Chapitre 12 : sora no namida / Les larmes du ciel
Nekebia croisa les bras.
« Une solution pour m'exorciser de mon autre personnalité ? tu es sûr ? »
Sanzô leva les yeux sur le dragon-ogre. Il était assez imposant pour lui éviter d'être mouillé par la pluie s'il se tenait tout près de lui, mais la bave que le monstre répandait constamment arracha une expression de dégoût au moine. Tant pis, il attraperait la crève, si ce n'était déjà fait. Le jeune homme soupira :
« Rien est sûr. Il faudrait tester, mais il ne pourra y avoir qu'un seul test, et c'est pas sûr que t'en revienne. »
A ces mots, Videl s'exclama : « Tu veux te débarrasser d'elle avec des solutions pourries hein ? espèce de. ! »
Nekebia lui fit signe de se taire et regarda le bonze de haut. « On est déjà assez mal barrés, alors un peu plus, un peu moins. c'est quoi ta solution ? »
Sanzô haussa les épaules et répliqua nonchalamment : « Boarf, l'autre arriéré a peut-être raison, c'est sûrement une solution pourrie. »
Videl serra les poings. « Répète ce que tu viens de dire en face, sale moine fourbe! »
Sanzô lui jeta un de ces regards méprisants qui avaient le don d'énerver au plus haut point ses ennemis (ou même ses amis !):
« Je n'obéis pas aux petites merdes dans ton genre. »
Cette fois le youkai fonça sur lui, le prit par l'épaule et le força à se retourner. Sans que le moine puisse réagir, Videl lui administra un coup de poing qui fit reculer le jeune homme de plus d'un mètre.
Alors que Sanzô, rageant, relevait les yeux sur son ennemi, le bruit vif se fit entendre. Videl, la main sur la joue, regardait Nekebia avec des yeux écarquillés.
« Putain mais tu sais pas obéir aux ordres ou quoi !? criait la jeune femme au youkai. J'avais interdit quiconque de toucher ne serait-ce qu'un cheveu du bonze ! Qu'est-ce qu'il se passe dans ta petite cervelle de crétin ?! »
Videl, encore sous l'effet de la surprise, n'osa pas répondre.
Sanzô essuya le sang qui coulait au coin de sa bouche et grommela à l'adresse de Nekebia : « De quoi tu te mêles ? c'est à moi de lui régler son compte, reste en dehors de ça ! »
La youkai sentit monter la colère un peu plus. Si elle avait bien horreur d'une chose, c'était que la personne qu'elle défend lui fasse pareille réflexion. Pourquoi avait-elle réagi comme ça ? ce moine méritait bien ce coup de poing, après tout ! il fallait qu'il apprenne à ravaler sa fierté.
« Je l'engueule parce qu'il a désobéi à mes ordres, pas parce qu'il t'a frappé. » répliqua-t-elle avec humeur. « Qu'est-ce que tu croyais ? que je faisais ça pour tes beaux yeux ? »
La pluie tombait toujours aussi fort, chaude, comme dans les pays tropicaux lors de ces fortes averses qui ne laissaient rien de sec sur leur passage pendant de longues heures... Sanzô, trempé, regarda Nekebia, bien à l'abri sous la souche, et sut tout de suite ce qui l'énerverait encore plus qu'une réplique cinglante. Lui prouver que si, c'était peut-être bien pour « ses beaux yeux » qu'elle réagissait comme ça.
Il lui adressa un sourire cynique provocateur et se contenta de hausser les épaules. Son vêtement mouillé laissait à découvert une de ses épaules. A vrai dire, l'habit clair était tellement trempé qu'il laissait facilement deviner tout ce qu'il était sensé cacher. Le jeune homme se passa une main dans ses cheveux blonds, qui venaient se coller à son visage à cause de la pluie.
Bien malgré elle, Nekebia ne put s'empêcher de suivre ce geste du regard.
Le jeune homme se tenait légèrement cambré, comme à son habitude, mais ses habits qui lui collaient si étroitement à la peau ne faisaient que renforcer l'élégance de sa silhouette, la grâce de son maintien. la félinité de ses gestes, qui se succédaient avec une fluidité captivante.
