Chapitre 17
Pendant tout le week-end, le sujet de conversation n°1 fut : « Mais qui est donc le mystérieux Gardien de la Source, celui qui est capable de faire trembler un démon majeur ? »
Le sujet de conversation n°2 était : « Mais, au fait, c'est quoi un gardien de la Source ? »
En troisième position venait : « D'où vient cette odeur d'œuf pourri dans la grande salle de la Roseraie ? »
En 4 venait : « Qu'est ce qu'on mange ce soir ? »
Etc…..
La réponse à la question n°4 était la plus facile à élucider, il suffisait d'aller consulter le panneau d'affichage où les elfes placardaient quotidiennement le menu.
On ne découvrit la réponse à la question 3 que le dimanche soir quand le maître de loge découvrit les restes de ce qui avait dû être la plus grosse boule puante du monde.
Par contre les questions 1 et 2 étaient parfaitement insolubles en l'état actuel des connaissances. Pourtant tous le monde s'était creusé les méninges car « la Source » ça leur disait quelque chose… mais quoi ?
Ce sont, chose étonnante, les premières années qui apportèrent les premiers éléments de réponses. Comme il était très vexant pour un élève qui étudiait la magie depuis plusieurs années d'avoir l'air d'en savoir moins qu'un élèves qui ne savait même pas comment tenir sa baguette, tous le monde fit mine de se souvenir et se venta de sa fabuleuse découverte.
Mais de quoi devaient-ils se souvenir ? Et bien rappelez vous du tout premier cours que les premières année ont en arrivant à Beauxbâtons… Le fameux cours d'histoire de la magie avec Petsèque… Celui où il terrorise les élèves après avoir tenté de les endormir avec sa voix monotone… Et, surtout, il s'agissait du cours où il disait que la magie n'était pas une force diffuse mais qu'elle était émise par un corps astral appeler Source, que quelques thaumaturges étaient parvenus à percer le secret du contrôle de ces Sources et qu'ainsi était née une caste de mage pouvant contrôler le rayonnement magique … Mais que le secret serait perdu de nos jours !
Bien sûr, cette année comme toutes les années précédentes, le professeur avait assorti ce chapitre de son avis personnel (comme quoi les sources n'étaient que des belles histoire pour enfant et que ça servait à cacher notre ignorance) mais, contrairement aux années précédentes, personne ne tint compte de ce commentaire… La source ! Ils avaient des infos sur la source !!!! Par contre ils ne purent en savoir plus car ceux qui tentèrent d'approfondir le sujet avec prof furent punis pour avoir proféré des idioties (les Sources, ça n'existe PAS !)
Par la suite personne n'osa questionner Petsèque à ce sujet mais, maintenant, ils avaient une piste… Ils savaient dans quelle direction creuser.
***
Dés le lundi après midi, les élèves s'étaient rués à la bibliothèque. Par malheur tous les ouvrages de référence traitant des Sources de magie de manière simple avaient été empruntés, ne restaient que ceux que même les professeurs n'osaient pas s'aventurer à ouvrir.
On interrogea Mlle Renault, la bibliothécaire, au sujet de la personne qui avait emprunté toute la documentation utile, mais celle-ci ne fut pas très coopérative et refusa de dévoiler l'identité du lecteur en question. Il est vrai qu'à ce moment là, la jeune femme, qui était responsable du pharaonique fond documentaire de l'école (plusieurs millions d'ouvrage en stock, dont certain avait plus de 2000 ans) avait d'autre chat à fouetter :
- Son assistante, partie en congé maternité, n'avait pas encore été remplacée.
- Le « Traité De Lévitation Appliqué » était désespérément collé au plafond.
- Le « Hades sum » de Herodiant avait attaqué plusieurs autres ouvrages et arraché les couvertures de : « Le Zoroastre pour les nuls » et de : « 20 potions faciles et pas chères ».
- Un élève avait rangé un livre sur la magie romaine dans le rayon sur Carthage ce qui avait provoqué une énième guerre punique inter-étagère.
- Une élève de 5ème année (Désirée Montgomerie) s'était perdue entre l'allée L-12 et l'allée T-58 à l'extrême sud de la bibliothèque (les élèves étaient pourtant prévenus qu'il ne devait jamais s'aventurer dans cette section sans être accompagner par une personne qualifier pour ça)…
… et ainsi de suite.
