Chapitre 22

Bastien traversa la petite place aux pavés luisants de pluie. Par chance il avait cessé de pleuvoir un peu plus tôt.

Place Militaire. Il était dans le bonne direction. En continuant tout droit il tomberait sur la rue de L'Institut, alors il devrait tourner à droite, passer le square de la lune, remonter la rue Alfred-De-Vigny sur environ cent mètres et là il devrait trouver la rue de la Petite-Paix.

Il relut une nouvelle fois le message qu'il avait reçu quelques jours plus tôt.

15, Rue De La Petite Paix,

Jeudi 3 décembre, 18h

Attendez au premier étage

Bizarre… Non pas le message, depuis qu'il était Chevalier il en avait reçu un certain nombre des comme ça, mais l'adresse, elle indiquait une adresse moldu. Entièrement, résolument et définitivement moldu. D'ailleurs la quartier entier était moldu au point qu'il devrait être signaler dans les guides touristiques. Normalement, selon les accords interministériels de juillet 1959, les villes métropolitaines sont parsemés de points magiques permettant aux mages en voyage de se téléporter sans incommoder les moldus. Mais pour se rendre ici il n'y en avait pas et Bastien enrageait d'avoir dû traverser une assez belle partie de la ville en empruntant les moyens de transports urbain moldu. Et bien sûr, ce jour là, ceux-ci étaient en grève, c'était donc à pied qu'il avait dû faire le trajet.

Bastien jeta un dernier coup d'œil à sa carte, donc c'était tout droit.

Il y avait du monde dans la rue, de toute évidence il devait y avoir un collège ou un lycée pas très loin. Il devait s'agir d'une école privée car cette population juvénile était étrangement vêtus d'un  uniforme parfaitement hideux. Mais bon, qui était-il pour les critiquer, lui qui avait fait toute sa scolarité en robe de sorcier bleu ciel.

Il continua son chemin et finit par trouver l'endroit d'où semblait se sauver les élèves. A voir l'établissement Bastien les comprenait tout à fait. Les bâtiments n'étaient pas sinistre, ils étaient bien pire que ça, aucun mot ne pouvait les décrire.

Bastien était bien soulagé de ne pas avoir dû être élève là-dedans… Mais rien ne pouvait concurrencer l'école de magie de Beauxbâtons.

A croiser cette foule adolescente, Bastien se rappela ses années sur l'Ile. Plus de deux longue années s'étaient écoulées depuis qu'il avait obtenu son BAM… Deux ans depuis… depuis… Le souvenir de la nuit du bal de fin d'année était toujours aussi douloureuse. Il avait essayé de parler à Alice mais elle était demeuré introuvable et quand, une fois rentrer dans sa famille, il avait voulu lui envoyer un hibou, Otus, son hibou petit duc, était revenu épuisé au bout d'un mois totalement épuisé sans avoir trouvé la destinataire de la lettre. Bastien ne comprenait pas comment un hibou pouvait ne pas trouver son destinataire mais c'était comme ça.

En désespoir de cause, il avait tenté d'obtenir des nouvelles par Esmé. Il savait pertinemment que la jeune fille le détestait, il n'était pas suffisamment bête pour ne pas s'en être rendu compte. Elle lui avait répondu plusieurs mois plus tard qu'Alice allait très bien à présent. C'était tout ce qu'avait écrit la jeune fille. Bastien avait bien essayé d'en savoir  plus, mais ses hiboux étaient restés lettres mortes.

Le jeune homme continua sa route. Il dépassa le square de la Lune.

Deux ans, comme cela semblait long et court à la fois… Il avait appris que Liem s'était mariée, que Mahée était partie vivre au Québec, qu'un certain Harry avait fait sa rentré à Hogwarts, que Petsèque avait été démis de ses fonctions pour s'en être pris une fois de trop à une élève. Et puis il avait appris qu'Esmé travaillait à « Magie hebdo », qu'elle était fiancé avec un certain Alan Percevault… mais d'Alice absolument aucune trace, comme si son existence avait été rayée de la carte..

Le jeune homme remonta la Rue Alfred-de-Vigny à pas lent.

Et lui, qu'avait-il fait de ces deux années ? Oublier… du moins il avait essayé. Mais ces choses là ne s'oublient pas… elles s'estompent mais elles restent. Il s'était alors jeté à corps perdu dans son travail et au bout d'exactement 2 ans 6 jours et quelques heures il était devenu Chevalier d'Eole. Depuis les missions s'étaient succédées. Aujourd'hui il devait commencer sa 5ème mission… La cinquième en à peine quatre mois…

Sur sa gauche, Bastien trouva la fameuse Rue de la Petite Paix. Il s'agissait d'une rue piétonne pavé de petit carreaux ocre. Le jeune homme observa les façades des bâtiments qui longeaient cette rue… Ha le charme désuet des vieilles rues… le bâtiment le plus  récent devait avoir au moins 150 ans. Mais ici tout semblait propre et en bon état. Il s'avança à la recherche du numéro 15. Il n'eut pas beaucoup de chemin à faire pour trouver ce qu'il cherchait.

