ACTE 2

Mercredi
Quelque part dans Seattle
Même moment

Caché dans les buissons depuis près de deux heures, le jeune homme attendait patiemment. Les années passées à Manticore n'avaient pas été si inutiles que ça. Il ne se trouvait qu'à quelques mètres de la porte d'entrée. La maison en question ressemblait à un pavillon de banlieue comme il s'en faisait tant avant l'Impulsion. Les murs étaient décrépis et l'on pouvait distinguer quelques graffitis ici et là. La disparition de Manticore avait quelque peu désorienté le X5. Toute sa vie on l'avait entraîné pour devenir le parfait soldat, et jamais il n'a pu mettre en pratique ses connaissances, et voilà que maintenant il n'avait plus de sergent instructeur, se retrouvant tout seul dans un monde qu'il ne connaissait pas et où il devait se débrouiller pour survivre. La vie était simple à cette époque : le bien et le mal... Mais Manticore n'existait plus et, Alec avait quelques difficultés à trouver sa place dans cette société en pleine décadence. Il était livré à lui même... Cependant être libre offrait aussi ses avantages : plus d'ordres à recevoir, il était libre d'aller où bon lui semblait. Il vivait plutôt confortablement et louait un petit appartement dans le secteur 3. Il gagnait sa vie des nombreux cambriolages qu'il effectuait depuis quelques mois. Ce «job» lui plaisait beaucoup, mais au fond de lui il savait qu'il valait mieux que cela. C'était un X-5 après tout... Ce cambriolage serait le dernier se dit-il...

La maison n'avait pas été choisie au hasard. Alec avait en effetremarqué un superbe téléviseur à écran plat dans le salon. Ce détail l'avait décidé à passer à l'action, car ce genre d'appareil pouvait se revendre pour une jolie somme sur le marché noir... Et, depuis une semaine, il guettait les moindres faits et gestes de la vieille dame qui habitait cette maison cossue. Elle sortait tous les jours vers 17 heures pour ne revenir qu'une heure plus tard. Alec regarda sa montre, encore cinq minutes. À 17h00 pile, la porte d'entrée s'ouvrit et la vieille femme gagna l'abri bus situé plus bas dans la rue, sur le trottoir d'en face. Le X5 attendit encore quelques minutes avant de sortir de sa cachette. Il prit bien garde de ne pas être observé avant de se diriger vers la maison. Il sortit une petite lame et un trombone de sa poche. Il plaça le premier dans la serrure de manière à bloquer le loquet tout en faisant tourner le deuxième jusqu'à ce que le verrou cède. Merci Manticore pensa-t-il au passage. Il entrouvrit discrètement la porte avant de s'engouffrer à l'intérieur et allumer l'interrupteur situé sur sa droite. Il se trouvait dans un petit couloir. Il avança d'une manière décontractée et prit le premier corridor sur la droite pour finalement arriver au salon où il vit immédiatement le téléviseur, objet de sa convoitise. Alec s'avança pour mieux l'examiner. Peu après, il entendit un grognement derrière lui. Il se retourna en un éclair et vit se dresser derrière lui, un énorme doberman qui visiblement n'appréciait pas avoir été gêné dans sa sieste...

- Couché le toutou. C'est moi le chef de la meute. dit-il avec peu d'assurance.

Le regard perçant d'Alec ainsi que les odeurs que le chien devait sentir eurent un effet dissuasif sur lui car il rabattit instantanément sa queue entre les pattes et recula tout doucement. Alec afficha alors un large sourire. Le téléviseur n'était pas en si bon état qu'il l'avait cru, mais il pouvait quand même en tirer dans les 2000 $. Le jeune homme fit une rapide inspection des lieux, mais ne trouva aucun autre objet de valeur. Tant pis, il s'en contenterait.

La maison de la vieille dame recelait de vieux bibelots d'avant l'Impulsion, il y avait en particulier des ustensiles qui servaient à la couture. Il remarqua sur une petite table à côté de la télévision un étalage de photos de famille. Il devait sûrement y avoir celle de son mari, de ses enfants et petits enfants. Cette femme était donc seule maintenant. Son mari était sans doute mort ou alors il avait refait sa vie. Ses enfants étaient sûrement ailleurs et ne passaient jamais la voir. Cela se ressentait très facilement car il y avait un air de renfermé dans cette maison, comme si personne ne prenait le soin de l'entretenir ou de la nettoyer de fond en comble. C'est normal après tout, l'occupante des lieux était incapable de faire le grand ménage étant donné son âge. Elle inspirait presque de la pitié à Alec lorsqu'il se rendit compte à quel point elle vivait mal. Il eut presque honte de lui voler le seul bien qui devait avoir de la valeur pour elle.

Pourtant, sans perdre une minute, il quitta rapidement la maison dans l'état où il l'avait trouvé au départ, la télé en moins.

Mercredi
South Market
10h01

South Market regorgeait d'activité et la place était bondée à cette heure de la journée. Alec s'y trouvait en pleine discussion :

- Écoute Stan, je sais que cette télé vaut largement 2000$.

- 800$ et c'est mon dernier prix. Les temps sont durs...

L'homme en question devait avoir la cinquantaine passée, ses cheveux étaient gris et il arborait une énorme bedaine. Marqué par les années, Stan faisait plus vieux que son âge.

- Tu te décides oui ou non ? lâcha-t-il d'un ton énervé.

- C'est non. Je vais voir un autre vendeur.

- Tu ne vas nulle part, répondit Stan sur un ton menaçant. Ce téléviseur est à moi. Il posa sa main sur la télé d'un geste autoritaire.

- Stan... Tu vas faire une bêtise.

Deux hommes sortirent soudain de l'arrière-boutique. Alec ne les vit pas immédiatement, mais lorsqu'ils apparurent sur sa droite, il esquissa un petit sourire, comme s'il se doutait que ça finirait ainsi. On aurait dit deux frères, leurs tailles avoisinaient les deux mètres, et visiblement leurs cerveaux étaient ce qu'il y avait de moins musclé. La seule différence entre les deux venait que celui qui était le plus à gauche avait une balafre sur la joue droite. De bras gros comme des cuisses et un regard menaçant, ils ressemblaient à des types à qui on donnait des stéroïdes anabolisants pour faire de la masse musculaire. Alec n'était pas impressionné pour autant, il savait qu'il ne ferait qu'une bouchée de ces tas de muscles.

- Là tu me déçois Stan... Enfin, un peu d'exercice ne me fera pas de mal. Alec commençait à s'échauffer, en remuant la tête à droite et à gauche.. Euh dites, ça ne doit pas être facile de se déplacer rapidement avec toute cette masse de muscles. Le regard d'Alec parcourut à nouveau les deux gorilles de la tête au pied et ajouta d'un air supérieur :

- Franchement les filles, y'en a pas un de vous deux qui arrivera à me toucher, alors retournez à vos haltères ou vous regarder devant votre glace et laissez-moi m'expliquer avec Stan...Non ? Bon ok, alors par qui je commence ?

Le premier s'avança et lança un crochet du gauche. Alec l'évita aisément avant de lancer un direct dans le ventre de l'armoire à glace, qui en eut le souffle coupé. Le cellulaire d'Alec se mit alors à sonner. Le jeune homme recula d'un pas pour éviter un autre coup de son adversaire et décrocha :

- Allô ?

- Alec ? C'est Logan.

- Logan ?

- Tu sais le... L'ami de Max.

L'attitude nonchalante d'Alec ne fit qu'énerver davantage son agresseur qui se rua sur lui. Le X5 évita la charge en plaçant une balayette qui fit tomber lourdement son adversaire sur le sol. KO. Un de moins.

- Alec ? Tu es toujours là ?

- Oui... Une minute et je suis à toi.

Le balafré, ivre de fureur mais, plus prudent que son compère, s'approcha lentement vers Alec avant d'attaquer. Il porta un coup de pied à hauteur de tête du X5, mais celui-ci bloqua son attaque à vitesse surhumaine, avant de placer un violent coup de genoux à hauteur de la cuisse de l'agresseur. La béquille fit naître une énorme douleur, mais il resta malgré tout debout. Sur le coup de la douleur, l'homme recula un peu, déséquilibré, mais se rattrapa à une télévision que se trouvait là. Il la prit et sous les yeux effrayés de Stan qui sentait qu'il allait perdre une vente, la jeta sur Alec qui l'évita avec une facilité déconcertante. A l'autre bout du téléphone, Logan entendait des bruits étranges. Il décolla son oreille du téléphone et le regarda avec curiosité.

- Logan ! Pourquoi m'appelles-tu ?

- J'ai un service à te demander Alec.

- Attends une petite minute.

Le premier à être allé au sol, se releva fou de rage. Il vit son frère par terre, se tordant de douleur et les deux mains entourant son nez, après s'être pris un violent coup de pied au niveau de la tête, qui lui avait sûrement cassé le nez

- Tout va bien Alec ?

- Oui, ne t'inquiète pas, je maîtrise.

- Désolé d'insister, mais c'est important !