Vous savez, ce n'est pas une chose simple que de gérer la plus grande bibliothèque magique au monde.
Bref les élèves durent prendre leur mal en patience (et s'inscrire sur la longue liste des réservations) car nul n'avait assez de courage pour s'attaquer aux livres qui restaient en rayonnage… Enfin pas tous le monde car il y eut une personne parfaitement inconsciente pour emprunter un livre sur la magie antique dont elle ne comprenait même pas le titre. Et cette personne c'était Mlle Esméralda Pyvert (qui comptait beaucoup sur Alice pour l'aidé à comprendre ce qui était écrit à l'intérieur). Il fallait absolument qu'elle trouve des infos pour ses articles.
A la fin de la semaine, l'on n'avait toujours aucune nouvelle des livres et personne ne semblait savoir qui les avait empruntés. Donc, à défaut de pouvoir savoir ce qu'était le gardien de la source, on commença à rechercher qui cela pouvait bien être. Plusieurs jours de recherche furent nécessaire pour établir la liste de ce que l'on savait à ce sujet :
1- C'était un élève,
2- Il faisait peur aux démons majeurs,
3- Il contrôlait une Source de Magie,
4- Selon 2 & 3, ce devait être un sorcier très puissant,
5- Il devait être issus d'une vielle famille de sorcier (on voyait mal un enfant de moldus dans ce rôle)
5- Il voulait rester incognito (alors que beaucoup juraient que s'ils étaient aussi puissant, ils s'en venteraient !)
6- Selon 5, ce devait être lui qui avait tout les livres sur le sujet, il n'avait pas envie qu'on en sache plus sur son secret.
Cette liste était bien maigre, mais elle permit la confection d'une liste de suspect (les élèves, fils de sorcier, qui avait de bonnes notes et qui s'isolait facilement) … La liste obtenue était encore très volumineuse mais c'était déjà un début.
Parallèlement à cette liste de suspects, il fut dressé la liste des élèves qui ne pouvaient en aucun cas pas être le Gardien de la Source. Cette liste comprenait les premières années (trop jeune et trop inexpérimenté) et les cancres de chaque promotion. Evidement Alice était citée dans cette deuxième liste.
Pendant toute cette même semaine, Esmé avait tenté de convaincre son amie de l'aider dans ses recherches, mais, pour la première fois depuis que les deux jeune filles se connaissaient, Alice refusa net son aide. Elle ne voulait pas être mêler à toute cette histoire. Elle donna comme explication que le gardien, qui que cela puisse être, ne voulait pas qu'on découvre son identité et comme ce devait être quelqu'un d'incroyablement puissant que ce passerait-il s'il se fâchait ? (N'écrase-t-on pas les moustique quand ils vous piquent ?) Avec la chance qu'elle avait, ce serait encore sur elle que ça tomberait ! Alors non, non et non ! Qu'Esmé se débrouille seule !
Le lundi suivant parut le premier article d'Esmé au sujet de la source. Pour cette première publication, la jeune journaliste s'était contenté de récapituler ce que l'on savait sur le sujet… C'est à dire pas grand chose.
Dans chaque loge, les noms des deux listes furent affichés. Personne ne sut qui avait eu cette idée géniale mais les Maître de Loge avaient beau les décrocher, elles revenaient toujours.
Durant cette deuxième semaine, aucun indice ou information supplémentaire ne fut découvert. Les élèves en furent réduits à s'épier mutuellement et à élaborer des hypothèses.
De son côté, Esmé n'avait rien trouvé d'intéressant. Elle étudiait patiemment le livre qu'elle avait emprunté mais regrettait amèrement de ne pas avoir prit plus aux sérieux les cours de paléographie. Il lui avait fallu deux jours pour comprendre que la page qu'elle traduisait était le sommaire, et tout le reste de la semaine pour en traduire les grandes lignes. Comme elle aurait voulu qu'Alice l'aide car la jeune fille aux cheveux blancs et bleus était peut-être nulle en magie mais par-contre elle était très forte en langue et en graphie (sans doute grâce au côtoiement quotidien avec les livres de la bibliothèque). Mais bon, Alice refusait obstinément de l'aider.
Au début de la semaine suivante, Esmé publia dans le journal la liste des suspects par ordre de probabilité. Elle ne publia aucune information supplémentaires car l'étude du livre qu'elle avait emprunté s'annonçait longue et fastidieuse. Toutes les informations qui lui paraissaient vitales semblaient être cryptées. Il allait lui falloir des semaines, peut-être des mois, pour en venir à bout.