Au numéro 15 de la rue de la Petite Paix se trouvait une librairie. La devanture semblait dater du siècle précédent avec ses pièces de bois patinés et sculptés à la manière de l'Art Nouveau. De part et d'autre de la porte de coquette vitrine immaculé exposait divers livres, celle de gauche présentait des livres anciens et celle de droite présentait les toutes dernières publications. Sur la vitre de la porte d'entrée était inscrit :

Librairie D'Alembert

Livres récents et anciens

Neufs et occasions

Livres rares

Expertise.

Ouvert de 10h à 12h et de 13h à 19h

Fermé le Lundi

Des rideaux de mousseline blanche empêchaient de voir l'intérieur de la boutique.

Bastien poussa la porte, ce qui eut pour effet de déclencher un tintamarre de clochette, celle-ci étaient accrochées dans le coin supérieur gauche du chambranle.

L'intérieur était beaucoup plus grand que ne l'avait laisser présager l'extérieur, le plafond très haut était en partie cacher par une mezzanine à laquelle on accédait par un escalier sur la droite. Un petit écriteau indiquait « livres anciens, rares et expertise au premier étage. » les murs étaient recouverts jusqu'à une hauteur vertigineuse par des rangées et des rangées de livres. Un peu plus loin deux personnes feuilletaient des ouvrages l'une  un livre sur les voyages, l'autre sur les chats.

Une femme assise derrière une caisse enregistreuse tout ce qu'il avait de plus moderne le salua poliment avec un sourire accueillant. Tout aussi poliment, Bastien lui rendit son bonjour.

Le jeune homme se dirigea avec un air tout à fait décontracté vers la mezzanine. Sous ses pieds les marches grincèrent un peu.

En haut, les murs étaient tapissés de livres en tous genre, certaines avaient l'air d'avoir connu des jours meilleurs, d'autres sentaient le neuf. L'étage était quadrillé par des étagères qui arrivaient au niveau des épaules du jeune homme et par des présentoirs. Au fond, des vitrines protégeaient les livres rares et juste à côté de celle-ci il y avait un comptoir où deux personnes discutaient. L'une d'elle était un garçons plutôt grand d'une quinzaine d'année, l'autre par ses intonations de voix devait être une femme mais Bastien ne pouvait pas la voir d'où il était.

Il n'était pas encore 18h, Bastien tua les quelques minutes qu'il avait à attendre en feuilletant des ouvrages pris au hasard dans les rayonnages… Jardinage… botanique… cuisine… broderie… Rien d'intéressant. Il fit mine de s'intéresser à un ouvrage philatélique sur les Boules du Moulin et les pigeongrammes pendant le siége de Paris au siècle précédent mais, en fait, le jeune homme tourna son attention vers les deux personnes qui s'entretenaient au comptoir du fond.

« … savoir d'où il provient mais ce ne sont pas mes affaires… Néanmoins, Mr Stragchtéroski, je vous … »

Le son de la voix de la jeune femme qui parlait fit l'effet d'un électrochoc à Bastien. Cette voix il l'aurait reconnut entre mille… 2 ans, 5 mois, 2 semaine et 6 jours sans nouvelles et voilà qu'il tombait sur elle par hasard…. Hasard ? Impossible…Le hasard ça n'existe pas, il y a des coïncidences mais pas de hasard..

Bastien fixait le livre qu'il tenait dans les mains sans le voir, Il n'osait plus bouger… il n'osait pas lever les yeux… Et si ce n'était pas elle mais juste quelqu'un qui avait le même genre de voix ?

L'escalier grinça sous les pas de quelqu'un qui le descendait. Peu de temps après le tintement de la porte résonna. Bastien n'avait toujours pas bouger…

« Histoire de la poste durant le siège de Paris? » Seriez-vous philatéliste Chevalier ?

Bastien sursauta, il n'avait pas entendu la jeune femme se rapprocher… Etrange, lui, un chevalier d'Eole, ne rien entendre…

Il referma le livre et le rangea sur la première étagère venue. Il se retourna et se trouva face à face avec une jeune femme d'une vingtaine d'année à la silhouette élancée, au visage ovale, à la peau de porcelaine. Une jeune femme à qui  les yeux violine conférait une expression étrange. La jeune femme avait de long cheveux raides et de couleur blanche avec des reflets bleutés qui lui retombaient sur les épaules.

Alice !

Bastien fut comme pétrifié sur place. Comment ? Pourquoi ?…

- Sur l'autre étagère ! Fit remarquer la jeune femme.

- … ?

- Le livre…

- …?

- Le livre…il se met sur l'autre étagère !

- Ha  pardon…

Bastien rectifia le rangement de l'ouvrage… Décidément il n'avait pas toute sa tête… Une chose et une seule était importante pour le moment… Et ce n'était pas l'emplacement de ce livre…

Le jeune homme fut troublé par le ton qu'employait la jeune femme pour parler, elle ne montrait aucune émotion… ni surprise, ni tristesse, ni joie… rien

- Ainsi c'est toi le nouveau Chevalier… ça devait arriver un jour… Dit Alice d'un air pensif.

