Chapitre 13 : la lumière qui guide mes pas...
Hakkai marchait d'un bon pas, mais Gojô était un peu à la traîne. Le jeune brun ne cessait de courir, puis s'arrêter, repartir puis hésiter à nouveau... il disait voir une lueur, mais Gojô, lui, ne l'apercevait pas. Comment cela se faisait-il ? Hakkai disait qu'elle les guidait vers là où se trouvait Sanzô - et Gokû par la même occasion, selon les dires de Perolk.
Le jeune homme aux cheveux rouges grommela en dégageant son pied d'un des nombreux trous boueux du petit chemin de terre qu'ils étaient en train d'emprunter. La pluie commençait à tomber et le sol devenait très glissant.
« Foutu soleil... » grogna-t-il en regardant le ciel sombre. « ...si au moins il pouvait apparaître ! »
Hakkai eut un petit rire et répliqua : « Le soleil n'a jamais fait disparaître la pluie, que je sache ^_^ »
Son ami eut un petit rire nerveux et dit : « Mais au moins s'il faisait jour, je verrais où je mets mes pieds ! »
Il se sentait un peu coupable de la disparition de Gokû. Il n'aurait pas dû le taquiner comme ça dans un moment si critique... maintenant le garçon était parti sur un coup de tête, et dieu seul savait où il était en ce moment. Près du bonze, comme le disait Hakkai, tentant de le rassurer ? Mouais. Sanzô était peut-être fort, mais il semblait à lui seul attirer plus de dangers que quiconque. Etre en sa présence était plus inquiétant que rassurant. Gokû savait se battre, mais dans cette forêt, être fort ne semblait pas servir à grand chose...
Sanzô était pour Gojô... un mauvais ami. Mais un ami quand même... Il avait l'air froid. Il était violent. Il a souvent failli le buter. Mais il ne l'avait jamais fait, alors qu'il en aurait eu mille fois l'occasion. Et si un jour le bonze venait à disparaître, Gojô croyait bien qu'il n'y aurait pas que deux personnes qui pleureraient sa mort... mais sûrement trois.
Hakkai passa une main dans ses cheveux bruns et soupira.
« La lueur... je ne la vois plus. Et il y a une bifurcation... »
Gojô, qui était en train d'épousseter son pantalon désormais sale, releva la tête. Puis il sourit.
« A gauche. »
Hakkai se retourna, une expression de surprise sur le visage. Il regarda à nouveau la croisée des chemins et vit en effet une petite lumière scintiller sur le sentier de gauche.
« Tu... tu arrives à la voir ? »
Gojô sortit une cigarette, la mit à sa bouche et l'alluma.
« Faut croire » répondit-il en esquissant un sourire satisfait.
Quelques minutes plus tard, ils avaient abouti sur une petite clairière.
Enfin, sur ce qui avait semblé être une petite clairière...
« Qu'est-ce qu'il s'est passé, ici ? » demanda Hakkai en regardant les cendres à terre et les arbres calcinés.
« Ça sent pas bon... » murmura Gojô. « Et à tous les sens du terme. »
Le jeune homme se pencha pour toucher le sol encore chaud, et s'aperçut qu'un courant froid était présent juste au-dessus du niveau du sol. Gojô se releva soudainement pour faire signe à son ami, mais le froid montait de plus en plus.
« Qu'est-ce que c'est que ça, encore ? » s'exclama-t-il en voyant une brume épaisse monter. « C'est mauvais ! » répondit Hakkai. « Avec ça, on ne va plus réussir à voir la lueur, et... on va avoir du mal à trouver notre chemin... déjà que ce n'était pas facile avant. »
La brume se faisait maintenant si dense que Hakkai ne voyait plus son ami que sous la forme d'une silhouette sombre, alors qu'il ne se tenait qu'à moins de deux mètres de lui. Il trébucha plusieurs fois sur des branches calcinées qui jonchaient le sol... Hakuryu s'osait pas s'envoler de peur de ne plus savoir retrouver sa place sur l'épaule de son maître. Il poussa quelques petits cris plaintifs, ce qui ne fit que renforcer la légère panique qui commençait à s'éveiller dans les c?urs.
