Chapitre 4 : La Forêt Maléfique
Gojô regarda la vielle femme et dit : « Mais alors, qu'est-ce que l'on devrait faire ? Si j'ai bien compris, il faudra battre les trois hommes de pierre quand ils se réveilleront, il faut sauver Sanzô et aussi empêcher les youkais d'ouvrir le temple rempli d'âmes. Tout ça en même temps ?»
La voyante se courba un peu plus sur elle-même et répondit : « Non. Il faut choisir. Tout en même temps, ce n'est pas possible. »
Gokû se dressa et serra fort les poings. « Alors, s'exclama-t-il, allons sauver Sanzô. Et puis si on le trouve à temps, on lui dira de ne pas ouvrir le temple.
Ne négligez pas les trois porteurs de chaos, rappela la femme. Ils sont très puissants. et si vous partez sans les combattre, vous les aurez dans le dos. Ils vous suivront et feront tout pour tuer la seule personne qui peut ouvrir les portes sacrées du Temple des âmes...
Raison de plus pour retrouver Sanzô !
Vous m'avez mal comprise. soupira la vieille femme. Si vous allez à sa rencontre, vous devrez affronter la forêt maléfique, dont vous n'êtes pas sûrs de ressortir vivants, quelque soit votre force. C'est une forêt à l'esprit démoniaque qui sait exploiter les faiblesses mentales et physiques de ses ennemis. elle ne vous loupera pas. Vous êtes forts mais chacun de vous a au moins une faille importante. De plus. si par miracle vous retrouvez le moine, il vous faudra affronter sûrement les redoutables youkais qui l'accompagnent.
Pfff, ça, c'est du gâteau. laissa échapper Gojô en se mettant les mains dans les poches.
La voyante le regarda d'un air méprisant et soupira.
Oh toi, l'esprit de la forêt se régalera de toutes les failles que tu lui apporteras. Tu es vraiment trop sûr de toi. enfin bon, passons. Et donc, après la forêt et les youkais, il vous faudra affronter les trois porteurs du chaos qui se seront réveillés entre-temps. Ils ont su décimer une ville entière : alors imaginez. un combat DANS la forêt maléfique, contre les youkais ET contre les trois cruautés, vous êtes sûrs de ne pas en revenir. Ou sous forme de viande hâchée. Les combattre tous séparément me paraît plus sage, mais après tout. ce sont vos vies, je ne fais que donner des conseils. J'en avais donné aux villageois. Mais ils ne m'ont pas écoutée. Regardez ce qu'ils sont devenus. »
Les trois jeunes hommes restèrent silencieux, leur carte à la main. Ils
semblaient visiblement désorientés par les paroles de la vieille femme.
cette dernière tira deux nouvelles cartes et les retourna. Elle fronça
les sourcils sans rien dire devant « Carmen, l'omniprésente
insaisissable » ,
et parut plus sombre encore en constatant que la deuxième carte était
« Lunar, les sens mêlés »
Elle releva les yeux vers ses visiteurs et leur dit : « Les cartes ne
sont pas bonnes, mais je peux en tirer une autre si vous voulez. Elle
peut aussi bien vous sauver que vous perdre, attention. »
Les trois amis se regardèrent, et finirent par faire signe à la voyante
de retourner une autre carte. Lentement, presque avec angoisse, elle
retourna celle qui se trouvait tout en haut de la rosace. La considérant
un instant, devant l'air anxieux des jeunes hommes, elle prit un air
perplexe. La carte représentait une forme sombre semblant se confondre
dans des arbres étrangement dessinés, sous un clair de lune.
« Sirgus, le chasseur nocturne »
Hakkai passa sa main dans ses cheveux bruns et regarda Dragon blanc qui
se tenait sagement sur son épaule. « Eh bien, Hakuryu. soupira-t-il. Nous
n'avons pas de chance avec les cartes, pour une fois. »
La femme toussota et murmura : « Je connais très mal Sirgus. Je ne sais
s'il est bon ou mauvais, mais une chose est sûre : restez sur vos gardes.
Les chasseurs nocturnes sont en général des êtres dont on connaît mal la
nature : ombres, démons, que sais-je. mais ils ne sont pas tous mauvais.
Je suis incapable de vous en dire plus, hélas. »
Voyant les compagnons toujours immobiles, elle continua : « Il serait
temps pour vous de partir. Grand temps. Soyez prêts à affronter le pire,
et gardez en mémoire l'image de cet ami moine à qui vous semblez tenir
tant... J'espère que vos pensées pour lui vous permettront de tenir
jusqu'au bout. et que si par miracle vous le sauvez, les yeux de son c?ur
lui montreront qui il faut remercier, et pourquoi. »
Sur ce, la voyante devint de plus en plus floue aux yeux des trois amis,
et finit par devenir totalement transparente.
