Anthon revint d'un pas angoissé vers la salle de séjour. Il s'agenouilla à côté des morceaux de verre brisés. Il avait peur et cela se voyait. « Ils nous ont coincés ... songeait-il. Il viennent chercher le treizième fantôme, ils viennent chercher l'œil ... » « Anthon ! Où es-tu ? appela timidement Phil depuis la cuisine. Je suis là, répondit-il. Je ne comprends plus rien du tout ! avoua l'adolescente après l'avoir rejoint. D'ailleurs je n'ai jamais rien compris ! Je ne voulais pas te ... croire ... Ce n'est rien ... la consola son frère, puis réprimant le tremblement de sa voix, il murmura : Il faut que l'on sorte d'ici, vite ! » Phil acquiesça. Elle ferai tout ce qu'il lui dirait, elle était terrorisée par la réalité qu'elle venait de découvrir et si fascinée en même temps : c'était incroyable. Phil avait envie de hurler mais elle n'osait pas tant le son même de sa propre voix lui paraissait effrayant. Elle déglutit avec peine et emboîta le pas à son frère. Ils se dirigèrent vers le corridor pour sortir de la maison. La porte ? Où était la porte ? « Non ! » s'écria Anthon, se jetant sur le mur nu qui se dressait là, à l'endroit où aurait dû se trouver la porte de la maison, seule issue possible pour les deux habitants. C'est au moment où il rencontra la paroi avec un renvoi violent que les coups recommencèrent. Des coups secs et brefs. Résonnants comme le bruit d'un tambour, faisant bondir le cœur de Phil dans sa poitrine à chaque vibrations du papier peint. Et ça tapait, ça tapait sur tous les murs de la maison. Tous les murs ... Tous les murs ... « Mon dieu, dit encore Anthon, cédant à la panique. Ils sont là ... Ils sont partout à la fois ... Ils viennent le chercher, ils n'ont pas besoin de nous ... Que vont-ils faire alors ? Qu'est-ce que tu racontes ? demanda Phil, tournant la tête de tous les côtés et chaque coups contre le mur devenait plus fort, plus fort, de plus en plus fort ... Je ne pourrais pas t'expliquer facilement, tu sais ... commença Anthon en bafouillant. L'existence des spectres est pourtant bien réelle ... Phil ne l'écoutait pas. Elle regardait le mur nu où aurait dû se trouver la porte. Etonnée, elle regardait et elle l'avait vu sortir du mur, le traverser, comme une ombre qui se profile derrière vous sans que vous n'y fassiez attention et puis vous engloutit sans que vous n'aillez décelé sa présence ... D'abord sa main, pâle et horrible, et puis son bras décharné et ensuite son faciès mutilé, et le reste de son corps. Phil n'aurai su dire ce qu'elle a éprouvée à ce moment là. Comme un courant d'air froid qui vous pénètre si profondément dans les entrailles que votre tête se met à tourner, votre gorge à se dessécher et vos jambes soudain prises par une envie de fuite si grande que vous n'êtes bientôt plus qu'un amas de viande tremblotant, incapable du moindre mouvement, c'était cela la terreur pourtant elle n'avait pas eu peur de lui ... Non. Pas peur du tout. C'était comme si elle revoyait un vieil ami qu'elle n'avait pas vu depuis si longtemps. Un ami qui serai venu la chercher elle ? Impensable. Un lambeau de corde terminé par un nœud coulant ornait son coup soutenant sa petite tête livide de revenant. Un pendu ... Non. Elle n'avait pas peur. Pas peur du tout. Anthon s'éternisait dans des paroles qu'elle n'écoutait pas. Il n'avait pas remarqué la présence du fantôme. Dans un moment qui lui parut une éternité, Phil se décida d'alerter son frère. Elle parla d'une voix calme mais le calme de cette voix n'allait pas avec les mots qui sortirent de sa bouche : Anthon ... déclara-t-elle. Il y a un fantôme dans la maison. Que faut-il faire ? Eh bien, voyons ... réfléchit-il. Je crois qu'il faut ... Puis brusquement il s'arrêta, comprenant la question de sa sœur. Un fantôme