Parallèlement la jeune journaliste cherchait d'autre moyen de renseignement, c'est comme ça qu'elle s'intéressa de plus près au divers méthodes de divination. Elle utilisait communément un miroir d'argent pour faire apparaître, comme de petits films, ce qu'elle voulait savoir mais cette technique se révéla parfaitement inefficace. Il allait falloir qu'elle en test d'autres…
Un autre problème se posa, c'était bien jolie de faire des listes de suspect mais comment vérifier ce qu'ils étaient vraiment ?
A la fin de cette troisième semaine, les élèves établirent le tiercé gagnant des suspects les plus probables. Et comme chaque loge prétendait que le mystérieux Gardien était chez elle, ce n'est pas un mais deux tiercés qui furent affichés.
Pour la Roseraie :
- Paulin Vygotsky (5ème année)
- Romaric Canisius (7ème année)
- Silvère Debray (6ème année)
Pour la Chapelle :
- Lazare Bettelheim (7ème année)
- Benjamin Montessori (4ème année)
- Benoît -José Freinet (6ème année)
Un groupe de féministe, mécomptant que l'on suppose que le Gardien puisse seulement être un garçon, après tout y'avait pas de raison (on dit bien UN professeur même quand il s'agit d'une femme !) publia la liste suivante :
- Amandine Piaget (6ème année, la Chapelle)
- Apolline Derouet-Besson (7ème année, la Roseraie)
- Elfi Dewey (5ème année, la Chapelle)
Ça c'était les thèses « officielle » car certain avait des avis très différents, par exemple Esmé penchait plus pour Abel Charpak (7ème année, la Roseraie), Bastien pour Olivier Wallon (6ème année, la chapelle)…
Voilà pour les théories étudiantes, mais les élèves n'étaient pas les seuls à s'intéresser au problème et les professeurs, eux aussi, essayaient de déterminer qui pouvait bien être le fameux Gardien. Par contre leur statut d'enseignant les contraignait à la discrétion. Ils basèrent leurs hypothèses sur les mêmes théories que les élèves à quelques différences près : ils n'éliminèrent pas aussi facilement les 1ère années et prirent le parti de la mixité. Bien sûr, il y eut quelques théories divergentes mais rien de bien influant.
Parmi le personnel enseignant les noms les plus couramment cités furent : Elfi Dewey, Lazare Bettelheim, Antoine Vargas (3ème année, la Roseraie) et Félicité Vuilbert (7ème année, la Roseraie)
Mais tous, élèves ou prof, en était au même point : Comment vérifier la véracité des hypothèses ?
A la quatrième semaines d'investigation, l'on en était toujours au même point et le moral des chercheurs s'en ressentait.
Bien sûr, le temps de prêt des livres tant réclamé quelques semaines auparavant avait expiré et ceux-ci avaient été ramenés à la bibliothèque. Les heureux réservataires purent aller retirer leurs livres.
Ils furent grandement surpris par ce qui les attendait car les ouvrages avaient été sabotés. Oh, de l'extérieur on ne voyait rien de spéciale et même quand on les ouvrait on ne remarquait rien et c'est pour cela que le problème ne fut pas détecté tout de suite. Les sabotages opérés se répartissaient en trois grands types :
1- Les livres qui, dés que vous tentiez de les lire, provoquaient une envie folle d'aller faire autre chose et vous le refermiez aussitôt pour aller effectivement faire autre chose.
2- Il avait ceux pour lesquels dés que vous en lisiez un passage vous en oubliez le contenu presque aussitôt.
3- Il y avait les livres dont vous pouviez lire et relire indéfiniment le même passage sans jamais parvenir à comprendre ce qui était écrit et qui vous donnait l'impression d'être soudainement devenu analphabète (ou même bête tout court !).
C'est la troisième catégorie qui fut mise en évidence la première car les élèves détenteurs de tels ouvrages les retournèrent illico à la bibliothèque en réclamant des ouvrages compréhensibles. Mlle Renault, très étonnée, avait alors jeté un coup d'œil aux livres soi-disant illisibles et avait démasqué le sabotage. En effet les élèves pouvaient être à moitié analphabète mais certainement pas elle.
D'instinct, elle sut que c'était toute la série de livres sur l'histoire antique de la magie qui avait subi ce vandalisme et rappela les ouvrages.