« Tu.tu as vu ? » s'exclama Gokû en tirant la manche de Hakkai. « Elle a
disparu ! que. ? »
Le jeune homme brun plissa les yeux et souffla tout bas : « Je crois que
l'on ne devrait pas s'éterniser. La forêt de Shingo dont elle nous a
parlé, et où semblent se trouver Sanzô et ses ravisseurs, se trouve juste
derrière le village. Au nord. Elle était indiquée sur les cartes que
j'avais consultées . En route ! »
Gojô et Gokû suivirent Hakkai dans l'escalier, et finirent par sortir de
la vieille maison. Le vent au-dehors s'était calmé, mais l'aube qui
aurait dû se lever n'était pas au rendez-vous. Il faisait noir. La lune
était apparue à travers de sombres nuages, et éclairait quelque peu le
chemin des trois youkais. Un hurlement de bête nocturne se fit entendre
au-delà de la ville, et semblait provenir de l'étendue noire de la forêt.
« Marche plus vite ou c'est moi qui vais te marcher dessus, bakasaru ! »
grogna Gojô.
« Tais-toi, sale kappa ! » répondit Gokû en faisant mine de marcher
encore plus lentement.
« T'as qu'à passer à côté si tu veux aller plus vite », continua-t-il en
fixant de ses grands yeux dorés ceux de son compagnon.
« Un peu de calme. leur lança Hakkai qui avait quelques mètres d'avance.
N'oubliez pas que Sanzô est en danger. Il faut aller le plus vite qu'on
peut. cette route est trop étroite pour y aller en jeep. Dépêchons-nous !
Il n'est plus l'heure des disputes. »
Gokû trouvait que le rôle du chef allait très mal au jeune homme, mais
son c?ur se serra en pensant que Sanzô était peut-être en train de se
battre à l'heure qu'il était, ou. peut-être même.
Gojô et Hakkai virent le garçon piquer un sprint vers la forêt noire, les
dépassant à toute allure. « Eh !!! » s'exclama le jeune homme aux cheveux
rouges. Il regarda son autre compagnon et tous deux s'échangèrent un
regard entendu. Quelques secondes plus tard, ils couraient eux aussi à
toute vitesse sur les traces de Gokû.
* * * * * * * * * *
Sanzô sentit le vent monter à nouveau. Ses cheveux blonds flottèrent un
instant dans la brise, et Nekebia se surprit à le regarder. Elle se
sentit rougir, mais ne parvint pas tout de suite à détourner le regard.
Avec ses habits clairs et ses cheveux dorés, elle se dit que si les anges
existaient, ils devaient sûrement ressembler à ça... Même la couleur
violette de ses yeux semblait irréelle. Marchant un peu en retrait par
rapport à lui, elle pouvait le regarder - ou le surveiller - à sa guise,
mais répugnait à le considérer comme un prisonnier.
Davok, lui, ouvrait la marche. De temps en temps, il faisait s'arrêter le
groupe lorsqu'un danger semblait proche. C'était un grand youkai aux
cheveux longs et blancs, pourtant jeune, et à l'imposante musculature. Il
était beaucoup plus expérimenté que la jeune capitaine, et scrutait
chaque recoin de forêt qu'ils traversaient. Ses magnifiques yeux bleus se
posaient de temps en temps sur la jeune femme pour s'assurer qu'elle
allait bien. Nekebia s'en voulait un peu de l'avoir impliqué dans cette
affaire. La mission était des plus périlleuses, et ils risquaient de ne
jamais en revenir. Davok avait tant fait pour elle, et elle. elle
l'emmenait en quelque sorte à la mort. D'un autre côté, en apprenant
qu'elle partait pour le Temple des âmes, il aurait absolument tenu à
l'accompagner.
La jeune youkai n'était cependant pas une novice en matière de
commandement ou de combat. Le respect était dur à acquérir lorsque l'on
vivait dans une telle communauté de youkais, mais elle avait su peu à peu
imposer la crainte grâce à ses exploits militaires. Morène lui donnait
sans hésitation la tête des missions les plus périlleuses. à vrai dire,
lorsque arrivait un combat, elle perdait toute sa réserve habituelle. Il
arrivait qu'elle passe quelques jours seule dans les bois pour se
perfectionner dans ce qu'elle adorait le plus : l'art nécromancien. Des
morts, il y en avait eu dans ces forêts ! victimes de bêtes sauvages ou
de mauvais sorts, il était fréquent de trouver des squelettes jonchant le
sol. Les cadavres étaient plus rares. Les charognards avaient un don pour
les détecter et en faire leur pâture.
