Le crépuscule d'une Ombre
7- Lumière et Ombre.
Il faisait nuit depuis un bon moment. Dehors un vent froid venant de la mer sifflait dans les squelettes des arbres sans feuilles. Le clair de lune inondait le paysage d'une lumière bleu-argenté.
Le silence avait recouvert le monde de ses plis feutrés. Rien ne bougeait.
L'école, prisonnière des filets de Morphée, était paralysée dans la torpeur du sommeil.
Les fenêtres aux petites vitres en forme de losange de la bibliothèque dispensaient une lumière sombre et timide. Celle-ci n'osait pas s'avancer plus loin que les premiers rayonnages car, là-bas, dans les zones les plus éloignés vivait une autre lumière, celle émise par les livres de magie.
La grande bibliothèque de Beauxbâtons offrait la nuit un spectacle fascinant et terrifiant à la fois, de partout s'élevait l'étrange lueur de la magie accumulée dans les livres, une phosphorescence au reflet d'arc-en-ciel et d'octarine, une lumière dont la densité ne lui permettait pas de s'élever dans les airs et d'atteindre les voûtes… Un brouillard lumineux… Une lumière morte qui n'éclairait pas.
Un bruissement de papier… la couverture d'un livre qui claque … quelque chose qui tombe sur le sol dans un bruit mate… une bruit sec d'un objet dur qui tape sur du bois.
Lentement une ombre émergea de l'océan phosphorescent par-dessus les rayonnages. Elle s'agita et se déplia. Une silhouette sombre se découpa dans la lueur de la magie amassée. Elle resta immobile à contempler le spectacle qui s'offrait à elle. Autour il n'y avait que cette étrange clarté qui s'étalait comme une tapis aux reflets changeants. Les étagères marquaient de longues entailles plus sombre. Là-bas, au cœur de la zone à l'extrême sud de la bibliothèque un éclair d'octarine serpentait comme mu par une volonté propre.
Partout ailleurs, le noir du néant enveloppait tout, comme si les murs et le plafond n'avaient jamais existé… comme si le monde entier n'avait jamais existé.
C'était une sensation enivrante et angoissante que celle de se retrouver là, tel un naufrager au milieu de d'un océan de lumière morte, seul rescapé d'un monde qui a sombré dans l'obscurité.
La silhouette se replia et s'agenouilla. Elle sortit quelque chose de sa poche, le déplia, le baigna dans le brouillard lumineux qui s'étendait à ses pieds. Elle resta là longtemps à contempler le papier que la phosphorescence refusait obstinément d'éclairer. Voyant que cela ne servait à rien, la lettre fut soigneusement pliée et rangée.
Ne sachant que faire Alexandre s'assit et attendit.
Le temps s'écoula sans que rien ne se passe… le temps, dans cette atmosphère, chaque minute, chaque seconde s'écoulait plus lentement que de la mêlasse.
L'étagère étant suffisamment large pour cela, Alex s'allongea sur le dos dans le champ de lumière. Il contempla l'immensité sombre qui le surplombait. Cela semblait si loin et si proche. Avec un réflexe d'enfant, il tendit les mains vers l'obscurité comme pour la toucher. Ses mains à la peau lisse et diaphane s'irisaient à la lueur des livres et se découpaient sur le noir profond du plafond comme deux étoiles. Lentement il replia ses doigts, emprisonnant l'ombre à l'intérieur de ses paumes. Une curiosité puérile lui fit vérifier si ses mains avaient capturé quelque chose. Il déplia ses doigts, paume vers lui, et vit la lueur en chasser l'ombre captive.
Il resta un moment à contempler le réseau de lignes qui striaient le creux de ses mains. La lumière magique enlevait tout relief, lorsqu'il étirait les doigts les lignes de vie, de destin, de tête et de cœur disparaissaient rendant ses mains lisse comme celle des poupées de porcelaine.
Le jeune homme se remit à scruter l'obscurité au-dessus de lui.
Lasse d'attendre il soupira. Il ne savait même pas ce qu'il attendait.
«… suivre le Chat-Noir… » murmura-t-il
Autour de lui, la brume de lumière était immobile, semblable à un linceul, elle recouvrait tout. Les yeux du jeune homme étaient noyés dans les ténèbres.
« … le Chat-Noir… » dit-il d'une voix presque silencieuse.