- Comment …

- Comment je sais ? … Pardon, j'oublie toujours qu'on ne vous dit rien avant de vous envoyer ici. Je vais pas te faire l'affront de me présenter… J'ai donc l'honneur de vous annoncer, cher Chevalier d'Eole, que l'Ordre vient de vous confier la mission de me surveiller, moi, et de protéger les intérêts du ministère me concernant. Cette mission n'est pas limité dans le temps mais sachez que vos prédécesseurs n'ont tenu que trois mois en moyenne.

Bastien était un peu incrédule, qu'avait donc pu faire Alice pour être surveillée et contrôlée de la sorte par l'Ordre et le ministère ? La jeune femme comprit très bien cette interrogation même si elle n'avait pas été formulé.

« Même si depuis que tu es devenu Chevalier, tu as appris un certain nombre de secrets, il y a beaucoup de chose que tu ignore. Mais ce n'est ni le lieu ni le moment ni à moi de te parler de ça. Martha t'expliquera plus tard ce que tu dois savoir à propos de pourquoi tu est là. Et puis ce qu'on ne te dira pas tu le découvriras par toi-même … Après tout tu vas vivre ici pendant toute la durée de ta mission… »

Un silence pesant s'installa. C'est Bastien qui ce décida à le rompre le premier.

- Pourquoi as-tu disparu comme ça sans me laisser un chance de t'expliquer. Pourquoi ?

La jeune femme détourna le regard

- Ne remue pas ces souvenirs là, le passé est le passé… Nous allons devoir cohabiter sous le même toit pendant un certain temps, je n'ai pas le choix et toi non plus… remuer les cendre du passé ne nous conduira qu'a nous faire du mal. En tant que Chevalier on t'as appris à faire abstraction de tes sentiments… soit professionnel… Et puis maintenant j'ai quelqu'un dans ma vie… il s'appelle Alexandre…

Alice eut un petit sourire  gêné … un peu triste aussi, avec l'air de dire « c'est la vie… »

Bastien resta assommé par cet afflux de nouvelles. Il était sous le choc. Retrouver Alice comme ça, sans avoir eut le temps de se préparer psychologiquement, était déjà difficile mais apprendre qu'elle avait refait sa vie avec quelqu'un d'autre c'était trop pour lui. Il sentit un immense sentiment de malaise l'envahir. Il avait la vague impression d'être trahit… Oui trahit c'est bien ça … Trahit… Depuis cette nuit de juin deux ans plus tôt, il avait toujours pensé… Cru… espéré qu'elle vivait les mêmes tourments que lui… Ses illusions volaient en éclat. Elle l'avait oublié.  Elle avait un autre homme dans sa vie et il s'appelait Alexandre.

Alice l'observait, inquiète de sa réaction.

Un bruit de pas rapide fit chanter les lattes du plancher de la mezzanine. De petits pas légers et rapides se rapprochèrent à une vitesse folle. Au coin d'un rayonnage apparut la mine réjouit d'un petit garçon, très jeune, du genre qui ne sais pas encore vraiment à quoi ça sert un livre. Le petit bonhomme s'immobilisa et observa les deux grandes personnes qui se faisait face. Il eut un petit cri de chouette et se précipita dans leur direction. Le gamin trébucha et s'étala de tout son long sur le parquet. Il se redressa en sanglotant et s'assit pour pleurer tout à son aise.

Bastien observa l'enfant qui venait de faire une heureuse diversion sans trop savoir comment réagir. Fallait-il aller l'aider ? Le jeune homme jeta un coup d'œil à Alice, elle aussi regardait l'enfant mais avec une mine plus sévère.

Le gamin jetait des coups d'œil aux les adultes à travers ses larmes. Voyant que personne en bougeait pour venir l'aider, il stoppa net ses pleures et se releva. Le petit garçon une fois remit sur pied reprit sa course vers les adultes, c'était à croire qu'il ne connaissait pas le sens du verbe « marcher ».

Rendu à moins de deux mètres des adultes, l'enfant cria un « Maman » tonitruant et alla s'accrocher à la jambe droite de la jeune femme. Alice se pencha, souleva le petit garçon et le prit dans ses bras.

Maman ? Bastien regardait la scène comme pétrifié sur place. Ce gamin avait appelé Alice « maman » ? Le jeune homme sentait une indicible douleur naître en lui. Non, seulement Alice avait refait sa vie avec quelqu'un d'autre mais en plus elle avait eu un enfant… en plus celui-ci n'était déjà plus un bébé… Alice avait été rapide à l'oublier… Bastien sentit son âme se rompre… Que d'illusions il avait eu.

Bastien fixait le gamin. Celui-ci avait des traits poupins avec des joues bien rondes, des yeux couleurs de saphir et des cheveux raides couleur veille or.

L'enfant, de son côté, lançait des regards interrogateur en direction du jeune homme, tout en s'agrippant aussi fort qu'il pouvait au cou de sa mère.

« Bon, ben, les présentations vont être faites un peu plus tôt que prévus. » Dit  la jeune femme dont le timbre de la voix était incertain. « Voilà je te présente Alexandre, l'homme de ma vie. »

Elle jeta un regard inquiet en direction de Bastien.