Alec ne répondit pas, mais à ce moment là, il faisait dos à celui qui venait de se relever. L'homme écarta les bras, se préparant à l'attraper et s'élança aussi vite qu'il pouvait pour tenter de le surprendre. Cependant Alec parvint à voir le molosse arriver, par le biais d'un écran télé éteint et se décala suffisamment pour que le tas de muscles le loupe de peu. Au passage Alec plaça un petit coup qui le déséquilibra et l'envoya valdinguer dans les écrans télés. Il était par terre, entouré de téléviseurs complètement cassées. Une étagère avait été quelque peu ébranlée et l'appareil qui s'y trouvait était sur le point de tomber. Alec le regardait, tout comme Stan qui espérait tant qu'il reste là ou il était, mais malheureusement celui-ci ne pu rester en équilibre et chuta, se fracassant sur la tête du colosse qui venait de tomber. Logan, toujours au téléphone entendit le fracas de l'homme percutant les télévisions, puis un dernier bruit, plus sourd, clôtura une séance qu'il analysa comme étant une bagarre.

- Important ? Sans blague, tu dois vraiment être dans la merde pour faire appel à un homme qui a failli te tuer...

- Écoute Alec... Tu pourrais passer à mon appartement ? Je peux pas t'expliquer ça au téléphone.

Le X5 mit un long moment avant de répondre... Lui qui avait décidé de changer de vie, de se rendre utile ; c'était peut-être l'occasion...

- Ok. J'espère pour toi que ça paye bien. Je serai là d'ici un quart d'heure.

Il raccrocha... Et dire qu'il pensait enfin n'obéir qu'à lui-même, il allait aider le Veilleur. Alec ne savait pas vraiment ce que ce mot impliquait. Ce dont il était sûr c'est que pour obtenir son aide, Logan devrait avoir de quoi faire le change.

Stan, toujours derrière son comptoir regardait le chantier avec tristesse et désarroi. Son air arrogant avait disparu et il n'en menait visiblement pas large... Il sortit une liasse de billets d'un coffre-fort et tendit l'argent à Alec.

- Merci Stan. C'est toujours un plaisir de faire affaire avec toi. Au fait désolé pour ton stock, mais tu sais, avec celle là, tu vas vite pouvoir te refaire, d'ailleurs tu l'as dit toi-même, elle n'en vaut que 800.

Le X5 repartit tranquillement du magasin sous les yeux dédaigneux de Stan, puis quitta South Market... Qu'allait-il faire de tout cet argent ? Une moto. Il en avait toujours rêvé... Il lui fallait trouver un bon magasin, et tant pis s'il était un peu en retard au rendez-vous de Logan. De toute manière il attendrait, car s'il n'avait pas vraiment besoin de moi, il ne m'aurait pas appelé se dit Alec, en cherchant un magasin de moto. C'est une bonne journée tout compte fait, pensa t-il...

Mercredi
Appartement de Logan
10H40

Alec arriva devant la porte de l'appartement de Logan. Après une longue hésitation, il frappa à la porte... Logan croyait voir quelqu'un d'autre, mais s'aperçut que c'était bien Alec.

- Ah c'est toi !

- Tu aurais préféré le livreur de pizza ? dit-il avec sarcasme

- Non, mais vois-tu avec Max... enfin avec les autres, j'ai pris l'habitude de les voir débarquer par le toit.

- Tu sais Logan, les gens ne savent pas qui je suis, et puis il faut bien que je me comporte comme eux. Donc, je passe par la porte.

Logan se retourna et se dirigea vers son bureau, mais il lâcha :

- Dis moi, tout à l'heure, tu m'avais l'air bien occupé !

- Oui j'ai revendu une télévision à un vieil ami. Mais son prix d'achat ne me convenait pas. Il a fallu que je négocie l'affaire.

- Avec beaucoup de tact, à ce que je vois.

- Tu sais, j'ai pas vraiment eu le choix. fit-il en haussant les épaules.

- Je vois.

Logan venait de s'asseoir devant son ordinateur et Alec lui se contentait d'examiner l'appartement. Ce style sobre et luxueux à la fois lui plaisait beaucoup et s'il en avait eu les moyens il aurait bien habité dans un appartement aussi chouette. Bref rien n'avait changé depuis la disparition de Max. Cela devait faire maintenant deux ou trois semaines. Durant les mois qui avaient précédé la destruction de Manticore, cet homme était présenté comme l'ennemi public numéro 1. Celui qu'il fallait abattre... Il continua de l'observer. Les yeux du Veilleur était marqués par la fatigue, de l'agacement, mais une profonde détermination. Max n'était toujours pas revenue, en conclut Alec. Comment une X5 avait-elle pu tomber amoureuse d'un homme aussi commun ? Ce mystère lui échappait...

- Alors quel est ce problème qui nécessite mon intervention ?

Logan ne put s'empêcher de rendre à Alec ce regard froid qu'il venait de lui envoyer :

- Euh depuis que Max a... disparu... Disons que c'est une mission importante.

- Je vois. Que dois-je faire ? Sauver le monde ? fit-il avec un peu de moquerie.

- Très drôle. Regarde donc au lieu de faire l'idiot.

Logan pianota quelques commandes rapides sur le clavier de son ordinateur. Le fichier se chargea avant de s'afficher à l'écran. Puis il s'arrêta un instant avant de commencer son récit :

- Sept personnes sont mortes dans des conditions mystérieuses en l'espace d'une semaine dans la ville. Aucune arme du crime, aucunes empreintes, pour l'instant la police ne privilégie pas la piste de l'assassinat, d'autant plus que les victimes sont très différentes : une femme de 40 ans, secrétaire, un commerçant dans la cinquantaine, un clochard, un policier... Bref on dirait que les victimes sont choisies au hasard.

Alec se pencha plus en avant pour mieux voir les photos des victimes.

- Et qu'est ce qui te fait croire que ce sont des meurtres et qu'ils sont reliés ?

- Les symptômes. Peu de temps avant de mourir, les victimes présentaient une forte fièvre ainsi que des douleurs un peu partout dans le corps. Certains se seraient mêmes plaints de tremblements incontrôlables.Tous, morts en quelq ues heures. Il n'y a aucune maladie qui cause autant de problèmes chez une personne. Tiens regarde, ce policier, une des victimes, s'est retrouvé aux urgences avec les mêmes symptômes. Ça c'est le dossier du clochard qui a été amené par deux agents de police à l'hôpital d'Harbor Lights. Regarde ce que le médecin a noté, la même chose que dans les autres cas. Enfin voici le dossier d'admission de cette femme de 40 ans, toujours pareil. Une coïncidence, je veux bien, mais sur trois personnes, ça devient douteux. Et quelque soit la victime, la mort est survenue un jour après les premiers symptômes. Ces dossiers m'ont été transmis par un ami au sein de la police.

- Ça pourrait très bien être un virus, répondit Alec d'un ton nonchalant.

- J'y ai pensé, mais ça ne colle pas. Les victimes sont mortes à des endroits assez éloignés les unes des autres et on a pas compté d'autres cas aux alentours. Ça écarte l'hypothèse d'un virus ou autre pathogènes se propageant dans l'air. De plus on a trouvé des petites billes d'acier au niveau d'une cuisse et du dos d'une des victimes. On ignore comment elles ont pu arriver là, mais elles contenait apparemment un poison foudroyant. Je pense que c'est ce qui les a tuées.

- Ça se tient. J'ai entendu des rumeurs sur une nouvelle arme très discrète qui aurait été importée d'Afrique du Sud.

Logan décolla le nez de son écran avant de regarder Alec fixement.

- J'ai aussi entendu ces rumeurs. Il se pourrait bien qu'un gang ait mis la main dessus et décide de tester son nouveau jouet... Mais ! Attends, mais... Ahhh ! Mais où est ce que je l'ai mis, ce n'est pas vrai. Ah le voilà !

- Oui, bon, écoute c'est bien triste tout ça, mais en quoi est-ce que ça me concerne tout ça ?

Le visage de Logan se décrispa une fraction de seconde. Décidément Alec lui rappelait Max... Celle qu'il avait connu au début, peu encline à aider les autres...Toujours axée sur sa personne...

- J'y viens, répondit Logan, avant de retourner au dossier qu'il venait de retrouver. Voilà !

Il ouvrit le dossier et sortit quelques feuilles.

- Ceci c'est ce que mon ami à la police m'a passé ce matin. Il pense que ça a un rapport avec les sept morts. Alan York, lâcha t-il, est le patron d'une entreprise d'import export sur le port. Mardi de cette semaine, il aurait fait une déposition comme quoi lundi il aurait vu des hommes armés occupant son hangar et qu'ils étaient en train d'embarquer des caisses sur lesquelles il y était inscrit : « SOUTH AFRICA ». Tu vois, ton idée n'est peut être pas aussi inintéressante après tout. Mon ami policier a fait quelques recherches, mais il n'a trouvé aucun bateau en provenance d'Afrique du Sud depuis plus de trois semaines, ce qui est plutôt étonnant. Je suis certain qu'un bateau a accosté dans le port après avoir fait une escale là-bas, il faut juste que je trouve lequel, car les documents de transport ça se falsifie très facilement. J'ai contacté cet homme avant que tu n'arrives. Son numéro de téléphone portable était inscrit sur le dossier et il m'a dit qu'il accepterait de m'aider à condition que je protège sa fille. En ce moment il se cache car son bureau a été vandalisé et il est persuadé que les types sont sur sa trace. Notre priorité est donc de retrouver sa fille et de la mettre en lieu sûr.