Quelque chose sembla bouger au-dessus de lui. Alexandre se redressa, se frotta les yeux et fixa son attention sur l'endroit où il avait perçus un mouvement. Quelque chose bougeait dans l'ombre du plafond… en fait, non, pas quelque chose dans l'ombre, c'était l'ombre elle-même qui semblait bouger.
Comme dans un rêve halluciné, Alex vit l'ombre se déformer. Une partie s'en détacha et tomba au ralenti. D'abord de la forme d'une goutte d'eau cela prit une forme de plus en plus allongée et anguleuse. le jeune homme ne reconnut la forme en laquelle s'était transformée la partie d'ombre seulement quand celle-ci atterrit silencieusement à quelques mètres de lui.
Un chat… Un chat noir aux yeux jaune.
Alexandre regarda l'animal qui s'approchait de lui. Il avait l'impression de nager en pleine fantasmagorie. Quel étrange rêve… Il n'avait pourtant pas envie de se réveiller, ce chat né des ténèbres et tombé du plafond l'intriguait.
Le chat s'arrêta à un mètre du jeune homme et s'assit. Il s'agissait d'un animal de grande taille aux formes anguleuses, sa ressemblance avec un lynx était frappante… oui… un lynx miniature. Mais ce qui frappa encore plus Alexandre, ce fut la couleur de l'animal. Certes il était noir, mais du noir comme ça il n'en avait jamais vu. Ce n'était pas du noir par opposition au blanc, mais du noir par opposition à la lumière. Le corps de l'animal n'avait aucun relief, aucun reflet, aucune texture. C'était comme si on avait découpé une silhouette de chat dans la lumière. Une silhouette formé entièrement d'ombre avec deux yeux jaunes au regard intense et luisant.
Plus Alex regardait cette étrange couleur, plus il se sentait attirer en avant, comme lorsque l'on regard le vide au bord d'une falaise.
Il eut un vertige et se sentit tomber.
Il ferma les yeux et s'agrippa à l'étagère où il était assis. Son malaise s'apaisa. Il avait l'impression d'avoir contemplé le néant et d'avoir faillit y tomber… non… en fait, quelque chose en lui y était tombé.
«… suivre le Chat-Noir… »
La phrase de la lettre lui revint en tête. Le suivre…
Comme si l'animal avait lu dans ses pensées, Alex le vit se redresser sur ses longues pattes et s'éloigner en silence. Le jeune homme le suivit, il n'avait rien à perdre, que cela soit un rêve étrange ou la réalité.
Passant de rayonnage en rayonnage d'une manière parfois très téméraire et hasardeuse, ils se dirigèrent droit vers le centre de la zone à l'extrême sud de la bibliothèque. Ce fut un miracle si Alexandre ne tomba pas en chemin. Les étagères n'étaient pas toutes très stables et parfois très éloignées les unes des autres. Le chat, lui, léger comme une plume, bondissait de l'une à l'autre avec une agilité toute féline.
Plus ils se rapprochaient du centre de la zone, plus la brume lumineuse devenait épaisse. Alex frissonna quand un éclair d'octarine le frôla.
Le chat finit par s'immobiliser et plonger dans la lumière. Alexandre s'immobilisa au même endroit, contempla le sol en contre-bas et sauta à son tour.
En bas il put admirer des étagères recouvertes de livre ancien luisants de magie mais il eut beau regarder autour de lui, il ne vit pas trace du chat. Un mouvement au-dessus des étagères attira son attention, relevant la tête il vit l'animal le regarder avant de disparaître dans les ténèbres.
Seul…
Alexandre n'avait pas la moindre idée d'où il se trouvait exactement… il regarda les livres, après tout autant aller jusqu'au bout des indications…
« les mots sont écrits… »
Oui mais o ?
Il lut les couvertures une à une… de toutes évidences il était dans le section « livre avec des noms compliqués et indéchiffrables »
Un espace entre deux épais volumes attira son regard. Il en sortit un cahier, pas très épais, une étiquette un peu jaune était collée sur la couverture.
« Alice »
*******
Mme Pinsèke, accompagnée de Mme Valériane et de deux professeurs, procéda à l'ouverture de la bibliothèque à 7h 45 très exactement. Comme il faisait encore sombre dehors, les rayonnages de livres magiques luisaient toujours.