« Gojô ! j'avais cru voir un chemin sur la droite, enfin, là-bas... » lança Hakkai en montrant du doigt une trouée dans les arbres maintenant à peine visible. A vrai dire, il ne savait même pas si c'était le bon endroit...
« J'entends rien de ce que tu me dis ! » grommela l'autre youkai. « 'va presque falloir qu'on se tienne la main pour pas se perdre, c'est pas vrai... » Joignant le geste à la parole, il chercha un peu au hasard la main de son ami et la serra.
« C'est bien ta main ? » demanda le jeune homme aux cheveux rouges.
« Eh bien...oui, que veux-tu que ce soit ^_^° »
« Non, mais... » Gojô tira la queue de Hakuryu, qui poussa un cri strident sur le coup. « ...j'aurais pu tomber sur ton animal, là ! »
Hakkai caressa machinalement son petit dragon pour le consoler, pendant que celui-ci essayait de donner de petits coups de dents à Gojô. « Oh, tu es méchant avec Hakuryu... arrête de l'importuner comme ça... » mais le jeune brun ne put s'empêcher de rire, ce qui énerva encore plus la petite bête volante.
Gojô rit aussi, mais il ne sut pas si c'était vraiment franc, ou plutôt si c'était pour se libérer de l'angoisse qui le tenaillait depuis déjà quelques minutes.
« J'espère seulement que le namaguza bozu et le singe ne vont pas rappliquer là... ils se foutraient de notre gueule à nous voir nous tenir la main comme des écolières ! »
Hakkai sourit. « Ce n'est pas un privilège réservé qu'à elles... »
Avant que Gojô n'eut le temps de répliquer, un étrange bruissement se fit entendre. Puis un autre.
« C'était QUOI, ça ? » demanda-t-il en regardant autour de lui. Hakkai hocha la tête et ne semblait pas savoir que répondre. Le bruissement sembla parcourir le feuillage des arbres aux alentours, et se déplacer à une vitesse assez considérable.
« Y'a je ne sais quoi qui nous tourne autour... on ne devrait pas rester là ! murmura le jeune homme au monocle. On ferait mieux de partir en sens inverse ! »
Gojô serra plus fort la main de son ami.
« Et si je-ne-sais-quoi nous trouve avant ? »
Soudain, un cri bestial et déchirant se fit entendre. Un bruit précipité, puis des feuilles semblant soudain être arrachées par une force colossale.
Hakkai avala difficilement sa salive. « Je préfère pas imaginer... »
* * * * * * * * *
Videl ouvrait la marche, suivi de Gokû, de Sanzô puis de Nekebia. Le dragon- ogre et le squelette marchaient une dizaine de mètres à l'avant, mais quittaient de temps en temps le chemin pour explorer un peu les alentours. Les arbres étaient devenus plus denses, et les feuillus avaient été remplacés peu à peu par des conifères. La pluie avait cessé, mais les compagnons étaient encore trempés. L'atmosphère chaude et humide n'aidait pas à faire sécher leurs habits...
« Il va y avoir de l'orage, j'ai l'impression... » marmonna Nekebia en regardant le ciel devenu plus gris. « Et on est en pleine forêt... ici, la foudre peut s'abattre sur n'importe quel arbre, on est vraiment pas à l'abri... »
Quelques secondes passèrent, puis un grognement se fit entendre.
« C'est Molok ! » cria le squelette, devant eux.
Videl s'approcha du mort et demanda : « Molok ? »
Kersh sourit d'un air gêné et répondit : « Oui, c'est comme ça que j'ai appelé le dragon-ogre. Il est pas si méchant que ça, après tout. On a sympathisé ^^ »
Le youkai roux leva les yeux vers l'énorme monstre et eu un frisson de dégoût.
« Et alors, qu'est-ce qu'il a trouvé ? » finit-il par demander.