La youkai avait l'impression que le temps s'était arrêté. Il ne restait plus que le bruit entêtant de la pluie. à vrai dire, de entêtant, il était passé à envoûtant. Comme une mélodie qui changeait selon la beauté des choses sur lesquelles elle tombait.
Un petit coup de Videl sur son épaule fit revenir la guerrière à ses esprits.
« On y va oui ou non ? » s'impatienta-t-il, lançant un regard en coin mauvais à Sanzô.
Nekebia éleva un peu la voix pour cacher son trouble et frotta ses mains poussiéreuses. « Oui, bien sûr qu'on y va ! il est temps. »
Gokû se frotta les cheveux et demanda : « Bah on va où alors ? au village ou au temple ? »
Sanzô plongea ses beaux yeux améthyste dans ceux de Nekebia. « Bonne question. »
La youkai ne détourna pas le regard et répondit : « Tout dépend de ta solution miracle. »
Le jeune homme croisa les bras et pencha sa tête sur le côté. « Je n'ai jamais prétendu qu'elle était miracle. C'est juste une solution parmi notre choix très restreint. »
Nekebia eut un geste d'impatience. « Et donc .? »
Le jeune blond prit bien soin de prendre tout son temps pour répondre. « Ce que veut ton autre personnalité. c'est de se venger des villageois, non ? il semble que ce soit son seul but, sa raison d'exister. si on libère les âmes, elles transformeront les spectres en démons. Ton autre personnalité pourra les détruire à sa guise, et cela aura pour effet de la calmer voire de la faire disparaître, et aussi de nous débarrasser de ces êtres maléfiques. Il faut bien que quelqu'un le fasse, autant que ce soit elle, si elle le souhaite tant ! »
La jeune femme resta pensive quelques instants, puis se décida et dit : « Eh bien, ça m'a l'air d'être un bon raisonnement, mais c'est vraiment hasardeux. Et si je - enfin elle - n'est pas à la hauteur ? des milliers de démons ne se tuent pas si facilement. Et si l'autre personnalité ne disparaît pas après tous ces nouveaux meurtres ? »
Le regard de Sanzô ne cilla pas. « Alors je te tuerai, puisqu'il n'y aura plus aucun autre moyen. Mais on aura essayé. »
Gokû sentait une tension palpable entre les personnes du groupe. Que s'était-il passé la veille ? pourquoi cette dispute ? et celle de tout à l'heure ?
Le garçon avait eu du mal à se rendormir après avoir vu Sanzô parler à Nekebia, le soir. mais le sommeil avait été le plus fort. Sanzô était-il revenu s'endormir près de lui ? il n'en savait rien. Il n'osait pas le demander au bonze, de peur de se faire réprimander à nouveau. Lorsqu'il s'était réveillé, tout le monde était déjà debout.
Etrangement, il était assez content de voir la youkai et Sanzô se disputer. Tout ce qui était susceptible d'éloigner Sanzô de lui. lui faisait un peu peur. Il avait de la chance que ce dernier ne soit pas un dragueur comme Gojô. Le garçon soupira. Il avait été seul pendant 500 ans. il ne voulait plus jamais le redevenir. Ne plus être délaissé. Toujours avoir quelqu'un près de lui.
Non, pas « quelqu'un ».
Sanzô.
Videl glissa quelques mots à l'oreille de Nekebia. Sans entendre, Sanzô savait déjà en quoi cela consistait. « Il est dangereux, on ne peut pas lui faire confiance ! » ou « C'est un taré, on devrait l'abattre ici même. »
A la gifle que se prit à nouveau Videl, ça devait être encore pire que ça.
« Je t'interdis. ! » commença la guerrière, mais la colère l'empêchait de continuer sa phrase.
Sanzô, voyant la tension extrême qui régnait, eut une irrémédiable envie de d'empirer encore la situation. Videl. il ne l'aimait pas, hein ? eh bien c'était réciproque. Largement.
Le moine s'approcha de Nekebia et, d'un geste naturel, lui tendit le baffeur.
