la cuisine. Anthon entrouvrit les rideaux et ils
regardèrent par la fenêtre.
« Regarde ... Ils sont là ... murmura-t-il.
Mais non ! Il n'y a rien : tu délires Anthon ! répondit Phil, haussant les
épaules.
Tu ne comprends pas !
Quoi encore ? demanda-t-elle agacée.
Regarde mieux ... lui souffla son frère. »
Ils étaient là. De longues traînées blanchâtres presque transparentes.
Leurs membres décharnés, presque inexistants et leurs visages mutilés
donnèrent le frisson à Phil, alors elle regarda mieux.
Et elle vit. Elle vit ce que l'on doit voit en voyant ces créatures, dans
leurs yeux, jaunes, le visage de leurs victimes, dans leurs cris,
horribles, la terreur de leurs proies.
Des chasseurs, voilà ce qu'ils étaient ! Oui, des chasseurs déterminés à
trouver ce pour quoi ils étaient venus ...
« Les Spectres ... susurra encore Anthon.
C'est dingue ! dit Phil, mais sa voix tremblait maintenant. Ils vont
venir ?
Oui.
Mais ils sont au moins quinze et nous ne sommes que deux ...
Ils sont douze, répondit Anthon sans avoir eu la peine de les compter. Mais
bientôt, la prophétie de l'Ombre s'accomplira ... bientôt, ils seront treize
...
Treize.
Treize.
Treize.
Mais que veulent-ils ? demanda la jeune fille, interloquée.
Ils viennent le chercher ... Celui qui permettra leur union. Je ne sais pas
encore lequel c'est, mais il sera le treizième ...
Le treizième fantôme ?
Oui. Les treize fantômes ...
Anthon ...
Oui, Phil ?
Est-ce que tu as peur ?
Non, petite sœur ! Bien sûr que non, je suis avec toi ... et tout ira bien
... »
C'était un mensonge.
C'était un mensonge.