Le squelette montra le chemin du doigt et dit : « La brume. La brume Shingane, comme on l'appelle, qui n'existe que dans ces forêts et qui a la particularité de monter très vite. On finit par ne plus rien y voir... Par contre, il y a toutes sortes de prédateurs qui « fonctionnent » à l'odorat et pour qui ça ne fait aucune différence... »
Videl afficha un air satisfait et déclara : « Ce n'est pas très grave, on a... comment tu dis déjà ? ah oui, Molok. Il a une mauvaise vue, mais ses autres sens sont assez développés, non ? »
Le squelette haussa les épaules et répondit : « Lui, oui... mais si des prédateurs arrivent par l'arrière... enfin, vers la capitaine et le bonze... »
Le youkai regarda Nekebia arriver.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-elle.
Videl lui expliqua la situation et la guerrière prit un air frustré. « Eh ! mais je sais me défendre toute seule, pour qui me prends-tu ? pas besoin d'un monstre géant pour veiller sur moi. »
Quelques secondes plus tard, ils étaient de nouveau en route, et la brume se faisait de plus en plus épaisse autour d'eux. Ils ne voyaient plus les arbres que comme des masses sombres autour d'eux, ce qui renforçait l'impression d'emprisonnement qu'ils ressentaient déjà.
« Nee, Sanzô.
Quoi ? j'ai rien à te donner à bouffer.
Mais. ça fait des plombes que j'ai rien avalé !
Et moi alors ! on est tous dans le même cas.
Je vais plus arriver à marcher, moi ! t'es sûr que t'as rien de rien ?
J'ai mon baffeur si tu veux, et si tu continue tu vas vraiment finir par te le manger !
Euh. non c'est bon ! »
Ils continuèrent à marcher un peu en silence, puis Nekebia soupira. Dans sa petite sacoche, elle avait prévu quelques provisions, mais la plupart avaient été emportées par Lowen et Davok, qui étaient maintenant morts. Elle possédait tout de même quelques biscuits et Videl portait un peu d'eau, mais ce ne serait pas assez pour combler la faim de tout le monde. Gokû ne se contenterait pas d'un biscuit.
« Logiquement, commença Videl, on va arriver à une petite bifurcation. A droite il y a des marais dans lesquels il ne vaut mieux pas entrer. A gauche, un petit chemin assez chaotique, qui nous mènera pas très loin du Temple. Mais ça fait encore quelques bons kilomètres. il y a aussi plein de sentiers qui se croisent, ça va être dur de ne pas se perdre ! »
Gokû poussa un gémissement plaintif. « Mais elle est grande comment, cette satanée forêt ? »
*PAAAAF *
Sanzô lui abattit son baffeur sur la tête. « Tu vas arrêter de te plaindre, baka saru ? »
Gokû se frotta la tête et frissonna. Il faisait de plus en plus frais à mesure qu'ils avançaient vers le c?ur de la forêt.
« Sanzô. »
« Putain je t'ai dit que j'avais pas de bouffe !!!! »
« Non, non, c'est pas ça. j'ai froid. mes habits sont tout mouillés. gla gla. »
Le jeune homme lui lança un regard las et tâta ses propres vêtements. Ils n'étaient pas secs non plus. la pluie chaude leur avait un peu fait oublier le froid ambiant, mais maintenant.
« J'y peux rien. » répondit-il. Il sentit tout à coup deux petits bras lui enserrer la taille timidement. Gokû se serrait, tremblotant, tout contre Sanzô.
« Mais qu'est-ce que tu fous !? répliqua le moine en rougissant de gêne. Tu crois que c'est pratique pour marcher ?
Mais il fait moins froid comme ça !
Tu parles, t'es en train d'essuyer tes fringues mouillées sur moi !
Eh mais non ! c'est pas vrai ! et puis t'es encore plus trempé que moi d'abord ! »
Nekebia regarda Gokû d'un air un peu frustré.
« Mais vous pouvez pas vous taire !? » leur lança-t-elle énergiquement. « On va vite se faire repérer par des monstres si vous continuez à faire tant de bruit ! »
Sanzô n'aimait pas qu'on lui fasse ce genre de réflexion, mais d'un autre côté il allait lancer la même réplique à Gokû.
Le garçon lança un regard mécontent à la youkai puis se détacha lentement de son maître. Mais ses tremblements ne cessèrent pas.