Bastien ne savait ni quoi dire, ni quoi faire… mais il y avait-il quelque chose à dire ou à faire ? Une idée lui vint à l'esprit : si c'était lui Alexandre alors Alice n'avait pas d'homme à proprement parler dans sa vie. Mais alors, si elle en était la mère, qui en était le père ? Un doute affreux lui traversa l'esprit… Non c'était pas possible… Alice ne pouvait pas lui avoir cacher ça…

« Quel… quel âge a-t-il ? » Demanda Bastien prudemment

Alice se tourna vers Alexandre

- tu as quel âge, Alex ?

- J'ai deux ans ! Cria le gamin trop heureux que l'on s'occupe de lui.

Pour illustrer ce qu'il disait, l'enfant montrait ses deux mains avec tous les doigts écartés, c'était là se conception du deux.

Bastien fit rapidement le calcule, deux ans plus neuf mois… ça remontait au moins au mois de Mars lors de leur dernière année à Beauxbâtons… il n'y avait donc aucun doute, ce petit garçon était son fils. Le jeune homme sentait le monde s'effondrer sous lui. Mon Dieu pourquoi Alice ne lui avait rien dit… comment avait-elle osé garder ça pour elle seule… comment avait-elle pu le priver de ça ?

Il n'eut pas le temps de poser la question à Alice. La femme qui l'avait accueilli à l'entrée de la boutique était venue les rejoindre. Elle murmura quelque chose à l'oreille d'Alice. La jeune femme tourna les talons et se dirigea vers une porte au fond de l'étage. Emportant avec elle son précieux fardeau.

« Soyez le bienvenu Chevalier ! Je me présente : Maître Chevalier D'Alembert. Pendant toute la durée de votre mission vous serez sous mes ordres. Suivez moi ! Je vais vous expliquer en quoi va consister votre rôle. »

La femme se dirigea vers la porte qu'avait emprunté Alice quelques instants plus tôt.

Bastien mit un peu de temps à réagir, il était encore sous le choc. Trop… beaucoup trop de choses en trop peu de temps…

Comment Alice avait-elle pu lui cacher qu'elle avait eu un enfant de lui ?

Comment ?

***

Bastien s'effondra sur son lit et faillit s'y briser une vertèbre. La nuit entrait à flot par la misérable lucarne qui faisait office de fenêtre à la soupente délabrée qui tiendrait lieu de chambre au jeune homme pendant toute la durée de sa mission. Il logeait au dernier étage du numéro 17 de la rue. Le numéro 15 et 17 était en fait un seul et unique bâtiment, le 15 étant la librairie et le 17 l'habitation. Sur la table un réveil indiquait 6h du matin. Les douze dernières heures avaient été longues… Douze… seulement douze heures s'étaient écoulées depuis son arrivée au 15 rue de la Petite-Paix.

Bastien ferma les yeux.

Dans sa tête, il vit défiler tous les événements de la veille en une triste farandole. Et dire qu'il était devenu Chevalier pour oublier… Cette pensée lui arracha un sourire ironique. Oublier… comment le pourrait-il maintenant ? Les pensées qui l'avaient tourmenté pendant toute la durée de sa garde nocturne revinrent, douloureuses… implacables… Ces idées malmenaient  son esprit endolori. Si seulement il pouvait dormire …

 Le sommeil le fuyait et le laissait seul avec lui-même.

« N'oubliez pas qu'ici vous êtes un étranger dont la présence n'est que tolérée. Pendant votre service actif soyez discret et professionnel, pendant le service passif n'existez plus du tout ! »

Cette phrase tourna dans la tête du jeune homme une nouvelle fois et s'envola. Un étranger… Bastien sentit son cœur se serrer douloureusement. Un étranger pour Alice… un étranger pour Alexandre… pour son fils… Cette idée le rendait fou.

Pendant un long moment de sa garde nocturne il avait regardé son enfant dormir avec l'immense sentiment qu'on lui avait volé la chose la plus importante de sa vie. L'enfant avait dormi d'un sommeil d'ange peuplé de rêves aux couleurs pastelles.

Un étranger… oui c'était bien tout ce qu'il était par rapport à son fils.

Bastien sentit son esprit s'embrumé et il plongea dans un sommeil agité.

***

Une semaine s'était écoulée depuis son arrivée au 15 rue de la Petite Paix … depuis son arrivée en enfer.

Protocole 86b. Ainsi était intitulée sa mission… 86b, le mise au secret absolue. La surveillance 24 heures sur 24 par deux chevaliers qui se relayait  en période de services actifs et de services passifs. Une mission durant laquelle les Chevaliers étaient aussi prisonnier que la personne qu'ils surveillaient, n'ayant pas le droit de communiquer avec l'extérieur.

Mais qu'avait donc fait Alice pour tomber sous le coup d'une telle mesure de surveillance ? Le jeune homme aurait bien aimé savoir mais il savait qu'il n'était pas assez haut dans la hiérarchie pour le savoir.