La jeune femme regarda l'éventail en papier, puis Sanzô.
« Ça t'évitera de te salir la main la prochaine fois » murmura-t-il, assez fort pour que l'autre youkai entende.
Alors que Videl s'était tourné d'un coup vers le jeune homme, les yeux injectés de sang, Nekebia ne put s'empêcher d'éclater de rire. Un rire sincère comme elle n'avait pas eu depuis longtemps.
« Et pourquoi tu ris, toi ! » enrageait Videl, qui ne savait plus sur qui tourner sa fureur.
« AH AH ah ah ! excuse.moi.» balbutia Nekebia en essuyant une larme. « C'est que. » Elle se tourna vers Sanzô et fit un effort pour parler à nouveau normalement, mais son sourire ne l'avait pas quittée.
« T'es vraiment un fouteur de merde, hein le bonze ? mais va, reste comme tu es. Vraiment. »
Puis elle se tourna vers Videl et son sourire disparut aussitôt.
« Et toi, tu devrais mûrir un peu. Tu ne sais pas te contrôler ! tu sais bien qu'il fait ça pour t'énerver, et ça marche à merveille. Et aussi. »
Elle lui tourna le dos négligemment. « . évite de redire ce que tu viens de dire, si tu tiens à garder une gueule à peu près présentable. A moins que tu trouves que la trace de mes doigts en rouge sur tes joue te donne un style original... »
Sanzô ne put réprimer un petit sourire moqueur.
Videl s'apprêtait à répliquer violemment, mais Nekebia ne lui en laissa pas le temps. Elle fit signe au squelette et au dragon-ogre de débloquer le chemin et lança :
« Allez, direction. le Temple des âmes ! »
* * * * * * * * *
Hakkai et Gojô avançaient avec beaucoup moins de difficultés qu'avant. Ils avaient recouvert leurs sens et les marais étaient déjà loin derrière eux.
Cependant, un malaise commençait à les envahir.
« On tourne pas en rond, là ? » demanda le jeune homme aux cheveux rouges.
Son ami s'arrêta, haletant. Ils avaient parcouru un bon kilomètre déjà, et le paysage restait encore et toujours le même. A en devenir fou... Mais une lueur sur sa droite le fit se redresser. Aux aguets, il regarda à nouveau les alentours, mais plus aucune lumière n'était visible. Avait-il rêvé ?
« Quoi ? » lança Gojô en regardant à son tour les environs, se demandant ce que Hakkai cherchait. « Un monstre ? un youkai ? un chasseur ? un serpent géant ? un gobelin qui récite des chansons à la con ? »
Hakkai esquissa un sourire et répondit : « Je ne sais pas... c'était...étrange. Tu es sûr que tu ne l'as pas vue ? pas sentie ? »
« De quoi ? »
« Cette chaleur... cette lumière pourtant faible... »
Un bruissement dans les buissons se fit entendre, puis une tête qu'il leur était familière apparut.
« Une lueur tu as vue ?
Rassure-toi elle n'a pas disparu...
Malgré sa vivacité, c'est un rayon faible pour l'instant
Qui n'attend que des c?urs amis pour le rendre plus résistant... »
Gojô frappa du pied par terre et pointa le doigt sur Perolk. « Quand on parle du gobelin... ! »
Ce dernier ricana et termina la phrase. « ...on n'en voit pas le bout des énigmes, hein ? »
Le jeune homme fit mine d'armer sa lance mais l'être vert avait déjà sauté sur les hautes branches d'un arbre. Il regarda Hakkai et chantonna :
« Mais oui ! suis cette lueur, suis-la !
A force de la regarder, tu apprendras à la connaître
Et tu finiras par y découvrir un soleil
Que jamais tu ne voudrais voir disparaître.
Aux yeux des autres, c'est une simple lumière dorée
A l'éclat violent, qui ne donne pas de chaleur
C'est un défi que de s'en rapprocher
Mais ce n'est qu'ainsi que l'on en découvre le c?ur. »
Sur ce, il bondit d'arbre en arbre et disparut dans les ténèbres. Gojô plissa les yeux mais ne le vit pas revenir.
