chapitre 14: évolution
« Dégage »
Les mots fouettèrent son visage. Il sentait presque le sillon profond et sanguinolent qu'ils ouvrirent au fond de son cœur et dans ses chairs.
Drago ne le regardait même pas.
Il paniqua.
Il se releva. En l'espace d'une seconde, il avait ramassé sa robe de sorcier, l'avait passée et avait fuit à toutes jambes.
Il courait droit vers la porte avec un vague sentiment de panique et de peine au cœur. Il attrapa la poignée de la porte et la tira vivement vers lui. Il s'engouffra dans l'embrasure et se tint immobile derrière la porte, les yeux perdus, un sentiment indéfinissable au cœur.
La porte se ferma. Alors il se mit à courir dans les couloirs glacés du ministère. Il était perdu et ne savait plus quoi penser et il avait peur. Il avait peur de tout ce qu'il ressentait. Il courrait sans réfléchir. Il vit des gens arriver au fond du couloir. Il transplana, sans même savoir où il allait. Il se retrouva chez lui. Dans son salon. Seul. Comme toujours.
Il savait ce qu'il s'était passé mais refusait de se l'avouer.
Harry resta chez lui devant la cheminée aux flammes dansantes de sa chambre toute la nuit. Une bouteille de whisky-pur feu à la main, il but jusqu'à ce que la bouteille, presque vide, lui échappa et se répandit sur le sol. Il glissa alors du fauteuil et se retrouva à terre.
Il se sentait bizarre. Il ne se sentait plus lui. Il savait ce qu'il faisait mais pourtant c'était comme si ce n'était pas lui qui agissait. Sa tête lui semblait être une immense cathédrale où ce qu'il avait fait quelques heures auparavant résonnait sans cesse. Mais étrangement, et l'alcool aidant sûrement, cela ne lui semblait plus si grave et il se dit qu'il n'aurait qu'à faire comme si de rien n'était. Après tout Drago avait eu l'air d'apprécier... au bout du moment. A cette idée, il referma ses doigts sur la bouteille qui gisait à quelques centimètres et la projeta violemment sur le mur et il jura, tandis que le verre volait en mille éclats.
Plus il pensait à cela plus ça devenait confus.
Sa voix caverneuse et empâtée ne put que prononcer « accio gin ».
Il rata la bouteille alors qu'elle se dirigeait droit sur lui. Elle se retrouva à rouler à quelques pas de là. Harry ne put que se traîner comme une loque vers la bouteille couchée sur le parquet. Il était à quatre pattes, pitoyable.
Il ôta le bouchon avec difficulté et prit une rasade d'alcool. Le goût il ne le sentait presque plus, il ne sentait plus que son esprit qui s'évadait ailleurs. Il ne voulait plus penser au sexe qu'il avait partagé avec Drago. Et depuis quand l'appelait-il Drago d'ailleurs? C'était Malfoy! Il devait avoir utilisé un sortilège sur lui, un sortilège qui l'avait attiré. Une sorte de philtre de passion.
Pourtant il ne pouvait pas nier que s'il aimait être avec des hommes, ce n'était pas à cause de Drago... Malfoy! Corrigea-t-il mentalement.
Mais ce qu'il s'était passé dans ce bureau ne pouvait pas être de son fait. Il n'avait jamais pris les devants. Avec personne. Et encore moins avec Drago. Pourquoi aurait-il eu envie de baiser Drago?
Il revit alors les lèvres rouges du jeune homme s'imprimer sur sa rétine comme une image indélébile. Puis il sentit sous ses doigts la peau douce et fine, les muscles saillants. Il pensa à sa voix douce, ferme et imperturbable. Il le revit courant sur le champ de bataille, il le revit lui sauver la vie, il le revit dans des gestes idiots comme la façon dont il mangeait, avec élégance, ange parmi les ordinaires animaux qui l'entouraient toujours. Il pensait au regard vide et absent devant le corps gisant de Rogue, il pensait aux gants noirs qu'il avait le jour de sa mise en terre, il pensait à sa voix cassée quand Dumbledore lui avait demandé si ça irait. Harry réalisa que s'il avait crié et pleuré la mort de Rogue, Drago l'avait senti le liquéfier au fond de son corps, lui tordre l'âme.
Ses yeux gris et tristes comme un matin d'hiver, sa peau pâle comme une première neige trop froide, ses mains fines et fragiles comme un ardre secoué par mille vents d'une nuit glaciale, ses cheveux sages et disciplinés, son ventre ferme et délicieux, ses cuisses fuselées aussi douces qu'une étoffe précieuse.
Il ferma les yeux et fut submergé par le désir qui naissait au seul souvenir de Drago.
Puis il se rappela de tout dans les moindres détails et une boule commença à grandir au fond de sa gorge. Les cris, les coups, la peur. Il en oublia même le désir, la passion, l'extase et le bonheur de l'autre.
Il pensa que Drago n'avait pas signé son autorisation de perquisition. C'est idiot comme les choses les plus insignifiantes vous reviennent au moment le plus inopportun, songea-t-il.
Il pensa qu'il avait quitté son travail sans rien dire, sans prévenir personne, sans en finir avec ses obligations. Il se mit alors à rire d'un éclat franc mais froid. Il s'en fichait. Il prit une autre gorgée de gin.
Il entendit un bruit sourd et très puissant. Comme des coups donnés à l'intérieur de son crane. Il sentit quelque chose, que l'on ôtait de dessus sa tête.
Il avait toujours les yeux fermés et pourtant la lumière l'agressait déjà.
« Gueule de bois? »
Harry ouvrit un œil et vit Ginny assise sur le lit qui le regardait fixement, tandis que lui gisait à terre, une bouteille presque vide à la main. Il tenta de relever la tête mais se sentait affreusement mal. Au bout de plusieurs minutes et plusieurs tentatives il parvint à se redresser et à s'adosser contre le mur.