Cette vue fit frissonner la directrice, elle n'aimait pas voir l'énergie magique produire ce genre de phénomène incontrôlable.
Elle entra la première dans la salle, non sans faire attention, après tout la personne que l'on avait enfermé là n'était pas de plus recommandable. La bibliothécaire la suivit à l'intérieur et lança le sort nécessaire à l'éclairage.
A l'intérieur tout étaient dans l'état exacte où on l'avait laissé la veille au soir. Même les livres les plus agressifs semblaient n'avoir pas bouger de la nuit. En fait cela était très étrange. Rien, absolument rien n'avait bougé. Depuis qu'elle travaillait ici, Mme Valériane n'avait encore jamais vu ça. En règle général, les livres profitaient de la nuit pour se battre entre-eux et elle, elle passait sa matinée à réparer ceux tombés au champ d'honneur.
La bibliothécaire alla inspecter le phénomène de plus près.
Epatant, même cette sale petite teigne de « Hades sum » (de Herodiant), ce fléau d'étagère, était doux comme un agneau. D'expérience, elle savait que ce n'était pas la présence d'un élève durant la nuit qui intimidait les livres, surtout un élève sans baguette. En règle général cela avait même tendance à exciter les plus agressifs. Mais alors que c'était-il passer au cours de la nuit ? Quelque chose avait dû faire peur aux livres pour qu'ils se tiennent à carreau comme ça ce matin. Mais de quoi pouvait bien avoir peur un livre de magie ? l'eau ? le feu ?… non, des livres comme « brasaeros » et « pyros del nora » étaient des incendiaires patentés, et des livres tel que « le déluge en 10 leçons » provoquaient régulièrement des inondations…
Mais qu'est ce leur avait fait si peur ?
La bibliothécaire sursauta en se retrouvant nez à nez avec le Corbeau. Ainsi il était sorti du vortex.
D'instinct elle avait saisi sa baguette. Le jeune homme lui lança un regard méprisant et s'éloigna sans un mot.
Il alla directement rejoindre Mme Pinsèke. Celle-ci le confia à son chaperon du jour. Celui-ci n'avait pas l'air très heureux de sa récente promotion. Mais qui le serait ? Dans toute l'école, on ne souhait qu'une chose… la perte du Corbeau.
Alors qu'elle regardait le jeune homme s'éloigner sous bonne escorte, la directrice remarqua un chose étrange, l'ombre de l'adolescent était plus claire que celle de la personne qui marchait à ses côtés.
Tout à son étonnement, elle vit le jeune homme se retourner vers elle. Une fraction de seconde elle croisa son regard. Elle frissonna comme si elle venait de croiser le regard d'un mort, une ombre sinistre flottait dans les yeux bleus d'Alexandre, comme si des morceaux de ténèbres s'y étaient égarés… ou plutôt comme si le jeune homme avait perdu toute lueur de vie dans le regard
… Ce qui brillait dans ces yeux là, c'était le crépuscule…
… le crépuscule avant l'ombre.
******** * * * * * * * * * * * * * * *
Note de l'auteur.(lettre d'origine)
Oui je sais, vous avez pas tout compris… et puis cette histoire de chat elle tombe un peu du ciel. ( ha ha ha elle est drôle) mais vous allez avoir plus d'informations dans les inter-chapitre suivant et les chapitres 9 et 10. Je vous jure que ça part pas en n'importe quoi mon histoire…
Je suis pas très contente de ce chapitre car on a un peu l'impression qu'Alex est schizophrène… c'est juste que c'est la première fois depuis le chap2 que je focalise sur lui alors il y a un décalage entre sa réalité et de l'image qu'il donne… ha les apparences… on va beaucoup jouer avec dans le chap8… c'est un chapitre hyper important ça le chap 8, avec enfin le réveil d'Halléndra, on saura si oui ou non Alex est coupable, on saura ce qu'il a fabriqué durant son isolement, il y aura même un intéressante histoire de pot de fleur et un lynchage…
Mais alors que restera-t-il pour le chap 9 et 10 ? Hé bien une certaine histoire de lettre, d'Ombre, de crépuscule et de chat noir…
Voil
La suite Mercredi…(heu non, jeudi)
Reve@nne
A Niort, le lundi 12 mai 2003. Crewritier en mars 2004)