* * * * * * * *
La vieille voyante regarda un instant la lune. Cette nuit ne finirait donc jamais ? c'est lorsque l'on se souvenait que l'existence du soleil qu'il nous manquait le plus.
Les sentiments étaient confus en elle. Désespoir, un peu de peur, de la jalousie. de la jalousie ? d'où venait-elle ? aucune idée. Mais c'était lié à un sentiment confus, un mélange de bien-être et de peur de trahison. jamais encore ressenti, celui-là. qu'est-ce que ça pouvait bien être.
Les cartes étaient étalées à l'envers sur le sol, mais la main de la vieille femme vagabondait, hésitante, au-dessus d'elles. Rien ne l'obligeait à tirer ces cartes, mais elle savait que dans son jeu, les nombreuses cartes de malheur côtoyaient de rares cartes de bénédiction totale. Si elle tombait sur l'une d'elles.
Elle en tira une.
Oui. C'est vrai qu'il existait aussi des cartes de malédiction totale. et « Nar'zuhl, l'élémental d'éclair » était. l'une d'elles.
La voyante se cacha la tête dans les mains. « Oh non. je vais vraiment finir par les tuer. pourtant. cette autre carte est bien dans le jeu, elle y est. pourquoi est-ce que je n'arrive pas à tomber dessus ? »
* * * * * * * *
Videl poussa un juron. Le tonnerre venait de se faire entendre. Et très fort.
« C'est pas bon, ça. »
Nekebia regarda en l'air et aperçut un immense éclair à travers la cime des arbres, qui formaient une sorte de plafond au-dessus d'eux.
Puis un bruit étourdissant résonna juste derrière eux.
Les compagnons se retournèrent, et virent horrifiés le gigantesque sapin près duquel ils venaient de passer totalement carbonisé et fumant.
« On a eu chaud ! » s'exclama Nekebia, peu rassurée. Elle regarda le chemin sur lequel ils étaient et s'aperçut qu'il s'agissait du sentier chaotique dont parlait Videl. Des pierres assez pointues jonchaient le sol, et il fallait mieux regarder où l'on mettait ses pieds pour ne pas tomber sur l'une d'elles et se blesser.
« On devrait se dépêcher, suggéra Videl. Le Temple nous protégera si on y arrive à temps ! »
La guerrière haussa les épaules et répliqua : « Impossible de traverser tous ces kilomètres pour éviter le danger. et courir sur ce chemin, c'est du suicide ! »
A l'instant où elle terminait sa phrase, la foudre tomba avec fracas à quelques mètres d'eux. Puis elle s'abattit à nouveau encore plus près, comme calculant la distance.
« On a pas d'autre choix je crois !!! » hurla Videl par-dessus le bruit terrible qui s'amplifiait.
« On court !!!! »
Tous le suivirent à toute allure. Le dragon-ogre, apeuré par le chaos environnant, accéléra. La foudre tombait à intervalles réguliers, et la durée entre chaque choc se réduisait terriblement à mesure qu'ils couraient. On aurait dit qu'un dieu courroucé tentait de les tuer avec les armes élémentaires du ciel !
Trébuchant sur une pierre du sentier, Gokû s'effondra sur le sol.
« Qu'est-ce que tu fous, relève-toi ! » cria Sanzô qui se trouvait quelques mètres plus en avant. Voyant que le garçon était blessé, le bonze fit demi- tour et se précipita sur lui.
« Tu vas nous faire tuer avec tes conneries ! pesta-t-il. Tu peux pas faire attention ? »
Mais à ce moment critique, il n'avait plus trop le c?ur à le réprimander.
Aidé par Sanzô, Gokû se releva avec peine et regarda sa jambe ensanglantée.
Soudain, la foudre tomba tout près d'eux, et ils furent vivement projetés sur le sol. Sanzô sentit une pierre tranchante lui entamer la chair, dans son dos. Il serra les dents et se retint de crier de douleur. Gokû était tombé sur lui, et le moindre mouvement du garçon faisait souffrir Sanzô qui s'enfonçait un peu plus dans l'amas de pierres tranchantes jonchant le sol.
« Lève-toi ! vite ! » cria-t-il à Gokû. Ce dernier eut un peu de mal mais réussit à se relever et à tenir à peu près sur ses jambes.
