ACTE 1
JamPony Xpress
2 semaines auparavant
8h13
La journée venait tout juste de commencer et les coursiers étaient déjà partis livrer les précieux paquets. Occupé à nettoyer son comptoir, Normal sifflotait tranquillement. Il portait encore une de ses chemises de mauvais goût, blanche à carreaux qui lui donnait un air coincé. Il faisait l'inventaire de la journée, tout en profitant du calme régnant. Qu'il était reposant ce silence, mais ce que Normal appréciait le plus, c'était de ne pas être en train de crier après cette bande de flemmards. Pourtant, en voyant tous ces paquets, qui attendaient d'être livrés, derrière lui, il ne put s'empêcher de maugréer après ses coursiers qui n'en fichaient jamais une. Sketchy revenait tranquillement de ses premières courses de la journée, il passa devant Normal qui lui lança :
- Déjà revenu ? Paquet à livrer, secteur 5 ! Fainéant ! lui fit sèchement Normal, en lui lançant le colis.
Surpris, Sketchy voulut rattraper le paquet en vol, mais lâcha du même coup le guidon de son vélo. Le pauvre se vautra lamentablement par terre, manquant de faire tomber Original Cindy qui arrivait juste derrière.
- Quel crétin tu fais. Tu crois que je te paie pour faire l'andouille ? Allez dépêche-toi, il y a encore des colis à livrer.
Sketchy se releva péniblement.
- Mais Normal ...
- Y a pas de mais. Bip Bip Bip ! Secteur 5 allez, allez plus vite que ça !
Original Cindy, qui venait d'assister à la scène, s'approcha de Normal, visiblement remontée contre lui.
- Vous croyez pas que vous y allez un peu fort ces temps ci avec nous Normal ?
- Un peu fort ? Madame trouverait-elle que son travail est trop pesant ?
- Ce n'est pas de notre faute si il n'y a pas assez de coursiers, ici, pour livrer dans les temps. Et en plus on est pas assez payé pour faire des heures sup.
Normal prit ses grands airs comme pour mieux se moquer d'elle.
- Ouh j'ai peur. Il y a assez de crève-la-faim dehors pour vous remplacer, bande de vauriens. La porte est grande ouverte tu sais !
Cindy s'éloigna du comptoir et retourna voir Sketchy qui regardait si son vélo n'avait pas été abîmé dans la chute. Sortant de derrière son local, Normal revint à la charge:
- Ah au fait, si vous voyez Max, dites-lui qu'elle est virée...
- Toujours des mots... soupira-t-elle.
Il s'éloignait déjà secouer un autre coursier qui venait de se planter devant la télévision.
- Merci Cindy. Heureusement que tu es là.
- Pas de problème. On est tous dans la même galère.
- Tu n'as toujours pas de nouvelles de Max ?
- Non aucune.
- Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle a disparu comme ça sans laisser de trace.
- Ouais, moi non plus. J'espère juste qu'il ne lui est rien arrivé.
- Vous parlez de Max ? demanda Herbal qui venait juste d'arriver.
- Ouais. On n'a toujours pas de ses nouvelles et ça nous inquiète.
- Écoutez votre cœur et vous saurez qu'elle reviendra.
- J'aimerais avoir ton optimisme, soupira Sketchy.
Herbal ne répondit pas, il fit un petit signe de tête tout en levant les mains et esquissa un léger sourire de façade avant de se diriger vers son casier. Normal qui repassait par là s'arrêta devant Cindy et Sketchy et d'un air impatient leur fit comprendre qu'il souhaitait les voir reprendre leur travail
- Bon, ben quand faut y aller, faut y aller. Tu vas où toi ? fit Cindy, résignée.
- Secteur 5 et toi ?
- Je te suis mon grand.
Avec la disparition de Max, l'ambiance à JamPony n'était plus la même. Bien que la solidarité entre tous les coursiers existait encore, le cœur n'y était plus. Tout le monde connaissait Max et elle était appréciée de tous et OC était visiblement la plus affectée. Sa meilleure amie venait de disparaître et connaissant son histoire elle ne pouvait qu'être inquiète. Ca commençait à faire long et elle craignait le pire... Un jour, elle avait même téléphoné à Logan pour avoir des nouvelles, mais la conversation avait tourné court car il n'avait pas très envie de parler. Même lui n'avait aucune nouvelle...
Ils repartirent finalement sur les routes de Seattle avec leurs paquets à livrer, mais Original Cindy avait la tête ailleurs : Où es-tu Max ?
Lundi
Appartement de Logan
8h15
Logan aurait préféré que le soleil ne se lève pas aujourd'hui. Couché sur son divan il était comme paralysé... Les yeux injectés de sang, il pleurait depuis des heures et ce depuis qu'il était sans nouvelles de Max... Elle s'était sacrifiée pour le sauver... Ils ne s'étaient retrouvés que le temps d'un baiser ; baiser qui avait d'ailleurs suffi à le contaminer du virus que Manticore avait injecté en Max à son insu pour qu'elle le tue dès qu'elle le toucherait. Elle avait foncé tête baissée vers le danger et tout ça pour lui. Manticore n'était plus... Mais quelle importance puisque sans Max, sa vie n'avait plus de sens. Il ne pouvait y croire, elle avait disparu avant qu'il ne puisse lui avouer ses sentiments. Un an passé à ses côtés et il ne le réalisait que maintenant... Il en était fou amoureux. Elle avait changé sa vie. Dès la première seconde, elle l'avait subjugué. Ils étaient devenus si proches qu'avec sa disparition c'était comme une partie de lui qui venait de mourir, et voilà qu'ils étaient à nouveau séparés. La douleur était encore plus insupportable que lors de la première disparition de Max. Les larmes perlaient le long de ses joues... Les premiers rayons du soleil vinrent éclairer son visage... mais rien n'y faisait, il ne pouvait bouger, tétanisé par le chagrin. Il demeura ainsi pendant plus d'une semaine. Cloué sur place, il ne se donnait même plus la peine de répondre au téléphone et ne sortait plus... Enfermé ainsi chez lui, refusant de voir qui que ce soit, signifiait qu'il se laissait mourir à petit feu...
Inquiet, car sans nouvelle de Logan depuis plusieurs jours, Bling décida d'aller chez lui pour savoir ce qu'il devenait et c'est là qui le trouva presque inconscient dans son appartement. Le médecin conclut à une importante déshydratation du jeune homme, qui visiblement ne faisait plus aucun effort depuis quelques temps pour se nourrir. Après de longues heures de discussion, sur son comportement des derniers jours et de comment aborder l'avenir, Bling parvint à convaincre Logan que rien était perdu et que la vie avait, même si cela était difficile à croire, encore un sens, et que le Veilleur devait continuer de lutter pour ceux qui comptaient sur lui. Le jeune homme ne pouvait pas continuer comme cela. Max n'aurait pas voulu qu'il se laisse mourir. Mais sans elle à quoi bon ? Pensa t-il. Malgré cela, la sensation qu'elle était encore en vie ne l'avait pas quitté. Les jours qui suivirent furent les plus pénibles. Assis devant son écran d'ordinateur, il n'avait aucune envie de replonger dans une enquête du Veilleur et ses pensées se retournaient sans cesse vers Max. Il revoyait les quelques photos qu'il avait d'elle. Sa Max adorée reviendrait, il en était persuadé. Et il devait tout faire pour la retrouver, peu importe les efforts et le prix à payer. Il redoubla d'ardeur dans ses recherches. Cette faible lueur d'espoir retrouvée était peut-être ce qui allait le maintenir en vie...