« STOP ! » cria Davok d'un voix forte. Tandis que les youkais
s'arrêtaient, étonnés, Sanzô poussa un soupir exaspéré.
« Qu'est-ce qu'il y a encore, cette fois ? lança-t-il. Encore un bruit
suspect ? une bête sauvage ? on va pas s'arrêter tous les vingt mètres à
chaque coup que tu entends quelque chose. »
Devant l'air réprobateur de Videl, Sanzô continua :
« .Après tout, c'est votre problème. Mais à force de ralentir, on va
finir par marcher à reculons. »
Lowen lança un regard à Nekebia, semblant dire : « Je peux le frapper ? »
Cette dernière, à la grande surprise de tous, éclata de rire.
« Tu m'amuses, le bonze. Je m'ennuierais sans toi. » Davok parut blessé
par la remarque de la jeune femme, d'autant plus que la moquerie du moine
lui était adressée.
Elle continua d'un ton sarcastique, s'adressant à Sanzô : « Cette fois,
ce sera plus marrant qu'une simple bête sauvage. J'ai senti aussi une
présence. c'est grand, gros, et.mort. Davok, brûle l'énorme buisson que
tu vois devant toi. »
Le grand youkai s'exécuta et forma une boule de feu qui alla s'écraser
contre les végétaux quelques mètres devant lui. Un hurlement strident se
fit entendre au milieu des flammes, et des feuilles volèrent. L'arbre à
leur gauche sembla soudain trembler, comme si une bête furieuse lui
donnait de violents coups. Puis un deuxième arbre trembla, suivit de
plusieurs autres, qui finirent par s'arracher dans un craquement
sinistre.
Sanzô porta machinalement la main à son revolver, mais stoppa son geste.
« S'ils font des conneries, pensa-t-il, ils n'ont qu'à les réparer seuls.
Les suivre me fait suffisamment chier comme ça pour que je les aide en
plus du reste. »
Il croisa les bras et jeta un ?il au-dessus de lui. Le ciel n'était plus
visible, caché par les épais feuillages des arbres. Impossible de savoir
si le jour s'était levé ou pas. Il aurait dû, mais cette forêt maléfique
semblait toujours être plongée dans les ténèbres, de jour comme de nuit.
« Ca..Capitaine. » balbutia Videl, tremblant, voyant que les fourrés
bougeaient de plus en plus. « Vous êtes sûre que ce n'est pas
dangereux ? »
Nekebia le regarda d'un air ravi : « Pas dangereux ? Je n'ai jamais rien
dit de tel.»
Videl la regarda avancer vers le feu, horrifié. Elle sembla fouiller dans
la sacoche qu'elle tenait à sa ceinture, en sortit une poignée de poudre
scintillante et la jeta sur les flammes. Elles s'éteignirent soudain avec
un bruit étrange, et furent remplacés par une aura blanche. Les
hurlements bestiaux ne stoppèrent pas pour autant, et les chocs sourds
qui se faisaient entendre à une allure frénétique indiquaient que la
créature, folle de rage, se heurtait à tous les arbres aux alentours,
mais ne semblait pas quitter la zone.
Sanzô jeta un regard inquiet à la forme sombre qui commençait à
apparaître irrégulièrement par dessus les taillis.
« Je ne suis pas sûr que ce soit si mort que ça... » lâcha-t-il comme
pour lui-même. La capitaine l'entendit cependant et répliqua : « Bien sûr
que si, c'est mort. Mais être mort ne veut pas dire être inactif. » Elle
commença une incantation dans une langue étrange et une aura verte se
forma peu à peu autour d'elle. Celle-ci se matérialisa et prit la forme
d'un sceptre, que Nekebia prit vivement en main. Il brillait vivement et
émettait une lumière diffuse autour de lui. Elle attendit quelques
secondes, mais n'entendant soudain plus aucun bruit, finit par relâcher
sa position de défense. Le sceptre toucha alors le sol, qui trembla à son
contact.
Nekebia fit un bond en arrière et s'exclama : « Eh ! mais c'est quoi
ce. ? »
En effet, la terre sembla s'ouvrir à l'endroit précis où l'énergie verte
l'avait touchée, et une main sortit du sol.
Entendant le cliquetis caractéristique d'armes que l'on prépare, la jeune
femme fit signe aux autres de ne pas s'approcher.
Ce fut un bras, puis une tête, et enfin le corps tout entier d'un
squelette qui apparut. Il portait encore un casque et des bottes usées.
Il lui manquait un bras. Avec sa main valide, il se tâta le front.