De service actif de 22h à 6h et de 8h à12h, Bastien passait le plus professionnellement du monde la majeur partie de sa vie tout seul dans une maison où tout venait lui rappeler qu'il n'était pas le bienvenu. Mais ces heures nocturne n'était pas les pires car même si les longues heures de solitude le tourmentaient ce n'était rien à côté des 4h quotidienne durant lesquelles il devait chaperonner Alice dans ses moindre faits et gestes… Quatre heures à faire semblant de ne pas être là… ne rien dire… ne rien faire… ne pas exister. Cette situation allait le rendre fou.

Seul consolation, la situation avait l'air aussi pénible pour Alice.

***

Le mercredi soir, Bastien vit débarquer Esmé. Elle était soudainement apparut dans le hall d'entrée. Cette arrivée avait l'air totalement normale et ne surprit que le jeune homme.

La jeune femme n'avait pratiquement pas changer depuis l'école, bien qu'elle porta des vêtements moldus à la toute dernière mode et un bague de fiançailles dont elle était très fière.

En arrivant, elle eut l'air profondément gênée de tomber sur Bastien. Et après quelques salutations de politesse un lourd silence s'installa entre les deux jeunes gens. Silence qui fut rompu par l'arrivée d'Alice qui emmena son amie au salon pour bavarder. Il ne comprenait pas comment Esmé pouvait ainsi aller et venir alors qu'Alice était au secret absolue… étrange.

A 22h, Bastien remarqua, au moment où il venait prendre son service actif, que les deux jeunes femmes avaient une discussion houleuse dans le salon. Par curiosité, autant que par nécessité professionnelle, il tendit l'oreille.

- Esmé je ne comprends pas pourquoi tu le défend ! Disait la voix d'Alice. Je ne comprend pas pourquoi ! A t'entendre on croirait que c'est de ta faute s'il s'est jeté dans les bras de cette …. La voix de la jeune femme tremblait de rage mais aussi d'autre chose.

- Ne crois-tu ne pas l'avoir punis suffisamment ? Combien de temps crois-tu qu'il va tenir à vous regarder vivre toi et Alexandre sans rien dire ? As-tu pensé à Alex ? Est-ce que c'est juste de lui cacher l'existence de son père ?

- Esmé ne te mêle pas de ça !

- J'ai pas envie de me taire ! J'aurais dû te dire tout ça depuis longtemps ! Tu te fais souffrire toute seule par ta rancune.

- Esmé tais-toi !

- Ne pas me mêler de ça ? C'est moi qui t'ai aidé à remonter la pente il y a deux ans… c'est moi qui t'ai récupérer en morceaux ! J'ai pas envie de recommencer. Je veux pas te voir sombrer à nouveaux.

- Esmé va-t-en !

- Oui je m'en vais… réfléchit à ce que je t'ai dit.

Bastien sentit l'aura magique de la jeune femme disparaître. Il ne savait pas s'il devait entrer à présent, il avait la certitude qu'il n'aurait pas dû entendre cette conversation. Il se rappela ce qu'on lui avait dit lors de son arrivée « être professionnel », le jeune homme pénétra alors dans le salon.

Alice était recroquevillée dans un fauteuil, les yeux dans le vague. Sentant l'arrivée du Chevalier elle se redressa, se leva et sortit. Elle ne prononça pas un mot. Mais quoi de plus normal, elle n'avait pas adressé la parole à Bastien depuis qu'elle lui avait présenté Alexandre.

Cette nuit là fut aussi triste et solitaire que les autres.

***

Les journées de décembre se succédèrent, tristes, monotones… Bastien avait découvert que la vie au 15 rue de la Petite-Paix s'organisait selon un rite immuable.

Le matin Alice se levait à 7h, préparait le petit déjeuner pour elle, Alexandre et sa tante. Puis elle réveillait Alex, le préparait pour l'école où il allait rejoindre le classe de toute petite section de l'école moldu du coin à 8h30.  La jeune femme revenait ensuite à la librairie après avoir fait les courses.

A 10h Martha ouvrait la librairie. Alice s'isolait alors pour étudier quelques ouvrages et grimoires obscures.

A midi, elle allait chercher son fils à l'école et le faisait manger. Celui-ci allait ensuite faire la sieste dans une pièce attenante à la mezzanine de la librairie pendant que sa mère faisait la permanence au rayon livres anciens et expertises. Quand le petit garçon se réveillait, il allait joyeusement gambader entre les rayonnages ou s'installait pour jouer dans un coin sous l'œil vigilant d'Alice ou de Martha.

Après la fermeture de la boutique, tous le monde allait dîner.

A 20h Alexandre allait se coucher. Les deux femmes en faisaient autant quelques heures plus tard après avoir fait une peu de ménage ou pratiquer une quelconque activité de loisir.

Le jeudi matin, Alice se rendait à la bibliothèque de Beauxbâtons. Bastien avait été très surpris par ce voyage. Comme tous les anciens élèves, il savait que le jeudi matin la bibliothèque était ouverte au publique mais il ne s'était jamais vraiment demander comment on s'y rendait. En fait s'était simple : il y avait un portauloin qui reliait la bibliothèque à la gare de transport magique central (4 rue Albert-Viellejeu, Paris). Se rendre à la gare était épique ( il est très difficile de suivre quelqu'un en téléportation) mais bon.