Les jours passés en investigations ne donnèrent rien et le désespoir s'étant emparé de lui, il sentait monter en lui une sorte de lassitude qui lui faisait perdre patience, le rendant parfois suicidaire. Un jour, Logan pensa : « Des jours et des jours de recherche et toujours rien. » En effet, ses investigations ne menaient nulle part. Malgré tous ses efforts pour retrouver Max, il n'avait toujours aucune piste, pas le moindre indice. Il avait beau harceler ses contacts et leur en demander toujours plus, mais en vain, il n'avançait pas. Manticore avait brûlé et ses ruines ne semblaient pas vouloir lui en apprendre davantage sur là ou pouvait se trouver Max à l'heure actuelle. Bling gardait un œil sur Logan, mais celui-ci ne réagissait plus à rien, il vivait en permanence sur son fauteuil roulant, la tête plongée dans ses bras sur sa table de travail ou alors dans son lit à regarder le plafond, lorsqu'il daignait bouger. Il s'enfermait dans sa chambre et ne mangeait plus. De temps à autres, Bling entendait des cris et des objets se fracasser dans l'appartement, parfois dans sa chambre, parfois dans son bureau. Bling essayait de le convaincre qu'il buvait trop et que ce n'était pas la solution à ses problèmes, mais en vain... Logan s'était convaincu de sa part de responsabilité dans le sacrifice de Max pour le sauver. Il erraitdans l'appartement tel un fou, sur son fauteuil roulant, la tête penchée, inexpressif. Cela ajouté à son teint blafard, et son regard fatigué, ça lui donnait un air plus vieux.
Une fois, alors que l'idée de suicide lui effleurait la tête, il rejeta sans ménagement Original Cindy qui, inquiète de son état était venue prendre de ses nouvelles... Il aurait voulu s'excuser, mais il n'en n'avait pas la force. Tout ce qui l'entourait n'avait plus aucun intérêt à ses yeux. Quittant son ordinateur, il gagna la salle de bains. Il ouvrit la petite armoire et prit une boîte de somnifères. Une ingestion massive pouvait le tuer et il le savait... mais si ça pouvait enlever cette horrible souffrance et le ramener auprès de sa bien aimée, alors il n'hésiterait pas... C'est alors qu'une sonnerie retentit. Logan pesta un court instant avant de reposer la boîte et se dirigera vers le téléphone. Il le regarda fixement, sans pour autant le décrocher. Peut-être trouvait-il étonnant que quelqu'un tente de le joindre, ou peut-être imaginait-il que c'était Max. Une chose était certaine, il ne répondrait pas. La quatrième sonnerie venait de s'achever, lorsque la main de Bling passa devant ses yeux pour décrocher le combiné.
- Allô! Logan? C'est Matt Sung.
- Salut Matt, désolé c'est Bling là.
- Salut Bling. Est ce que Logan est là ? Tu pourrais me le passer ?
- Pas de problème. Ne bouge pas, je te le passe.
Bling tendit alors le combiné à Logan. Il s'attendait à nouveau à un geste de mépris de Logan à son encontre, mais au lieu de ça il prit le téléphone et répondit d'une voix hésitante :
- Salut Matt.
- Logan ! Je tenais à te dire à quel point je suis désolé pour ton amie Max, et je suis navré de ne t'appeler que maintenant, mais nous avons eu quelques soucis ces derniers temps et je n'ai pas eu de temps à moi. Par contre si je peux faire quoi que ce soit, n'hésite pas à me demander.
- Merci Matt, mais je crois que tu ne peux pas m'aider cette fois ci. Que voulais-tu me dire sinon ?
- Je sais que le moment est mal choisi, mais j'ai une affaire qui pourrait certainement intéresser le Veilleur. Ça concerne...
- Matt... Je ne peux pas accepter.
- Logan, cette affaire est très importante. Je ne t'appellerais pas si je pouvais m'en occuper tout seul.
- Écoute Matt, n'insiste pas, je ne veux pas m'occuper de cette affaire, ni même des autres. Désolé. Au revoir.
Il raccrocha le combiné et replongea dans son silence habituel sous le regard perplexe de Bling. Il venait d'envoyer balader Matt Sung comme si de rien n'était. Logan se préparait à retourner dans sa chambre, lorsque pris d'un agacement certain à cause de ce comportement presque absurde, Bling lui jeta :
- Bon sang Logan, elle ne reviendra plus ! Il faut te faire à cette idée et te ressaisir. Il faut continuer à vivre. Tu dois continuer ton combat, pour Max, pour toi, pour tous ceux qui croient en toi et qui espèrent un monde meilleur. C'est ce qu'elle aurait voulu que tu fasses. Elle n'aurait pas accepté que tu te laisses aller comme ça. Je croyais que tu étais quelqu'un de courageux. Peut-être me suis-je trompé ? Tu veux mourir ? Alors vas-y continue. Tu es sur la bonne voie.
Bling comprenait parfaitement la douleur de Logan, mais il ne pouvait pas le laisser se détruire ainsi. Il fallait que Logan réagisse et se reprenne en main. Le secouer violemment était peut-être la seule solution pour lui ouvrir les yeux. Ces mêmes yeux croisèrent alors le regard de Bling qui affichait le visage d'un homme triste mais en colère devant son impuissance à aider un ami.
Même jour
Port de Seattle
22h34
La nuit était douce ce soir-là, une légère brise sifflait le long du quai. Il n'y avait plus aucune activité à cette heure ci de la nuit, mais les lumières restaient allumées, pour faciliter le travail des surveillants. Il y avait sept hangars disposés les uns derrière les autres sur le quai. Ce soir là, un homme marchait d'un pas sûr. Alors qu'il venait d'arriver au cinquième hangar, l'homme s'arrêta brusquement. Tout droit sortis de la nuit, trois 4x4 noirs de type Chevrolet étaient stationnés devant l'entrée principale du hangar sept. Des hommes opéraient des allées et venues, chargeant des caisses à l'intérieur des véhicules. Visiblement intrigué par cette activité inhabituelle sur le port, l'homme passa derrière la rangée des hangars pour se retrouver dans une ruelle assez étroite. Continuant d'approcher discrètement, se baissant derrière la baie vitrée du sixième hangar pour éviter d'être vu, il atteignit finalement la grande baie vitrée du dernier hangar.
L'homme perçut très aisément des armes, dans le dos de certains hommes. Au milieu de la grande salle, se tenait debout un individu de grande carrure, aux épaules larges, et à la coupe de cheveux longue. Il était d'âge moyen, environ la quarantaine, mais ses cheveux étaient déjà bien grisonnants. Il portait un costume taillé visiblement sur mesure du fait de sa corpulence. Il fumait un barreau de chaise cubain et d'un air sûr et autoritaire donnait des ordres aux hommes qui passaient devant lui. Il était peut être très pressé de partir, étant donné son comportement agacé et excité. Normal, lorsque l'on sait que les quais étaient surveillés par des patrouilles de police.
L'homme qui espionnait tout ça derrière la première large vitre du hangar, était très inconfortablement placé. De vieilles caisses entreposées là, le gênait dans sa vision. Il était obligé de se pencher légèrement pour voir la scène. Il ne vit d'ailleurs pas arriver sur sa droite, un homme armé qui venait chercher une caisse. Lorsque l'homme entra dans une zone mieux éclairée, il aperçut une forme en train de les épier. Sans même comprendre pourquoi, alors qu'il aurait très bien pu s'en occuper tout seul, il sonna l'alerte.
- Hey ! Y'a un type qui nous observe derrière la vitre !