Elle était furieuse. Qui avait osé faire une chose pareille ? Pourquoi ? Il faudrait peut-être des mois pour que ces livres soient à nouveau consultable. Elle rechercha dans le fichier le dernier emprunteur mais cette indication avait disparu. Non seulement l'élève s'en était pris aux livres mais il avait aussi escamoté les fiches livres sur lesquels étaient indexés les noms de divers emprunteurs. Ha la la ! Si elle tenait celui avait fait une chose pareil, elle lui ferait passer l'envie de recommencer !
Dans cette histoire, la seule personne à tirer parti de cet acte de vandalisme fut Esmé. En effet, la jeune fille voyait là de quoi re-dynamiser son lectorat et redonner un peu le moral à ses troupes dans leur quête de l'identité du Gardien de la Source. Après tout, celui-ci ce donnait beaucoup de mal pour empêcher de circuler les informations le concernant, son secret devait donc être très intéressant !
Sinon la jeune journaliste continuait l'étude de son livre et, au fur et à mesure qu'elle y travaillait, elle en trouvait la lecture de moins en moins pénible. Bon, c'était encore à la limite du charabia mais elle avait bon espoir de parvenir à en décrypter le contenu.
Concernant ce livre, un autre problème surgit, celui de la durée du prêt car à l'expiration de celui-ci, il fallait qu'elle attende une semaine entière pour avoir le droit de l'emprunter à nouveau. Esmé, qui savait mettre sa morale de côté quand elle le jugeait utile, sortit le livre en douce de la bibliothèque en faisant bien attention à ne pas passer par la case « emprunt ». Non non, ce n'était pas du vole, c'était de l'emprunt longue durée, elle comptait le ramener plus tard. Bon si la bibliothécaire l'apprenait elle passerait un mauvais quart d'heure mais il n'y avait aucune raison que celle-ci le sache un jour.
A la mi-octobre, l'excitation des premières semaines était un peu retombées. Pourtant certains élèves s'acharnaient à relancer le débat sur la Source, parmi ceux-ci venait en bonne place Mlle Pyvert qui, grâce à sa chronique hebdomadaire dans l'écho de la Roseraie, entretenait le moral des troupes. De plus grâce à l'étude du livre qu'elle avait chapardé à la bibliothèque, elle parvenait à obtenir des informations intéressantes sur la Source. Informations qu'elle distillait minutieusement dans sa chronique et qui faisait d'elle la personne qui en savait le plus sur le sujet dans toute l'école (moins, bien sûr, que le Gardien de la Source évidemment).
Parallèlement à cette recherche documentaire, la jeune journaliste testait toutes les techniques de divination qui passaient à sa porté mais aucune ne lui apporta de réponse.
Par moment, la jeune fille pestait contre Alice qui refusait toujours de l'aider. Esmé en était d'ailleurs étonnée, elle n'aurait jamais cru que son amie puisse être aussi obstinée.
Pendant les vacances de la Toussaint, Esmé rédigea un article où elle exposait tout (ou presque) ce qu'elle savait au sujet de la Source. Cet article avait été préparé dans le plus grand secret, seul le comité de rédaction du journal était au courant et encore pas dans les détails. Esmé avait même préféré ne pas en parler à Alice pour éviter d'essuyer l'un de ses silences désapprobateurs dont elle avait le secret.
L'article fut publié dans le journal du lundi de la rentée. Les premiers exemplaires furent mis en circulation pour la récréation de 10h. Ce fut un succès immédiat. On n'avait pas connu un tel succès éditorial depuis l'article qui avait valu son renvoi au rédacteur en chef de l'époque et un blâme à Esmé.
La jeune journaliste fut très fière de l'accueil qui fut fait à son article, même si elle était un peu inquiète de la réaction qu'aurait Alice, celle-ci désapprouvant totalement l'acharnement que montrait son amie à découvrir les secrets de la Source.
L'article en question disait à peu près ceci :
« Ce que nous appelons de nos jours « Source » est un concept venu de la magie antique et qui désigne un corps astral semi-dense appelé aussi Noyau d'Octar. Ce Noyau est constitué de micro-particules élémentaires appelées « Octar ». La forte concentration d'octar dans ce noyau rend cette molécule instable, la particule se scinde alors en nano-particules nommées « Octarine » qui vont être projetées hors du noyau. Une fois libérée, la particule d'octarine va émettre un rayonnement spécifique que l'on appel couramment « magie ».