« Mais qu'est-ce qu'il raconte ? » soupira-t-il, exaspéré.
Hakkai sourit faiblement en revoyant la petite lueur qui volait à quelques mètres de là, sur leur chemin. Il serra le poing, plein d'espoir.
« Il parle de... Sanzô. »
* * * * * * * * * *
Les cartes étaient empilées en trois tas différents. La voyante les regarda quelques secondes puis décida à piocher dans le tas du milieu. Alors que sa main était posée sur une carte, la vieille femme fronça les sourcils. Tout à l'heure, sa peau était encore bien visible, mais elle avait l'impression de devenir de plus en plus transparente. Elle devenait... assez bleue. Spectrale.
Avec un soupir, elle tourna la carte. « Sigobah, la brume shingane »
Une expression de grande lassitude s'afficha sur son visage.
« Pourquoi ? pauvres garçons... Pourquoi est-ce toujours le malheur que je prédis ? »
La lune éclairait ses bras à présent translucides.
« A ce temps là, déjà... j'avais prédit que le malheur tomberait sur cette ville. Mais j'étais étrangère, même si j'y avais grandi... c'était une raison de plus pour eux pour me rejeter. Fille maudite, enfant du malheur... peu savaient mon vrai prénom. Il m'avait été donné par mon père... oui, cet homme qui m'a abandonné et n'est revenu que pour me conseiller de devenir youkai, puis pour effacer les souvenirs. De temps en temps, je vais dans la ville pour regarder à nouveau sa statue. Il n'a pas vraiment changé. Il avait juste l'air plus... pieux... dans mes souvenirs d'enfant. Car j'en ai, oui il m'en reste... ils sont flous, mais tellement reposants... Jaïna... c'était un joli nom. Mais peu importe, peu importe... je suis un spectre du futur, j'ai l'ensemble des souvenirs de Jaïna, prénom qui se changea en « Nekebia »... j'ai même les souvenirs qui se créent en ce moment. »
Elle sourit.
« Il n'y a pas que du mauvais. »
Nekebia croisa les bras.
« Une solution pour m'exorciser de mon autre personnalité ? tu es sûr ? »
Sanzô leva les yeux sur le dragon-ogre. Il était assez imposant pour lui éviter d'être mouillé par la pluie s'il se tenait tout près de lui, mais la bave que le monstre répandait constamment arracha une expression de dégoût au moine. Tant pis, il attraperait la crève, si ce n'était déjà fait. Le jeune homme soupira :
« Rien est sûr. Il faudrait tester, mais il ne pourra y avoir qu'un seul test, et c'est pas sûr que t'en revienne. »
A ces mots, Videl s'exclama : « Tu veux te débarrasser d'elle avec des solutions pourries hein ? espèce de. ! »
Nekebia lui fit signe de se taire et regarda le bonze de haut. « On est déjà assez mal barrés, alors un peu plus, un peu moins. c'est quoi ta solution ? »
Sanzô haussa les épaules et répliqua nonchalamment : « Boarf, l'autre arriéré a peut-être raison, c'est sûrement une solution pourrie. »
Videl serra les poings. « Répète ce que tu viens de dire en face, sale moine fourbe! »
Sanzô lui jeta un de ces regards méprisants qui avaient le don d'énerver au plus haut point ses ennemis (ou même ses amis !):
« Je n'obéis pas aux petites merdes dans ton genre. »
Cette fois le youkai fonça sur lui, le prit par l'épaule et le força à se retourner. Sans que le moine puisse réagir, Videl lui administra un coup de poing qui fit reculer le jeune homme de plus d'un mètre.
Alors que Sanzô, rageant, relevait les yeux sur son ennemi, le bruit vif se fit entendre. Videl, la main sur la joue, regardait Nekebia avec des yeux écarquillés.
« Putain mais tu sais pas obéir aux ordres ou quoi !? criait la jeune femme au youkai. J'avais interdit quiconque de toucher ne serait-ce qu'un cheveu du bonze ! Qu'est-ce qu'il se passe dans ta petite cervelle de crétin ?! »
Videl, encore sous l'effet de la surprise, n'osa pas répondre.
