Chapitre 11 : Sirgus et Perolk : le chasseur et l'assassin

Hakkai et Gojô étaient restés pétrifiés de terreur. Devant eux se dressait une créature de plus de trois mètres de haut, sa peau, bleue et écailleuse, faisait penser à des feuilles d'acier. Ses mains étaient dotées de puissantes griffes, et l'arc géant qu'il portait n'inspirait rien de bon. Ses petits yeux jaunes vitreux se posèrent tour à tour sur les jeunes hommes.

« Hakkai. » souffla Gojô. « Il vaudrait peut-être mieux que l'on se casse, là, non ? »

Le jeune brun hocha lentement la tête. « Je ne crois pas que ce soit une.très bonne idée. s'il nous voit fuir, il nous tirerait peut-être des flèches dans le dos. Dans ces marais, il va plus vite que nous, il nous rattraperait. »

La créature leur lança un regard supérieur et un peu méprisant. On aurait dit qu'elle venait de trouver un gibier trop petit pour être rentable à ses yeux. Avec un grognement, elle abaissa son arme, mais ne perdit pas son air soupçonneux. A sa ceinture était accrochée une tête de youkai, ce qui fit frissonner les deux compagnons.

« Quelle race ? » dit soudain l'être d'une voix gutturale.

Hakkai ne s'attendait pas à le voir parler leur langue. Balbutiant, il répondit : « Nous.nous sommes des humains. euh.et vous ? » Si ce monstre avait tué un youkai et le portait en trophée, il ne valait mieux pas lui avouer leur vraie nature.

L'être le regarda, étonné, puis fut pris d'un gros rire.

Les deux jeunes hommes s'échangèrent un regard d'incompréhension.

« Humains. pas possible. Plus humains depuis longtemps. Morts. »

Gojô se sentit mal à l'aise. S'il découvrait qu'ils étaient youkais. « Euh. jolie décoration. » fit-il en désignant la tête accrochée à la ceinture. Il voulait savoir quel était vraiment le camp de la créature.

Le monstre tapota la tête coupée et ricana. « Youkai insolent. S'est cru le plus fort. » Encore un gros rire. « S'est trompé. »

« Vous. êtes chasseurs de youkais ? » demanda à nouveau Gojô.

Le monstre sourit et révéla ses dents pointues. « Non. Sirgus chasse plus gros. »

Avec un frisson, Hakkai tenta de sourire au monstre et de lui demander leur chemin. « Et. on est perdus. on voudrait sortir de ces marais et. trouver un temple. ^_^''»

Sirgus, le chasseur nocturne, fronça les sourcils. « Temple ? Un seul temple dans forêt. Fermé. Maudit. »

« Mais. un ami nous a donné rendez-vous devant ! ^_^'' »

Sirgus écarquilla les yeux. « Rendez-vous devant ? ami fou. A dû déjà se faire tuer. »

Le c?ur des deux amis se serra. Ils espéraient bien que non. Sanzô, mort. il ne valait mieux pas y penser. Et Gokû, où était-il ?

La créature soupira cependant et s'apprêta à leur indiquer un chemin, quand une petit voix grinçante se fit entendre.

« Oui, oui, le temple est maudit !

Mais les démons ne sont pas partis !

Ils attendent au fond du temple sombre

Que la lumière dorée dissipe leur ombre. »

Sirgus laissa échapper un juron et arma son arc. En fait, Hakkai s'aperçut qu'il s'agissait d'un arc modifié. Il portait des recharges de flèches acérées, et semblait pouvoir en tirer plusieurs à la fois. « Perolk ! sale. »

Les deux youkais regardaient partout autour d'eux mais ne voyaient aucune autre créature. Sirgus aussi regardait les alentours en jurant. Mais la voix résonna à nouveau.

« Trois dieux à visage humain

Pétrifiés un beau matin

Vont se libérer de leur prison de pierre

Et voudront se venger de celle qui les a condamnés à cet enfer. »

Gojô semblait voir, derrière un rocher, une forme verte filer, puis disparaître derrière un arbre non loin de là.

« Ils étaient des dieux fanatiques

ils ont mérité leur prison magique

Un quatrième était humain

Je crois qu'il recherchait quelqu'un »

Sirgus s'impatienta. « Ce gobelin. Perolk ! sors ! »

« Il a mal choisi son moment

Un malheureux hasard l'a fait se lier à ces brigands

Par chance il s'en est sorti indemne

Et la seule survivante était sa fille qu'il aime »

Hakkai essayait de comprendre les paroles du gobelin, mais il ne voyait pas à quoi il faisait référence. Il savait juste que quatre personnes avaient un jour détruit le village d'Undo. il ignorait qu'il y avait une survivante. la voyante, peut-être ? mais elle semblait être une sorte de spectre. alors ?