dans la maison. Il frissonna. Brrr ... la fenêtre est ouverte ou je ... Il se tut. Se maudissant pour sa stupidité. Lui, le professionnel, il devait cesser d'être aussi naïf ! Il se retourna. Phil fixait toujours l'être blême dont les contours se comfondaient avec ceux du mur. La jeune fille répéta sa question: Que faut-il faire, il y a un fantôme dans la maison ? Il faut prononcer trois fois son nom et le traverser pour le renvoyer dehors ... récita Anthon après un temps de réflexion. Il ne pourra plus revenir ? demanda Phil. Oui, enfin pour un moment ... lui souffla son frère. » Elle regardait encore le spectre de cette façon mi appeurée, mi confiante. Elle vit ses oreilles pourries, ses bras saillants d'où la peau s'effritait puis tombait, mettant à nu son squelette râpeux. Elle lui demanda : « Quel est ton nom fantôme ? » Le froid se fit plus intense, givrant toutes les chairs des deux habitants et puis un bruit se fit entendre. D'abord inaudible, puis caverneux, inhumain, il rappellait l'écho du cri du loup dans les falaises lorsque le vent l'a totalement déformé. Ils frisonnèrent. La créature riait. Ses pieds s'élevèrent du sol et il aprocha son visage de celui de Phil. Elle pouvait sentir son haleine acide et le froid glacial émanant de lui. La corde se balotait de tous les côtés lorsque celui-ci se mouvait en agitant ses chairs presque totalement décomposées. Quel horrible pantin ... Non. Elle n'avait pas peur. « Crois-tu que je vais répondre, petite fille ? déglutit la chose balayant le visage de l'adolescente de ses yeux vitreux. Sais-tu au moins ce que tu fais ou agis-tu sous l'emprise de la terreur qui te rends si folle ? Je n'ai pas peur ! protesta-elle mais sa voix était rauque, bizarre. » Il ria encore. Il faisait sans doute bien plus froid que dans le congélateur. La machoire de Phil était agitée d'un claquement terrible qu'elle ne parvenait pas à réprimer. « C'est le pendu ! clama Anthon, le montrant du doigt, d'un air accusateur. C'est le cinquième ! Son nom c'est Lasosfer ! » Phil ne réflèchit pas. Elle pensa à sa mère, puis à son père, et aussi à Anthon, à ce qu'elle devait faire : pris une profonde inspiration et plongea. En prénètrant à l'intérieur du fantôme, elle crut mourir de douleur. Le froid d'abord, intense, inquisiteur la paralisait et puis les voix, les cris et les hurlements. Il ne pouvait s'agir que des victimes ... Les victimes de cet être, de cet assassin ! Elle avait envie de crier, de hurler non pas sa peur mais sa colère, sa haine. « Assassin ! » voulait- elle hurler dans la tempête mais ce n'était pas cela qu'il fallait dire ... Phil se souvint de ce qu'avait dit Anthon. Trois fois, trois fois le nom pour le renvoyer ... Mais la laisserai-t-il le faire ? En aurait-elle la force ? Lasosfer ... pensa-t-elle. Lasosfer le pendu, le meurtrier c'etait peut-être lui qui avait emporté ses parents un beau matin ?? Qui sait ? Oui, se serai lui qui allait payer et tous les autres aussi ! Ils n'était là que pour le mal !! Le mal absolu ! Elle avait envie de tout ravager. Sa haine lui faisait bouillir le sang dans les tempes et dans sa tête criaient encore et encore les victimes du pendu, implorants son aide ... Elle hurla. Un cri a vous déchirer le cœur, mélange de colère et de désespoir et puis elle le dit, un sourire méchant au coin des lèvres, une drôle de lueur dans les yeux : « Lasosfer ! Lasosfer ! Lasosfer ! » Ensuite, le froid se dissipa et les cris furent emportés loin d'elle. Elle s'effondra sur le sol alors qu'Anthon venait à sa rencontre. Phil le vit s'affairer autour d'elle et la transporter à l'étage.

Elle entendit encore les coups contre les murs. Durs. Secs. Terrifiants. Puis elle ferma les yeux, perdant connaissance, la lumière devint nuit ...