Sanzô essuya le sang qui coulait au coin de sa bouche et grommela à l'adresse de Nekebia : « De quoi tu te mêles ? c'est à moi de lui régler son compte, reste en dehors de ça ! »
La youkai sentit monter la colère un peu plus. Si elle avait bien horreur d'une chose, c'était que la personne qu'elle défend lui fasse pareille réflexion. Pourquoi avait-elle réagi comme ça ? ce moine méritait bien ce coup de poing, après tout ! il fallait qu'il apprenne à ravaler sa fierté.
« Je l'engueule parce qu'il a désobéi à mes ordres, pas parce qu'il t'a frappé. » répliqua-t-elle avec humeur. « Qu'est-ce que tu croyais ? que je faisais ça pour tes beaux yeux ? »
La pluie tombait toujours aussi fort, chaude, comme dans les pays tropicaux lors de ces fortes averses qui ne laissaient rien de sec sur leur passage pendant de longues heures... Sanzô, trempé, regarda Nekebia, bien à l'abri sous la souche, et sut tout de suite ce qui l'énerverait encore plus qu'une réplique cinglante. Lui prouver que si, c'était peut-être bien pour « ses beaux yeux » qu'elle réagissait comme ça.
Il lui adressa un sourire cynique provocateur et se contenta de hausser les épaules. Son vêtement mouillé laissait à découvert une de ses épaules. A vrai dire, l'habit clair était tellement trempé qu'il laissait facilement deviner tout ce qu'il était sensé cacher. Le jeune homme se passa une main dans ses cheveux blonds, qui venaient se coller à son visage à cause de la pluie.
Bien malgré elle, Nekebia ne put s'empêcher de suivre ce geste du regard.
Le jeune homme se tenait légèrement cambré, comme à son habitude, mais ses habits qui lui collaient si étroitement à la peau ne faisaient que renforcer l'élégance de sa silhouette, la grâce de son maintien. la félinité de ses gestes, qui se succédaient avec une fluidité captivante.
La youkai avait l'impression que le temps s'était arrêté. Il ne restait plus que le bruit entêtant de la pluie. à vrai dire, de entêtant, il était passé à envoûtant. Comme une mélodie qui changeait selon la beauté des choses sur lesquelles elle tombait.
Un petit coup de Videl sur son épaule fit revenir la guerrière à ses esprits.
« On y va oui ou non ? » s'impatienta-t-il, lançant un regard en coin mauvais à Sanzô.
Nekebia éleva un peu la voix pour cacher son trouble et frotta ses mains poussiéreuses. « Oui, bien sûr qu'on y va ! il est temps. »
Gokû se frotta les cheveux et demanda : « Bah on va où alors ? au village ou au temple ? »
Sanzô plongea ses beaux yeux améthyste dans ceux de Nekebia. « Bonne question. »
La youkai ne détourna pas le regard et répondit : « Tout dépend de ta solution miracle. »
Le jeune homme croisa les bras et pencha sa tête sur le côté. « Je n'ai jamais prétendu qu'elle était miracle. C'est juste une solution parmi notre choix très restreint. »
Nekebia eut un geste d'impatience. « Et donc .? »
Le jeune blond prit bien soin de prendre tout son temps pour répondre. « Ce que veut ton autre personnalité. c'est de se venger des villageois, non ? il semble que ce soit son seul but, sa raison d'exister. si on libère les âmes, elles transformeront les spectres en démons. Ton autre personnalité pourra les détruire à sa guise, et cela aura pour effet de la calmer voire de la faire disparaître, et aussi de nous débarrasser de ces êtres maléfiques. Il faut bien que quelqu'un le fasse, autant que ce soit elle, si elle le souhaite tant ! »
La jeune femme resta pensive quelques instants, puis se décida et dit : « Eh bien, ça m'a l'air d'être un bon raisonnement, mais c'est vraiment hasardeux. Et si je - enfin elle - n'est pas à la hauteur ? des milliers de démons ne se tuent pas si facilement. Et si l'autre personnalité ne disparaît pas après tous ces nouveaux meurtres ? »
Le regard de Sanzô ne cilla pas. « Alors je te tuerai, puisqu'il n'y aura plus aucun autre moyen. Mais on aura essayé. »
Gokû sentait une tension palpable entre les personnes du groupe. Que s'était-il passé la veille ? pourquoi cette dispute ? et celle de tout à l'heure ?