L'homme qui espionnait sursauta lorsqu'il entendit l'homme crier derrière la vitre, mais une fois qu'il comprit que c'était de lui dont on venait de parler, il repartit d'où il venait, à toute vitesse en remontant la petite ruelle dans laquelle il se trouvait.
Le chef du groupe, lors de l'alerte, sembla revenir à la réalité et se calma. Il ne leur restait plus qu'une vingtaine de minutes avant le retour du véhicule de surveillance et il ne fallait pas qu'ils soient encore à ce moment là.. Les quais étaient très surveillés à Seattle car c'était par là que le plus gros du trafic de stupéfiant de l'État circulait. Il hésita un instant puis ordonna qu'on lui livre l'intrus vivant. Deux hommes prirent alors leurs armes et sortirent en hâte du hangar à la poursuite de celui qu'ils venaient de repérer. Ils avaient sur eux des MPp7, des fusils mitrailleurs d'assaut de grande précision.
Les bruits des rangers s'entendaient d'assez loin si bien que le fuyard pouvait très facilement juger de la distance qui le séparait d'eux. Selon lui ils étaient à 150 mètres derrière lui. Il voyait les mouvements de va-et-vient de la torche de celui qui était passé par devant et les mouvements de celle de celui qui était derrière lui l'effleurait de temps en temps. Il continuait de courir, en espérant trouver un passage ouvert pour s'enfuir. Seulement les hangars étaient tous fermés et les lumières, à l'endroit où il se trouvait, étaient plus intenses que vers la fin du quai. Il passa devant une petite ruelle étroite mais ne la prit pas, comme s'il savait que celle-ci ne menait nulle part, ci ce n'était un parking intérieur de bâtiments. La lumière de la torche de son poursuivant se rapprochait de plus en plus et il se sentit alors beaucoup plus en danger. Il devait absolument trouver une planque ou une ruelle dans laquelle s'engouffrer pour essayer d'y trouver son salut. Le fuyard, après deux hangars, trouva alors sur sa droite une allée plus étroite, et plus sombre qu'il pouvait utiliser comme échappatoire.
Elle était bordée de deux énormes bâtiments, dont un était en ruine. Il devait s'agir d'une ancienne zone d'empaquetage de caisses ou un entrepôt abandonné suite à la privatisation des services de stockage des marchandises. Le bâtiment sur sa gauche était quant à lui le bâtiment principal d'une série d'annexes de bureaux administratifs des services portuaires de la ville. L'homme devait bien connaître l'endroit puisque qu'à la fin de la petite ruelle, il déboucha sur une grande place. Il emprunta alors un chemin sur sa gauche qui conduisait à un terrain vague. Avant d'arriver à ce terrain vague il devait longer un bâtiment de stockage des engins de transports des containeurs. Un sifflement retentit derrière lui. L'homme qui le poursuivait venait d'avertir son comparse qu'il avait repéré l'intrus. Le fuyard arriva à hauteur d'un grillage. Il escalada celui-ci et s'enfonça dans la nuit. Les deux hommes qui le poursuivaient franchirent à leur tour la grille. Trop tard, il avait disparu. Il rebroussèrent chemin, et montèrent alors dans un 4x4 qui était venu les chercher pour déguerpir au plus vite.
Mardi matin
Commissariat de police du secteur 5
9h18
L'air fatigué, comme s'il avait mal dormi, l'homme s'approchait, hésitant, d'un poste de police. Il avait dans la quarantaine, les cheveux un peu grisonnant, mais toujours dans la force de l'âge. Il avait l'air assez costaud, comme s'il avait fait du football dans sa jeunesse ou qu'il eut été un adepte de la musculation. Lorsqu'il arriva devant la porte battante, il s'arrêta un instant réfléchissant aux risques qu'il prenait. Tant pis, il ne pouvait pas être complice d'un trafic d'armes dans son hangar, lui qui avait mis la main à la pâte et qui avait mis tout son cœur, toute sa vie dans cette société. Il entra alors dans la grande bâtisse, au style ancien. Une fois à l'intérieur, il s'arrêta de nouveau. L'ambiance qui régnait était électrique. Les policiers semblaient très excités et malmenaient les prisonniers qu'ils accompagnaient. L'ambiance était vraiment désagréable et la foule qui se trouvait à l'accueil les bras levés comme pour manifester leur mécontentement ou demander de l'aide ne l'encourageait guère à rester. Les téléphones sonnaient tout le temps. Il n'y avait pas un seul moment de silence dans cet endroit. Comment leur était-il possible de travailler comme cela. N'étant pas tellement pressé il s'asseya sur un tabouret contre un mur et regarda la scène qui se déroulait devant lui. Il avait rarement mis les pieds dans un commissariat de police et à chaque fois qu'il avait du le faire, l'ambiance était quand même plus calme. Quelque chose venait sûrement de se passer pour que tout le monde fut dans une effervescence pareille.
Au bout d'une heure, l'accueil commença à se vider, mais l'ambiance au sein des policiers était toujours très tendue. Des directives étaient jetées aux visages des policiers qui passaient près du bureau du chef de la brigade. Un policier qui avait remarqué qu'un homme attendait patiemment dans la salle d'accueil l'interpella et lui demanda d'approcher. Il se leva et s'approcha un peu hagard, abasourdi par le bruit ambiant.
- J'ai remarqué que vous attendiez depuis un certain moment Monsieur...
- En fait, euh... J'aimerais... euh », il ne savait plus si c'était une bonne idée, mais le policier l'interrompit.
- Faire une déposition ? C'est ça ?
- Euh oui, faire une déposition.
- Très bien, je vais prendre vos coordonnées monsieur et vous allez vous rendre au bureau qui se trouve là-bas, l'inspecteur Stanford va prendre votre déposition. C'est pour un vol ? Un accident ? Un meurtre ?
- Non je viens pour déclarer un trafic à l'intérieur de mon hangar. Je suis propriétaire d'un hangar sur le port. Je travaille dans l'import export.
- Bien, vous êtes monsieur ?
- Alan York.
Il lui donna ensuite son adresse et un numéro de téléphone comme demandé par le policier. Puis il se dirigea vers le bureau de l'inspecteur Stanford.
L'inspecteur semblait très occupé. Il était plongé dans la lecture d'un dossier. Alan se dit en le voyant qu'il était un peu enrobé pour un inspecteur, visiblement pas quelqu'un qui bougeait beaucoup, voir même jamais. C'était apparemment un gratte papier au service du commissariat entier. York se dit que ce ne serait sûrement pas lui qui s'occuperait de l'affaire...
Il se présenta devant le bureau de Stanford et le regarda, mais celui-ci n'avait pas remarqué que quelqu'un était devant lui. Calmement il se racla la gorge pour attirer l'attention de l'inspecteur, qui sans bouger la tête, leva les yeux. L'image que donnait ce policier était plutôt désinvolte. Il ne s'était pas levé, ni même présenté. Il dit simplement :
- Que puis-je faire pour vous ?
- J'ai été envoyé ici par l'accueil pour faire une déposition.
- Très bien, asseyez-vous.
Il poussa tout son fourbi, ainsi qu'une boîte vide et qui devait vraisemblablement contenir des beignets. Il avait les doigts gras et les feuilles du dossier qu'il venait de lire le prouvaient parfaitement. Stanford rapprocha son clavier et regarda d'un air pressé Alan, qui attendait qu'il lui pose sa question.
- Je vous écoute.
- Euh vous ne me posez pas de questions ?
- Vous n'avez jamais fait de déposition auparavant ?
- Si, une fois.
- Donc vous savez comment on fait ?
- Oui.
- Alors je vous écoute...