Il n'avait pas lâché la bouteille et sentait son esprit encore bien brumeux. Il regarda l'objet dans sa main et le porta naturellement à sa bouche.
Le liquide froid et brûlant qui descendit dans sa gorge lui fit mal. Un instant après il se sentit nauséeux et vomit sur le parquet.
Il s'appuya sur le mur et se dirigea en titubant vers la salle de bain attenante. Il faillit tomber une ou deux fois mais finit par arriver dans la pièce d'eau. Il tomba immédiatement dans la cuvette et vomit à nouveau.
Il ne s'était jamais senti aussi mal. Il détestait cela. Jamais plus il ne reboirait comme il l'avait fait.
Il gerba encore sur ces pensées.
Après quelques haut-le-cœur, Ginnie entra dans la salle de bain. S'assit en silence sur la baignoire. Harry la regardait, écrasé sur le sol, la tête dans la cuvette des toilettes, les mains sur le rebord, l'œil hagard, le regard vitreux, la mine pâteuse, tremblant et fébrile.
Il détourna le regard. Il avait honte. Elle l'avait vu dans des états bien plus graves mais jamais parce qu'il avait bu, jamais parce qu'il avait voulu se détruire, jamais parce qu'il avait été faible. Elle l'avait soigné et veillé à Ste-mangouste et pourtant jamais il n'avait lu dans son regard cette incompréhension et cette compassion.
Elle se leva, mis une fiole dans la main de Harry et retourna s'asseoir sur la baignoire. Harry regarda la bouteille. Puis il la déboucha et la bu d'un trait.
Il crut qu'il allait vomir à nouveau et dans un mouvement de répulsion, il se pencha à nouveau sur le trou béant.
Mais rien ne sorti.
Il se sentait bien mieux. Son estomac était encore barbouillé mais il était mieux. Sa tête tournait encore un peu mais il n'était plus « ailleurs ».
« Il est 21h et personne n'a eu de nouvelles de toi depuis hier. Que s'est-il passé Harry? »
La voix douce de Ginny lui déchirait les oreilles. Il aurait voulu qu'elle ne parle jamais. Qu'elle ne le questionne pas. Il aurait voulu continuer à ne pas y penser et ne songer qu'à son corps qui le tiraillait de partout.
Il ne répondit pas. Ginny ne bougeait pas. Le silence devenait pesant mais elle ne renoncerait pas. Il était si éreinté qu'il ne pourrait pas résister.
« Je ne veux pas en parler » lâcha-t-il, la tête toujours dans la cuvette.
« Ce n'est pas ce que je te demande » répondit la jeune fille du tac au tac.
Ginny avait un regard froid et déterminé. Harry se demanda si elle lui en voulait. Harry lui demanda si elle lui en voulait.
Elle répondit que non, évidemment, mais qu'elle avait eu très peur et qu'elle était affreusement inquiète.
« Harry... »
Le silence encore.
Elle attendait sa confession qui ne venait pas.
Comment aurait-il pu dire les mots alors que dans son esprit tout tendait à les rejeter?
Il se leva avec difficulté. Sortit de la salle de bain aux couleurs agressives pour se retrouver dans sa chambre. Il baissa l'intensité des chandelles magiques qui éclairaient la pièce d'un geste de la main. Il s'avança dans la pénombre, dehors, la nuit d'encre de ce soir d'hiver lui paraissait encore plus accueillante. Il se dirigea vers le lit, ramassant au passage la bouteille de gin.
Il se jeta sur lit, s'affala et avala une pleine gorgée d'alcool.
Le liquide lui brûla la gorge et l'intérieur du corps. Il aurait presque pu vomir si ses pensées n'avaient été occupées à ne songer qu'à une seule chose.
Ginny apparu dans l'encadrement de la porte de la pièce d'eau. Harry le savait mais ne la regardait pas.
« Harry pourquoi fais-tu ça? Lâche cette bouteille c'est idiot. »
Le jeune homme sentit la colère qui couvait en lui remonter son œsophage. Elle allait l'engloutir. Il se retenait tant bien que mal.
« Je suis idiot Ginny. Tu ne le savais pas? Et toi tu n'as aucun droit sur moi pour me dire ce que je dois ou ne dois pas faire » lâcha-t-il d'une voix profonde, noire et mauvaise. Il but encore une longue gorgée. Il était saoul.
Il la regardait et ne pouvait que lire son incompréhension.
« Sors d'ici » ajouta-t-il en détournant la tête.
« pas avant que tu m'aies dit ce qu'il s'est passé »
Harry se leva d'un bond. Il jeta la bouteille à terre.
« Bon sang! Je ne veux pas en parler!!! T'es bouchée ou quoi? »
Il balaya d'un revers de manche le dessus de la table de nuit, brisant presque tous les objets qu'elle supportait.
« Tu DOIS le faire » cria Ginny, parfaitement immobile.
« Je ne dois rien, à personne » ajouta-t-il sur le même ton, en s'avançant vivement vers elle.
« HARRY, DIS MOI CE QU'IL S'EST PASSE! »
« PUTAIN MAIS QU'EST CE QUE TU VEUX? BON SANG! TU VEUX QUE JE TE DISE QUE J'AI BAISE DRAGO MALFOY??? » Hurla-t-il à quelques centimètres de son visage.
Ginny se tut. A la mine pâle de la jeune fille Harry réalisa ce qu'il venait de dire. Son visage se ferma et il tomba à terre, à genoux sur le parquet froid de sa chambre, aux pieds de la jeune femme.
Ginny resta debout, interdite.
Puis elle se baissa, accroupie et pris les mains de Harry dans les siennes. Il n'osait la regarder. Elle avança sa main vers son visage et caressa sa tempe dans une geste aimant et plein de tendresse.
« Harry, que s'est-il passé? » Dit-elle d'une voix douce et pénétrante.