Le garçon avait eu du mal à se rendormir après avoir vu Sanzô parler à Nekebia, le soir. mais le sommeil avait été le plus fort. Sanzô était-il revenu s'endormir près de lui ? il n'en savait rien. Il n'osait pas le demander au bonze, de peur de se faire réprimander à nouveau. Lorsqu'il s'était réveillé, tout le monde était déjà debout.
Etrangement, il était assez content de voir la youkai et Sanzô se disputer. Tout ce qui était susceptible d'éloigner Sanzô de lui. lui faisait un peu peur. Il avait de la chance que ce dernier ne soit pas un dragueur comme Gojô. Le garçon soupira. Il avait été seul pendant 500 ans. il ne voulait plus jamais le redevenir. Ne plus être délaissé. Toujours avoir quelqu'un près de lui.
Non, pas « quelqu'un ».
Sanzô.
Videl glissa quelques mots à l'oreille de Nekebia. Sans entendre, Sanzô savait déjà en quoi cela consistait. « Il est dangereux, on ne peut pas lui faire confiance ! » ou « C'est un taré, on devrait l'abattre ici même. »
A la gifle que se prit à nouveau Videl, ça devait être encore pire que ça.
« Je t'interdis. ! » commença la guerrière, mais la colère l'empêchait de continuer sa phrase.
Sanzô, voyant la tension extrême qui régnait, eut une irrémédiable envie de d'empirer encore la situation. Videl. il ne l'aimait pas, hein ? eh bien c'était réciproque. Largement.
Le moine s'approcha de Nekebia et, d'un geste naturel, lui tendit le baffeur.
La jeune femme regarda l'éventail en papier, puis Sanzô.
« Ça t'évitera de te salir la main la prochaine fois » murmura-t-il, assez fort pour que l'autre youkai entende.
Alors que Videl s'était tourné d'un coup vers le jeune homme, les yeux injectés de sang, Nekebia ne put s'empêcher d'éclater de rire. Un rire sincère comme elle n'avait pas eu depuis longtemps.
« Et pourquoi tu ris, toi ! » enrageait Videl, qui ne savait plus sur qui tourner sa fureur.
« AH AH ah ah ! excuse.moi.» balbutia Nekebia en essuyant une larme. « C'est que. » Elle se tourna vers Sanzô et fit un effort pour parler à nouveau normalement, mais son sourire ne l'avait pas quittée.
« T'es vraiment un fouteur de merde, hein le bonze ? mais va, reste comme tu es. Vraiment. »
Puis elle se tourna vers Videl et son sourire disparut aussitôt.
« Et toi, tu devrais mûrir un peu. Tu ne sais pas te contrôler ! tu sais bien qu'il fait ça pour t'énerver, et ça marche à merveille. Et aussi. »
Elle lui tourna le dos négligemment. « . évite de redire ce que tu viens de dire, si tu tiens à garder une gueule à peu près présentable. A moins que tu trouves que la trace de mes doigts en rouge sur tes joue te donne un style original... »
Sanzô ne put réprimer un petit sourire moqueur.
Videl s'apprêtait à répliquer violemment, mais Nekebia ne lui en laissa pas le temps. Elle fit signe au squelette et au dragon-ogre de débloquer le chemin et lança :
« Allez, direction. le Temple des âmes ! »
* * * * * * * * *
Hakkai et Gojô avançaient avec beaucoup moins de difficultés qu'avant. Ils avaient recouvert leurs sens et les marais étaient déjà loin derrière eux.
Cependant, un malaise commençait à les envahir.
« On tourne pas en rond, là ? » demanda le jeune homme aux cheveux rouges.