Devant les regards sidérés des êtres se tenant devant lui, à part
Nekebia, il crut bon de se présenter :
« B..bonjour. je m'appelle Kersh Natar, enchanté. » regardant les airs
stupéfaits des autres, il ajouta faiblement : « .ça a pas l'air
réciproque. »
Nekebia sourit et le rassura : « Pardonne-les. Ils voient rarement des
morts. Nous sommes youkais et. (elle jeta un regard à Sanzô, qui
regardait la scène avec scepticisme). et il y a aussi un humain parmi
nous. Je t'ai réveillé par erreur, je suis désolée. »
Le mort scruta de ses orbites vides la pénombre du bois et s'exclama,
étonné : « Tiens ? si je me souviens bien, j'ai tué un dragon-ogre dans
le coin. C'est d'ailleurs lui qui m'a arraché mon bras droit. » soupira-t-
il en regardant d'un air attristé l'emplacement de ses os manquants. « Je
l'ai quand même abattu, mais j'avais perdu trop de sang, je suis mort
juste après. Et dire que je voulais rapporter mon exploit à la maison. »
Davok planta soudain sa lance énergétique dans le sol et lança d'un ton
grave : « Nekebia ! si c'est un dragon-ogre que nous venons de réveiller
par le feu, nous ferions mieux de ne pas traîner ici. Ceux qui en ont
déjà vus ne sont jamais revenus. »
Le squelette posa sa main gauche fièrement sur son torse et dit : « J'ai
failli, quand même. Un peu de considération. »
Nekebia fronça les sourcils. Elle savait que la bête était énorme, mais
pas autant qu'un Dragon-ogre. Ces animaux ailés, de plus de quatre mètres
de haut et dotés de puissantes mâchoires n'étaient vraiment pas le genre
de rencontres à faire. De plus, il s'agissait d'un sort maléfique jeté à
un dragon pour lui donner la cruauté d'un ogre. Cela créait de véritables
abominations, constituées de membres inégaux et multiples. Bien souvent,
quatre bras griffus.
Le squelette ajouta : « Mais ne vous inquiétez pas, ce genre de bêtes,
même mortes, ne s'attaquent pas aux autres créatures sombres. Les youkais
n'ont aucune peur à avoir par exemple. Les dragon-ogres savent sentir ça.
Pour les humains, par contre. »
Sanzô tourna les yeux vers un amas de ronces où quelque chose avait
semblé bouger. Armant son revolver, il tira trois fois. Cela ne sembla
pas avoir touché quoi que ce soit. Cependant, les immenses végétaux
tremblèrent à nouveau.
Il pensa soudain à Gokû, Hakkai et Gojô, qui devaient être tranquillement
au village, le cherchant peut-être. Ils auraient peu de chances de le
trouver, à ce train là. la forêt était immense et ils n'avaient pas pris
les sentiers tracés.
« Et c'est moi qui me retrouve encore dans le merdier. » pensa-t-il
amèrement. Déjà, il ne comptait pas aider les youkais à capturer les
humains dont les âmes allaient être libérées. Il s'arrangerait bien pour
tuer le clan de Morène s'il représentait une menace pour lui et pour les
autres humains. Il n'aimait pas jouer les justiciers, mais il n'aimait
surtout pas, mais alors surtout pas s'écraser devant les autres. Le chef
des youkais était sorti en quelque sorte victorieux de leur dernière
rencontre, et le jeune homme s'arrangerait qu'il sorte mort de la
prochaine.
Voyant que quelque chose continuait bel et bien à se mouvoir dans l'amas
de ronces géantes, Sanzô pesta avec colère contre les youkais et les
monstres en général. Lowen et Videl eurent du mal à ne pas soulever
l'insulte, et se contentèrent de le regarder avec haine, jusqu'à ce que
les végétaux bougèrent à nouveau, mais ce coup-ci beaucoup plus
violemment que la dernière fois.
« Je pourrais utiliser le pouvoir de mon sutra » suggéra le bonze en
lançant un regard à Nekebia qui se tenait quelques mètres derrière lui.
Mais Nekebia ne l'écoutait pas. Tout comme les autres youkais, elle
fixait, livide et horrifiée, quelque chose derrière Sanzô.
Il eut à peine le temps de se retourner que d'énormes pattes velues et
griffues se refermèrent sur lui, et qu'un hurlement infernal se déchaîna,
finissant en un ricanement cruel. Sanzô sentit ses os craquer sous la
pression insupportable. Relevant la tête, il vit un ?il unique jaunâtre
et immonde qui le fixait, et une bouche hideuse garnies de centaines de
dents s'ouvrir pour l'engouffrer.