Le jeune homme jeta alors sa tête en avant contre son ventre, ce qui fit basculer Ginny sur le sol, et elle se retrouva assise, Harry agrippé désespérément à elle.
Il cacha son visage et ses pleurs dans la robe couleur prune de la jeune femme. Et malgré lui les mots sortirent de sa bouche. Il le savait mais ne pouvait les endiguer. Il détestait cela, il ne voulait pas dire ces mots que ses lèvres lâchaient. Il détestait l'alcool pour cela, il se détestait. Il détestait entendre sa voix dire qu'il avait couché avec Drago, qu'il l'avait forcé, qu'il avait aimé cela, qu'il avait été violent.
« Il ne voulait pas? »
« non... pas au début »
« Et après? »
« ... »
« Il a pris du plaisir? »
Harry avait peur d'y penser. Il revit les mains douces de Drago sur sa peau, ses cris, ses gémissements, son visage, sa sueur. Oui Drago avait pris du plaisir et le fait d'y repenser allumer un feu en lui. Comme un liquide chaud et épais qui se déversait sur ses plaies.
« Et toi? » Demanda-t-elle sans attendre la réponse à sa première question.
Harry ne répondit pas tout de suite mais il finit par laisser échapper un « oui »
« Et que vous êtes vous dit après? »
« Il m'a dit de dégager ». Le jeune homme se demandait pourquoi ce souvenir là était si amer. Il lui faisait encore mal. Il aurait voulu se jeter sur la bouteille de gin au lieu de pleurer sur Ginny.
Il se sentait coupable de son attitude envers Malfoy même si dans le fond il essayait de se convaincre que l'autre ne méritait pas sa sollicitude. Mais ce « dégage » hantait son esprit comme un poison amer et acide.
« Et...? »
« Et... et bien que croies-tu que j'ai fait? Je suis parti! » Répondit Harry presque en colère, se relevant brusquement et la regardant dans les yeux.
« Tu es un idiot! Pourquoi es-tu parti sans même t'expliquer, sans rien lui dire? »
Harry avait mal de ces mots alors qu'il se sentait horriblement coupable, oppressé et déprimé.
« Tu dois lui parler! Dès demain matin! »
Il voulu protester mais Ginny parla à nouveau.
« Harry, je crois que tu t'es suffisamment pourri la vie à toujours vouloir tout garder pour toi et à essayer de cacher tes problèmes et tes peines dans un fond de ton cœur et de ta mémoire. Je pense qu'il est grand temps que tu retrouves un peu du courage de Gryffondor et assumes ce que tu as engendré. Demain tu iras parler à Drago et ce sera une des choses les plus difficiles que tu auras eu à faire depuis des années. Se sera même la chose la plus dure que tu auras jamais à faire. Mais tu le feras car tu risques de te perdre sinon.
Maintenant, tu vas aller te coucher, je vais t'apporter une potion pour que tu te sentes mieux. Puis tu dormiras.
Demain est un autre jour. »
Harry voulait répliquer. Mais il n'avait aucun argument. Il savait parfaitement que Ginny avait raison et que la seule chose sensée à faire était de parler à Malfoy. Mais il lui semblait qu'il n'avait aucune prédisposition pour les choses sensées.
Il avait peur, il était malade dans son corps et dans son cœur. Et il était différent.
Son esprit était affolé. Il ne comprenait plus rien.
Il s'était déjà senti mal à l'aise, il s'était déjà senti dépressif ou seul ou morose ou mélancolique.
Là il se sentait juste paumé. Il ne savait vraiment pas ce qu'il devait faire.
Penser à tout cela lui procurait un affreux mal de crane et il ressentait un pincement dans la poitrine. Il était pris de bouffé de chaleur, de panique où son cœur battait la chamade. Il ne savait plus le bien ou le mal. Penser à Drago lui donnait l'impression d'une immense tornade qui grandissait dans sa tête.
Quand Ginny revint avec la potion il la but, bien décidé à lui dire qu'il ne devait pas aller le voir le lendemain, en lui disant que cela n'était pas la chose à faire alors même qu'il se rendait compte que c'était la meilleure solution., seulement parce qu'il avait peur.
Il avait mal aux yeux. Il ferma ses paupières un instant.
Quelque chose faisait du bruit. Il était encore dans des brumes obscures à courir après quelque chose ou quelqu'un quand il entendit ce bruit.
Il ouvrit les yeux.
La pièce était claire.
Il tourna la tête vers la fenêtre et vit les rideaux ouverts sur une journée froide, silencieuse et blanche. Il attrapa un oreiller et l'écrasa sur sa tête pour mieux se cacher.
« Debout! Il est 8 heures »
Harry ouvrit ses paupières derrière l'étoffe dans un regard d'étonnement.
La voix fluttée et charmante de Ginny lui chantait un merveilleux matin alors qu'il ne voyait rien d'attrayant ou d'agréable dans ce jour qui commençait.
Il avait mal à la tête, il se sentait endormi, il avait mal au cœur, et un vague sentiment de panique ne le lâchait pas.
« Allez, file à la douche, je te sers un café »
Harry se releva sur ses coudes et regarda la jeune fille faire apparaître une cafetière sur la table à liqueur de sa chambre, entre les deux fauteuils.
Il ne bougeait pas.
Au bout d'une minute elle le regarda. Il restèrent là sans rien dire.
« Qu'est ce que tu attends? » Finit-elle par lâcher alors qu'elle se dirigeait vers lui.
Elle s'approcha de lui, le prit par le bras et le força à se lever.
Une fois debout, il se rendit machinalement vers la salle de bain.
En entrant, il vit la cuvette qui lui rappela ses expérimentations éthyliques de la veille... ou de l'avant-veille...
Il se déshabilla et entra dans la douche. Il désirait rester couché et se terrer chez lui mais il lui semblait avoir perdu toute capacité de réflexion et faisait seulement ce que lui disait la jeune femme sans réellement se poser de questions.