« Mais cet homme est un ingrat

Ne sachant s'en occuper, il l'a laissée là

Dans ce village qui sera nommé Nouvelle Gomorrhe

Il ne savait pas qu'elle allait ainsi frôler la mort »

Gojô sursauta en voyant une ombre juste derrière lui. Il se retourna et vit une petite créature verte, au long nez et aux oreilles pointues. Cette dernière reprit :

« Quel est donc cet homme au lourd passé

ayant une fille triste et délaissée ?

Qui fut sacré puis maudit

Ayant incité son enfant à devenir un monstre ainsi ? »

Gojô, énervé, s'exclama : « Mais tu vas arrêter de parler comme ça ? tu me gaves, la bête verte. Exprime-toi clairement et fais pas chier ! »

Le gobelin ricana.

« Vous n'avez rencontré que le spectre de son futur

Mais le futur est toujours en mouvement

Pour que vous en soyez vraiment sûrs

Regardez sur cette voyante les changements !

Tantôt matérielle, tantôt spectre mort

Selon ses actions d'aujourd'hui

Elle détermine son sort

Et oscille entre le néant et la vie »

Sirgus pointa son arme sur Perolk. « Gobelin. Arrête ! » Mais Hakkai s'était penché vers la créature et vit qu'elle portait un long couteau à sa hanche. Ce n'était pas un être innocent, il savait tuer pour vivre, et sûrement pas que des animaux.

« Qui est le père de la voyante alors ? le connaissons-nous ? sais-tu où sont nos amis Sanzô et Gokû ? »

Le gobelin sauta sur une haute pierre et fit mine de partir. Cependant, il se tourna légèrement vers eux et dit :

« Il y a deux heures à peu près

Un singe a retrouvé la lumière qu'il cherchait

L'ange d'or sans le savoir est la clé

Du destin de plusieurs vies inachevées »

Hakkai voulait en savoir plus. « Mais. »

Le gobelin sourit malicieusement et anticipa la question du jeune homme.

« Pour le père de l'enfant c'est pareil. »

Il murmura en un souffle. « .Demande au soleil. »

Hakkai, affaissée sur le sol, regarda le gobelin disparaître dans la forêt proche. « Demande. au soleil ? » répéta-t-il, commençant à comprendre. Sirgus, lui, semblait s'impatienter. « Sortie, par là. » dit-il en indiquant une trouée discrète dans les arbres longeant les marais. Puis il leva lentement les yeux vers le ciel plus sombre que jamais.

« Et ramenez le soleil. »

* * * * * * * *

Dans le village d'Undo, une voyante mélangeait ses cartes. Celle qu'elle avait tirée quelques minutes plus tôt était sur le sol. « Perolk, le gobelin assassin »

* * * * * * * * *

La pluie tombait toujours quand Videl se réveilla. Machinalement, il jeta un ?il à Nekebia. Il vit, à sa plus grande stupéfaction, la jeune femme dormir paisiblement, la tête posée contre l'épaule du bonze. Ce dernier semblait aussi profondément endormi. Le petit youkai, quand à lui, était recroquevillé sur lui-même, un peu plus loin.

Videl fronça les sourcils. Ce moine ne lui plaisait pas. Pas du tout. Comment Nekebia pouvait-elle sympathiser avec cet homme ? Il était un danger pour eux. S'il n'était pas arrivé dans le village d'Undo, alors il n'y aurait jamais eu cette mission, Lowen et Davok ne seraient pas morts. et puis ce Gokû, là. avec son petit air innocent ! il avait tout de même tué Lowen ! jamais il ne pourrait lui pardonner ce meurtre.

Il vit Sanzô bouger un peu et ouvrir les paupières. Nekebia, réveillée par ce léger mouvement, ouvrit les yeux à son tour.

Videl toussota volontairement. « Ahem hem. »

Les deux jeunes gens se regardèrent et s'éloignèrent soudain l'un de l'autre.

« Qu'est-ce que tu fous là, toi ?! » lança Sanzô à la youkai.

« Et. et toi alors ! s'exclama Nekebia, gênée et en colère à la fois. J'ai pas bougé ! Videl peut témoigner ! »

En effet, la jeune youkai n'avait pas changé de place depuis qu'ils étaient arrivés sous cette grosse souche.