Gojô regarda la vielle femme et dit : « Mais alors, qu'est-ce que l'on devrait faire ? Si j'ai bien compris, il faudra battre les trois hommes de pierre quand ils se réveilleront, il faut sauver Sanzô et aussi empêcher les youkais d'ouvrir le temple rempli d'âmes. Tout ça en même temps ?»
La voyante se courba un peu plus sur elle-même et répondit : « Non. Il faut choisir. Tout en même temps, ce n'est pas possible. »
Gokû se dressa et serra fort les poings. « Alors, s'exclama-t-il, allons sauver Sanzô. Et puis si on le trouve à temps, on lui dira de ne pas ouvrir le temple.
Ne négligez pas les trois porteurs de chaos, rappela la femme. Ils sont très puissants. et si vous partez sans les combattre, vous les aurez dans le dos. Ils vous suivront et feront tout pour tuer la seule personne qui peut ouvrir les portes sacrées du Temple des âmes...
Raison de plus pour retrouver Sanzô !
Vous m'avez mal comprise. soupira la vieille femme. Si vous allez à sa rencontre, vous devrez affronter la forêt maléfique, dont vous n'êtes pas sûrs de ressortir vivants, quelque soit votre force. C'est une forêt à l'esprit démoniaque qui sait exploiter les faiblesses mentales et physiques de ses ennemis. elle ne vous loupera pas. Vous êtes forts mais chacun de vous a au moins une faille importante. De plus. si par miracle vous retrouvez le moine, il vous faudra affronter sûrement les redoutables youkais qui l'accompagnent.
Pfff, ça, c'est du gâteau. laissa échapper Gojô en se mettant les mains dans les poches.
La voyante le regarda d'un air méprisant et soupira.
Oh toi, l'esprit de la forêt se régalera de toutes les failles que tu lui apporteras. Tu es vraiment trop sûr de toi. enfin bon, passons. Et donc, après la forêt et les youkais, il vous faudra affronter les trois porteurs du chaos qui se seront réveillés entre-temps. Ils ont su décimer une ville entière : alors imaginez. un combat DANS la forêt maléfique, contre les youkais ET contre les trois cruautés, vous êtes sûrs de ne pas en revenir. Ou sous forme de viande hâchée. Les combattre tous séparément me paraît plus sage, mais après tout. ce sont vos vies, je ne fais que donner des conseils. J'en avais donné aux villageois. Mais ils ne m'ont pas écoutée. Regardez ce qu'ils sont devenus. »
Les trois jeunes hommes restèrent silencieux, leur carte à la main. Ils
semblaient visiblement désorientés par les paroles de la vieille femme.
cette dernière tira deux nouvelles cartes et les retourna. Elle fronça
les sourcils sans rien dire devant « Carmen, l'omniprésente
insaisissable » ,
et parut plus sombre encore en constatant que la deuxième carte était
« Lunar, les sens mêlés »
Elle releva les yeux vers ses visiteurs et leur dit : « Les cartes ne
sont pas bonnes, mais je peux en tirer une autre si vous voulez. Elle
peut aussi bien vous sauver que vous perdre, attention. »
Les trois amis se regardèrent, et finirent par faire signe à la voyante
de retourner une autre carte. Lentement, presque avec angoisse, elle
retourna celle qui se trouvait tout en haut de la rosace. La considérant
un instant, devant l'air anxieux des jeunes hommes, elle prit un air
perplexe. La carte représentait une forme sombre semblant se confondre
dans des arbres étrangement dessinés, sous un clair de lune.
« Sirgus, le chasseur nocturne »
Hakkai passa sa main dans ses cheveux bruns et regarda Dragon blanc qui
se tenait sagement sur son épaule. « Eh bien, Hakuryu. soupira-t-il. Nous
n'avons pas de chance avec les cartes, pour une fois. »
La femme toussota et murmura : « Je connais très mal Sirgus. Je ne sais
s'il est bon ou mauvais, mais une chose est sûre : restez sur vos gardes.
Les chasseurs nocturnes sont en général des êtres dont on connaît mal la
nature : ombres, démons, que sais-je. mais ils ne sont pas tous mauvais.
Je suis incapable de vous en dire plus, hélas. »
Voyant les compagnons toujours immobiles, elle continua : « Il serait
temps pour vous de partir. Grand temps. Soyez prêts à affronter le pire,
et gardez en mémoire l'image de cet ami moine à qui vous semblez tenir
tant... J'espère que vos pensées pour lui vous permettront de tenir
jusqu'au bout. et que si par miracle vous le sauvez, les yeux de son c?ur
lui montreront qui il faut remercier, et pourquoi. »
Sur ce, la voyante devint de plus en plus floue aux yeux des trois amis,
et finit par devenir totalement transparente.