L'eau bouillante qui rougissait sa peau lui faisait tout oublier. La buée dense et chaude autour de lui le plongeait dans un brouillard salvateur comme s'il se trouvait ailleurs. Les volutes apaisaient son âme. Il aurait voulu rester sous le jet fumant pour toujours. Il se sentait bien, comme rarement. Une seule fois il s'était senti mieux...
Un appel depuis la chambre lui parvint comme un coup de massue dans un vitrail fragile. Il devait avouer qu'il était parfaitement réveillé et propre.
Il sortit à regret et quitta son cocon aquatique avec difficulté.
Il s'essuya. Passa le boxer et le pantalon noir, le t-shirt gris, le pull bordeaux et la robe d'un gris intense et sombre qui se trouvaient là, pliés avec soin sur la chaise bleue. Harry se demanda si Ginny avait préparé ses affaires.
Il retourna dans la chambre où il savait que la jeune fille l'attendait.
Elle l'accueillit avec un sourire. Il se sentit mieux, mais pas encore bien.
Il s'assit. Il était agité. Il aurait voulu ne jamais quitter cette chambre, cet appartement et son passé.
Si Ginny n'avait pas été là c'est ce qu'il aurait fait. Oubliant tout. Il songeait déjà à quoi pourrait ressembler une vie d'ermite, retirée du monde. Il s'imaginait avec une barbe de vieux sage, une robe de sorcier rapiécée en train de crier sur les enfants approchant la maison pour leur faire peur. Ginny parlait. Il ne l'entendait pas, le bruit sourd de ses valves cardiaques couvrait tout, et les paroles de la jeune fille et ses pensées.
« ...d'ailleurs Drago a droit à une explication. »
Harry la regarda. Estomaqué. Il ne pouvait pas répondre. Pas qu'il eut su quoi dire s'il en avait eu la possibilité mais il ne le pouvait physiquement pas.
Il avala son café pour combler le silence et se donner une contenance. Il était amer et fort.
Neuf heures moins le quart sonna à la grande horloge du salon. Ginny se leva. Il l'observa dans un regard de panique. Il savait que le moment était proche où il devrait partir. Où il devrait affronter ses collègues, où il devrait braver son supérieur, où il devrait reprendre ses obligations où il les avait laissées, où donc il devrait revoir Drago et trouver au fond de lui le courage de lui parler, de supporter sa haine. Et il se sentait battu d'avance.
Neuf heures moins dix. Ginny lui tendait sa cape. Il se mit devant elle, se mit dos à elle pour passer le vêtement qu'elle tenait grand ouvert devant lui, puis il se retourna vers son visage radieux. Elle souriait et ses yeux étaient pleins d'espoir. Il lui offrit ce qu'il espérait être un sourire mais qu'il soupçonnait n'être qu'une faible grimace. Il s'approcha lentement d'elle et déposa un long baiser sur sa joue. Sans un mot il transplana au ministère.
Alana ne lui dit rien et fit comme si de rien n'était. Maugrey lui passa un savon en bonne et due forme, lui promettant que s'il disparaissait encore comme ça il espèrerait n'être que renvoyé. A la fin de la « discussion », Fol-œil lui colla dans les mains l'autorisation de perquisition qui avait guidé ses pas ce jour là. Il la regarda comme si elle avait été le destin incarné, une quelconque bombe prête à exploser ou une incongruité remarquable.
« Un problème Potter » aboya Maugrey.
Harry releva vivement la tête et fit face à la fureur à peine retombée de son « chef ». Il détala alors sans demander son reste. L'homme avait assurément un don pour se faire respecter et inspirer la peur. Et alors même que Harry était un des sorciers les plus puissants que le siècle ait connu et le seul qu'il connaîtrait sans doute, sûrement plus que Maugrey, Harry se sentait comme un gosse face à lui et lui obéissait sans sourciller.
Dans les couloirs glacés, il marchait lentement. Trop pour un jour où il faisait si froid.
Il avait perdu depuis longtemps la capacité de penser et il avançait par automatisme vers le bureau très officiel du juge d'instruction Drago Malfoy.
Il se demanda si la magie pouvait avoir pour effet de faire bondir son cœur hors de sa poitrine. Bien sûr chez les moldus ce n'était qu'une image mais là il se demanda si ça n'était vraiment pas possible.
Une boule grandissait dans sa gorge, son cœur se serrait et était presque oppressé, à l'étroit dans la cage thoracique, subitement fort étroite de Harry. Il sentait le sang battre à ses tempes, ses mains trembler, des bouffées de sueurs froides l'envahir et détremper son dos.
Il fit demi-tour trois fois. Mais dès qu'il tournait les talons la voix douce de Ginny vrillait son esprit et envahissait sa tête. Il savait qu'elle avait raison mais ce la ne le rassurait pas pour autant. Il regardait le papier presque froissé dans ses mains et voyait le visage mutilé de Maugrey qui criait qu'il devait assumer ses responsabilités, que tous comptaient sur lui et qu'il ne devait pas le décevoir.
Après un temps certain, il finit par se retrouver devant la porte épaisse de bois sombre.
Il frappa faiblement, avec fébrilité et sans la moindre conviction. Ses yeux piquaient, il avait peur et son rythme cardiaque avait entrepris une course effrénée qu'il n'était pas sûr de pouvoir stopper.
Il espéra qu'il ne répondrait pas. Il n'aurait plus alors qu'à retourner d'où il venait et à demander à Alana d'y aller la prochaine fois.
Mais un son faible le pria d'entrer.
Il poussa la porte, qui lui paru affreusement lourde, avec résignation.
Il entra, la tête basse, traînant les pieds. Il pris une grande inspiration pour commencer le speech qu'il n'avait pas préparé. Il leva la tête et...
Et là il vit un jeune homme d'environ trente ans, châtain aux yeux marrons, très grand, l'air gauche.