- Trouver ? Quoi, elle n'est pas avec lui ?

- Il semblerait que non. Ils se seraient disputés dans la soirée de mardi, elle serait chez sa meilleure amie, une certaine Lyse. D'après Alan, elle n'est pas en sécurité là-bas et sûrement que les types du gang savent déjà où Lucy se trouve.

Il pianota à nouveau sur son clavier, une nouvelle photo apparut à l'écran :

- Lucy York, la fille du commerçant.

Le visage d'Alec changea radicalement d'expression.

- Humm, pas mal. Mais, sérieusement, pourquoi je devrais me mêler de cette affaire ?

Logan commençait à perdre patience. Il se rappela de la même scène avec Max, mais avec elle ça s'était mieux passé, mais Alec lui était vraiment antipathique et il n'avait pas vraiment envie de perdre son temps en argumentation.

- Écoute Alec, j'ai vraiment pas le temps à perdre à essayer de te convaincre. À l'heure qui l'est une jeune fille risque de se faire kidnapper par un gang. Son père devra se rendre et ils risquent tous les deux de disparaître. Alors si tu as ne serait-ce qu'un peu de compassion, tu prends cette adresse et tu files t'occuper de protéger cette fille. On verra ensuite ce que je pourrais t'offrir en récompense pour ton dévouement.

Alec avait mal pris la remontrance de Logan, mais visiblement le désespoir envahissait Logan, car il faisait appel à quelqu'un en qui il n'avait sûrement pas confiance. Alec se dit alors qu'il était honnête et que son attachement à aider les autres, même si pour lui était un geste de faiblesse, dans ce monde ou seul le plus fort survit, était malgré tout honorable. Il prit l'adresse que Logan lui tendait et s'en alla.

Même jour
Appartement de Lyse
11h

Il était 11 heures du matin lorsqu'un pick-up noir se gara en trombe sur le bas-côté, à quelques mètres de l'immeuble ou vivait Lyse. L'endroit était calme. Trouver l'adresse avait été aisé un jeu d'enfant, car le numéro du papier trouvé dans le bureau d'Alan était un fixe, donc l'adresse était plus facile à localiser. Deux hommes avec des pantalons de type militaire, des rangers et des blousons noirs, descendirent de la voiture et entrèrent dans le bâtiment. Arrivé au troisième étage, l'un d'entre eux examina encore une fois le bout de papier sur lequel il avait noté l'adresse... Appartement 34... La porte fermée ne leur résista pas longtemps, mais ils se retrouvèrent devant un appartement vide. Ils revinrent donc à leur voiture et décidèrent de guetter discrètement son arrivée. Vu le peu de monde qui allait et venait, il leur serait impossible de la manquer.

La jeune femme, d'une vingtaine d'années, descendait du bus et traversait la chaussée, portant deux sacs à bout de bras. La journée avait été particulièrement belle et le soleil qui brillait la remplissait de joie. Ses cheveux longs et noirs flottaient dans les airs et elle se promenait d'un pas décidé. Elle revenait du centre commercial et, une fois de plus elle n'avait pu résister à tous ces jolis vêtements. C'était un peu son péché mignon, mais ce n'était que la récompense d'un dur travail. Un peu de coquetterie dans un monde en déclin ne pouvait pas faire de mal. Elle arriva devant son immeuble et poussa la porte d'entrée.

- C'est elle. J'en suis presque sûr. dit l'un des quatre hommes.

- Tu en es sûr ?

- Écoute, si je te dis que c'est elle, alors c'est elle. Regarde la photo, crétin. Alors arrête de poser des questions, allez-y tous les deux. Nous on reste ici au cas où.

Ils attendirent qu'elle soit à l'intérieur pour sortir discrètement de leur voiture et la suivre...

Monter les trois étages avec les bras chargés était épuisant constata Lucy. Lorsqu'elle arriva enfin devant la porte de son appartement, elle lâcha les sacs devant la porte défoncée, mais ne vit pas que deux hommes se rapprochaient dangereusement d'elle. Alec arriva enfin à l'adresse indiquée par Logan. Lunettes noires et veste en jean, le X5 gara négligemment sa moto sur le trottoir avant d'entrer à son tour. Il ne devait pas perdre de temps.

En chemin, il rencontra une jolie fille qui lui adressa un large sourire. Alec le lui rendit avec plaisir mais non, il n'avait pas le temps pour ça. Il montait le premier étage lorsque son ouie hyper développée lui permit d'entendre des cris étouffés. Ce devait être Lucy, il arrivait à temps. Il monta les escaliers à une vitesse surhumaine et arriva quelques secondes plus tard au troisième étage. Il reconnut immédiatement la fille qu'il devait soit disant protéger. Deux hommes assez baraqués tentaient de la kidnapper. Il fondit sur eux en un instant. Les deux gaillards trop occupés à essayer de neutraliser la fille, ne le virent pas arriver. Alec profita de l'effet de surprise pour décocher un coup de poing au premier homme dans le bas du dos. On entendit des os craqués sous l'impact et l'homme tomba à genoux. Le X5 le prit par le col avant de le projeter violemment contre le mur du couloir. Le pauvre en eut le nez éclaté avant de s'affaler par terre, inconscient.

N'en croyant pas ses yeux, l'autre homme lâcha Lucy et sortit un Beretta de sa poche.

- Ne t'approche pas où je t'explose la cervelle ! parvint-il à dire.

Alec se contenta de sourire. Il fondit tel un prédateur sur sa proie. L'homme n'avait tiré qu'une seule et unique fois, mais à côté, car déjà le X-5 le frappait dans le plexus. Le souffle coupé et plié en deux, il s'écroula.

- Va rejoindre ton copain maintenant, lança Alec visiblement satisfait.

Il tira le malfrat vers lui avant de le balancer vers son comparse. Le pauvre fit un vol plané de quelques mètres avant de chuter lourdement dans les escaliers. Ils avaient leur compte. Le X5 regarda ce qu'il venait de faire avec plaisir. Qu'il était bon d'être différent parfois !

Les gémissements de Lucy le firent revenir à la réalité. Il se retourna vers la jeune fille et essaya d'adopter une attitude rassurante. Elle était effrayée et visiblement sous le choc. Ils ne devaient pas rester ici, tôt ou tard, les renforts arriveraient.

- Tu n'es pas en sécurité ici, viens avec moi, je t'expliquerais ce qu'il se passe plus tard. Il ne faut pas traîner ici ! fit-il en lui tendant la main pour qu'elle se relève.

Étrangement, Lucy lui fit confiance et prit sa main. Les deux jeunes gens quittèrent les lieux rapidement. Alors qu'ils dévalaient les étages, une vieille femme remarqua un des hommes qu'Alec avait «neutralisé» gisant dans les escaliers.

- Je lui avais pourtant dit de ne pas boire autant, lança Alec à la vieille femme décontenancée.

Quelques secondes plus tard, ils quittaient l'immeuble et passèrent devant le pick-up noir.

Les deux malfrats, restés dans la voiture mirent quelques instants avant de réaliser que la fille qu'ils venaient de voir était... Lucy ! Les deux autres avaient donc échoué. Ils sortirent de la voiture pour intercepter la jeune fille... Trop tard. Une Ninja rouge démarra en trombe filant à travers les rues de Seattle.

Même jour
Dans l'après midi.

Solidement accrochée au conducteur qu'elle ne connaissait toujours pas, Lucy finit par lui demander d'arrêter la moto. Alec accepta et gara sa moto dans une ruelle peu fréquentée. Elle descendit, toujours terrorisée par ce qu'elle venait de subir et regarda Alec avec interrogation. Elle n'avait pas peur de lui, mais elle ne comprenait pas du tout ce qu'il lui arrivait

- Tu peux me dire ce qu'il se passe ? Et d'abord qui es-tu ?

- Alec qui était resté sur la moto enleva ses lunettes de soleil pour mieux l'observer :

- Tu peux m'appeler Alec tu sais...

- Ok Alec, qui est-ce qui t'envoie ?

- Je travaille pour le Veilleur...

Le fait qu'il lui dise que le Veilleur se trouvait derrière tout ça suffit à la calmer. Elle admirait son combat. Le X5 continua son explication en prenant garde de n'omettre aucun détail. Lucy écouta attentivement ses propos mais n'en croyait pas ses oreilles.

- Donc si je résume, mon père aurait découvert par hasard un trafic dans son hangar, et ils veulent le tuer... Mais pourquoi s'en prendre à moi ?

- Ton père a réussi à disparaître dans la nature pour l'instant. Ils pensent donc qu'en te capturant, ton père cédera à leur chantage...

Lucy mit quelques secondes pour assimiler toutes ces révélations... Elle, qui jusqu'à aujourd'hui se plaignait d'avoir une vie ordinaire... Elle sortit son téléphone portable et constata qu'elle avait un nouveau message. Le message qu'elle écouta venait du portable de son père. Alec lui avait donc dit la vérité... Elle avait les larmes aux yeux et s'assit sur le trottoir. Découragée, elle se prit la tête entre les mains et finit par éclater en sanglots.