Nekebia, qui venait d'arriver à leur hauteur, aida Sanzô à se relever. Ce dernier grommela : « C'est bon j'aurais pu le faire tout s. » mais une soudaine vague de douleur l'empêcha de finir sa phrase. Il serra les dents et tâta son dos de sa main. Le jeune homme pesta en voyant sa paume pleine de sang.
« Et merde ! »
Nekebia regarda la blessure du bonze avec inquiétude puis vit la jambe blessée de Gokû.
« Vous arriverez encore à courir ? il le faut absolument ! je crois qu'il y a une petite caverne pas très loin d'ici, où on pourrait être à l'abri. Mais je ne suis plus très sûre du chemin. Videl y est sûrement déjà, je ne sais pas. Suivez-moi ! »
Loin en hauteur, Nar'zuhl, le démon de la foudre, ricanait en voyant ses malheureuses victimes courir pour lui échapper. D'ici il voyait tout, mais son corps vaporeux fait d'électricité et de nuages noirs ne lui permettaient cependant pas de bouger vite. Mais ses éclairs pouvaient s'étendre à toute la forêt. Ils ne lui échapperaient pas ! cela faisait si longtemps qu'il ne s'était pas amusé.
Hakkai marchait d'un bon pas, mais Gojô était un peu à la traîne. Le jeune brun ne cessait de courir, puis s'arrêter, repartir puis hésiter à nouveau... il disait voir une lueur, mais Gojô, lui, ne l'apercevait pas. Comment cela se faisait-il ? Hakkai disait qu'elle les guidait vers là où se trouvait Sanzô - et Gokû par la même occasion, selon les dires de Perolk.
Le jeune homme aux cheveux rouges grommela en dégageant son pied d'un des nombreux trous boueux du petit chemin de terre qu'ils étaient en train d'emprunter. La pluie commençait à tomber et le sol devenait très glissant.
« Foutu soleil... » grogna-t-il en regardant le ciel sombre. « ...si au moins il pouvait apparaître ! »
Hakkai eut un petit rire et répliqua : « Le soleil n'a jamais fait disparaître la pluie, que je sache ^_^ »
Son ami eut un petit rire nerveux et dit : « Mais au moins s'il faisait jour, je verrais où je mets mes pieds ! »
Il se sentait un peu coupable de la disparition de Gokû. Il n'aurait pas dû le taquiner comme ça dans un moment si critique... maintenant le garçon était parti sur un coup de tête, et dieu seul savait où il était en ce moment. Près du bonze, comme le disait Hakkai, tentant de le rassurer ? Mouais. Sanzô était peut-être fort, mais il semblait à lui seul attirer plus de dangers que quiconque. Etre en sa présence était plus inquiétant que rassurant. Gokû savait se battre, mais dans cette forêt, être fort ne semblait pas servir à grand chose...
Sanzô était pour Gojô... un mauvais ami. Mais un ami quand même... Il avait l'air froid. Il était violent. Il a souvent failli le buter. Mais il ne l'avait jamais fait, alors qu'il en aurait eu mille fois l'occasion. Et si un jour le bonze venait à disparaître, Gojô croyait bien qu'il n'y aurait pas que deux personnes qui pleureraient sa mort... mais sûrement trois.
Hakkai passa une main dans ses cheveux bruns et soupira.
« La lueur... je ne la vois plus. Et il y a une bifurcation... »
Gojô, qui était en train d'épousseter son pantalon désormais sale, releva la tête. Puis il sourit.
« A gauche. »
Hakkai se retourna, une expression de surprise sur le visage. Il regarda à nouveau la croisée des chemins et vit en effet une petite lumière scintiller sur le sentier de gauche.
« Tu... tu arrives à la voir ? »
Gojô sortit une cigarette, la mit à sa bouche et l'alluma.
« Faut croire » répondit-il en esquissant un sourire satisfait.
Quelques minutes plus tard, ils avaient abouti sur une petite clairière.
Enfin, sur ce qui avait semblé être une petite clairière...
« Qu'est-ce qu'il s'est passé, ici ? » demanda Hakkai en regardant les cendres à terre et les arbres calcinés.