Alan n'était pas très content de la manière dont l'inspecteur le traitait. Même s'il avait tous les droits, il se devait de faire son travail correctement. Alan était énervé, vu la nuit qu'il venait de passer et avait vraiment envie de lui donner son avis sur la question, mais il préféra se taire.
Je m'appelle Alan York, je suis propriétaire d'une petite société d'import export, sur le port. Mon bureau se trouve au 24 Rue Market Street, au port. Je viens faire une déposition pour trafic d'armes dans mon hangar de stockage.
- Trafic d'armes ? Vous en êtes sûr ?
- Je crois bien monsieur l'inspecteur, j'ai tout vu.
- Très bien racontez-moi ça.
- Hier soir, je me rendais à mon hangar, car je n'y étais pas allé depuis un petit moment, l'activité n'étant pas florissante ces temps-ci. En arrivant près du hangar, j'ai remarqué plusieurs véhicules stationnés devant. Je suis passé par derrière, et j'ai vu un groupe d'hommes armés en train d'embarquer des caisses où il était inscrit « Afrique du Sud » dessus, dans leurs 4x4.
- Un groupe d'hommes armés, embarquant des caisses en provenance d'Afrique du Sud ! D'accord je prends note ! Des 4x4 vous m'avez dit ? De quelle couleur ?
- Bien je dirais noir, mais il faisait sombre vous savez.
- D'accord, vous dites donc qu'ils étaient noirs, mais vous n'en êtes pas sûr. Continuez je vous prie.
- Ils semblaient bien organisés, ils doivent donc opérer dans le coin depuis déjà un bon bout de temps.
- Nous verrons cela, monsieur, contentez-vous de me décrire ce que vous avez vu et ce qu'ils faisaient précisément. Étaient-ils armés ?
- Oui. Je vous l'ai déjà dit ! Lança-t-il agressivement.
- Ne soyez pas agressif comme ça monsieur, je fais mon travail !
- Vous n'écoutez même pas ce que je vous dis, je le vois bien !
- Monsieur, je vous demande de vous calmer ! Vous savez combien de personnes passent nous voir tous les jours pour faire une déposition concernant des trafics d'armes et de drogues ? Non vous n'imaginez même pas ! Alors prenez le temps de répondre à mes questions.
Alan sentait bien que le flic en face de lui n'en avait strictement rien à faire de sa déposition et qu'il bâclait son travail mais il continua de se taire. Ce n'était pas le moment de faire un esclandre.
- Très bien, reprenons. Quelle heure était-il lorsque vous avez pris ces hommes sur le fait ?
- Il devait être aux alentours de 22 heures environ.
- Pouvez vous nous décrire l'homme susceptible d'être le chef.
- Oui, c'était un homme de forte corpulence, les épaules larges, avec des cheveux grisonnants, comme moi. Il doit avoir environ la quarantaine.
- D'accord, continuez.
- Bah qu'est ce que vous voulez que je vous dise de plus, il faisait nuit, je n'ai pas pu tout voir. Une chose est sûre, eux m'ont vu et ils ont essayé de m'attraper. Je ne suis pas en sécurité. Ces gens vont vite finir par savoir qui je suis.
- Ne vous inquiétez pas monsieur, nous allons envoyer une voiture de police à votre hangar et nous allons tenter de trouver des indices, qui nous aideront à les retrouver.
- Des indices ? Mais vous rigolez, vous croyez qu'ils vont vous laisser une adresse ? Ils ont fait le nettoyage... Ça s'est passé pendant la nuit ! Maintenant mon hangar doit être exactement comme ils l'ont trouvé.
- Si je comprends bien, vous n'avez pas vu grand-chose. Seulement des hommes armés, des 4x4, des caisses et c'est tout. C'était pendant la nuit et vous affirmez que maintenant il n'y aura plus rien dans votre hangar.
- Ça ne vous suffit pas ? Vous voulez quoi un mort ?
- Monsieur, calmez-vous et écoutez-moi !
- Non, c'est vous qui allez m'écouter ! J'ai un travail, je suis un honnête citoyen, j'ai une fille, ma femme est morte depuis plusieurs années maintenant et je n'ai pas envie de perdre ma fille. Ces hommes m'ont vu et je vous garantis qu'ils ne vont pas me laisser tranquille, même s'ils ont récupéré ce qu'ils étaient venus cacher dans mon hangar.
- Monsieur, je comprends que vous puissiez être inquiet pour votre vie et celle de votre fille. Mais, comprenez que je doive justifier l'utilisation d'un enquêteur et d'une voiture de police auprès de mes supérieurs. Nous sommes quelque peu débordés ces temps-ci... De plus, qui vous dit que ces hommes vont chercher à vous nuire ? Ils ont ce qu'ils voulaient.
- Non. Je n'ai pas envie de me calmer ! Mais bon sang, il vous faut quoi de plus !?
- Donnez moi juste vos coordonnées et je vais faire de mon mieux pour envoyer quelqu'un à votre hangar.
Alan York n'en revenait pas. Il était debout devant le bureau du policer, qui le regardait d'un air quelque peu agacé. Les policiers autour du bureau s'étaient arrêtés pour essayer de comprendre ce qu'il se passait. L'espace d'un instant il s'était installé un petit silence autour du bureau de Stanford. Les sonneries de téléphones étaient toujours là, mais les voix, elles, s'étaient estompées. Alan donna ses coordonnées et s'en alla, faisant tomber, volontairement la chaise sur laquelle il était installé.
Chez Doggy, vendeur de Hot Dog
Devant le commissariat de police
12h09
Matt Sung était en train d'éplucher le dossier des différents meurtres perpétrés durant la semaine qui venait de s'écouler, sous les yeux d'un collègue qui lui racontait sa journée. Alors que la personne qui est en train de lui déblatérer sa minable petite journée, lui, tentait de trouver désespérément un lien entre ces meurtres non élucidés, qui étaient pour certains autres collègues des morts naturelles. Matt Sung n'était pas vraiment en charge du dossier, mais il faisait partie du groupe d'enquêteurs. Le vendeur de hot dog était un chinois, une personne tout à fait banale, sans intérêt et qui racontait des blagues plus ou moins stupides. Il venait de lui placer le hot dog sur un dossier, ce qui énerva Matt.
- Hey ! Min ! Tu ne peux pas faire attention ! Ce sont des dossiers ça, pas de vulgaires brouillons !
- Euh Matt ! Tu m'écoutes ou pas ? fit le collègue à côté de lui.
- Écoute Stanford, je suis un peu occupé là ! Et j'ai pas trop envie d'entendre ce que t'as fait de ta journée ! D'ailleurs personne n'a envie d'entendre ta vie !
- Mais attends, j'ai un truc vachement étrange à te raconter !
- Bon ok ! Vas-y, mais grouille, je dois bosser sur ces meurtres !
- On ne trouvera jamais l'assassin, puis tout le monde te dit que ces gens sont morts de cause naturelle !
- Bon t'accouche ave ton histoire Stanford, je suis pressé je te dis !
- Ok ! Ne t'énerve pas ! Bon ce matin y'a un mec bizarre qui est passé faire une déposition ! Il aurait vu aux environs de 22 heures, plusieurs 4x4 devant son hangar de stockage au port, avec des types armés en train de charger des caisses en provenance d'Afrique du Sud. Moi je dis ce type devait être bourré... Comment tu peux voir un truc pareil au port avec toute la sécurité qu'il y a. C'est impossible, en plus il a dit que les types l'avaient poursuivis et que sa fille et lui étaient en danger. Vraiment y en a qui doutent de rien ! Si tu l'avais vu ce pauvre type ! On aurait dit un clochard, il était crade. Il a sûrement du boire toute la nuit en voyant un truc un peu louche il a du se mettre en tête une histoire à dormir debout.