« Oui ? » dit l'homme.
Harry resta interdit.
L'homme releva la tête des documents qu'il semblait chercher.
« Oh! Bonjour Mr. Potter. Je vous en prie, entrez! Que puis-je pour vous ? »Demanda-t-il très poliment et visiblement très enthousiaste.
« Où est Drago ? » Dit-il très désappointé. Il n'avait pas pris le temps de saluer, d'être poli et de respecter les convenances. Il était déçu.
« Mr. Malfoy a pris quelques jours de congé. Je le remplace. Je suis Mr. Bear. »Dit l'autre avec une joie exagérée. Harry prit la main qu'il lui tendait mais était abasourdi. Il la serra sans conviction alors que l'autre ajoutait.
« C'est avec moi que vous traiterez », appuyé par un sourire agaçant.
« Quand revient-il ? »
« Pardon? Oh! Mr. Malfoy? Je ne sais pas, il a prit un congé d'une durée indéterminée. Je vois que vous avez quelque chose pour moi » conclu le remplaçant sur un ton toujours aussi exaspérant.
Harry lui tendit le parchemin. L'autre parla. Il ne sut pas ce qu'il disait. Il n'était plus là. Il se demandait où était Drago. Et pourquoi partir. Il n'avait rien fait de mal lui. Détestait-il Harry à ce point ? Il avait pourtant dit qu'il le trouvait sexy... Harry s'étonna de se souvenir de ce détail. Cela l'avait peut-être plus marqué qu'il ne le pensait, qu'il ne l'aurait voulu.
Drago lui en voulait-il tant qu'il l'évitait ? Oui cela était indéniable... Il commençait à comprendre à quel point il lui avait fait du mal. Mais alors pourrait-il lui pardonner ? Et que devait-il faire maintenant ? Attendre de le rencontrer quand il reviendrait ? Il allait bien devoir revenir à un moment ou à un autre...
« Mr. Potter ? Mr... » Harry se rendit compte que l'homme l'appelait, planté devant lui, lui tendant le parchemin.
Il ne vérifia pas la signature et sortit dans un geste plein de magnificence et de volutes brumeuses de sa robe.
Il était perdu dans ses pensées quand il arriva aux ascenseurs. Les portes métalliques s'ouvrirent et il se prit à chercher quelque chose ou quelqu'un dans ceux qui sortaient de l'appareil.
Il passa le reste de la journée à guetter, à dresser l'oreille et à surveiller l'entrée. Il savait que jamais Drago ne mettrait les pieds au département des aurors, mais il ne pouvait s'empêcher d'avoir le cœur qui faisait une embardée à chaque fois que quelqu'un passait la porte.
Les heures lui paraissaient durer une véritable éternité. Il était ailleurs et n'entendait qu'à demi ce que lui disaient ses collègues. Il répondait à peine aux signes de tête ou aux « bonjours » amicaux de ceux qu'il croisait dans les couloirs.
Il resta anormalement tard au bureau et se trouva bientôt seul dans le département. Pour rattraper son retard prétexta-t-il. Pourtant il ne travailla que très peu. Il resta plus de deux heures penché sur un dossier, à la page 7.
Il pensa beaucoup. Il ressassait tout ce qu'il s'était passé depuis ce soir là. Il entendait sans cesse les paroles de Ginny : « Drago a droit à une explication... » un sourire désabusé lui vint instantanément alors qu'il se disait qu'il n'en avait pas. Il ne savait pas lui-même ce qu'il s'était passé. Enfin, évidemment il le savait mais il ne savait pas pourquoi cela était arrivé.
Il avait aimé le sexe. Plus que ça encore, plus que jamais. Pourtant ce qui le gênait et le torturait ce n'était pas d'avoir baisé Drago Malfoy, son ennemi d'enfance.
Ce qui le gênait, et il allait devoir se l'avouer tôt ou tard, c'est qu'il avait aimé faire l'amour avec Drago Malfoy.
Il en ressentait mille fois plus de satisfaction, mille fois plus de douleur, mille fois plus de bonheur, que dans cette haine habituelle qu'ils distillaient d'ordinaire.
Elle ne lui semblait plus être qu'un sentiment pâlot, une drogue de substitution à peine assez forte pour relancer son cœur. Il effleurait cette idée qu'au fond de son cœur il comprenait Drago, il l'enviait, il le désirait, et peut-être plus encore...
Hedwige vint se poser devant lui. A sa patte un mot. Ginny. Elle s'inquiétait. Harry enfourna son dossier dans un des tiroirs du bureau et transplana.
La jeune fille l'attendait chez lui. Elle appela Dobby et lui demanda d'apporter le repas.
Harry était si las.
Il lui raconta dans les détails sa journée. L'absence de Drago, l'attente, la tristesse, la fatigue, la peine.
Ginny resta silencieuse. Qu'aurait-elle pu répondre ?
Elle lui conseilla d'écrire à Drago pour lui expliquer, pour qu'il lui pardonne. Harry acquiesça. Puis il dit qu'il était fatigué. Elle répugnait à le laisser seul mais il lui dit qu'il avait besoin de cette solitude. Il lui promis de ne rien faire de stupide et de l'avertir s'il se sentait mal ou avait besoin de parler.
Il ne toucha pas au repas et se coucha immédiatement.
Sa nuit se teinta d'un sommeil sans rêve.
Il se réveilla à 6h mais ne pouvait pas rester chez lui à tourner en rond. Il se rendit au ministère à 7h. Et toute la journée il guetta un signe de la présence de Malfoy. Il rôdait autour de son bureau ou soudain pris d'un mouvement de panique à l'idée que Drago pourrait le chercher près du département des aurors, il retournait, courant presque, se poster à sa place. Ce soir là encore il partit tard.
Treize jours. Ce manège dura treize jours. Treize jours durant lesquels Harry cru devenir fou. Il songea qu'à ce rythme son cœur allait le lâcher.