Le X5 éprouvait de la compassion pour cette jeune fille. Ne sachant que faire pour la réconforter, il finit par descendre de sa moto et alla s'asseoir à côté d'elle. S'en suivit une longue discussion entre les deux jeunes gens et, Alec se surprit lui même à trouver les mots justes. Il parvint même à la faire sourire.

Elle sécha ses larmes et paraissait avoir retrouvé de la motivation. Elle se releva et se dirigea vers la moto.

- Merci Alec de m'avoir redonné un peu de courage... Tu viens ?

- Où ça ?

- Avec mon père on s'est engueulé pour une histoire de voiture. Je devais faire une soirée dans notre chalet, mais il a refusé de me donner les clés. C'est le seul endroit où il pourrait se trouver.

- C'est possible... mais c'est quand même dangereux. Les hommes qui te cherchent sont peut-être déjà là-bas...

- J'ai quelqu'un qui veille sur moi, fit-elle avec un léger sourire.

- Bon d'accord... et il est où ce chalet ?

- Près de la frontière canadienne. C'est à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Seattle. Je t'indiquerais le chemin en route.

Alec remit ses lunettes et remonta sur la moto, Lucy derrière lui. Il fit rugir le moteur avant de partir en faisant crisser les pneus sur l'asphalte. Le voyage dura plus longtemps que prévu car les barrages policiers étaient plus nombreux depuis quelques temps à cause des meurtres. Alec prit soin de tous les éviter, il n'avait pas encore de laissez-passer lui permettant de passer sans encombre... Tiens, voilà un truc que je demanderai à Logan lorsque tout ça sera termin, pensa t-il. Les paysages urbains et sales, laissèrent bientôt place à de grandes plaines et forêts, lorsqu'ils sortirent enfin de Seattle, et des routes bien droites, où Alec put enfin mesurer la pleine puissance de son nouvel engin.

Ils arrivèrent au chalet trois heures plus tard. Pour Alec, toute cette végétation le changeait du béton de Seattle et lui rappelait la forêt de Manticore. Lucy, la première à être descendue de la moto remarqua que la porte était entrouverte et après une rapide inspection, elle dû constater qu'il n'y avait personne. La fatigue ajoutée à la déception que son père ne soit pas là la désempara. Elle prit une chaise et s'assit, à l'écart, préoccupée. Alec entra à son tour. L'endroit était sympa, le chalet dont le bois, très solide provenait des pins de la région, paraissait confortable. Il comprit que Lucy préférait être seule pour l'instant.

La cheminée dans le coin de la pièce lui donna l'idée de faire un feu. La nuit tombait et il commençait à faire vraiment frisket. Il sortit un instant pour aller chercher quelques bûches de bois dans le cabanon accolé au chalet. Quelques minutes plus tard, le feu était allumé et commençait à répandre une chaleur agréable dans la pièce.

Alec se réchauffa les mains près du feu. Quel climat pourri, soupira-t-il. Lucy était toujours assise, perdue dans ses pensées.

- Tu sais s'il y a à manger ici ?

Lucy releva la tête un instant : "Dans le placard, là sur ta gauche."

Alec ouvrit le placard en question : "Génial, des haricots et encore des haricots."

Il prit une des deux boîtes de conserve qui restaient et se dirigea vers la cuisine. Il en ressortit quelques minutes plus tard :

- Tu ne voudrais pas m'aider ? Je n'ai jamais fait la cuisine moi.

Lucy le regarda un instant et finit par éclater de rire : "C'est donc ça l'odeur de cramé ?"

- Euh.. oui ça va c'est pas la peine de te moquer, fit il à moitié gêné. Tu peux m'aider ?

- Oui je crois que ça vaut mieux, répondit-elle en souriant.

Les haricots étaient trop cuits mais peu importe, ils mangèrent en tête à tête... Lucy avait enfin quelqu'un à qui elle pouvait se confier. Alec n'était pas du genre à partager ses sentiments, préférant la laisser parler et adopter le rôle du confident.De toute façon, qu'irait-il lui raconter ? Il n'a pas de parents et n'a connu queles militaires ? Bien sûr, très crédible ça. Ils parlèrent donc d'un peu de tout, de l'enfance de Lucy, de sa mère qui était morte alors qu'elle venait d'avoir 7 ans, de son père qu'elle adorait mais qui souvent se montrait trop protecteur envers elle... Ils continuèrent ainsi jusque tard dans la nuit, avant d'aller se coucher. Alec lui laissa la chambre et se contenta lui du canapé, qui était malgré tout bien plus confortable que leurs lits à Manticore.

Jeudi
Chalet non loin de la frontière canadienne
8h22

La nuit fut courte pour Alec qui n'était pas habitué à un tel confort. Les lits spartiates de Manticore n'avaient rien en commun avec le moelleux de ce canapé. Il se réveilla brusquement lorsqu'il entendit au loin le bruit de plusieurs voitures. Elles venaient dans leur direction et, seraient là d'ici deux à trois minutes. Il s'extirpa du canapé et se dirigea rapidement vers la chambre de Lucy avant d'en ouvrir la porte :

- Lucy, réveille toi. On a de la visite.

La jeune fille, pas très bien réveillée, se frotta les yeux.

- Habille toi. On doit partir maintenant, insista le X5.

Il sortit de la chambre et quelques secondes plus tard, Lucy sortit à son tour. Alec regarda furtivement par la fenêtre. Par chance, ils n'étaient pas encore là. Tous deux sortirent du chalet en courant et, Alec eut juste le temps de démarrer que déjà deux 4x4 noirs déboulaient sur le petit sentier menant au chalet. Le chemin menant à la route était maintenant bloqué. Le X5 ne vit qu'une solution pour leur échapper, fuir par la forêt.

bord d'un 4x4, un homme reconnut la fille et ordonna au chauffeur de les poursuivre, l'autre 4x4 continuait de les suivre. Alec grimaçait. Sa moto n'était pas adaptée pour le tout terrain, pourtant sa Ninja dévalait le sentier à une vitesse vertigineuse, slalomant entre les arbres.

- Alec, tu vas nous tuer ! cria Lucy.

Mais le X5 n'écoutait plus, trop concentré sur sa conduite. Il frôlait les arbres à quelques centimètres. La moto dérapait sans cesse menaçant à chaque instant de les faire tomber tous les deux. Inexorablement, les 4x4 plus habitués à rouler sur ce genre de surface, gagnaient du terrain. Pourtant après plusieurs minutes de poursuite acharnée, l'un d'eux à manqua une manœuvre avant d'aller percuter un arbre de plein fouet. Le moteur s'embrasa et la voiture finit par prendre feu. Deux hommes seulement s'étaient extirpés. Lucy regarda un instant derrière-elle, il restait encore une voiture qui les poursuivait. Décidément, cet homme la surprenait. Il était incapable de cuisiner mais lorsqu'il s'agissait de fuir et de combattre, il était exceptionnel. N'importe qui se serait tué en allant à cette vitesse, mais pas lui. À bien y réfléchir, Lucy le trouvait de plus en plus étrange...

Comment avait-il pu anticiper leur arrivée alors que leurs poursuivants se trouvaient à plusieurs kilomètres ? Toutes les questions qu'elles se posaient disparurent lorsqu'ils manquèrent de tomber dans le ravin. La roue arrière faillit les entraîner tous les deux dans le vide. Mais le sang froid d'Alec, allié à ses réflexes surhumains, lui permit de s'en sortir de justesse. Le 4x4 arriva lui aussi rapidement et commit la même erreur qu'Alec, mais ils eurent moins de chance. Malgré un énorme freinage, le conducteur perdit le contrôle et le 4x4 fit un tête à queue avant de basculer dans le ravin. Une mort certaine les attendait.

Lorsqu'il s'aperçut qu'ils n'étaient plus suivis, Alec se permit de réduire un peu sa vitesse. La moto en avait bien besoin. Il finit par trouver un accès à la route et de là, ils purent repartir en direction de Seattle. Le jeune homme était inquiet car cette mission était plus périlleuse qu'il ne l'avait cru et il craignait pour la sécurité de Lucy. La meilleure solution était d'appeler Logan. Lui saurait quoi faire. Il arrêta donc la moto sur le bas-côté.

- Qu'est ce qu'il y a ?

- Je dois passer un coup de fil.

Il sortit son téléphone de la poche de veste et composa le numéro de Logan.

- Logan ? C'est Alec.

- Salut. T'as retrouvé la fille ?

- Oui. Et ça n'a pas été de tout repos. Faudrait que tu lui trouves une planque sûre.

- Et vous êtes où ?

- On est à une dizaine de kilomètres de la frontière canadienne.

- Très bien. Attends un instant, j'ai un contact qui pourra peut-être l'aider.

Quelques secondes passèrent et Alec commençait à s'impatienter.

- Alec ? T'es toujours là ?

- Oui.

- C'est bon, j'ai trouvé. Un de mes contacts vous attendra d'ici une heure à la dernière station essence avant la frontière.

- Ok. Et comment on le reconnaît ?

- Je lui ai parlé de toi. C'est lui qui vous reconnaîtra.