Matt écoutait avec attention ce que racontait son collègue. Des 4x4, des hommes armés, des caisses en provenance d'Afrique du Sud. Etonnant, tout le monde sait que l'Afrique du Sud n'exporte pas beaucoup vers l'Amérique ces temps-ci. Intrigués il interrompit Stanford dans son récit.
- Tu pourrais me passer cette déposition. Y'a un truc qui m'intéresse.
- Matt ! Me dis pas que tu crois un seul mot de ce qu'a raconté ce type !
- Et ton boulot de flic, tu l'as oublié ? Tu sais pas que toute déposition doit faire l'objet d'une attention particulière et doit être traitée avec le même égard que toutes les autres, qu'elle te semble fiable ou pas ?
- Arrête un peu de te la jouer.
- Toi arrête ! T'as de la chance que je sois cool ! Y'en a pleins qui n'hésiteraient pas à te descendre auprès du boss pour un truc pareil !
- Eh mais attends, j'ai pas dit que j'allais pas m'en occuper.
- Laisse tomber Stanford, retourne à ta paperasse et dis moi où je peux trouver cette déposition.
- C'est la première feuille du tas que j'ai sur mon bureau. Mais crois moi tu vas te faire avoir ! Il n'y a rien eu du tout !
- Ça c'est à moi d'en juger !
Stanford restait là sur son banc à regarder Matt traverser la route pour retourner au boulot ! La discussion lui était restée dans l'estomac. Il avait envie de lui casser la gueule, mais il savait que Matt avait une réputation de bon cogneur et qu'il avait une certaine connaissance des arts martiaux. Il n'avait donc aucune chance et n'essaierait même pas de la forcer. Lorsqu'il se retourna il vit le petit vendeur chinois ricaner dans son coin ainsi que d'autres policiers aux alentours.
- Qu'est ce que t'as toi le bridé ! C'est moi qui te fais rire ?
Stanford se rattrapait sur le Chinois, qui lui semblait être plus à sa portée. Mais lorsqu'il vit les autres flics sourire de son altercation avec Matt, il s'énerva, prit son hot dog laissant la somme due et s'en alla, en grognant. Derrière lui des moqueries s'élevaient puis retombaient rapidement lorsqu'il se retournait.
Même jour
Appartement d'Alan York
14h00
Alan York arriva enfin à son appartement, après avoir grimpé les quatre étages. L'ascenseur n'était plus en service depuis longtemps. Il déposa sa veste sur le porte-manteau de l'entrée et se dirigea vers la cuisine pour prendre une bière. Il la décapsula et se dirigea vers le salon. Il en bu le contenu assez rapidement, sans même se rendre compte qu'en l'espace d'une gorgée il venait de vider presque la moitié de sa bouteille. Il avait l'esprit ailleurs. Alan avait tout à fait l'allure d'une personne qui avait des problèmes à résoudre, mais ne savait pas comment faire. Il fronçait les sourcils et se frottait le menton de la main droite, l'autre étant plaquée contre le bas de son dos. Il continuait d'aller et venir quand une jeune fille entra dans l'appartement.
- Papa ? fit-elle surprise.
Elle s'approcha de lui et lui fit un baiser sur la joue gauche.
- Mais qu'est ce que tu fais là à cette heure-ci ? Tu ne devais pas travailler ? Tu m'avais pourtant juré que tu reprendrais le travail aujourd'hui. Ça fait trop longtemps que tu attends la reprise des affaires.
- Je sais ma puce ! J'ai dit que je le ferai, mais j'ai eu un petit contre temps.
La jeune fille s'était entre temps jetée sur le canapé avec une légèreté à faire pâlir de jalousie n'importe quelle ballerine. Elle se détendait du mieux qu'elle pouvait, par des étirements de ses bras et de ses jambes. Enlevant ses baskets elle s'allongea sur le dos, regardant son père qui la fixait du regard avec un air beaucoup plus détendu, maintenant.
- Mais toi tu n'as pas cours aujourd'hui ?
- Papa ! Combien de fois faudra t-il que je te dise que le mardi je termine à 13 heures.
- Ah oui c'est vrai ! Excuse-moi, je suis préoccupé par quelque chose aujourd'hui.
- Rien de grave au moins ?
- Non, rassure-toi.
La jeune fille venait de prendre la télécommande et zappait sur les quelques chaînes à disposition. De temps à autre, elle le regardait marcher d'un air curieux. Il semblait se parler à lui-même, mais aucun son ne sortait de sa bouche.
Soudain, éteignant la télé et recroquevillant ses jambes contre elle, elle se tourna vers son père et l'interpella.
- Dis papa !
- Oui.
- Tu pourrais me passer les clés s'il te plaît ?
- Quelles clés ?
- Bah les clés de la voiture et du chalet!
- Pourquoi faire ?
- Papa, je n'y crois pas, tu as oublié ça aussi ? On en a parlé il y a deux jours. J'avais prévu de faire une soirée dans notre petit chalet de campagne, ce soir avec des amis et tu m'avais dit que je pourrai prendre la voiture.
- Il n'en est pas question ! dit-il d'un air calme, comme s'il ne se rappelait pas avoir promis ça à sa fille.
- Mais papa, tu oublies que j'ai 23 ans, et j'ai mon permis ! Je ne vois pas pourquoi je ne pourrai pas prendre la voiture.
- J'ai dit non Lucy, il est inutile d'insister, tu n'auras pas la voiture ce soir !
- Mais papa ! Pourquoi tu me fais ça, tu m'avais dit d'accord pour la voiture.
- Désolé ma puce, je ne crois pas avoir dit que j'étais d'accord, mais plutôt que j'allais y réfléchir. Et c'est non.
- Comment tu peux me faire ça et ensuite croire que tu peux m'appeler ta puce. C'est dégueulasse ce que tu me fais là ! Tu n'as pas le droit de me faire ça. Si maman était là, elle te dirait la même chose !
- ÇA SUFFIT !! cria t-il d'une voie sèche et rauque, qui fit sursauter Lucy toujours assise sur le canapé. C'est moi qui décide ici et si je dis que tu n'auras pas la voiture ce soir tu ne l'auras pas. Un point c'est tout.
Lucy, hors d'elle, se leva telle une furie du canapé, passa devant son père, sans le regarder et le bousculant de l'épaule droite, à la manière d'un joueur de football qui irait exploser son adversaire venant pour le plaquer. Alan, recula, légèrement et la regarda monter à l'étage.
- Lucy ! cria t-il pour tenter de la rappeler, mais en vain.
Il regardait l'escalier, attristé de ne pas pouvoir dire à sa chair pourquoi il ne pouvait accéder à sa requête et lui donner cette fichue voiture. Il aurait pu tout lui dire, mais il ne voulait pas l'affoler inutilement. Peut-être s'était-il emballé lui aussi et qu'il ne risquait rien en fait de la part de ces types. Cependant il devait jouer la carte de la prudence et empêcher sa fille de prendre le volant alors qu'en temps ordinaire il n'aurait sûrement pas refusé. Il ne voulait prendre aucun risque. Si jamais les gangsters retrouvaient sa trace ils devraient fuir ensemble et pour ça une voiture était nécessaire. Il l'avait d'ailleurs rangée à un endroit où personne ne songerait à aller la chercher.
Lucy en arrivant dans sa chambre claqua la porte derrière elle et regarda un instant les posters du Che sur son mur. Elle était, à l'image du personnage et, comme beaucoup de jeunes une révolutionnaire animée par le refus de se soumettre à l'autorité de certains hommes d'état. Che Guevara était leur idole à tous.