Un « Magicien » est une personne qui possède en lui un certain nombre de nano-particules d'octarine et qui est capable d'en canaliser le rayonnement, par exemple grâce à une baguette.
Mais le rayonnement de l'octarine n'est pas quelque chose d'immuable et comme il a un début, il a une fin. La nano-particule va ainsi s'éteindre et entrer en phase inerte. Les nano-particules peuvent partiellement se régénérer en absorbant le rayonnement de d'autres particules d'octarine, débute alors un nouveau cycle de vie. Les cycles se succèdent en se raccourcissent à chaque fois jusqu'à ce que la particule ne puisse plus être régénérée, Elle se transforme alors en ce que les thaumaturges antiques appelaient « Corps noir ».
Le Noyau d'Octar (Source) n'est donc pas une concentration d'énergie magique mais ce qui créé cette énergie.
Mais de nos jours ce concept à été supplanté par celui des flux énergétiques dans lequel l'énergie magique est en permanence recyclé. A notre époque le terme « octarine » sert à désigner les éclairs formés par des décharges d'énergie magique. »
Pourtant, même s'il semble compliqué, Esmé avait fortement simplifié son article en rejetant toutes les implications religieuses (C'est vrai ça, et la place de Dieu là-dedans ?). Elle avait aussi librement interprété certains passages particulièrement obscures. De plus, elle avait du rechercher des liens logiques entre chaque phénomène car le texte d'origine ressemblait un pachtwork d'idées sans rapport les unes avec les autres. Et puis il y avait tout ce qu'elle n'avait pas dit…
A la pause de midi, le journal avait fait plusieurs fois le tour de l'école et on ne parlait plus que de ça. On interrogeait Esmé sur la moindre phrase au point que l'adolescente finit par en avoir marre de re-expliquer indéfiniment les mêmes choses (mais ils sont bête ou quoi ?).
Sans trop savoir pourquoi, ce n'est qu'à ce moment là qu'Alice obtint un exemplaire de l'Echo. Au lieu de la désapprobation à laquelle s'attendait la Esmé, Alice lut l'article silencieusement et, toujours dans le même silence, y réfléchit. Finalement, quand les deux amies furent installées au réfectoire, la jeune fille aux cheveux blancs et bleus partagea sa réflexion avec son amie.
« Donc la magie n'est pas une constante et un jour elle disparaîtra totalement. Le monde sorcier est-il voué à disparaître ? »
Esmé ne sut pas si c'était par la question ou par le fait qu'Alice montre de l'intérêt pour le sujet, mais elle fut totalement sidérée par cette remarque. Elle se rendit compte qu'elle n'avait pas pris le temps de réfléchir aux implications de sa théorie sur la Source.
Les deux jeunes filles commencèrent leur repas dans un silence pensif. A la table derrière elles, on débattait aussi sur le sujet. Le groupe d'élève parlait fort et au bout de quelques minutes une assez grande partie de l'assistance écoutait la conversation.
De son sujet initial le débat tourna vers celui du Gardien de la Source.
- Mais comment quelqu'un peu contrôler une telle puissance ? Demanda une grosse fille rousse.
- Bonne question ! Lui répondit le garçon qui était assis à côté d'elle. Surtout quand on voit des gens pas du tout puissant qui ne savent rien faire. N'est ce pas Ch'veux Bleu ?
Le garçon s'était tourné vers Alice. La jeune fille, qui s'était raidie, lui adressa un regard assassin mais ne dit rien car il n'avait tout à fait tort : elle maîtrisait mal sa magie. Aux tables alentours de nombreux élèves pouffaient de rire.
- Moi j'dis qu'ce doit être un monstre pour réussir à maîtriser toute cette magie ! Intervint un élève de 7ème année de la Chapelle.
- Ouais un monstre comme Poissondoret mais à l'opposé ! Reprit la grosse fille rousse.
- On devrait peut-être les marier, comme ça les enfants seraient peut-être normaux !
- Ou alors on aurait des gamins surpuissant mais qui contrôle rien… Imaginez l'horreur !
- Ils auraient p'être même les cheveux bleus.