« Tu.tu as vu ? » s'exclama Gokû en tirant la manche de Hakkai. « Elle a
disparu ! que. ? »
Le jeune homme brun plissa les yeux et souffla tout bas : « Je crois que
l'on ne devrait pas s'éterniser. La forêt de Shingo dont elle nous a
parlé, et où semblent se trouver Sanzô et ses ravisseurs, se trouve juste
derrière le village. Au nord. Elle était indiquée sur les cartes que
j'avais consultées . En route ! »
Gojô et Gokû suivirent Hakkai dans l'escalier, et finirent par sortir de
la vieille maison. Le vent au-dehors s'était calmé, mais l'aube qui
aurait dû se lever n'était pas au rendez-vous. Il faisait noir. La lune
était apparue à travers de sombres nuages, et éclairait quelque peu le
chemin des trois youkais. Un hurlement de bête nocturne se fit entendre
au-delà de la ville, et semblait provenir de l'étendue noire de la forêt.
« Marche plus vite ou c'est moi qui vais te marcher dessus, bakasaru ! »
grogna Gojô.
« Tais-toi, sale kappa ! » répondit Gokû en faisant mine de marcher
encore plus lentement.
« T'as qu'à passer à côté si tu veux aller plus vite », continua-t-il en
fixant de ses grands yeux dorés ceux de son compagnon.
« Un peu de calme. leur lança Hakkai qui avait quelques mètres d'avance.
N'oubliez pas que Sanzô est en danger. Il faut aller le plus vite qu'on
peut. cette route est trop étroite pour y aller en jeep. Dépêchons-nous !
Il n'est plus l'heure des disputes. »
Gokû trouvait que le rôle du chef allait très mal au jeune homme, mais
son c?ur se serra en pensant que Sanzô était peut-être en train de se
battre à l'heure qu'il était, ou. peut-être même.
Gojô et Hakkai virent le garçon piquer un sprint vers la forêt noire, les
dépassant à toute allure. « Eh !!! » s'exclama le jeune homme aux cheveux
rouges. Il regarda son autre compagnon et tous deux s'échangèrent un
regard entendu. Quelques secondes plus tard, ils couraient eux aussi à
toute vitesse sur les traces de Gokû.
* * * * * * * * * *
Sanzô sentit le vent monter à nouveau. Ses cheveux blonds flottèrent un
instant dans la brise, et Nekebia se surprit à le regarder. Elle se
sentit rougir, mais ne parvint pas tout de suite à détourner le regard.
Avec ses habits clairs et ses cheveux dorés, elle se dit que si les anges
existaient, ils devaient sûrement ressembler à ça... Même la couleur
violette de ses yeux semblait irréelle. Marchant un peu en retrait par
rapport à lui, elle pouvait le regarder - ou le surveiller - à sa guise,
mais répugnait à le considérer comme un prisonnier.
Davok, lui, ouvrait la marche. De temps en temps, il faisait s'arrêter le
groupe lorsqu'un danger semblait proche. C'était un grand youkai aux
cheveux longs et blancs, pourtant jeune, et à l'imposante musculature. Il
était beaucoup plus expérimenté que la jeune capitaine, et scrutait
chaque recoin de forêt qu'ils traversaient. Ses magnifiques yeux bleus se
posaient de temps en temps sur la jeune femme pour s'assurer qu'elle
allait bien. Nekebia s'en voulait un peu de l'avoir impliqué dans cette
affaire. La mission était des plus périlleuses, et ils risquaient de ne
jamais en revenir. Davok avait tant fait pour elle, et elle. elle
l'emmenait en quelque sorte à la mort. D'un autre côté, en apprenant
qu'elle partait pour le Temple des âmes, il aurait absolument tenu à
l'accompagner.
La jeune youkai n'était cependant pas une novice en matière de
commandement ou de combat. Le respect était dur à acquérir lorsque l'on
vivait dans une telle communauté de youkais, mais elle avait su peu à peu
imposer la crainte grâce à ses exploits militaires. Morène lui donnait
sans hésitation la tête des missions les plus périlleuses. à vrai dire,
lorsque arrivait un combat, elle perdait toute sa réserve habituelle. Il
arrivait qu'elle passe quelques jours seule dans les bois pour se
perfectionner dans ce qu'elle adorait le plus : l'art nécromancien. Des
morts, il y en avait eu dans ces forêts ! victimes de bêtes sauvages ou
de mauvais sorts, il était fréquent de trouver des squelettes jonchant le
sol. Les cadavres étaient plus rares. Les charognards avaient un don pour
les détecter et en faire leur pâture.