Par-ci par-là, il y avait des articles collés aux murs et qui traitaient du Veilleur. Elle devait lui garder une place importante dans son cœur de révolutionnaire car beaucoup de ces articles étaient soigneusement rangés dans des poches en plastique qu'elle gardait sur sa table de travail. Cette jeune femme menait des études de droit, un peu étrange pour quelqu'un qui avait un penchant pour l'idéologie de révolution. Pour l'instant en tout cas, elle avait d'autres préoccupations. En effet Lucy venait de récupérer un sac de voyage dans son armoire et elle s'empressait d'y mettre tout ce dont elle aurait eu besoin pour un départ de quelques jours. Apparemment Lucy voulait s'enfuir de cet appartement où elle avait l'impression d'étouffer. Tout en préparant son sac, elle ruminait contre son père.
Puis elle s'accroupit et regarda vers le plafond de sa chambre.
" Maman, pourquoi nous as-tu laissé ? Pourquoi !?!" se dit-elle.
Refoulant quelques larmes, elle reprit son rangement et referma son sac. Elle regarda une dernière fois sa chambre, peut-être pour éviter d'oublier quelque chose, avant de disparaître par la fenêtre.
Dans le salon, Alan commençait à se dire qu'il y avait probablement été un peu fort et qu'il était sans doute temps d'arrêter de sous-estimer les réactions de sa fille. Décidé à s'excuser et à lui dire la vérité, il monta à sa chambre et frappa à la porte. N'obtenant aucune réponse, il se décida à entrer.
Une stupeur s'empara de lui lorsqu'il découvrit une pièce vide. Il remarqua les affaires sorties de l'armoire ainsi que les tiroirs ouverts et dont le contenu était en désordre. Il comprit rapidement que sa fille était partie. Probablement partie chez sa meilleure amie, Lyse.
Malgré tout frustré de n'avoir pu s'entretenir avec sa fille, il referma la fenêtre de la chambre et retourna au salon pour se perdre à nouveau dans ses pensées.
Mardi soir
Bureau d'Alan York,
25, quartier des affaires
23h12
Ce soir-là, la nuit était plutôt fraîche et les rues désertes dans cette partie de la ville. Un 4x4 noir, comme se rangea de travers sur une place devant la porte principale d'un immeuble. Un moment plus tard, trois hommes sortirent du véhicule et se dirigèrent vers l'entrée. L'un d'eux tenta d'ouvrir la porte mais celle-ci était fermée. Il remarqua alors qu'une caméra placée dans le coin droit de l'entrée le filmait depuis le début. Il baissa rapidement la tête avant de frapper. Après plusieurs tentatives d'appel sur l'Interphone, une voix se fît entendre sur sa droite.
- Désolé monsieur, mais l'immeuble est fermé. Revenez demain.
L'homme tourna lentement la tête vers l'Interphone puis s'en approcha. Il fixa le boîtier puis appuya sur un bouton.
- Oui euh !! Il se racla la gorge. je comprends bien mais voyez vous, j'ai oublié un document très important que je dois remettre à un client demain aux premières heures...
- Je comprends monsieur, mais je n'ai pas le droit d'ouvrir à une heure si tardive.
- Faites un effort s'il vous plaît monsieur l'agent !
- Qui êtes vous tout d'abord ?
- Je suis Monsieur York.
- Où se trouve votre bureau ?
- Au douzième étage, numéro 34.
- Attendez je vérifie.
- L'interphone demeura muet quelques secondes puis bipa à nouveau :
- Très bien Monsieur York, je viens vous ouvrir.
- Vous êtes très aimable.
L'homme attendit quelques minutes avant d'apercevoir l'agent de sécurité venir à sa rencontre, un trousseau de clés à la main.
- Vous savez bien monsieur York que le règlement est strict à ce sujet. Ne laissez entrer personne à partir de dix heures du soir. Il est vrai qu'on ne sait jamais qui pourrait essayer de se faire passer pour un employé du bureau !
L'agent n'avait pas encore remarqué que deux hommes s'avançaient sur les côtés de la porte. Une fois celle-ci ouverte, le prétendu monsieur York se retourna et lorsqu'il fit face à l'agent, ce dernier comprit qu'il venait de se faire avoir.
- En effet monsieur l'agent ! Le règlement est fait pour être suivi à la lettre ! Vous serez sûrement puni pour cette faute ! dit-il d'un ton moqueur.
L'un des hommes qui arrivaient par le côté frappa alors violemment l'agent à la tête avec la crosse de son pistolet laissant ainsi le pauvre homme s'écrouler sur le sol sans connaissance. Pour éviter d'être repérés, le chef du groupe ordonna à son acolyte de cacher le corps, retourner au 4x4 et de faire plusieurs fois le tour du quartier. Ainsi la police, qui faisait beaucoup de rondes aux alentours, ne serait pas alertée par un véhicule en stationnement.
La porte de l'immeuble fermée de l'intérieur, les deux autres hommes prirent l'ascenseur jusqu'au douzième étage. Arrivés devant le bureau 34, l'un d'eux sorti le trousseau de l'agent et ouvrit la porte. Une fois à l'intérieur, les deux hommes fouillèrent méticuleusement la pièce à la recherche d'un indice les permettant de retrouver la trace de monsieur York.
Les fouilles s'avérèrent malheureusement infructueuses. En effet, après avoir passé presque vingt minutes à mettre tout sans dessus dessous, les deux hommes se rendirent compte que tout ce que contenait ce bureau n'était en fait que des papiers concernant des commandes, des factures, des avoirs, des remboursements et des paiements, mais rien d'intéressant en ce qui concernait le patron des lieux, ni aucune preuves pouvant les incriminer d'un quelconque trafic que ce soit. Le boss décida alors de retourner au rez-de-chaussée pour jeter un coup d'œil au registre et ainsi voir s'il ne trouverait pas un détail pouvant les aider,
- Patron ! Venez voir ce que j'ai trouvé.
- Fais voir !
- On dirait que monsieur a une petite amie. Elle est bien jeune quand même!
- C'est sa fille pauvre crétin ! dit-il d'un air exaspéré, en le regardant du coin des yeux avant de les lever vers le ciel en signe de dépit.
- Sa fille ! Ah ouais. Tenez patron, j'ai trouvé ce papier aussi ! Vous aviez raison, c'est bien sa fille !
La photo servait de presse papier. Ça devait être l'endroit où Alan York rangeait les petits mots de sa fille.
- Donne-moi ça !
L'homme regarda alors le papier et se mit à lire ce qu'il y était écrit :
« Papa, ce soir je ne serai pas à la maison pour dîner, je suis attendu chez Lyse. Tu trouveras un plat dans le congélateur, tu n'as plus qu'à le faire réchauffer.
Je t'embrasse,
Lucy.
PS : Voici le numéro pour me joindre, si jamais tu as un problème : ... »
Le mémo ne contenait aucune date. L'homme releva les yeux du papier, et regarda dans l'entrée, les yeux perdus dans des pensées. Puis il se tourna vers son voisin et lui dit :
- Trouve-moi l'adresse de ce numéro de téléphone ! Pourquoi aller chercher ce fouineur alors qu'on peut le faire venir à nous !
- Mais patron, vous êtes sûre que la fille se trouve là-bas ?
- Ne t'inquiète pas ! Si elle n'est pas là, on fera en sorte qu'elle vienne !
