Le descendant des Relcias.
Chapitre un : le pensionnat et la lettre.
La nuit gouvernait encore à l'extérieur lorsque le bruit résonna. Trois grands coups frappés à la porte tirèrent de son sommeil le jeune garçon endormit. Sa première réaction fut de regarder le réveil à côté de son lit. Quatre heure du matin.
-Lève toi, bon sang de feignant !
Maudissant comme tous les matins son statut d'orphelin, William se leva avec un bâillement étouffé. Il passa en vitesse un pantalon de toile que lui avait donné son « père » et une chemise à carreaux, qu'il trouvait plus laide chaque jour qui passe. Il ouvrit ensuite les volets et laissa entrer la lumière naissante du jour. Le soleil inonda sa chambre de toutes les couleurs vives et chaudes d'un lever de soleil, baignant le sol de orangé. Il laissa alors son esprit vagabondé à l'extérieur. Que ne donnerait il pas pour quitter à tout jamais cette maison de fou où on l'obligeait à travailler comme un esclave afin de payer ce qu'il mangeait. Pourtant, il ne mangeait presque rien, et ne coûtait pas grand-chose en affaires personnelles. Sa chambre était sobre, les murs dénudés. Will était un jeune garçon de onze ans tout ce qu'il y a de plus normal. Il était plutôt grand pour son âge et sa silhouette élancée, accompagnée par ses vêtements trop amples, lui donnait une allure de jeune sous nourri. Pourtant, il mangeait à sa faim. Il n'avait pas un gros appétit voilà tout. Il s'approcha de la bassine de pierre qui trônait sur un des rares meubles de la chambres et se nettoya en vitesse le visage, de façon à effacer toutes traces de fatigue. En relevant la tête, son regard tomba sur le miroir fêlé qui ornait le mur. Quelle misère ! Il ne ressemblait vraiment pas à grand-chose. Ses cheveux bruns coupés courts retombaient en une courte franche sur son front, juste au dessus de ses yeux, d'une couleur bleu clair. Trois nouveaux coups frappés à la porte le tirèrent de sa rêverie. Il se résigna à devoir descendre de nouveau pour aller travailler dans les cuisines. Il se glissa hors de sa chambre et passa dans le couloir sans faire de bruit. Il savait que si jamais il avait le malheur de réveiller un des pensionnaires, il aurait de sacrés ennuis. Il descendit ensuite l'escalier de bois, faisant craquer la dernière marche sous son poids, comme chaque matin. Il arriva enfin dans la cuisine, où il devait travailler. Toute sa vie, Will l'avait passé là, dans cette cuisine sale. Le sol carrelé était craquelé un peu partout et il n'avait jamais eu fière allure. Son seul ami ici, dans cette pension, c'était Berni, le cuisinier. C'était lui qui lui avait appris tout ce qu'il savait et qui lui avait permis de résister à tout ce qu'il avait subi. Pourtant, aujourd'hui, Berni n'était pas là. A sa place, un nouveau venu. Celui qui l'avait tiré du lit aux aurores.
-Enfin te voil ! Bon écoute moi bien mon gars. A partir d'aujourd'hui...
-Où est Berni ?
Le nouveau cuisinier gonfla la poitrine d'indignation.
-On ne m'interrompt pas !
-D'accord mais où est Berni ?insista Will.
-Renvoyé.
-Quoi mais pourquoi ?
-Ca ne te regarde pas. A présent, tu vas bosser comme jamais où il t'en cuira, comprit ?
Will acquiesça d'un signe de tête, peu convaincu.
-On dit oui monsieur Angeli.
-Oui monsieur Angeli, répéta Will.
Visiblement très fier d'avoir amadoué son marmiton, le nouveau chef cuistot, se retourna et commença à décrocher une casserole. Il l'écrasa ensuite sur le torse de Will qui tomba à la renverse.
-Allez tu vas me récurer toutes ces casseroles. Elles sont sales.
-Je l'ai lavées hier, dit Will.
-Et ben tu vas recommencer!
Will fit la moue.
-Ce bon à rien de Berni t'a laissé trop de libert ! Au boulot !
La colère commençait à monter en Will.
-Berni n'est pas un bon à rien.
-Berni n'est pas un bon à rien au boulot j'ai dit !
Cette fois c'était trop ! Cet inconnu le méprisé sans le connaître et il insulté son meilleur ami, en plus ! Will jeta la casserole sur le sol, fulminant de colère.
-Vous n'êtes qu'un sombre abruti! Comment pouvez vous juger des gens que vous ne connaissez même pas ?
-Je dis ce que je veux, d'accord morveux ?