« Mais. mais ça n'a rien à voir, tu le sais bien ! » s'énerva le bonze. « C'est à cause de tes conneries, ne t'en prends qu'à toi ! »

Nekebia frappa le sol du poing. « Comment ça mes conneries ?! je t'ai pas demandé de venir que je sache !»

« Tu serais même plus là si j'étais pas venu, baka ! » s'exclama Sanzô en se relevant.

Videl réagit à cette phrase. « Comment ça, plus là ? »

Nekebia et Sanzô ne répondirent rien mais continuèrent de se regarder avec colère.

« Et je ne te permets pas de me traiter de « baka », le bonze ! grommela cependant la jeune femme. Les insultes, c'est pour ton singe si tu veux, mais pas à moi, c'est compris ?! »

Tous ces bruits avaient réveillé Gokû. Voyant les trois personnes se parler vivement, il s'étonna.

« Nee, Sanzô ! J'ai rien raté ? » demanda-t-il.

Le jeune homme blond se retourna d'un coup et lui abattit son baffeur sur la figure.

« ABSOLUMENT RIEN ! Et rendors-toi, con de singe ! »

Gokû se protégea la tête de ses mains et gémit : « Eh ! pas la peine de passer tes nerfs sur moi ! »

Nekebia ricana. « Mais non, voyons ! le moine préfère les punching ball vivants. »

Sanzô se retint tout juste de dégainer son revolver.

« ON Y VA. » lança-t-il à Gokû en faisant mine de partir.

Il faillit se heurter à l'immense dragon-ogre qui se tenait près de la souche, mais qu'on ne pouvait voir de là où ils se trouvaient. Le squelette en descendit et haussa les épaules.

« Désolé Monsieur, on ne peut pas vous laisser partir. »

Sanzô poussa le mort, mais le gros monstre donna un grand coup de poing sur le sol juste devant lui, faisant trembler tout ce qui se trouvait autour.

Le moine se retourna et vit Videl qui approchait.

« Vous ne tiendrez pas longtemps sans guide dans cette forêt » dit le youkai amèrement. « Et vous avez une mission à finir. Après, on verra. »

Gokû regarda Sanzô. Le beau blond avait croisé les bras et semblait partagé entre tuer ces youkais qui l'énervaient ou se calmer. Mais ses armes ne fonctionnaient plus comme avant, Nekebia avait dû leur jeter un sort. mais d'un autre côté, il ne voyait pas comment se calmer. Il n'allait tout de même pas s'abaisser à obéir à ces youkais.

« Libérer des âmes pour ensuite vous faire un garde-manger de la taille d'un village. » murmura-t-il. « Je ne vais pas participer à ça. »

Nekebia s'approcha à son tour.

« Tu sais bien que ce n'est pas pour ça. Sinon, tu aurais refusé de venir depuis le début. Morène a d'autres ambitions que moi pour ce village. Mais je l'empêcherai de manger les habitants. »

Le jeune moine soupira et la regarda droit dans les yeux.

« Et si ton autre personnalité refait surface, ces habitants ne seront pas mangés, mais tués par toi. »

Gokû se souvint alors de ce que la voyante avait dit. « Ils redeviendront ce qu'ils sont intérieurement.des démons. »

« Sanzô ! » s'exclama-t-il. « La voyante du village nous a dit que les âmes, quand elles rentreraient dans les corps, n'allaient pas donner vie à des humains ! mais à ce qu'ils sont intérieurement : des démons ! »

Les trois autres se tournèrent vers lui. « Tu es sûr ? » demanda la youkai. « C'est peut-être une vieille folle. »

Videl toussa. « Nekebia. ton autre personnalité a dit que cette vieille, c'était ton futur. enfin son futur. »

La youkai frémit. « Alors elle sait comment les choses vont se passer. ? mais on ne peut pas laisser les choses comme ça ! ces spectres vont devenir de plus en plus forts, attaquer les youkais aussi bien que les visiteurs, tuer la forêt petit à petit. »

Sanzô voulu allumer une cigarette, mais avec la pluie, elle s'éteindrait aussitôt. Il eut cependant un petit sourire cynique et se tourna vers Nekebia.

« Des démons ? il n'y aura donc aucun espoir qu'ils redeviennent humains et calmes. les spectres, ça ne se tue pas. Les démons, si. »

La jeune femme prit un air inquiet. « On ne va tout de même pas. »

Sanzô ne détourna pas ses yeux violets des siens.

« Je crois que j'ai trouvé le moyen de te débarrasser de la démone qui est en toi. »