Logan indiqua à Alec le meilleur chemin pour éviter autant que possible les forces de l'ordre.

- Tu peux m'expliquer ? demanda Lucy.

- Tu vas aller au Canada, c'est plus sûr. Je parlais avec le... un des contacts du Veilleur et c'est la meilleure solution... Tu seras en sécurité là-bas.

- Si tu le dis, répondit-elle avec un peu d'anxiété.

Ils firent donc demi-tour direction le Canada. À proximité de la frontière, Alec trouva sans difficulté la station essence que lui avait indiqué Logan. Ça tombait bien, sa moto avait besoin de faire le plein. Alec s'arrêta devant la borne, et alla remplir le réservoir. Il prit son temps, sifflotant comme si de rien n'était. C'est alors qu'une vieille Chrysler bleue arriva et s'arrêta à la borne juste à côté. Un homme d'une quarantaine d'années en sortit. Il avait tout l'air d'un touriste mais ça pouvait bien être le contact de Logan. Il s'approchait d'ailleurs du X5 :

- Vous êtes Alec je présume. Et vous êtes Lucy ? fit-il en direction de la jeune fille.

- C'est exact. Prenez bien soin d'elle... Il faut la mettre en sécurité.

- Ne vous en faites pas. C'est toujours un plaisir d'aider le Veilleur.

Lucy qui se dégourdissait les jambes rejoignait le contact du Veilleur lorsqu'elle se retourna brusquement vers Alec pour l'embrasser sur la joue en guise de remerciement.

- Merci Alec. Tu es un type bien. Je ne t'oublierais pas.

- Moi non plus, répondit Alec un peu hagard.

- Qui sait, on se reverra peut être !

- Ouais pas de problème ! Fit-il quelque peu surpris.

La jeune femme monta dans la Chrysler, avant de disparaître derrière les vitres teintées. La voiture démarra en direction du Canada. Alec souffla un instant. Ces deux jours avaient été éprouvants mais il était content d'avoir pu aider cette fille. Il chassa sa mélancolie et paya le propriétaire de la station. La journée avait été longue et le soleil commençait à tomber. Il repartit aussitôt pour Seattle ; direction l'appartement de Logan.

Même jour
Appartement de Logan
23h20

Logan commença à ranger les documents dont il s'était servi durant la journée. Il jeta un œil à sa montre... 23h. Il n'allait pas tarder à aller se coucher quand soudain, on frappa à la porte.

- C'est ouvert, lança-t-il.

Quelques secondes plus tard, Alec était devant lui, visiblement satisfait.

- Je tenais à te remercier. Tu m'as rendu un grand service en protégeant Lucy.

Alec ne répondit pas tout de suite :

- Ouais. On peut dire que ça a été mouvementé. Tu me revaudras ça un jour.

- Sans problème. Mais pour l'instant on a encore du pain sur la planche.

- Quoi encore ? Ça t'arrive de te reposer ?

- Pas le temps !

Logan se déplaça jusqu'à son ordinateur et pianota quelques instructions, pendant qu'Alec mimait d'un air moqueur, ce que venait de lui dire Logan. De nouvelles informations apparurent à l'écran.

Je n'ai pas trouvé grand-chose pour l'instant si ce n'est que j'ai pu remonter le trajet d'un bateau qui est parti des Philippines il y a 2 mois maintenant et qui a fait quatre escales dont une, devines où ? En Afrique du Sud avant d'accoster sur le port où notre Alan York a découvert le trafic dans son hangar. Ça colle en tous points ! Le bateau s'est amarré au port il y a deux semaines et les meurtres ont eut lieu dans la semaine de son arrivée.

- Je te l'avais bien dit, sourit Alec.

Logan ne releva pas la remarque et continua son explication :

- Impossible pour l'instant de trouver l'affréteur de ce bateau. Tout a été falsifié. Cependant, j'ai pu retrouver à qui était adressé une partie de la cargaison et c'est pas vraiment le plus honnête client que je connaisse. Un certain Lex Shepard... Je le soupçonne d'être à la tête d'un réseau mafieux dans tout l'Ouest du pays. Mais pour l'instant, je n'ai jamais pu le prouver. Notre Lex fait maintenant dans le commerce de ricin, et j'ai ma petite idée concernant le destinataire final.

Il vérifia qu'Alec l'écoutait toujours et poursuivit :

- Qui est-ce ?

- Il existe une seule société dans tout le pays qui a l'autorisation de produire cette poudre de ricin. C'est United Research, dont les fonds proviennent exclusivement... d'Afrique du Sud. Cette société est irréprochable et la production est sévèrement contrôlée. Cependant, un de mes contacts avait mené sa propre enquête à l'époque. Il affirmait que certains scientifiques se seraient laissés corrompre par l'appât du gain. En clair, ils procèderaient à une fabrication parallèle de poudre de ricin. Et devine qui est le directeur de United Research ?

- Shepard ? Mais ce n'est qu'un gangster ?

- En effet, mais qui est mieux placé qu'un gangster pour cacher des stocks ? Il a dû trouver que les quantités détournées étaient insuffisantes et, c'est pour cette raison qu'il a décidé d'importer lui même le poison... Ainsi, grâce à United Research qui lui fournit une couverture totale, il aurait en sa possession une arme parfaite et en quantité presque illimitée...

- Et moi là dedans ?

- Je voudrais que tu te rendes chez United Research, secteur 8, et plus précisément, dans le bureau de Shepard. Trouve où est stocké le ricin importé illégalement.

- Et pourquoi j'accepterais ? fit-il en arquant un soucil.

- Parce que tu as la main sur le cœur... Il y a, en plus, une petite récompense pour toi si tu me ramènes la preuve que Shepard est bien derrière un trafic d'arme nouveau genre dans les locaux de United Research et puis si tu trouves quelque chose d'intéressant là-bas, ne te gènes pas.

Ces arguments semblaient convaincre Alec.

- Et niveau sécurité, je peux m'attendre à quoi ?

- À vrai dire, le bâtiment ressemble à une véritable forteresse. Il y a une dizaine de gardes qui le surveillent nuit et jour. Les locaux sont sous surveillance vidéo. D'ailleurs, j'ai quelque chose qui devrait t'aider.

Logan se pencha un instant et ouvrit un tiroir sur sa gauche, il en ressortit un badge d'accès et une cagoule avant de le donner à Alec. Il retourna à son ordinateur et tapa de nouvelles instructions. Un plan des locaux de United Research apparut alors à l'écran.

- Avec ce badge tu pourras ouvrir la porte réservée au personnel qui est ici, fit-il en la montrant du doigt sur l'écran. Malheureusement, le bureau de Shepard est situé au premier étage et ce badge ne te permettra pas d'y accéder. Et la cagoule c'est pour t'éviter des ennuis si une caméra de surveillance parvenait à te repérer. Les gens de United Research ont le bras long.

- En clair faudra que je me débrouille une fois dans la zone réservée au personnel.

- C'est un peu ça. Le bureau de Shepard est ici, continua-t-il.

- Ok. Pas de problème, ça va le faire.

Alec s'apprêtait à partir lorsque Logan lui lança :

- Merci Alec. Repasse demain avec les documents. Bonne chance.

Sur le pas de la porte, le X5 se retourna et sourit : "La chance n'a rien à voir là-dedans. Hum il est drôle ce Logan ! Il partit, laissant Logan à ses occupations. Ça me rappelle le bon vieux temps. Enfin un peu d'action. Rien à voir avec ces voyous de bas quartier."

Locaux de la United Research
Minuit

Les locaux de United Research étaient situés un peu en dehors du centre du secteur 8. Alec gara sa moto dans une ruelle mal éclairée non loin de là et, préféra faire le reste du chemin à pied. Le bâtiment principal faisait une centaine de mètres de long et entouré d'une grille barbelée électrifiée d'une hauteur de 3 mètres. Hors de question de passer par l'entrée principale car deux gardes lourdement armés en surveillaient l'accès et il y avait en plus un troisième garde posté dans une tour accolée au bâtiment qui braquait un énorme projecteur sur les alentours. Alec ne mit que quelques secondes à se décider. Il longea l'enceinte très discrètement et évita de justesse le projecteur qui balayait les alentours. Il prit son élan et sauta par dessus la barrière avant de se réceptionner impeccablement. Il n'eut pas le temps de souffler qu'un garde venait déjà dans sa direction. Alec s'éloigna rapidement en s'aidant de l'obscurité ambiante.