« STOP ! » cria Davok d'un voix forte. Tandis que les youkais
s'arrêtaient, étonnés, Sanzô poussa un soupir exaspéré.
« Qu'est-ce qu'il y a encore, cette fois ? lança-t-il. Encore un bruit
suspect ? une bête sauvage ? on va pas s'arrêter tous les vingt mètres à
chaque coup que tu entends quelque chose. »
Devant l'air réprobateur de Videl, Sanzô continua :
« .Après tout, c'est votre problème. Mais à force de ralentir, on va
finir par marcher à reculons. »
Lowen lança un regard à Nekebia, semblant dire : « Je peux le frapper ? »
Cette dernière, à la grande surprise de tous, éclata de rire.
« Tu m'amuses, le bonze. Je m'ennuierais sans toi. » Davok parut blessé
par la remarque de la jeune femme, d'autant plus que la moquerie du moine
lui était adressée.
Elle continua d'un ton sarcastique, s'adressant à Sanzô : « Cette fois,
ce sera plus marrant qu'une simple bête sauvage. J'ai senti aussi une
présence. c'est grand, gros, et.mort. Davok, brûle l'énorme buisson que
tu vois devant toi. »
Le grand youkai s'exécuta et forma une boule de feu qui alla s'écraser
contre les végétaux quelques mètres devant lui. Un hurlement strident se
fit entendre au milieu des flammes, et des feuilles volèrent. L'arbre à
leur gauche sembla soudain trembler, comme si une bête furieuse lui
donnait de violents coups. Puis un deuxième arbre trembla, suivit de
plusieurs autres, qui finirent par s'arracher dans un craquement
sinistre.
Sanzô porta machinalement la main à son revolver, mais stoppa son geste.
« S'ils font des conneries, pensa-t-il, ils n'ont qu'à les réparer seuls.
Les suivre me fait suffisamment chier comme ça pour que je les aide en
plus du reste. »
Il croisa les bras et jeta un ?il au-dessus de lui. Le ciel n'était plus
visible, caché par les épais feuillages des arbres. Impossible de savoir
si le jour s'était levé ou pas. Il aurait dû, mais cette forêt maléfique
semblait toujours être plongée dans les ténèbres, de jour comme de nuit.
« Ca..Capitaine. » balbutia Videl, tremblant, voyant que les fourrés
bougeaient de plus en plus. « Vous êtes sûre que ce n'est pas
dangereux ? »
Nekebia le regarda d'un air ravi : « Pas dangereux ? Je n'ai jamais rien
dit de tel.»
Videl la regarda avancer vers le feu, horrifié. Elle sembla fouiller dans
la sacoche qu'elle tenait à sa ceinture, en sortit une poignée de poudre
scintillante et la jeta sur les flammes. Elles s'éteignirent soudain avec
un bruit étrange, et furent remplacés par une aura blanche. Les
hurlements bestiaux ne stoppèrent pas pour autant, et les chocs sourds
qui se faisaient entendre à une allure frénétique indiquaient que la
créature, folle de rage, se heurtait à tous les arbres aux alentours,
mais ne semblait pas quitter la zone.
Sanzô jeta un regard inquiet à la forme sombre qui commençait à
apparaître irrégulièrement par dessus les taillis.
« Je ne suis pas sûr que ce soit si mort que ça... » lâcha-t-il comme
pour lui-même. La capitaine l'entendit cependant et répliqua : « Bien sûr
que si, c'est mort. Mais être mort ne veut pas dire être inactif. » Elle
commença une incantation dans une langue étrange et une aura verte se
forma peu à peu autour d'elle. Celle-ci se matérialisa et prit la forme
d'un sceptre, que Nekebia prit vivement en main. Il brillait vivement et
émettait une lumière diffuse autour de lui. Elle attendit quelques
secondes, mais n'entendant soudain plus aucun bruit, finit par relâcher
sa position de défense. Le sceptre toucha alors le sol, qui trembla à son
contact.
Nekebia fit un bond en arrière et s'exclama : « Eh ! mais c'est quoi
ce. ? »
En effet, la terre sembla s'ouvrir à l'endroit précis où l'énergie verte
l'avait touchée, et une main sortit du sol.
Entendant le cliquetis caractéristique d'armes que l'on prépare, la jeune
femme fit signe aux autres de ne pas s'approcher.
Ce fut un bras, puis une tête, et enfin le corps tout entier d'un
squelette qui apparut. Il portait encore un casque et des bottes usées.
Il lui manquait un bras. Avec sa main valide, il se tâta le front.