Will bouillait à présent. Une théière siffla et Mr Angeli se précipita pour la retirer du feu. Comme Will aurait voulu qu'il se brûle ! Au lieu de ça, la bouilloire lui explosa au visage et Will en profitant pour quitter la cuisine, tandis que le cuistot cherchait à l'aveuglette l'évier pour se passer de l'eau froide sur le visage. Le jeune homme monta dans sa chambre. Il ouvrit la petite armoire de bois qui lui servait de penderie et prit les quelques affaires qu'il possédait pour les jeter dans la petite valise qui était sous son lit. Sur le rebord intérieur était brodé les lettres W. R mais Will ne savait ce qu'elle représentaient. Probablement le W était l'initiale de son prénom, mais ne connaissant pas son nom, il ne savait pas ce qu'était le R. Il s'apprêtait à sortir quand la porte s'ouvrit à la volée, le cuistot hurlant de rage.
-William, à la cuisine !
-Non, cria Will. Je m'en vais. J'en ai assez ! Poussez vous !
Mais l'homme, massif, refusa de libérer le passage.
-Poussez vous ou sinon...menaça Will.
-Sinon quoi, crevette ?
Il était vrai que du haut de ses onze ans, Will ne pouvait pas grand-chose face à cette armoire à glace qui lui barrait le passage. La rage recommençait à monter en lui.
-Poussez vous ! hurla-t-il.
Le gros bonhomme sembla alors projeté en arrière, et il alla s'écraser dans le mur, en face de la porte. Will sortit alors que les pensionnaires commençaient à se lever pour voir qui faisait ce raffut. Il descendit les escaliers, et se retrouva devant la porte principale. La directrice la fermait chaque soir, comment avait il pu oublier ça ? Il ne pouvait pas revenir en arrière en disant qu'il avait oublié la clef ! Mais alors qu'il s'approchait, elle s'ouvrit à la volée et il sortit du pensionnat, enfin libre de faire ce qui lui plaisait.
Il marcha encore pendant une vingtaine de minutes dans l'air frais du matin, traînant sa valise derrière lui. Au fur et à mesure que sa colère diminuait, une nouvelle sensation apparaissait. L'angoisse. Il avait fui mais il ne savait pas où aller. Il opta finalement d'aller chez Berni, quelques pâtés de maison plus loin. Il était déjà aller une fois, lors d'une journée de liberté. Lorsqu'il arriva chez son ami, après encore quinze minutes de marche, il sonna et attendit qu'on lui ouvre. Berni vint lui ouvrir, le visage encore endormi.
-Will ?! Mais qu'est ce que tu fais l ?
-Je peux entrer Berni ? Je me suis enfui.
Berni laissa entrer le jeune garçon et alla préparer deux tasses de café bien fort.
-Allez explique moi tout. Que fais un gamin comme toi dehors à cinq heure du mat' ?
Il laissa échapper un long bâillement et Will du attendre qu'il ait fini pour lui conter son histoire. Comment il avait découvert que Berni avait été renvoyé, que le nouveau chef cuistot était un monstre doublé d'un idiot et enfin, comment il avait quitté le bâtiment devant les pensionnaires ébahis.
-Et la porte n'était pas fermée ?
-Si justement. Mais elle a sauté quand je me suis approch !
-Alors ça signifie que...
Mais Berni ne termina pas sa phrase. Il s'enferma dans ses pensées et la curiosité de Will l'emporta.
-Alors quoi ?
-Tu le sauras en temps voulu. Pour le moment, je dois te cacher. La directrice va venir ici directement et si elle te trouve là, j'aurais de gros ennuis.
En effet, trois coups furent frappés à la porte à cet instant précis.
-Zut déj ! Tant pis. Reste là et ne bouge pas. Will le vit tirer de la manche de son pyjama un morceau de bois d'une quinzaine de centimètre et lui écraser sur la tête. Il sentit ensuite un liquide froid le parcourir, comme si on lui vidait une carafe d'eau sur la tête.
-Qu'est ce que...
-Chut ! dit Berni en se mettant un doigt sur la bouche. Garde bien ta valise à la main et ne bouge pas.
Trois nouveaux coups furent frappés et il alla ouvrir. La directrice entra, fulminante de colère, son visage violacé laissant apparaître une veine qui palpitait près de sa tempe. Will se tassa le plus possible, sans faire de bruit, mais ne bougea pas, comme le lui avait ordonné Berni.
-Je sais qu'il est ici, hurlait elle !
-Mais qui donc, dit Berni en imitant un bâillement interminable.
-William. Il s'est enfui et je sens qu'il est chez vous !
Le nouveau cuisinier l'accompagnait, couvert de plâtre et de suie.
-Fouillez la maison, lui ordonna-t-elle.
-Allez y je n'ai rien à cacher.
Après plusieurs minutes de recherches infructueuses, ils repartirent, en hurlant qu'ils se vengeraient. Will attendit que Berni revienne pour lâcher un grand soupir de soulagement.
-Ca alors ! Pourquoi ils ne m'ont pas vu ?
Berni ne répondit pas. Il lui écrasa de nouveau le bout de bois sur la tête et parti dans sa chambre pour en revenir quelques instants plus tard, une lettre à la main.
-Lit ça d'abord et je t'expliquerais ensuite.
Sur l'enveloppe de la lettre, une écriture ronde et de couleur vert émeraude indiquait :
Mr William Relcias
Chez Mr Berni Sintan
24, rue de l'horloge
Londres.