Le X5 continua sa progression contre le mur d'enceinte car ça réduisait la possibilité qu'il soit repéré. Il arriva enfin devant la porte du personnel et regarda autour de lui si la voie était dégagée... Personne... Il sortit la carte d'accès de son blouson et la glissa dans le lecteur. Il perçut un petit clic et le voyant passa au vert. La porte s'ouvrit et Alec s'y infiltra discrètement avant de refermer soigneusement la porte derrière lui. Le plus gros restait à faire. Un silence pesant régnait à l'intérieur et rendait l'atmosphère inquiétante. Les murs bleu sombre donnaient un aspect high-tech au bâtiment. De chaque côté du couloir, l'on pouvait voir de grandes pièces où était entreposée une grande quantité de matériel très récent : ordinateurs, microscopes... Logan en serait jaloux s'il voyait ça, pensa-t-il. Alec observa les alentours, prenant soin d'éviter les caméras de sécurité et, monta à l'étage. Tout était calme. À croire que les gardes ne surveillaient que l'extérieur de l'enceinte. Le X5 passa devant les portes à la recherche de celle portant le nom qu'il connaissait «Shepard». Il la trouva enfin, tout au bout du couloir. La porte était ordinaire mais verrouillée. Alec remarqua alors sur sa gauche un petit clavier numérique. L'écran situé au dessus demandait un code d'accès. Alec jura un instant. Il n'était quand même pas venu jusqu'ici pour rien. Il voulut faire demi-tour lorsqu'il entendit des bruits de pas qui venaient dans sa direction. Il n'y avait aucune issue... Il enleva sa montre, la régla sur 30 secondes, avant de la glisser sous la porte de Shepard...

La journée avait été longue pour Georges. Il était surveillant à la United Research et attendait patiemment la relève. La quarantaine passée, Georges avait servi dans l'armée avant de se reconvertir comme agent de sécurité, après avoir été blessé au combat. Regarder des écrans de surveillance à longueur de journée n'était pas ce dont il avait rêvé, mais la paye était bonne. Il regardait sa montre lorsqu'il crut entendre un bruit suspect dans le couloir de la direction. Il avait sans doute rêvé mais il préféra s'en assurer et quitta son poste. Lorsqu'il arriva, tout était calme. Il vérifia que chaque porte était fermée et arriva devant celle de Shepard où il entendit encore un bruit qui semblait s'en échapper. Intrigué, il composa le code d'accès...

La position d'Alec était pour le moins inconfortable. Perché en hauteur sur une sorte de grand tube cylindrique, il était à la verticale de la porte de Shepard. La sonnerie de la montre continuait de retentir et le garde avait mordu à l'hameçon en composant le code de sécurité. Alec attendit qu'il ait terminé pour lui tomber dessus. Il le neutralisa facilement avant de le traîner à l'intérieur. Les autres gardes n'allaient pas tarder à voir que l'un d'entre eux manquait à l'appel, il n'avait donc que peu de temps devant lui.

Le bureau de Shepard était assez petit et ordinaire contrairement à ce qu'avait imaginé Alec. Une photo de famille était accrochée au mur... Il commença à fouiller les tiroirs avant de passer à l'armoire, mais rien. Aucun document sur les importations de ricin. Il commençait à désespérer lorsqu'il se retourna et remarqua pour la première fois un tableau de grande valeur sur le mur du fond. Le X5 ne connaissait pas grand chose à l'art, mais suffisamment pour savoir qu'il pourrait en tirer un bon prix. Rembrandt avait la côte sur le marché noir en ce moment... Il le décrocha soigneusement du mur et remarqua qu'il avait été placé ici afin de dissimuler un coffre-fort. Comme c'est original ! Se dit Alec. Il posa le tableau par terre et s'approcha. Plaquant son oreille contre le coffre-fort, il commença à tourner la molette. Son ouïe très fine lui permit d'ouvrir le coffre sans difficulté. Celui-ci contenait seulement un document de transport pour une cargaison de produits toxiques et un papier. Après avoir récupéré le document de transport, Alec s'attarda sur le papier où étaient inscrits une adresse, une date et une heure. Sûrement le lieu où ils devaient faire l'échange, se dit Alec. Il mémorisa les informations, puis ouvrit le classeur qui se trouvait là et n'en crut pas ses yeux. Celui-ci contenait des bons du Trésor américain, il y en avait pour pas loin de 20 000$.

La pêche avait été fructueuse et il était temps de rentrer pensa-t-il en refermant le coffre. Il s'apprêtait à sortir du bureau lorsqu'un autre garde arriva dans le couloir et venait dans sa direction. Il retourna dans le bureau et attendit patiemment derrière la porte restée ouverte. Il espéra que le garde ne donne pas l'alarme avant d'être entré.

- Georges ? C'est toi ? Mais qu'est ce tu fais dans le bureau du patron ?

Le garde continua d'approcher et entra finalement dans le bureau. Sitôt entré, il vit son collègue gisant par terre et inconscient. Il décrocha immédiatement son talkie-walkie pour donner l'alerte, mais Alec ne lui en laissa pas le temps et lui envoya un violent coup de pied à mi-hauteur du ventre avant de placer un uppercut en plein visage. Le pauvre homme tomba à la renverse sous l'impact. Il était KO, mais ça n'empêcha pas Alec de prendre soin d'enlever les talkies-walkies des deux gardes, histoire qu'ils ne puissent pas déclencher l'alarme trop rapidement et puis il se tiendrait mieux au courant des événements.

Le X5 prit le contrat de location, les bons du Trésor et ne put résister au Rembrandt qu'il emporta également avec lui. Il referma la porte derrière-lui ce qui réactiva le dispositif de sécurité. De cette façon, les deux gardes ne pourraient pas sortir avant un bon bout de temps. Le chemin du retour fut plus aisé et Alec sortit par où il était entré. Passer la grille de barbelés avec un tableau à la main ne fut pas chose facile mais il y parvint finalement sans abîmer son précieux butin. Mieux valait ne pas traîner par ici. Il retrouva sa moto là où il l'avait laissée et démarra sans perdre de temps. La journée avait été épuisante et un peu de repos lui ferait le plus grand bien. Déjà, les sirènes d'alarme de la United Research retentissaient, mais il était déjà loin et hors de portée...

Vendredi Matin : 9h02
Appartement de Logan

Logan était en train de prendre son petit déjeuner lorsqu'on sonna à la porte. Comme souvent ces temps-ci, c'était Alec. Le X5 ne dit rien et tendit le document de transport à Logan.

- Le bon de livraison indique une adresse que j'ai aussi trouvée sur un bout de papier dans le coffre de Shepard. 5, Parker Street, secteur 6, mercredi prochain à 15h00. C'est sûrement là bas qu'ils feront l'échange.

Le cyber journaliste lâcha sa tartine de pain et examina les documents.

- Hum ! Effectivement il se peut que tu ais trouvé l'endroit où ils feront la transaction. Au fait, je pensais que tu reviendrais me voir plus tôt... Tu n'as pas eu d'ennuis au moins ?

- Penses-tu. Ce ne sont pas quelques gardes qui m'auraient arrêté.

- Attends je vais vérifier l'adresse.

Logan pianota sur son ordinateur et apprit que l'adresse correspondait à un entrepôt désaffecté du secteur 6, et comme par hasard, situé à l'ancien emplacement de United Research.

- Bravo ! Alec, je crois bien que tu as trouvé le Jackpot. J'ai contacté Alan York pour lui annoncer que sa fille était en sécurité au Canada avec un ami et un visa. Il accepte de témoigner, mais il veut d'abord avoir son visa pour aller la rejoindre. Tout ça risque de prendre un peu de temps, alors, il se peut que je fasse appel à toi d'ici peu

- D'accord, mais j'attend toujours la paye pour Lucy.

- Je te rappelle dès que j'ai du nouveau.

- Au fait, c'est quoi la petite surprise ? Tu as le document, alors est-ce que je peux savoir ?

- Si je te dis tout de suite ce que c'est, ce n'est plus une surprise. Mais tu verras, tu sauras encore plus libre une fois que tu l'auras.

- Tu sais Logan, ta dette envers moi vient encore d'augmenter, fit-il en souriant.

Alec sortit de l'appartement et appela l'ascenseur dans le couloir. Lorsque celui-ci arriva enfin, un homme tout de noir vêtu en sortit. Il était de petite taille, les cheveux blonds, assez courts, il ne vit son visage que peu de temps car l'inconnu baissa immédiatement la tête. Après un instant d'hésitation, Alec entra dans l'ascenseur et appuya sur le bouton du rez-de-chaussée. Étrange, il était sûr d'avoir déjà vu cet homme auparavant... mais où ? Il chassa ses idées et quitta bientôt le secteur 9. Il avait un tableau à vendre...

Alec venait à peine de sortir, qu'on sonna de nouveau à la porte. Décidément, je n'arriverais pas à finir ces céréales, pensa Logan.

- C'est ouvert, lança-t-il.

Comme il n'obtenait aucune réponse, le jeune homme se dirigea vers la porte. Celle-ci s'ouvrit sur la dernière personne à laquelle il s'attendait... Lydecker.

Il n'avait guère changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. L'ancien colonel de Manticore portait son éternel blouson en cuir. Ses traits marqués laissaient apparaître une fatigue évidente mais son regard restait froid et déterminé. Ils se dévisagèrent un instant, ne sachant quoi dire. C'est finalement Lydecker qui engagea la conversation :

- Tu cherches Max, je suppose ? Alors je sais peut-être où elle est, fit-il alors qu'il était toujours sur le pas de la porte.

Logan n'en croyait pas ses oreilles. Il invita Deck à entrer et tous deux se dirigèrent vers le salon et le Colonel commença son récit. Bien qu'il ne fasse plus partie de Manticore, il avait gardé des contacts là-bas. Au cours d'un déplacement, il avait appris de source sûre la destruction du complexe. Cette nouvelle ne l'avait guère étonné, car c'est lui-même qui avait transmis les coordonnées à Logan. Par contre, le fait que la plupart des transgéniques et aient réussis à s'échapper lui avait mis la puce à l'oreille. Seule Max était capable d'une telle chose. Toujours grâce à son contact, Lydecker avait appris la capture de la X5 au cours de l'incendie.

