Anthon se demandait bien comment cela avait pu arriver ?
Cinq ans. Cinq longues et fastidieuses années qu'il étudiait les forces du
mal et il n'avait pas su réagir au bon moment. Comme un apprenti qui
apprends le métier toute sa vie et qui rate son examen d'entrée, oui, qui
rate son examen d'entrée ...
Mais là, le rattrapage n'était pas possible. Il était bien conscient de la
gravité de la situation : la prophétie du mal absolu se réalisait ! Treize
siècles d'attente pour le retrouver ici, dans la vieille maison de leurs
parents, une maison poussiéreuse qui craque et qui tombe en ruine !
Qui était-il ? Où se cachait donc le treizième fantôme ? L'œil du diable ?
Si les douze étaient ici, le treizième y était également ... Leur union
n'était plus qu'une question de temps. Ne pouvait-il pas à tout moment
surgir de n'importe quelle pièce, de n'importe quel mur pour rejoindre ses
semblables ? Rejoindre pour détruire ... L'œil ne changerait pas d'avis. Le
monde ne sera pas sauvé. Non, non, Waha avait tort : le monde n'en vaut
plus la peine ... Que ce fantôme sorte de sa cachette et que l'on en
finisse ! Plus rien ne vaut la peine d'être sauvé !
Pourtant, il n'avait pas envie de laisser sa sœur. Il aurait dû la protéger
tout à l'heure, l'emmener ailleurs, l'empêcher de faire ce qu'elle avait
fait, ce qu'il aurait dû faire ... Ce qui pourtant les avaient sauvés, tous
les deux ... Il la voyait comme un être si fragile et si important en même
temps. Comme la brindille, celle qui maintient les fagots de bois morts en
place, si petite, si frêle, si nécessaire ...
Quel rôle devait-elle jouer, elle ? Que venait faire cette adolescente
casse-pieds dans cette histoire ? Peut-être ferait-elle quelque chose qui
changerait la prophétie ? ? Elle qui n'avait pas eu peur devant les
Spectres ... Lui, Anthon avait été terrorisé lorsque que l'incroyable réalité
avait soudain surgit devant lui aujourd'hui et ce fameux soir, un soir de
juin, il s'en souvenait très bien ...
Il faisait encore tiède dans la pénombre de la nuit. Lui avait dans les
environs de cinq ans, Phil n'avait pas encore un an : c'était il y a treize
ans.
Anthon n'arrivait pas à dormir, les ombres du feuillage du grand chêne de
la cour profilaient des silhouettes inquiétantes sur les murs de sa chambre
et puis soudain un cri, affreux inhumain, celui du spectre ... Ensuite le
hurlement de sa mère affolée ... Anthon s'était approché de la porte
entrebâillée et il avait écouté ... « Georges ... murmurait sa mère. Ils sont
revenus, ils nous ont retrouvés ...
Ce n'est rien Jade ... répondait son père. Nous allons partir, nous mettre à
l'abri ...
Mais les enfants ! bégaya Jade. Que va-t-il leur arriver ? Anthon ! Notre
petite Phil ! ? !
Calme toi ! Ils vont nous entendre ... »
Ils avaient entendus. Derrière la porte de sa chambre, le petit Anthon
sentit le froid dévastateur qui emplissait peu à peu la maison. Il
entrouvrit encore un peu plus la porte, son père serrait très fort la main
de sa mère qui, le visage envahit de larmes, tremblait de tout son corps.
Une des créatures s'était approchée du père du petit garçon, il avait
affiché un rictus horrible, jamais Anthon ne l'oublierait, et ils avaient
tous disparus. Comme ça d'un coup. Anthon avait ouvert la porte tout en
grand pour mieux voir, mais il n'y avait plus personne. Un hurlement
terrifiant c'était encore fait entendre et puis toutes les vitres de la
maison avaient volées en éclat. Anthon avait crié sa peur, ne sachant plus
quoi faire, il entendait encore les sanglots de sa mère et puis les
hurlements terrifiants : ce n'était qu'un petit garçon et il était
terrorisé.
Lorsque la tempête et le froid cessèrent, il n'entendait plus rien. Le
silence avait emplit son esprit comme une pâte épaisse qui vous étouffe peu
à peu rentrant par tous les orifices possibles sur votre corps transit, les
yeux, les narines ... Il suffoquait dans son pyjama en coton et il avait
entendu après un pleur d'enfant : Phil. Le lendemain, les voisins avaient
prévenus la police et leurs grands-parents étaient venus les élever.
Personne n'a jamais eu de nouvelles des parents de Phil et d'Anthon.
L'enfant qui grandit, plus tard jura de retrouver la créature qui avait
emportée ses parents où qu'elle soit, si loin d'ici ou si près, il l'aurait
...
Une petite voix naquit soudain dans l'esprit d'Anthon. Simple murmure dans
le brouhaha de ses pensées, puis elle se mua peu à peu en un hurlement de
terreur qui serra son cœur comme un étau glacé ...
La mort viendra, il en était sûr ... Elle viendra les engloutir comme une
vague glacée et rien ne l'arrêtera ...