Sinon le dimanche Alice emmenait Alex à la campagne, où chez Esmé… et tous le monde était obligé de suivre. Le lundi, journée de fermeture de la boutique, Martha et Alice profitait de leur après midi pour régler les tracasseries administratives.

Il n'y avait aucune place pour Bastien dans cette vie parfaitement rôdée. Le jeune homme avait parfois envie de tout envoyé promener, de partir… de s'enfuir… mais une seule chose le faisait rest : Alexandre !

Bastien essayait de profiter au maximum du peu de temps où on le laissait s'approcher de son enfant. La nuit il lui arrivait de passer des heures à le regarder dormir entre deux rondes dans la maison silencieuse.

Alexandre était un petit garçon attachant qui semblait n'avoir peur de personne (sauf de Martha) Il était un peu turbulent et se transformait parfois en un vrai diablotin. Il était aussi très bavard et tenait de grand discours à qui voulait bien l'écouter. Son auditeur préféré était une jeune femme, fidèle cliente, qui venait plusieurs fois par semaine à la boutique acheter des livres. Dés que cette femme, qui se nommait Alana Chantelune, entrait dans la librairie, Alexandre se précipitait vers elle. La femme et l'enfant se lançaient alors dans une grande conversation sur mille et un sujets qui intéressent les petits garçons. Alana était une femme charmante qui aurait été sans doute très peinée si Alex décidait un jour de ne plus lui parler.

Bastien était jaloux de cette relation car cette inconnues était plus proche de son fils que lui.

Pourtant un après midi, alors que le petit garçon avait échappé à la surveillance de sa mère, Bastien avait eu la surprise de voir Alexandre s'approcher de lui et lui demander s'il était bien son papa. Le jeune homme fut très surpris par cette question. Qui l'avait dit à l'enfant ? Sûrement pas Alice, car avec elle la situation était de plus en plus tendue. Ce n'était pas non plus le genre de Martha… ne restait qu'Esmé. Mais pourquoi Esmé s'impliquait-elle autant pour recoller les morceaux entre lui et Alice alors que quand ils étaient à Beauxbâtons elle le détestait ?  Sachant que ça ne servirait à rien de mentir à l'enfant Bastien répondit par l'affirmative.

« Pourquoi tu fait pleurer maman ? »

Bastien resta abasourdie par cette question, il ne savait pas quoi répondre. Comme Alexandre insistait, le jeune homme donna la réponse que l'on donne aux enfants quand on veux pas leur répondre : « tu es trop petit pour comprendre ! ».

***

Noël passa, le Jour de l'An aussi. La nouvelle année commença sous la pluie.

Martha et Alice commencèrent des travaux dans la librairie pour installer, dans une petite pièce jouxtant de le rez-de-chaussée, une section de livres sorciers. Cette installation était prévue de longue date et l'on fut bien heureux d'avoir un homme fort sous la main pour transporter les caisses de grimoires et autres ouvrage de magie.

Peu à peu Bastien trouvait sa place. De jour en jour il était plus proche d'Alex même si le gamin continuait de l'appeler par son prénom. Ses rapports avec Martha était un peu distant mais amicaux.

Par contre la situation avec Alice était tendue … extrêmement tendue. Elle s'emportait parfois sans raison, semblait en permanence sur le qui vive. A la fin janvier la tension était telle qu'elle se fâcha avec Esmé qui était venue un soir porter les cartons d'invitation pour son mariage avec Alan Percevault (le 6 juin à 11h à l'église de la Pressilière)

Pendant ses gardes nocturnes, Bastien avait tout son temps pour réfléchir à la situation. Il était inquiet.

Ces longues heures seul avec lui-même devenait de plus en plus pesante. Il errait d'une pièce à l'autre, mais ses pas le ramenait toujours vers la chambre d'Alice. Comme il aurait voulut lui parler, crever l'abcès avant que ça ne les rende fou tous les deux. Mais elle refusait la communication. Il restait donc pendant un temps interminable devant cette porte. Comme il était de service actif il devait contrôler toutes les pièces de la maison, chambres comprises. Alors doucement il entrouvrait cette porte qu'il commençait à trop bien connaître. Dans la pénombre il distinguait la silhouette allongée sur le lit. Bastien savait détecter quand la jeune femme faisait semblant de dormir. En fait, elle dormait peu, les nuits semblaient difficiles pour elle aussi.

Bastien ne supportait pas longtemps cette vision si proche et si inaccessible à la fois. Trop de souvenirs ressurgissaient au milieu de la nuit. Il ne pouvait s'empêcher de penser au temps, lointain maintenant, où il connaissait les détails de ce corps… la douceur de la peau d'ivoire… le goût de ses lèvres quand ensemble ils oubliaient tout le reste. Chaque fibre de son corps réagissait et devenait douloureuse. Une immense sensation de perte … de vide… remplissait son cœur. Alors doucement il refermait la porte et repartait errer dans la maison.

La situation trop tendue devint vite invivable. Ce fut Alexandre qui réagit le plus à cette tension permanente. L'école signala à Alice qu'Alex avait des troubles du comportement en classe et était devenu passablement agressif avec ses camarades. La jeune femme décida de le retirer momentanément de l'école pensant que ce comportement était dû à un excès de fatigue. Et puis a à peine plus deux ans, le petit garçon pouvait bien louper un peu l'école.