- J'ai réussi à intercepter un rapport destiné à la Commission, poursuivit-il. Suite à ton flash du Veilleur, Renfro a ordonné la destruction du complexe. Dans ce genre de situation, le protocole exige l'envoi de renforts pour aider à l'évacuation.

Il lui tendit un bout de papier écrit par Renfro pour la Commission et qui expliquait bien que le projet Manticore et ses créations seraient à jamais détruits dans l'incendie. Logan le lut, mais ce qu'il attendait c'était que Donald lui parle du centre.

- Et ce centre ? Qu'est ce que c'est ?

- Ce centre appartient à l'armée. Je ne sais pas exactement ce qu'ils y font, mais je sais qu'ils s'en servent aussi comme prison. On y trouve de tout, des militaires, des criminels condamnés à perpétuité, des fous. Dans ce centre il y a un condensé des pires endroits de détention des États-Unis. La plupart des gens qui se trouvent là-bas ne ressortiront jamais. Il y aurait aussi des rumeurs sur d'éventuelles expériences sur les prisonniers. Autant te dire que ce qu'il se passe là-bas est vraiment contraire à l'éthique scientifique. Seulement personne ne s'insurge car personne ne connaît son existence.

- Si Max se trouve effectivement là-bas, elle risque d'être découverte et va avoir de gros ennuis.

- C'est aussi mon avis.

- Et pour la sécurité ?

- La sécurité est effectuée par un détachement de militaires qui serait basé à environ une cinquantaine de kilomètres du dernier centre de Manticore qui a brûlé. A quelle distance se trouve la base militaire du centre, je n'en sais rien du tout. Techniquement parlant ils peuvent agir soit par hélicoptères soit par véhicules. Pour Manticore ils auraient utilisé des hélicoptères, car plus rapides et surtout plus faciles à utiliser pour un mission secrète de sauvetage.

- Les militaires ne protègent pas directement le centre ?

- Si, mais le détachement étant très important, le plus gros des troupes se trouvent là. Ils sont en communication permanente avec le centre.

- Comment savez-vous tout ça ?

- Disons que j'ai souvent du faire appel à eux pour essayer de capturer les X5. Ils étaient déjà attachés à ce centre à l'époque puisque je voyais circuler des véhicules portant leur logo.

- Et dans la base, la sécurité est-elle importante ?

- Je n'en sais rien du tout ! Je te l'ai dit, je n'ai jamais mis les pieds là-bas. Tout ce que je sais, c'est qu'elle se trouverait dans ce centre. Je ne connais pas son nom, ni même l'endroit où il se trouve. Tu penses qu'ils ne font pas la pub de ce genre d'endroit. Par contre je sais qu'ils ne doivent pas être très loin de Seattle car j'ai croisé hier soir, totalement par hasard, un fourgon portant ce même logo.

Il tendit alors à Logan un papier sur lequel il avait reproduit au mieux le fameux logo. C'était un serpent qui entourait un fusil d'assaut, amélioré, M16 avec en arrière plan un bouclier. Logan regarda ensuite le rapport de mission du groupe de récupération qu'ils avaient transmis au département de sécurité militaire de Seattle et qui était la preuve pour Donald qu'ils s'étaient bien rendus sur l'emplacement de Manticore. Logan constata que les coordonnées du plan de vol des hélicoptères correspondaient exactement à ceux que lui avait donné Lydecker pour qu'il fasse son flash du Veilleur et révéler la vérité sur le projet secret du gouvernement.

- Ton contact au département de sécurité doit être un sacré débiteur pour te donner accès à des informations de ce type.

- Non ! C'est quelqu'un qui travaille pour moi. Nous nous connaissons depuis très longtemps. Je dois dire que j'ai peu de chance dans la vie, alors je profite du peu que la vie m'accorde.

Logan s'attarda sur les rescapés mentionnés par le responsable de la mission. Il était mentionné qu'une femme répondant au nom de Renfro avait été retrouvée grièvement blessée aux côtés d'une jeune femme métissée portant un code barre sur la nuque. Ils avaient retrouvé un prisonnier dans une des salles du complexe ainsi qu'un garde de la base.

Il regarda alors Lydecker qui avait son regard pensif. Logan était désorienté. Il avait toujours su qu'elle était en vie et ce rapport ne faisait que confirmer sa position. Seulement cela faisait jaillir en lui, à nouveau, une quantité de souvenirs qu'il avait réussi depuis quelques temps à enfouir au plus profond de lui. C'était une nouvelle inespérée, ce que Lydecker lui apportait, mais c'était aussi douteux de la part de quelqu'un qui avait pourchassé Max et les autres pendant près de 10 ans...

- Qui me dit que vous n'êtes pas ici pour vous servir de moi, retrouver Max et la conduire à Manticore ?

- Stupidité ! Pourquoi je viendrais perdre mon temps ici avec toi si je travaillais à nouveau pour eux ?

- Je ne sais pas... J'ai souvent mis à l'eau vos jolis plans et vous avez du vous dire qu'en vous servant de moi vous arriveriez plus vite à vos fins tout en gardant l'œil sur moi !

- Sottises ! Manticore connaissait ce centre. Ils n'ont pas envoyé un message d'appel n'importe ou ! Si Manticore m'avait chargé de retrouver Max, ils m'auraient donné l'adresse et j'y serai allé directement ! Bon tu vas te décider à m'aider oui ou non ! Toi et moi on ne veut qu'une chose, sortir Max de là.

Logan le fixa un instant, mais Lydecker, impatient lui demanda de commencer les recherches. Logan, était méfiant, il était clair dans sa tête que Lydecker, aussi honnête avait-il l'air sur ce coup restait quelqu'un de très imprévisible. Il commença ses recherches, mais se disait en même temps qu'il allait bien surveiller ce que ferait Lydecker.

Ils se mirent alors à faire leur enquête. Seulement il n'y avait aucun document relatif à l'existence de centre dans les environs de Seattle. Que ce soit sur le site de la défense, le site du gouvernement, le site des laboratoires scientifiques, les recherches étaient infructueuses. Logan commençait à se demander si les informations qu'avait Lydecker n'étaient pas erronées. Il voyait, cependant, que Lydecker était lui aussi désespéré et surtout en colère. Logan se dit alors qu'il devait lui aussi croire à cette histoire de centre. Le jeune homme eut alors l'idée de visiter quelques sites d'amateurs en conspiration gouvernementale. La recherche ne lui prit que quelques minutes lorsqu'il tomba sur un article vieux de deux mois. L'auteur faisait mention d'un complexe militaro-scientifique perdu dans les montagnes au sud-ouest de Seattle. Les coordonnées exactes étaient même indiquées. L'article poursuivait alors ainsi :

«Après plusieurs heures de marche à travers les montagnes, j'aperçus enfin ce que j'étais venu chercher. Ce centre immense était très bien surveillé, des dizaines de gardes patrouillaient en permanence et un hélicoptère surveillait les alentours. Armé de mes jumelles, je pus distinguer deux fourgons noirs. Les militaires emmenèrent les occupants dans le bâtiment principal...»

L'auteur avait ensuite été repéré puis, arrêté et prié de ne plus jamais revenir au risque d'y laisser la vie.

- Ça pourrait bien être ce que l'on cherche, remarqua Lydecker qui tenait une tasse de café à la main et qui venait d'en poser une à côté de Logan.

- Possible. En tout cas, ça vaut la peine de vérifier.

- Tu as raison... Mais si ce gars dit vrai il va nous falloir du renfort. Il faudrait que tu diffuses un flash comme tu l'avais fait l'an dernier pour aider Tinga à s'enfuir.

- C'est d'accord. Je vais passer un message aux alentours de Seattle voir s'il y en a pas trop loin.

La vérification fut faite. Mais là ou devait se tenir un centre scientifique, se trouvait en fait un petit aérodrome. Logan n'y croyait pas. La photo satellite prise il y a deux mois de ce cela était formelle. Un petit aérodrome. Il se leva brusquement, dégoûté, mais Lydecker qui venait de s'asseoir à sa place le rappela.

- Regardez ! Ça et ça, ce sont des tourelles de surveillance et là c'est une barrière de sécurité. Pourquoi un petit aérodrome de montagne aurait-il besoin de ce système de surveillance. Et regarde ça. Mis à part ce gros bâtiment, il n'y a rien d'autre autour, juste une piste de décollage qui soit disant passant est bien trop petite pour y faire décoller des petits avions de tourisme.

- Une base souterraine ?

- Oui, c'est très commun pour ce genre de base. C'est très discret et ça passe vraiment inaperçu pour des yeux non avertis.