Il était à peu près quinze heures ce treizième jour quand il leva la tête comme il l'avait fait cent fois déjà à l'entrée de quelqu'un.
Il vit Hermione s'avancer vers lui. Il n'avait pas envie de parler et préparait déjà une excuse à lui servir. Il se sentait coupable de faire cela. Elle était son amie et il pouvait lui faire confiance pour lui parler de ce qu'il avait sur le cœur. Pourtant il ne le désirait pas.
Quand elle ne fut plus qu'à quelques pas toutes ses idées de fuite le quittèrent. Elle avait le visage grave et son air épanoui de femme enceinte faisait place à des traits tirés et soucieux.
Elle ne le salua pas et annonça d'un air grave mais déterminé : « Harry il faut que je te parle. Je ne sais pas si raison de faire cela mais je crois que tu es le seul à pouvoir trouver une solution à tout cela. »
Il se leva et la suivit sans un mot.
Elle le mena dans son bureau. Il semblait y faire si froid. Ou était-ce le regard empreint de tristesse de son amie qui lui donnait cette impression ?
« Harry » commença-t-elle sans préambule. « Tu ne voudras peut-être pas entendre ce que j'ai à te dire mais il s'agit de Drago Malfoy »
Harry sentit ses jambes se dérober sous lui et se laissa tomber dans le premier siège à sa portée.
« Je sais que vous avez des rapports conflictuels et tu ne voudras peut-être pas m'écouter mais... »
Il ne pouvait toujours rien dire et se demanda si une fois dans son existence il serait capable de rétorquer quoique se soit en face de l'une des femmes de sa vie. Il avisa que non. Il avait d'abord cru qu'il lui était arrivé quelque chose au jeune homme et un cri sourd, de panique avait envahi son estomac.
Mais là il comprenait qu'Hermione était au fait de problèmes ou de confidences qu'il n'imaginait pas.
Il était donc là assis dans ce bureau immense et froid, face à une amie au regard soucieux et mélancolique, et son cœur battait à tout rompre. Au fond de lui se préparait un liquide glacé prêt à se répandre dans la moindre parcelle de son corps et cela il le savait.
Il savait que ce qu'il allait entendre allait le blesser.
Sa voix tremblait, elle commença, dans un murmure, lui dit qu'elle s'était rapprochée de Drago. Elle se sentait coupable et elle voulait l'aider avait-elle dit. Elle n'avait rien ajouté de plus et il n'avait rien demandé.
Elle lui dit avoir eu plusieurs conversations avec lui, avoir partagé bien plus de silences, avoir écouté sans broncher, sans curiosité, sans question. Elle guettait les réactions de Harry, mais lui restait impassible, focalisé sur ce liquide au creux de son ventre, au plus profond de ses entrailles.
Elle lui dit que quelque chose s'était passé.
« Il y a une dizaine de jours. Il a pris un congé indéterminé sans en avertir personne que ses supérieurs. J'étais inquiète et je suis allée le voir. Je l'ai trouvé chez lui. Il m'a accueilli avec un air serein et un sourire. Trop amical pour que ça sonne vrai... » finit-elle d'un air sombre.
« Nous avons parlé de choses et d'autres. Puis nous avons parlé d'Olivier Dubois et là son visage a changé du tout au tout. Il a dit qu'ils n'étaient plus ensembles. Je lui ai demandé si ça allait. Il a répondu qu'Olivier n'était qu'une passade et qu'il ne l'aimait pas et que tout allait pour le mieux.
Pourtant sur son visage se déchaînait une gamme d'émotions que je n'avais même pas imaginé apercevoir se dessiner chez lui.
Harry je le crois quand il me dit qu'il en a fini avec Dubois mais je ne le crois pas quand il dit qu'il va bien. Et si j'en crois l'inquiétude de Ginny à ton sujet, je crois que tout cela a à voir avec toi. Que s'est-il passé ? »
Harry avait les yeux rivés au sol, sombre, il était au bord d'exploser, au bord des larmes, au bord du désespoir. Il articula avec une voix d'outre-tombe « que t'a-t-elle dit ? »
« Rien ! Elle n'a rien voulu me dire ! Elle a dit que c'était à toi de régler ça. Mais Drago a l'air si perdu, si désappointé. Et au vu de ta réaction, il a dû se passer quelque chose de grave. »
« Il s'est passé que je lui ai fait du mal. Que je suis égoïste, que j'ai cru qu'il pourrait ne plus me détester. Qu'au lieu d'essayer de le comprendre, je me suis laissé emporter par mon stupide tempérament de Gryffondor.
Il s'est passé que je n'ai pas pu m'avouer que je l'aimais parce que je suis trop aveugle et égocentrique. Il s'est passé que je viens de comprendre à la fois que j'aime Drago Malfoy et que lui me déteste profondément. »
Harry releva la tête, les yeux pleins de larmes, il riait aux éclats. D'un rire cristallin, d'un rire de dément, d'un rire franc et sans fondements, sans espoirs. Ses cheveux noirs entouraient un visage pâle et fatigué. Ses yeux cernés de noirs transfigurés par une lueur folle faisaient peur à la jeune femme. Il avait l'air à bout, épuisé et mortellement déterminé.
Alors il se leva et sortit sans un mot. Laissant une Hermione choquée.
La jeune femme ne put le suivre, elle ne pouvait bouger. Pour une fois, elle ne comprenait pas.
Elle resta assise dans son bureau un certain temps. Le temps de rassembler tout ce qu'elle avait entendu, de le digérer, de l'analyser, de le comprendre.
Quand son raisonnement arriva à son terme, elle comprit que Harry et Drago étaient en train de se perdre et de se détruire alors qu'ils étaient chacun la solution de l'autre pour enfin avancer.
Elle eut peur pour Harry et se lança en courant presque à sa recherche, vers le département des aurors.