- Argh ! Aussi monstrueux qu'leurs parents…
L'assistance riait de bon cœur en lançant quelques autres idées sur le résultat du croisement Alice/Gardien de la Source. Tous semblaient oublier que les victimes de leurs plaisanteries étaient là, juste à côté d'eux. Bon, c'est vrai qu'ils avaient l'habitude de faire comme si Alice n'existait pas mais ils parlaient du Gardien comme d'une personne hypothétique qui n'existait pas.
C'est Esmé qui se rendit compte du danger la première. Elle observait Alice qui tremblait de rage quand elle se rappela que si l'on parlait autant du gardien c'était que c'était un élève. Que ce passerait-il si celui-ci se mettait en colère ? Esmé se tourna vers Alice pour lui dire qu'elles feraient mieux de partir avant que quelque chose de grave arrive. C'est à ce moment qu'elle remarqua qu'un professeur s'était approché dans le but de rétablir le calme.
C'était Galonnez, le professeur d'enchantement. Celui-ci lança quelques menaces mais les élèves étaient bien trop excités pour obéir et l'un d'eux prit même le professeur à parti.
« Mais, m'sieur, les gens comme eux c'est dans un zoo qu'on devrait les mettre, pas dans une école ! »
Ce qui devait arriver arriva. On ne se moque pas impunément d'un sorcier surpuissant, surtout quand on ne sait pas qui c'est.
Un sinistre grésillement se fit entendre, les élèves comprirent qu'ils avaient parlé à tort et à travers dans la plus belle inconscience et qu'ils allaient avoir de très gros problèmes.
Le grésillement s'amplifia. De petits éclairs d'octarine parcoururent les murs. Le sol se mit à trembler et une petite sphère très lumineuse se forma au-dessus de la table où avait commencé la conversation. Les personnes qui étaient là n'eurent pas le temps de se demander ce que cela pouvait bien être avant que celle-ci explose.
Quand le silence revint, on constata que ce n'avait été que du bruit et de la lumière. La personne qui avait fait ça voulait juste leur faire peur. Cela avait parfaitement bien fonctionné.
Même si l'expérience n'avait pas été des plus agréables, cela avait au moins le mérite de relancer le débat sur l'identité du mystérieux Gardien de la Source.
la semaine qui suivit l'incident fut plutôt calme. L'expérience avait servit de leçon aux élèves. A présent, on faisait attention à tout ce que l'on disait et à qui on le disait. On s'épia plus de jamais. Et on ne découvrit rien de plus.
Mais le mystère qui avait commencé dans la bonne humeur tournait à la psychose, qui sait quels problèmes pouvait vous valoir un mot de trop dit à la mauvaise personne ?
D'un autre côté cette histoire, qui avait été un peu prise à la légère au début, fut traité plus sérieusement par l'administration. La situation ne risquait-elle pas de tourner à la catastrophe à tout moment ? C'est vrai, cette fois, le « Gardien » avait juste voulu les effrayer, mais qui pouvait dire si ce serait toujours le cas ?
Ce qui s'était passé au réfectoire inspira une idée à Mr Galonnez, le professeur d'enchantement. En effet, et si le Gardien était belle et bien en possession d'un pouvoir énorme mais qu'il ne la contrôlait pas totalement ? Cette idée lui fit froid dans le dos, cela signifiait que l'on avait une bombe prêt à exploser dans l'école. Cette sensation lui rappela un incident qui avait eu lieu quelques années plus tôt pendant un de ses cours. Mais oui ! C'était ça ! Tout était clair dans ça tête. Il comprenait aussi pourquoi le Gardien, ou plutôt la Gardienne, n'avait jamais eut de réactions face aux listes ou aux hypothèses les plus folles la concernant. C'était qu'en tant qu'élève jamais personne ne la soupçonnerait et qu'en tant que « Gardienne », jusqu'à l'incident du réfectoire, elle était autant crainte qu'admirée. Quoi de plus valorisant ?
Pourtant cette solution lui laissait plus d'interrogations qu'elle ne lui apportait de réponses. Et puis il voulait en avoir une confirmation. Il décida donc qu'il en parlerait avec cette élève dés qu'il en aurait l'occasion.
Il mit sa résolution en application le jeudi suivant. Il demanda à l'élève en question de rester après la classe pour une raison quelconque.
Quand il regagna la salle des professeurs après cet entretien, il ne se souvenait plus vraiment de quoi il avait parlé avec cette élève, ni pourquoi il avait voulu lui parlé. Il avait la désagréable sensation d'avoir subit un sort d'oubliette.