Son ami s'arrêta, haletant. Ils avaient parcouru un bon kilomètre déjà, et le paysage restait encore et toujours le même. A en devenir fou... Mais une lueur sur sa droite le fit se redresser. Aux aguets, il regarda à nouveau les alentours, mais plus aucune lumière n'était visible. Avait-il rêvé ?
« Quoi ? » lança Gojô en regardant à son tour les environs, se demandant ce que Hakkai cherchait. « Un monstre ? un youkai ? un chasseur ? un serpent géant ? un gobelin qui récite des chansons à la con ? »
Hakkai esquissa un sourire et répondit : « Je ne sais pas... c'était...étrange. Tu es sûr que tu ne l'as pas vue ? pas sentie ? »
« De quoi ? »
« Cette chaleur... cette lumière pourtant faible... »
Un bruissement dans les buissons se fit entendre, puis une tête qu'il leur était familière apparut.
« Une lueur tu as vue ?
Rassure-toi elle n'a pas disparu...
Malgré sa vivacité, c'est un rayon faible pour l'instant
Qui n'attend que des c?urs amis pour le rendre plus résistant... »
Gojô frappa du pied par terre et pointa le doigt sur Perolk. « Quand on parle du gobelin... ! »
Ce dernier ricana et termina la phrase. « ...on n'en voit pas le bout des énigmes, hein ? »
Le jeune homme fit mine d'armer sa lance mais l'être vert avait déjà sauté sur les hautes branches d'un arbre. Il regarda Hakkai et chantonna :
« Mais oui ! suis cette lueur, suis-la !
A force de la regarder, tu apprendras à la connaître
Et tu finiras par y découvrir un soleil
Que jamais tu ne voudrais voir disparaître.
Aux yeux des autres, c'est une simple lumière dorée
A l'éclat violent, qui ne donne pas de chaleur
C'est un défi que de s'en rapprocher
Mais ce n'est qu'ainsi que l'on en découvre le c?ur. »
Sur ce, il bondit d'arbre en arbre et disparut dans les ténèbres. Gojô plissa les yeux mais ne le vit pas revenir.
« Mais qu'est-ce qu'il raconte ? » soupira-t-il, exaspéré.
Hakkai sourit faiblement en revoyant la petite lueur qui volait à quelques mètres de là, sur leur chemin. Il serra le poing, plein d'espoir.
« Il parle de... Sanzô. »
* * * * * * * * * *
Les cartes étaient empilées en trois tas différents. La voyante les regarda quelques secondes puis décida à piocher dans le tas du milieu. Alors que sa main était posée sur une carte, la vieille femme fronça les sourcils. Tout à l'heure, sa peau était encore bien visible, mais elle avait l'impression de devenir de plus en plus transparente. Elle devenait... assez bleue. Spectrale.
Avec un soupir, elle tourna la carte. « Sigobah, la brume shingane »
Une expression de grande lassitude s'afficha sur son visage.
« Pourquoi ? pauvres garçons... Pourquoi est-ce toujours le malheur que je prédis ? »
La lune éclairait ses bras à présent translucides.
« A ce temps là, déjà... j'avais prédit que le malheur tomberait sur cette ville. Mais j'étais étrangère, même si j'y avais grandi... c'était une raison de plus pour eux pour me rejeter. Fille maudite, enfant du malheur... peu savaient mon vrai prénom. Il m'avait été donné par mon père... oui, cet homme qui m'a abandonné et n'est revenu que pour me conseiller de devenir youkai, puis pour effacer les souvenirs. De temps en temps, je vais dans la ville pour regarder à nouveau sa statue. Il n'a pas vraiment changé. Il avait juste l'air plus... pieux... dans mes souvenirs d'enfant. Car j'en ai, oui il m'en reste... ils sont flous, mais tellement reposants... Jaïna... c'était un joli nom. Mais peu importe, peu importe... je suis un spectre du futur, j'ai l'ensemble des souvenirs de Jaïna, prénom qui se changea en « Nekebia »... j'ai même les souvenirs qui se créent en ce moment. »
Elle sourit.
« Il n'y a pas que du mauvais. »