Quand elle arriva, on l'informa avec déférence que Mr. Potter était parti en mission. Elle ne savait pas si elle était rassurée, mais il n'était pas seul et il avait l'esprit occupé.
Elle décida qu'elle devait voir Drago.
Drago était dans son jardin d'hiver. Il taillait avec grâce et précaution, des plantes rares qui servaient sa passion pour les potions.
Son elfe de maison lui annonça que Mrs. Weasley désirait le voir.
Drago lui dit de la faire entrer et de servir du thé.
Quand la jeune fille entra, il s'excusa de la recevoir dans cet endroit, mais il ne pouvait s'interrompre.
Il avait l'air si paisible, si calme et si détaché. Et Hermione avait l'air si torturée, si inquiète, si concernée.
L'elfe entra avec le thé et Drago se tourna enfin vers la jeune femme qui se tortillait sur son siège. Et il sut que quelque chose n'allait pas. Hermione n'avait jamais posé de questions et était toujours très calme, à l'écoute et compréhensive. Là elle était agitée et anxieuse.
Drago pensa que quelque chose était arrivé à Harry et bizarrement son cœur se mit à battre plus vite à cette idée.
Il déposa ses sécateurs et pris un siège face à elle, l'air grave.
Elle baissa les yeux et sans préambule lui dit que quelque chose s'était passé avec Harry. Qu'elle avait peur pour son ami mais qu'elle avait peur pour lui aussi.
Drago resta bouche bée.
Elle lui dit qu'elle voulait l'aider et qu'elle ne pouvait se permettre d'attendre qu'il soit prêt. Elle lui dit qu'elle les sentait au bord du gouffre, prêts à tomber.
Drago venait de prendre un énorme coup de massue sur les épaules. Il avait essayé pendant ces quelques jours d'oublier tout cela. De ne penser qu'à ses plantes, ses potions.
Seulement, il n'y parvenait pas. Et là il savait qu'Hermione ne le laisserait pas s'en sortir à si bon compte. Il allait devoir en parler. Il ne le voulait pas. Il savait que se serait mieux, plus raisonnable, une attitude plus adulte, mais il se refusait à y penser.
Mais à quoi bon ? Oui à quoi bon refuser de lui en parler ? Il avait cela en tête sans cesse. Il s'était posé mille questions. Sur les motivations de Harry, sur ce qu'il pensait à présent, sur ce qu'il avait ressenti. Lui même ne savait pas ce qu'il ressentait. Il avait horriblement peur de perdre ses repères. Il avait une peur horrible.
« Drago, je... »
« Ton héros m'a culbuté sur le sol de mon bureau. » Lâcha-t-il laconiquement.
Hermione fut surprise. Non surprise était un doux euphémisme. Elle était abasourdie.
« Il m'a crié qu'il voulait me tuer. Il m'a frappé. Je voulais le frapper aussi. Je voulais tant de cette haine. Je voulais un ennemi, un but, quelque chose. On s'est battu. Très violemment. On s'est retrouvé à terre. Et sans que je comprenne, il m'a embrassé. Et je me suis débattu, je lui ai crié d'arrêter. Je ne voulais pas. »
« Tu veux dire qu'il t'a... » le coupa Hermione
Drago réfléchit. Pouvait-il vraiment dire ça ? Il devait avouer qu'il n'avait jamais connu quelque chose d'un tant soit peu approchant. Il n'avait jamais connu une telle intensité dans le sexe. Il avait eu envie qu'il le prenne, il avait rêvé de ce moment toutes les nuits depuis.
« Non » finit-il par répondre.
« Drago pourquoi es-tu si malheureux ? Tu regrettes tant que ça ? Est-ce que tu détestes Harry tant que ça ? »
« Oui ! Bien sûr que je le hais ! Et je le déteste encore plus depuis que... qu'il... » cria Drago en se levant.
« Il a tout ruiné ! Il a détruit tout ce que j'avais ! Je le déteste »
« Qu'a-t-il détruit ? Il n'est pas responsable de la mort de Rogue ou de ta mère. Il n'est pas responsable de la solitude dans laquelle tu t'es enfermé. Pourquoi Drago ? Pourquoi lui en veux-tu autant ? » Répondit Hermione les sourcils froncés dans un cri proche du désespoir, la voix pleine de larmes.
« Je... Je ... Il a détruit tout ce que j'avais. La haine. La haine entre nous qui me faisait vivant. » Balbutia le jeune homme dans un tremblement.
« Drago, n'aies pas peur. Tu m'as dis toi-même que tu n'avais rien à perdre. Que risques-tu à perdre ta haine et à tenter autre chose ? »
Il ouvrit la bouche. Et ne trouva rien à répondre. Il n'avait même pas envisagé qu'il put y avoir autre chose. Il avait juste eu peur de perdre ce qu'il avait. Autre chose ?
Mais quoi ?
Il s'assit et se prit la tête dans les mains.
« Que ressens-tu réellement pour Harry ? Qu'as-tu éprouvé ce jour là ? Pourquoi considères-tu qu'il n'a pas... abusé de toi ? »
Le jeune homme réfléchit. Il avait eu peur, il avait paniqué. Puis il avait senti le désir, l'envie, le bien-être, la puissance, la plénitude, le bonheur. Oui le bonheur. Comme jamais il ne l'avait ressenti. Il pensait à Harry. Il pensait à son visage plein de tous ces sentiments. Il pensait à sa tendresse dans ses gestes, et à sa brutalité quand il en avait voulu. Il pensait à après. Aux mots qu'il avait refusé d'entendre. Que lui aurait-il dit s'il lui en avait laissé l'occasion ?
Il pensait à son odeur entêtante et merveilleuse après l'amour, à sa sueur merveilleusement chaude, à ses mains grandes et puissantes, à ses yeux pleins de haine et de détermination, puis plein de désir, puis de tendresse, puis... Il ne savait pas encore ce qu'il avait vu dans les yeux de Harry.