Le jours et les semaines s'écoulèrent sans qu'il se passe quelque chose de plus. Les élèves perdirent peu à peu leur méfiance (quoiqu'ils évitaient la moindre plaisanterie concernent la Source) et recommencèrent leurs hypothèses sur l'identité du Gardien. De nouvelles listes furent affichées et le problème de la vérification se posa de nouveau.
Le mois de décembre débuta, sous la pluie, et avec ce mois là allait aussi débuter la période des conseils de classe.
De son côté Esmé avait continué l'étude de son livre mais maintenant, et sans qu'elle comprenne la raison de ce retournement de situation, elle était aidée par Alice. A deux, le décodage de l'ouvrage avançait à pas de géant. Pourtant le livre n'apportait pas autant de renseignements qu'elle l'aurait désiré. L'auteur avait passablement dilué les informations dans une masse colossale de charabia. Par exemple, l'auteur semblait avoir un gros faible pour une caste de mages guerriers appelée « Chevalier D'Eole » car la moitié de l'ouvrage semblait leur être consacrés. Un chapitre entier était même employé à l'explication du blason de la caste : une large croix blanche sur fond noir avec une fleur au centre (en voyant le dessin Esmé avait même eut l'impression d'avoir déjà vu ça quelque part mais elle était incapable de se souvenir où…étrange ! Elle qui n'oubliait jamais rien d'habitude ). Maintenant, Esmé était incollable sur cette caste. Elle en connaissait l'organisation, le code d'honneur, les rites initiatiques, etc. Mais que lui importait l'existence de mages guerriers mille ans plus tôt ? Et puis leur rapport avec la Source était plutôt vague.
Dans les renseignements sur la Source et son Gardien qu'elle obtint, aucun ne lui disait comment l'identifier. Peu lui importait de savoir que la Source faisait peur au démon, elle ne pouvait pas invoquer un démon suffisamment puissant pour procéder à une confrontation avec les suspects. Peu lui importait aussi que le Gardien n'ait pas besoin de baguette pour canaliser l'énergie magique car dans l'école tous les élèves utilisaient une baguette. Elle n'avait que faire de savoir que la Source n'était pas un objet matériel car elle se dissolvait dans l'organisme du gardien… Et toutes les informations étaient comme ça : intéressantes mais inutilisables.
C'est après la lecture d'un chapitre sur le transmission de la Source d'un Gardien à un autre, qu'Esmé eut une idée. Dans ce Chapitre, on apprenait que la transmission de la Source ce faisait par transfère à la mort du Gardien initial vers le mage si devenait le nouveau Gardien. Le choix du mage récepteur était vague mais il semblait que c'était à ce moment là qu'intervenait les chevaliers. D'ailleurs, comme le comprit enfin Esmé, le rôle initial de ces chevaliers était de protéger le gardien.
La jeune journaliste aurait aimé connaître les critères sur lesquels était sélectionné le nouveau gardien. Ces critères lui auraient permis d'identifier l'actuel gardien. Mais la seule information fournit était qu'au moment du transfère l'ancien et le nouveau gardien étaient mis en contact et donc que l'ancien savait qui était le nouveau gardien et inversement.
L'idée fabuleuse qui vint à Esmé fut qu'à défaut d'identifier directement l'actuel gardien, on pouvait interroger quelqu'un qui savait qui il était ! Après tout, l'invocation de l'esprit d'un mort était quelque chose de faisable, il ne resterait donc qu'à demander à l'ancien Gardien pour savoir qui était le nouveau.
Quand Esmé exposa son plan à Alice. Celle-ci eut l'air perplexe et lui répliqua que les invocations d'esprit étaient des invocations de niveau 4 alors qu'en classe elles commençaient juste à étudier les invocations de niveau 2, et même si elle y parvenait, il y avait de forte chance pour que l'ancien Gardien ne lui réponde pas. L'identité du Gardien actuel avait l'air d'être un secret extrêmement bien gardé et Alice doutait que quelqu'un qui était au courant aille le dire à la première venue.
Néanmoins Esmé était bien trop décidée pour renoncer aussi facilement. Elle ferait cette invocation coûte que coûte et avec ou sans l'aide d'Alice
A partir de ce jour, Esmé commença à collecter toutes les informations indispensables pour pratiquer l'invocation d'un esprit. Cela allait marcher, elle en était sûr !