Il eut alors un rire grave et sadique qui fut reprit par l'autre homme. Il se disait que si la fille n'était pas là, il pourrait toujours se servir de la copine pour qu'elle se rende là où ils le voudraient. Soudain un appel retentit sur le talkie-walkie. C'était le conducteur du 4x4 :
- Patron, vous en avez encore pour longtemps ? Je ne voudrais pas vous presser, mais ça fait quatre fois que je fais le tour du pâté de maison et j'ai déjà croisé deux fois la voiture de police. S'ils me voient encore, ils vont sûrement m'arrêter !
- Nan c'est bon, on a trouvé encore mieux que ce qu'on cherchait ! On arrive.
Les deux hommes prirent alors le chemin du retour et une fois arrivé en bas, la patron du groupe appela son sbire pour lui signaler de passer dans l'arrière cours de l'immeuble. Quelques minutes plus tard, le véhicule arriva et prit les deux hommes qui attendaient avant de disparaître dans la nuit, phares éteints.
Un peu plus tard, la voiture de police passait dans le quartier et munie d'un projecteur examina toutes les entrées d'immeubles pour voir s'il n'y avait pas eu d'infraction. Les deux policiers passèrent devant l'immeuble qui venait d'être visité sans remarquer quoi que ce soit et s'en allèrent.
Mercredi matin
Bureau de l'entreprise d'Alan York
8h00 du matin
Alan York arriva à son immeuble. Il pensait qu'en regardant dans ses documents il pourrait trouver la dernière commande qu'il avait passée en Afrique du Sud et montrer que la date d'arrivée des marchandises ne correspondait pas à celle où il avait vu les hommes en train d'embarquer ces fameuses caisses.
Intrigué par l'attroupement de gens devant son immeuble, ainsi que par les voitures de police, il pressa le pas. Deux policiers gardaient la porte et empêchaient quiconque d'entrer dans l'enceinte du bâtiment. Alan continua d'avancer, se frayant un chemin entre les curieux et ceux qui venaient travailler, il arriva devant les deux agents et voulut passer.
Les deux policiers tendirent les bras pour lui barrer le passage et l'un d'eux dit :
Vous ne pouvez pas passer monsieur, cet immeuble est fermé, il s'y est produit un crime. Nous ne pouvons laisser entrer personne !
- Mais ! Mais je travaille ici moi ! Je suis monsieur York ! Regardez le registre enfin.
- N'insistez pas monsieur ! Personne ne peut entrer !
York recula alors, énervé, tout comme la majorité des personnes présentes. Un inspecteur qui avait entendu la confrontation s'approcha de York.
- Monsieur York ?
- Oui, c'est moi.
- Inspecteur Lawrence, je suis chargé d'enquêter sur cette affaire. Vous travaillez ici ?
- Oui, je suis au douzième étage, bureau 34.
- Très bien veuillez me suivre s'il vous plaît !
L'inspecteur conduisit Alan York jusqu'à son bureau, en passant par les escaliers, car l'ascenseur était passé au peigne fin par des agents de la police scientifique. L'ambiance à l'intérieur de l'immeuble était bouillonnante. Les allées et venues des policiers ainsi que des responsables de l'administration de l'immeuble ajoutaient à cette sensation électrique et tendue. Tout en lui expliquant l'histoire, Alan regardait les actes minutieux des policiers, presque machinaux. Alan n'en croyait pas ses oreilles, un agent de sécurité avait été tué et un bureau vandalisé. Il commençait à se demander pourquoi il avait pu rentrer et pas les autres. C'est là qu'il envisagea que peut-être le bureau vandalisé était le sien. Lorsqu'il vit que c'était bel et bien le cas, il paniqua et prit la fuite, alors que l'inspecteur tentait de le retenir.
- Monsieur York! Attendez ! Dites-moi au moins s'il vous manque quelque chose !
- Non ! Désolé, je n'ai pas le temps !
L'inspecteur Lawrence, curieux de comprendre la réaction de cet homme demanda à l'un des agents en faction devant la porte de trouver toutes les informations sur cet homme. Il acquiesça et alla remplir sa mission.
Une fois dehors, Alan prit son téléphone portable et composa le numéro de sa fille. Après trois sonneries sans résultat, le répondeur se mit en marche. Il lui laissa un message :
- Lucy, c'est papa ! Écoute j'ai un gros problème ! Des gens veulent ma peau parce que je les ai vu trafiquer quelque chose dans mon hangar. Ils vont sûrement essayer de me retrouver et ils ont du apprendre que j'ai une fille, alors surtout tu ne rentres pas à la maison ! Reste chez Lyse, tu y es en sécurité. Du moins pour le moment. Je reprendrais contact avec toi dès que j'aurai trouvé un endroit sûr.
Alan ne s'était pas arrêté, il courait toujours ; aussi vite qu'il le pouvait. Plus vite il aurait trouvé une planque, plus vite il pourrait envisager un plan d'action.
Mercredi, même moment
Appartement de Logan
Il était huit heures du matin lorsque Bling arriva à l'appartement. Il retrouva Logan étendu à même le sol. Pensant au pire il accourut pour le secourir, mais plus de peur que de mal, il n'était qu'endormi. Bling l'attrapa et le transporta dans son lit. À son réveil, Logan enfila l'exosquelette, qui était posé à côté de son lit, au même endroit que son fauteuil roulant. C'était comme s'il ne s'était rien passé durant ces derniers jours, comme si la dépression qui avait failli le faire sombrer définitivement, n'avait été qu'un mauvais rêve. Il avait cependant une nouvelle attitude qui ne manqua pas d'interpeller Bling. Il ne ressemblait plus au Logan qu'il avait connu, heureux de vivre, joyeux et amoureux. L'homme qu'il avait devant lui était devenu froid. Ce qui le faisait maintenant vivre n'était plus tellement l'espoir de retrouver Max mais, d'anéantir les têtes dirigeantes de Manticore ainsi que tous ceux qui se dresseront en travers de sa lutte pour un monde meilleur. Il avait le regard d'un homme détruit qui n'aspirait plus qu'à la vengeance... Logan prit le téléphone et contacta Matt Sung. Après quelques minutes passées en excuses et en explications, Logan demanda à Matt de lui expliquer le problème auquel il était confronté. Le résumé de l'affaire fut long, mais Logan resta attentif pendant toute la conversation. Il semblait intéressé et paraissait même avoir oublié l'espace de cet appel l'existence de Max. Trois quarts d'heure plus tard, Matt Sung se tenait devant l'appartement de Logan. Comme convenu, il lui amenait les dossiers relatifs à l'enquête sur les sept morts de la semaine passée. Logan récupéra les dossiers et proposa à Matt de monter chez lui, mais celui-ci refusa, car il devait retourner travailler.
Bling reparti, Logan se sentait bien seul dans son grand appartement vide et pianotait sur son ordinateur. Max...son souvenir occupait toutes ses pensées. Elle était morte dans ses bras, puis elle était revenue plusieurs mois après, avant qu'on ne la lui reprenne à nouveau. La vie sans elle n'avait que peu d'intérêt ; une partie de lui était morte, il était un homme incomplet avec une partie de son histoire manquante et il se demandait même comment il arriverait à combler ce néant. Malgré tout il se devait de continuer ne serait-ce qu'en mémoire des bons moments passés et poursuivre la mission du Veilleur signifierait au moins qu'elle n'ait pas disparu ou qu'elle ne soit pas morte, en vain. Il espérait pourtant toujours la revoir et c'est cet espoir qui lui permettait de vivre et cette enquête allait peut-être l'aider à surmonter sa tristesse. Cette fois Logan devait enquêter sur plusieurs meurtres inexpliqués qui avaient eu lieu dans le secteur 5. Il visionna sur son écran les documents du CD que lui avait fourni Matt Sung. Sept morts en l'espace d'une semaine et des victimes qui n'avaient rien en commun du fait d'origines sociales très diverses. Il n'y avait donc pas de mobile apparent. L'autopsie ne révélait aucune marque de violence ou d'intoxication quelconque chez les victimes qui s'effondraient comme des mouches. Il passa en revue les différents dossiers qu'il avait à sa disposition. Tous ces décès ne pouvaient être que de simples coïncidences comme l'affirmait pourtant le rapport préliminaire de la police. Ces personnes avaient été froidement assassinées, Logan, d'instinct, en était persuadé même s'il ne possédait malheureusement aucune preuve pour appuyer ses dires.