Devant les regards sidérés des êtres se tenant devant lui, à part
Nekebia, il crut bon de se présenter :
« B..bonjour. je m'appelle Kersh Natar, enchanté. » regardant les airs
stupéfaits des autres, il ajouta faiblement : « .ça a pas l'air
réciproque. »
Nekebia sourit et le rassura : « Pardonne-les. Ils voient rarement des
morts. Nous sommes youkais et. (elle jeta un regard à Sanzô, qui
regardait la scène avec scepticisme). et il y a aussi un humain parmi
nous. Je t'ai réveillé par erreur, je suis désolée. »
Le mort scruta de ses orbites vides la pénombre du bois et s'exclama,
étonné : « Tiens ? si je me souviens bien, j'ai tué un dragon-ogre dans
le coin. C'est d'ailleurs lui qui m'a arraché mon bras droit. » soupira-t-
il en regardant d'un air attristé l'emplacement de ses os manquants. « Je
l'ai quand même abattu, mais j'avais perdu trop de sang, je suis mort
juste après. Et dire que je voulais rapporter mon exploit à la maison. »
Davok planta soudain sa lance énergétique dans le sol et lança d'un ton
grave : « Nekebia ! si c'est un dragon-ogre que nous venons de réveiller
par le feu, nous ferions mieux de ne pas traîner ici. Ceux qui en ont
déjà vus ne sont jamais revenus. »
Le squelette posa sa main gauche fièrement sur son torse et dit : « J'ai
failli, quand même. Un peu de considération. »
Nekebia fronça les sourcils. Elle savait que la bête était énorme, mais
pas autant qu'un Dragon-ogre. Ces animaux ailés, de plus de quatre mètres
de haut et dotés de puissantes mâchoires n'étaient vraiment pas le genre
de rencontres à faire. De plus, il s'agissait d'un sort maléfique jeté à
un dragon pour lui donner la cruauté d'un ogre. Cela créait de véritables
abominations, constituées de membres inégaux et multiples. Bien souvent,
quatre bras griffus.
Le squelette ajouta : « Mais ne vous inquiétez pas, ce genre de bêtes,
même mortes, ne s'attaquent pas aux autres créatures sombres. Les youkais
n'ont aucune peur à avoir par exemple. Les dragon-ogres savent sentir ça.
Pour les humains, par contre. »
Sanzô tourna les yeux vers un amas de ronces où quelque chose avait
semblé bouger. Armant son revolver, il tira trois fois. Cela ne sembla
pas avoir touché quoi que ce soit. Cependant, les immenses végétaux
tremblèrent à nouveau.
Il pensa soudain à Gokû, Hakkai et Gojô, qui devaient être tranquillement
au village, le cherchant peut-être. Ils auraient peu de chances de le
trouver, à ce train là. la forêt était immense et ils n'avaient pas pris
les sentiers tracés.
« Et c'est moi qui me retrouve encore dans le merdier. » pensa-t-il
amèrement. Déjà, il ne comptait pas aider les youkais à capturer les
humains dont les âmes allaient être libérées. Il s'arrangerait bien pour
tuer le clan de Morène s'il représentait une menace pour lui et pour les
autres humains. Il n'aimait pas jouer les justiciers, mais il n'aimait
surtout pas, mais alors surtout pas s'écraser devant les autres. Le chef
des youkais était sorti en quelque sorte victorieux de leur dernière
rencontre, et le jeune homme s'arrangerait qu'il sorte mort de la
prochaine.
Voyant que quelque chose continuait bel et bien à se mouvoir dans l'amas
de ronces géantes, Sanzô pesta avec colère contre les youkais et les
monstres en général. Lowen et Videl eurent du mal à ne pas soulever
l'insulte, et se contentèrent de le regarder avec haine, jusqu'à ce que
les végétaux bougèrent à nouveau, mais ce coup-ci beaucoup plus
violemment que la dernière fois.
« Je pourrais utiliser le pouvoir de mon sutra » suggéra le bonze en
lançant un regard à Nekebia qui se tenait quelques mètres derrière lui.
Mais Nekebia ne l'écoutait pas. Tout comme les autres youkais, elle
fixait, livide et horrifiée, quelque chose derrière Sanzô.
Il eut à peine le temps de se retourner que d'énormes pattes velues et
griffues se refermèrent sur lui, et qu'un hurlement infernal se déchaîna,
finissant en un ricanement cruel. Sanzô sentit ses os craquer sous la
pression insupportable. Relevant la tête, il vit un ?il unique jaunâtre
et immonde qui le fixait, et une bouche hideuse garnies de centaines de
dents s'ouvrir pour l'engouffrer.