Ce retrait fut un désastre, Alexandre devint proprement insupportable, faisant bêtise sur bêtise. Tout le monde en prenait pour son grade. Même Mlle Chantelune eut à en pâtire.

Cette colère permanente de l'enfant ne fit qu'aggraver la situation. C'était un cercle vicieux car plus la situation était tendue plus il était en colère, et plus il était en colère plus la situation était tendue…

Ne pouvant plus supporter ça, le petit garçon tomba malade.

Alexandre semblait jouer tranquillement dans un coin, c'était la première fois depuis des semaines, quand Bastien le vit s'effondrer. L'enfant était tombé avec la raideur d'un mort.

Le jeune homme se précipita aussitôt, il fut devancé par Alice. La jeune femme posa sa main sur le front brûlant de l'enfant. Dans un effort surhumain pour ne pas paniquer, elle donna toute une série d'ordre. De toute évidence l'enfant était intransportable par voie magique et faire venir un médecin serait très…trop long. Ne restait que la solution de l'hôpital moldu qui se situait à dix minutes de voiture de la librairie.

La voiture était sans doute le pire moyen de transport que connaissait Bastien, mais comme la librairie était au beau milieu d'un quartier de moldu c'était le plus discret.

Alice enfreignit un peu les limitations de vitesse pour arriver le plus vite possible à l'hôpital. Assis à côté d'elle, Bastien tenait précieusement son fils qui était toujours inconscient.

Ce jour là, le service des urgences était encombré. Il y avait eut une explosion dans le collège à côté de la librairie, de nombreux élèves avaient reçu des éclats de verre. Il fallut attendre.

Le temps passe très lentement quand on attend de la sorte et il sembla qu'une éternité s'était écoulée quand une infirmière vint les chercher dans le salle d'attente. Alice fit signe à Bastien de l'attendre là pendant qu'elle accompagnait Alexandre. Le jeune homme n'était pas vraiment d'accord mais préféra obéire.

Bastien attendit. Il vit la salle d'attente se vider au fur et à mesure que les collégiens étaient récupérés par leur famille. Il finit par se retrouver tout seul à fixé le mur blanc d'un regard vide.

Il vit passer le SAMU qui amenait les blessés d'un accident de la route. Une mère inquiète vint chercher son fils qui s'était cassé le bras en cours de sport. Une infirmière passa les bras chargés de dossiers. Une autre passa visiblement à la recherche de quelque chose ou de quelqu'un. 

Et puis se fut la solitude. Pour tromper son malaise, Bastien se lança dans la lecture des affiches qui étaient accrochées au mur. Vaccination… Sida… Malnutrition… tabac…  C'était la première fois que le jeune homme entrait dans un hôpital moldu… il aurait atterri sur une autre planète, cela aurait eut le même effet.

Au bout d'une heure, la porte s'ouvrit sur Alice. Bastien se précipita à sa rencontre.

- Comment va Alex ?

- Rien de grave…

Alice semblait prête à s'effondrer. Elle  s'agrippa à Bastien et posa la tête sur son épaule.

- C'est ma faute. Sanglota-t-elle. C'est ma faute…

- C'est la mienne aussi. Dit Bastien dans un murmure.

Il sentait le corps de la jeune femme tremblée. Elle avait les nerfs à vif… La tension nerveuse était trop forte, elle craquait… tout ce qu'elle avait gardé pour elle pendant plus de deux ans devait sortir.

- Pourquoi ? Pourquoi t'as fait ça ?…. Pourquoi Fleur ? Dit-elle d'une voix entrecoupée de sanglots.

Du poing elle frappait la poitrine de Bastien. Des coups sans force pour exprimer une colère qui se noyait dans le chagrin.

 Alice pleura un bon moment sans rien dire, les épaules secouées par des sanglots. Bastien l'avait entourée de ses bras comme pour la protéger. Il voulait la consoler mais se sentait démuni. Il n'avait pas de réponse à donner … Pourquoi ? Il avait eut l'impression d'être ensorceler, d'avoir agit contre sa volonté… mais ce n'était pas une excuse…

- Pardon Alice… Pardon.

***

Les jours qui suivirent furent lents. Alice dormit la plus grande partie du temps. Elle avait accumulé une fatigue nerveuse inouïe. Alexandre se remettait doucement. Dés que le petit garçon eut assez de force, il alla s'installer avec sa mère. Mère et enfant formaient ainsi un charmant couple de dormeur.

Les jours passèrent. Le mois de février était bien entamé quand Alice daigna bien vouloir se lever sous les exhortation d'Alex qui lui était parfaitement remis et était en pleine forme. Elle descendit doucement les escaliers qui menaient à la cuisine. Elle avait faim.

Sur la table du salon elle trouva une boite. Elle ne payait pas de mine, un simple colis postal. Par curiosité elle l'ouvrit. Elle en sortit un bocal en verre. Elle le reconnut tout de suite. Au bout de quatre ans le papillon ne bougeait plus et les couleurs s'étaient fortement délavées mais c'était bien lui… Alexandre qui avait suivit sa mère demanda ce que c'était. Un symbole répondit-elle. Le gamin ne comprit pas mais ce n'était pas grave. Elle, elle avait compris.