Logan se reporta alors sur le dossier d'un certain Alan York, que Matt lui avait passé car il pensait qu'il serait intéressant de se pencher sur cette histoire de trafic d'armes. En lisant le dossier, Logan vit que l'homme affirmait que les gangsters dans son hangar chargeaient dans des 4x4 des caisses en provenance d'Afrique du Sud. Matt lui avait dit aussi qu'avant de prendre contact par téléphone avec ce Alan York le jour même de sa plainte, il avait fait quelques recherches et qu'aucun bateau en provenance d'Afrique du Sud n'était attendu sur un des ports de Seattle. Logan était en train de regarder les commentaires que Matt avait laissés. Mis à part le fait qu'il précisait en rouge qu'Alan York craignait pour la vie de sa fille, il pensait aussi que les deux histoires pouvaient être liées, mais Logan ne semblait pas partager le même avis. Il referma le dossier et le posa à part. Il reprit alors les autres dossiers et les étudia à nouveau.
Soudain, le téléphone sonna, sortant Logan de ses pensées. Il décrocha le combiné :
- Allô?
- Logan? C'est Beverly. Matt m'a demandé de te contacter si je trouvais quelque chose qui pouvait t'intéresser. Et bien c'est le cas !
- ... Ok. J'arrive d'ici 20 minutes.
L'appel de Beverly le remplissait d'une excitation palpable, car peut-être allait-elle lui apporter la preuve dont il avait besoin. Il se sentit, étrangement bien, à ce moment là. Après avoir enfilé l'exosquelette, il quitta son fauteuil roulant, enfila son blouson et quitta l'appartement.
Mercredi
Morgue
9h20
Logan pénétra à morgue où il avait rendez-vous. L'endroit n'avait pas changé depuis sa dernière visite. Il y régnait toujours une atmosphère aseptisée à laquelle Logan n'arrivait pas encore à s'habituer. Le mur du fond était rempli de tiroirs, dissimulant aux yeux de tous, pour la plupart, des cadavres bien au frais...Il aperçu alors le Dr Shankar en train de remplir quelques papiers sur le coin d'une table roulante.
Beverly n'était pas comme la plupart de ces légistes, qui se croyaient drôles en faisant de l'humour pour essayer de mettre les autres à l'aise. Non, elle était simple, sérieuse dans son travail et surtout, elle savait garder l'attention des gens avec qui elle discutait. Habillée comme à l'habitude, avec un tailleur bien repassé et de couleur assez vive, dans les rouges, elle portait en plus, au dessus du reste, une veste blanche commune à tout le personnel médical, elle aussi impeccable. Très sûre d'elle, elle semblait cette fois-ci très intriguée par quelque chose qu'elle ne parvenait pas à comprendre.
- Salut Logan. Matt m'a dit que ça pourrait t'intéresser.
- Vraiment ? fit-il en la regardant l'air curieux.
La jeune femme alla ouvrir l'un des nombreux tiroirs, exposant ainsi son contenu. L'homme devait avoir la quarantaine et ne présentait aucun signe distinctif. Logan ressentit le froid qui s'évacuait du tiroir d'où était sorti le cadavre et frissonna un instant.
- La mort remonte à environ quarante huit heures. Mais là n'est pas la question. Elle tira le linceul, qui recouvrait le cadavre, au niveau des cuisses.
Logan s'approcha.
- Tu vois là ? Derrière la cuisse gauche ?
- Oui, une petite rougeur... on dirait une piqûre de maringouin.
- Exactement. L'analyse sanguine n'a rien donné : on a décelé ni poison ni drogue, nada.
- Continue...
- Je n'ai jamais rien vu de tel et je n'ai pas encore la certitude que ça ait un rapport avec la cause directe du décès, mais j'ai extrait ceci du point de ponction.
Elle ouvrit un petit flacon et lui tendit fièrement sa découverte à Logan. Celui-ci versa une petite bille de la taille d'une tête d'épingle au creux de sa main.
- On dirait une bille d'acier...
- Oui, et si on l'observe au microscope...
Elle dirigea Logan vers un microscope sur une table. Il s'installa sur le tabouret, enleva ses lunettes et ajusta un peu l'appareil tandis qu'elle enchaînait :
- J'ai trouvé celle-ci, elle montrait à Logan une autre bille dans un autre flacon, durant l'autopsie d'une personne il y a une semaine exactement. On remarque que la surface est parsemée de petits trous répartis de façon régulière montrant qu'ils ont été forés intentionnellement. Je serais prête à parier que le contenu est la cause de tous nos soucis.
- C'est la même ?
- Elles sont identiques en tout point. Les symptômes concordent entre les victimes et je suis sûre qu'en fouillant un peu les autres corps, j'arriverais à retrouver ces petites bêtes.
Logan ne savait plus trop quoi penser. Des petites billes d'acier dans les corps de deux des victimes du dossier et pourtant rien ne permettait de dire que ces billes avaient un rapport direct avec la mort. C'était déroutant, mais très intriguant à la fois. Il était certain de détenir une part de l'arme du crime, mais pour l'instant il était impossible de le prouver.
- Mais l'analyse n'a pourtant rien trouvé...
Justement, tu as vu la taille de ces trous, la quantité était si infime qu'elle a peut-être échappé aux appareils. La dose létale doit être minuscule, mais le poison lui devait être vraiment très puissant pour tuer des personnes de cet âge, avec un tel poids.
- Et qu'est-ce qui pourrait être aussi mortel ?
- Ça, il me faudrait un cadavre chaud pour le savoir.
- Il se pourrait que le Veilleur soit intéressé par cette affaire. Il me faudrait une copie de ton rapport, ainsi que les rapports d'analyse qui t'ont été remis.
Il regarda à nouveau les deux billes. Il n'avait jamais rien vu de tel et, l'idée que d'aussi petits objets pouvaient servir d'arme lui fit froid dans le dos.
- Tu as eu accès aux cadavres des autres victimes, parce que cette bille-ci, tu l'as trouvée dans un corps qui visiblement ne fait pas partie du lot, et il y a exactement une semaine entre les deux corps et il y a eu sept morts en tout dans cette seule semaine.
- Non malheureusement. Ceci dit, j'en ai peut-être un troisième qu'on m'a apporté il y a quelques jours pour mort subite à l'urgence de l'hôpital, mais il n'y a pas d'enquête puisqu'on n'a pas trouvé sa famille. Les autres sont à la morgue du secteur 9, mais je n'y ai pas accès, quoi que j'ai bien une connaissance là-bas.
- Un ami ?
- Si on peut appeler ça comme ça. Disons qu'on est plutôt en froid, mais qu'est-ce qu'on ne ferait pas parfois...
- Je peux compter sur toi ?
- Comme toujours voyons.
Ces gens avaient donc été tués... Logan quitta le Dr Shankar, prit son téléphone et le regarda quelques instant avant de composer un numéro qu'il n'aurait jamais cru appeler un jour...
FIN DE L'ACTE 1