Puis il repensa à la tristesse du jeune homme, toujours un peu présente durant toutes ces années, qui l'avait touché et qu'il avait refoulé dans un coin de sa mémoire. Il se rappela son dévouement, ses sourires et de ses rires même.
Il avait été jaloux. Des sourires eux même ou du fait qu'ils ne lui soient pas destinés ?
Ressentait-il quelque chose pour le survivant ? Depuis si longtemps ? Etait-il donc si orgueilleux qu'il avait refusé de se l'avouer ?
Il analysait tout cela et ça le torturait.
Hermione coupa court à ses réflexions.
« Drago, je ne sais pas ce que tu ressens pour Harry mais je crois que tu devrais en parler avec lui. Ne me regarde pas comme ça. Je sais que se sera difficile. Mais pas insurmontable. Tu ne crois pas que vous avez perdu assez de temps comme ça ? Je sais aussi que tu dois te poser beaucoup de questions mais je crois que nous en sommes tous là. Je crois que tu n'as plus le temps de la réflexion. Je crois que tu devrais foncer. Il est temps d'agir enfin ! Drago je crois que vous n'avez plus le temps dont tu crois avoir besoin. »
Drago ne dit rien. Il sentait l'urgence dans sa voix, il sentait qu'elle s'angoissait monstrueusement. Il se demanda si c'était justifié. Il connaissait depuis peu la jeune femme, enfin réellement...
Cela ne faisait pas longtemps qu'il la côtoyait vraiment.
Sa peur était-elle justifiée ?
Il voulait crier ! Il voulait s'endormir ! Il n'en pouvait plus. Tout cela faisait trop, en trop peu de temps. Ces idées tournaient dans sa tête comme un maelström effroyable.
Il la sentit s'approcher, s'agenouiller devant son fauteuil, relever son menton, enrouler ses bras autour de ses épaules et le serrer contre elle. Il sentit la chaleur, la douce odeur de vanille et d'amande, la peau douce de sa joue. Il se sentit mieux.
« Je vais aller voir Harry »
Les mots étaient sortis tout seuls. Ils l'effrayaient mais ne les regrettait pas.
Et Hermione ne rompit pas l'étreinte. Il aurait presque pu l'en remercier car il lui en était reconnaissant.
Il n'était toujours pas sûr de lui mais il se sentit soulagé.
Puis ils se séparèrent.
Hermione fit apparaître un parchemin, une plume et écrivit de sa magnifique écriture structurée et régulière.
Puis elle tendit le papier à Drago
« Voici l'adresse de Harry. Je crois que tu devrais y aller dès ce soir. Hmm, il est bientôt dix-huit heures, il sera bientôt chez lui je pense. Je vais aller au ministère vérifier. »
Le cœur du jeune homme battait la chamade et il semblait plus pâle que jamais. Hermione lui prit la main et déposa un baiser sur sa joue.
« Courage » souffla-t-elle avant de repartir.
Cela faisait près d'une heure qu'il attendait l'appel d'Hermione. Il s'était changé et avait avalé pas loin d'un litre de thé. D'habitude le Darjeeling le calmait toujours... Il était nerveux. Lui, Drago Malfoy était nerveux comme un gamin idiot.
Il revint dans le jardin d'hiver et raviva le feu pour réchauffer cette froide nuit d'hiver. Il commença alors à tailler ses plantes. Ses gestes étaient maladroits, grossiers. Il coupa par inadvertance la fleur en bouton d'une plante rare. Il se morigéna et s'impliqua plus dans ce qu'il faisait.
Au fur et à mesure qu'il reportait toute son attention à son occupation ses mouvements gagnaient en virtuosité. Il était tout à ce qu'il faisait et semblait ne plus penser à rien. Ce qui était bien le cas. Il dégageait une aura puissante, ses yeux concentrés, son visage impassibles étaient d'une beauté à couper le souffle. Le froid même ne semblait plus l'atteindre. Dehors il faisait nuit noire et les vitres de la serre laissaient percer les faibles lumières des trop rares étoiles qui constellaient le ciel. Le silence et le froid s'étendaient et pourtant Drago, concentré, paraissait brûler d'un feu intérieur.
Un elfe, arriva en courant, informant son maître d'une communication. Il sortit de son application, et mit quelques secondes à réaliser. Puis il se précipita avec une allure toute aristocratique. Rapide mais pas empressée, mesurée.
Drago rentra se retrouvant dans le salon et vit la tête de sa nouvelle amie sortir de l'âtre dans un halo vert.
Il s'assit sur le sofa devant la cheminée.
« Il est rentré. Il y a une heure. Il n'est pas repassé par ici. Désolée que tu aies dû attendre si longtemps. Tu vas y aller ? »
Drago regardait le sol, les mains jointes, les yeux fermés.
« Oui » répondit-il d'une fermeté qui le surpris lui-même. Pas qu'il ne sut maîtriser les inflexions de sa voix mais du fait que cette fermeté était sincère.
« Bon courage » murmura Hermione avant de disparaître du foyer.
Drago se leva. Regarda la vieille horloge. Vingt heures... Il se rassit. Son cœur battait trop vite. Il ne pouvait pas y aller. Que trouverait-il là-bas ? Que lui dirait Harry ? Il remarqua que ce n'était plus Potter mais Harry. Et cela lui semblait pourtant naturel.
Il se releva, se dirigea vers la porte d'entrée. Il s'apprêtait à prendre sa cape quand il suspendit son geste. Et si Harry ne voulait pas lui parler. Et s'il se trompait.
Non ! Son cœur ne pouvait pas le tromper. Pour une fois il l'écouterait. Et puis il n'avait plus quinze ans !
Il attrapa sa lourde cape de laine noire d'un geste vif et la fit passer sur ses épaules avec élégance. Il attacha le lien d'argent et transplana. L'horloge sonnait la demie...