Logan mit un petit instant pour préparer son matériel, installer la caméra et, avec l'aide de Lydecker, rédigea un message codé que seuls les X5 pourraient décoder. Une fois prêt, Logan s'installa, vérifia une dernière fois le matériel avant de réciter son texte. Il ressentit une sensation étrange en le lisant car c'était la première fois que le Veilleur reprenait la parole depuis la disparition de Max. Une fois le message enregistré, Logan pianota quelques commandes sur son clavier et engagea une connexion multiple avec le satellite. Après deux échecs, la connexion put enfin être établie et tous les postes de télévision de la ville diffusèrent le même message :

«N'essayez pas de régler votre téléviseur... Voici votre cyber flash, souffle de la liberté. Le piratage du réseau durera exactement 60 secondes. On ne peut le localiser, on ne peut l'interrompre, c'est la seule voix encore libre, qui reste dans cette ville.

Ce message s'adresse à ceux qui ont donné un coup de main au Veilleur pour dévoiler le programme Manticore.Tout n'est pas terminé, il en reste encore quelques vestiges. L'une d'entre vous que vous connaissez sous le code 452, a été capturée et conduite en détention. Le Veilleur sait ou il se trouve, mais il a besoin de vous pour la sortir de là. Vous savez comment me joindre. C'était votre ami le Veilleur. Paix à tous.»

Le message passé, Logan enleva le micro et regarda Lydecker tout en disant :

- Voilà ! Il n'y a plus qu'à espérer qu'ils entendront le message.

Lydecker qui restait pensif répondit : "Ils viendront."

- Je l'espère. Je rediffuserai un flash plus tard ce soir.

- Bonne idée. Ils te joindront sur la boîte vocale que Zack avait mis en place. Dis leurs de venir à cet endroit le plus tôt possible. Ils m'y trouveront, mais dis leur de ne pas s'inquiéter de ma présence. Viens à 9 heures pour préparer la mission.

- Entendu !

- Sois à l'heure, sinon on part sans toi ! ajouta-t-il comme s'il donnait un ordre à un militaire.

Donald sortit de l'appartement et referma la porte derrière lui. Logan se retrouva seul et regarda sa montre. Il était presque midi... Il referait un flash vers 20h00. En attendant, le reste de la journée, Logan s'occupa d'aller voir ceux qu'il contactait lorsqu'il avait besoin de faire des nouveaux papiers. Il fallait qu'il fasse ceux pour Alan York le plus vite possible. Son enquête en dépendait et la vie d'Alan aussi.

À 20h00, comme prévu, Logan fit un deuxième flash pour avertir les frères et sœurs de Max. Plus tard dans la soirée, alors qu'il avait attendu à proximité du téléphone et qu'il commençait à perdre espoir, celui-ci sonna enfin. C'était Krit qui appelait. Il disait avoir vu le message et qu'il avait rejoint Syl avant de l'appeler. Ils étaient prêts à l'aider pour retrouver Max. Logan leur dit alors de se rendre à une adresse où ils y trouveraient Lydecker. Krit suspicieux demanda ce que faisait Lydecker ici. Logan lui répondit de ne pas s'inquiéter et que c'était Lydecker qui lui avait donné les informations sur l'endroit où se trouvait Max. Il leur dit qu'il devait les rejoindre le lendemain à 9 heures. Krit prit note et raccrocha.

Logan était heureux. Max avait de la chance de pouvoir compter sur eux. Ils avaient enfin les moyens de sortir la jeune femme de ce centre. Après une nuit plus ou moins courte, à penser sans arrêt à Max, Logan se réveilla aux alentours de 7h30 du matin. Il s'apprêta, prépara ses affaires puis descendit à sa voiture et se rendit à l'endroit convenu avec Lydecker, dans le secteur 2. Le trajet fut relativement rapide et il arriva même un peu en avance.

Le bâtiment que Logan regardait en sortant de sa voiture tombait en ruines et les façades étaient couvertes de graffitis. Logan vérifia l'adresse une dernière fois et traversa la route. Une fois au premier étage, il frappa à la porte du numéro quatorze. Quelques secondes plus tard, Lydecker lui ouvrit et il entra. L'appartement était comme l'immeuble, un taudis, en bref la planque idéale pour ne pas être repéré. Sitôt entré, Logan vit Syl et Krit. Elle était assise sur une chaise, face au dossier alors que Krit se tenait debout adossé à un mur de la chambre. Alors qu'ils saluaient Logan, Lydecker interrompit les retrouvailles.

- Nous devons discuter du plan.

- Exact.

- Voici ce que je propose et il n'y a rien de mieux, sauf si quelqu'un a une idée.

- On vous écoute Donald, fit Logan curieux

Logan était intéressé d'entendre le plan du fin stratège qu'il était. Il fallait bien avouer que les plans de Lydecker pour retrouver Max ou les autres étaient très astucieux. Il était toujours parvenu à le faire échouer dans ses projets, mais cette fois-ci ils étaient du même côté.

- Manticore a toujours été en relation avec ce centre et ce même si nous n'avons jamais fait appel à eux. C'est un de mes amis au département de sécurité qui m'a donné ces informations. Le seul moyen d'accéder au centre c'est par la route et il n'y en a qu'une seule. Le problème qui se pose c'est qu'il y a un poste de surveillance à 4 kilomètres et qu'il faudra le passer. Or tout véhicule pénétrant dans cette zone doit obligatoirement avoir une autorisation de mission officielle du département de sécurité militaire. Il nous faut donc cette accréditation.

- Ça devrait pouvoir se trouver facilement et pour le falsifier ça ne prendrait pas longtemps.

- Il faut aussi pouvoir confirmer cette accréditation, car il y a une procédure d'authentification. Le garde va transmettre le code à 8 chiffres au central du département. Il faudra donc pirater la ligne et confirmer nous même le code, sinon je ne donne pas cher de notre peau.

- On ne peut pas se débarrasser du garde ? Fit Krit.

- Négatif ! C'est une zone trop bien surveillée pour se permettre ça S'ils se rendent compte de quoi que ce soit, on verra débarquer des troupes de partout.

- Ça ne devrait pas poser de problème pour pirater la ligne, coupa Logan. Je n'aurai qu'à me faire passer pour l'un d'eux et je confirmerai le code.

- Parfait, reprit Lydecker. Je me suis procuré un 4x4 pratiquement identique à ceux utilisés par Manticore. Avec mon badge, que j'ai gardé, avec Syl et Krit comme gardes, on fera plus vrais que nature. Nous entrerons, demanderons à récupérer la fille de Manticore et ensuite on dégage pour se retrouver au point qui se trouve ici, à environ sept kilomètres du poste de surveillance. Un silence se fit. Alors qu'est ce que vous en pensez ?

- Vu que vous avez dit que l'on avait pas vraiment le choix, je pense que ce plan est faisable. Tu en penses quoi Krit ?

- Moi je n'ai pas confiance en vous !

- Qu'est ce qui ne va pas soldat ?

- Vous ! Je n'ai pas confiance. Qui nous dit que vous n'allez pas nous rouler encore une fois ?

- Et que ferai-je ? Je ne travaille plus pour Manticore, le projet n'existe même plus.

- Vous pouvez travailler à votre compte et revendre Max à des gens prêts à payer très cher pour avoir un soldat génétiquement modifié.

- Absurdité soldat ! Je n'ai toujours voulu que votre bien et jamais je ne vous vendrai au plus offrant.

- Je comprends ta réaction Krit. Lança abruptement Logan dans la conversation. Moi aussi je ne lui fais pas confiance, mais c'est grâce à lui que nous savons où se trouve Max. C'est un point que nous ne pouvons pas négliger. Si Donald avait voulu récupérer Max pour son compte, il ne m'aurait sûrement pas appelé ni même demandé à ce que je contacte d'autres X5 pour aller sortir Max de là. Pour une fois je suis prêt à retenter l'expérience, comme la dernière fois.

Krit regardait Lydecker avec soupçon, il ne lui ferait jamais confiance, mais si Logan disait que Lydecker était de bonne foi sur ce coup alors il serait de la partie. De plus Max était sa sœur et il ne pouvait pas la laisser tomber.

- C'est d'accord, mais faites attention Lydecker ! Au premier écart de votre part, je vous ferai avaler votre extrait de naissance.

Lydecker ne répondit même pas. La haine que ces enfants avaient pour lui, il le méritait bien au fond. Il sera dur de retrouver leur confiance alors qu'il avait été leur guide pendant de longues années et qu'ils l'aimaient bien, au début.

Logan s'était mis à chercher le fameux document dont il avait besoin pour accréditer la fausse mission de Lydecker. Ce ne fut pas très long pour pirater le service Internet du département de sécurité militaire et imprimer plusieurs copies du document. Avec Lydecker il remplit les blancs et ils avaient enfin leur papier.

- Bon maintenant il va me falloir un véhicule pour mettre tout le matériel dont j'aurai besoin et il faut justement que je passe chez moi pour le prendre.

- Ça ne pose pas de problème, fit Syl. Suivez-moi, on passera chez vous prendre ce dont vous avez besoin.

Il se leva et accompagna Syl qui était déjà à proximité de la porte. Une demie heure plus tard Logan avait un fourgon vert, très facile à camoufler dans la nature. Après l'avoir équipé, Logan et Syl rejoignirent Lydecker et Krit devant l'immeuble où ils se trouvaient et partirent ensemble en direction du centre.

FIN ACTE 2