Depuis la scène de l'hôpital Alice semblait plus calme, sans doute car elle avait beaucoup dormit mais aussi car elle avait décidé de suivre les conseils d'Esmé.

Il y eut d'ailleurs une grande re-conciliation entre les deux jeunes femmes. Et pour fêter ça Esmé et son cher Alan furent invités à dîner.

Bastien fit connaissance du fameux fiancé d'Esmé. Chic type, journaliste aussi, pas très bavard, ancienne famille de moldu dont il était le seul exemplaire sorcier. Bien sous tout rapport.

Des vœux de bonheur furent échangés et chacun rentra chez soi.

***

Avec le temps Bastien se posait de plus en plus de questions au sujet de sa présence au 15 rue de la Petite-Paix. Protocole 86b…. En fait Alice faisait bien ce qu'elle voulait, allait où elle voulait, quand elle voulait…. Martha avait donné comme consigne de laisser faire et de suivre. Etrange, n'était-ce pas aux Chevaliers de contrôler les allées et venues de leur « protég » et non l'inverse ?

Voilà un des sujets qui occupait la réflexion de Bastien pendant ses longues nuits de garde.

Les nuits étaient toujours aussi longues. Il était condamné à errer dans la maison sans vraiment de but. Passant régulièrement devant la chambre d'Alexandre dont la récente maladie laissait encore planer des doutes au sujet de la santé.

Et puis il passait et repassait devant la chambre d'Alice. Depuis la scène de l'hôpital la tension entre eux avait beaucoup diminuée mais restait un malaise… une gêne… ou plutôt un vide immense… le vide de ce qui avait été brisé quelques années plus tôt.

Les jours et les nuits s'écoulèrent sans que rien ne vienne modifier cette situation. Alex reprit l'école bon grès mal grès car c'est une chose très importante l'école.

Le mois de mars commença… s'acheva. Avril montra le bout de son nez. Le printemps était magnifique. La librairie marchait bien. Bastien vivait la nuit, Alice le jour, ne se voyant que le matin. Martha les regardait faire en se demandant combien de temps ils allaient tenir comme ça.

La situation ne plaisait à personne. Bastien vivait un vrai calvaire. La perte de l'hostilité d'Alice à son égard rendait encore plus douloureuse cette cohabitation. Les matinées étaient des supplices de tantale. Il commençait à aimer la nuit et sa solitude. Il commençait même à éviter la chambre de la jeune femme… Entre deux rondes, il se réfugiait dans le salon, feuilletait un livre, rangeait les jouets de messire son fils, bricolait…

C'est là qu'une nuit il tomba sur Alice. Elle s'était réveillé pour un motif quelconque et n'avait pas pu se rendormir. Ils échangèrent quelques banalités sur la lune et les étoiles.

Bastien se rendit compte que c'était la première fois qu'ils étaient vraiment seuls. D'habitude il y avait toujours Martha pas très loin, ou Alexandre, ou alors ils étaient dans des lieux publics…

Un sentiment de gêne envahit l'atmosphère, comme si chacune voulait dire quelque chose sans qu'aucun des deux n'ose faire le premier pas.

La situation allait durée une éternité mais Alice finit par se lever du fauteuil où elle s'était installée pour regagner sa chambre et essayer de dormir. Bastien n'avait pas envie de la laisser partir mais n'osa pas intervenir. La jeune femme disparut dans le couloir. Les marches de l'escalier grincèrent un peu sous ses pas  et puis ce fut le silence.

Bastien se leva à son tour il avait besoin de marcher. Il inspecta le magasin où il ne vit rien d'anormal. Il jeta un coup d'œil au rez-de-chaussée sans rien y trouver à redire. Il monta à son tour l'escalier.

Dans le couloir de l'étage, le jeune homme distingua une ombre… Il s'agissait d'Alice. Elle était adossée au mur à côté de la porte de sa chambre, elle attendait. A la vu de Bastien elle se redressa un peu mais resta là, les yeux dans le vide. Bastien se rapprocha d'elle. Alice esquissa un mouvement de retraite vers sa chambre mais il ne lui en laissa pas le temps. Il l'attira à lui et, avec une lenteur presque calculée, il l'embrassa. Elle lui rendit son baisé.

Elle l'entraîna dans la chambre. A cet instant plus rien n'existait en dehors d'eux-mêmes. Il tenait Alice contre lui… sentait la chaleur de son corps contre le sien. Chaque partie de lui-même réagit. Il était comme un assoiffé qui trouve enfin l'oasis. D'une main leste, il débarrassa la jeune femme du déshabillé bleu qu'elle portait.

[…]

Ils s'endormirent alors que l'aurore blanchissait l'horizon.

***

Cette nuit là marqua un passage décisif. Ils avaient encore beaucoup de chose à reconstruire mais c'était là le début des jours sans souci… des jours tournés vers un avenir qui s'annonçait bien… le début des jours heureux. Des jours qui malheureusement seraient bien trop courts.