« Ça sent pas bon... » murmura Gojô. « Et à tous les sens du terme. »
Le jeune homme se pencha pour toucher le sol encore chaud, et s'aperçut qu'un courant froid était présent juste au-dessus du niveau du sol. Gojô se releva soudainement pour faire signe à son ami, mais le froid montait de plus en plus.
« Qu'est-ce que c'est que ça, encore ? » s'exclama-t-il en voyant une brume épaisse monter. « C'est mauvais ! » répondit Hakkai. « Avec ça, on ne va plus réussir à voir la lueur, et... on va avoir du mal à trouver notre chemin... déjà que ce n'était pas facile avant. »
La brume se faisait maintenant si dense que Hakkai ne voyait plus son ami que sous la forme d'une silhouette sombre, alors qu'il ne se tenait qu'à moins de deux mètres de lui. Il trébucha plusieurs fois sur des branches calcinées qui jonchaient le sol... Hakuryu s'osait pas s'envoler de peur de ne plus savoir retrouver sa place sur l'épaule de son maître. Il poussa quelques petits cris plaintifs, ce qui ne fit que renforcer la légère panique qui commençait à s'éveiller dans les c?urs.
« Gojô ! j'avais cru voir un chemin sur la droite, enfin, là-bas... » lança Hakkai en montrant du doigt une trouée dans les arbres maintenant à peine visible. A vrai dire, il ne savait même pas si c'était le bon endroit...
« J'entends rien de ce que tu me dis ! » grommela l'autre youkai. « 'va presque falloir qu'on se tienne la main pour pas se perdre, c'est pas vrai... » Joignant le geste à la parole, il chercha un peu au hasard la main de son ami et la serra.
« C'est bien ta main ? » demanda le jeune homme aux cheveux rouges.
« Eh bien...oui, que veux-tu que ce soit ^_^° »
« Non, mais... » Gojô tira la queue de Hakuryu, qui poussa un cri strident sur le coup. « ...j'aurais pu tomber sur ton animal, là ! »
Hakkai caressa machinalement son petit dragon pour le consoler, pendant que celui-ci essayait de donner de petits coups de dents à Gojô. « Oh, tu es méchant avec Hakuryu... arrête de l'importuner comme ça... » mais le jeune brun ne put s'empêcher de rire, ce qui énerva encore plus la petite bête volante.
Gojô rit aussi, mais il ne sut pas si c'était vraiment franc, ou plutôt si c'était pour se libérer de l'angoisse qui le tenaillait depuis déjà quelques minutes.
« J'espère seulement que le namaguza bozu et le singe ne vont pas rappliquer là... ils se foutraient de notre gueule à nous voir nous tenir la main comme des écolières ! »
Hakkai sourit. « Ce n'est pas un privilège réservé qu'à elles... »
Avant que Gojô n'eut le temps de répliquer, un étrange bruissement se fit entendre. Puis un autre.
« C'était QUOI, ça ? » demanda-t-il en regardant autour de lui. Hakkai hocha la tête et ne semblait pas savoir que répondre. Le bruissement sembla parcourir le feuillage des arbres aux alentours, et se déplacer à une vitesse assez considérable.
« Y'a je ne sais quoi qui nous tourne autour... on ne devrait pas rester là ! murmura le jeune homme au monocle. On ferait mieux de partir en sens inverse ! »
Gojô serra plus fort la main de son ami.
« Et si je-ne-sais-quoi nous trouve avant ? »
Soudain, un cri bestial et déchirant se fit entendre. Un bruit précipité, puis des feuilles semblant soudain être arrachées par une force colossale.
Hakkai avala difficilement sa salive. « Je préfère pas imaginer... »
* * * * * * * * *
Videl ouvrait la marche, suivi de Gokû, de Sanzô puis de Nekebia. Le dragon- ogre et le squelette marchaient une dizaine de mètres à l'avant, mais quittaient de temps en temps le chemin pour explorer un peu les alentours. Les arbres étaient devenus plus denses, et les feuillus avaient été remplacés peu à peu par des conifères. La pluie avait cessé, mais les compagnons étaient encore trempés. L'atmosphère chaude et humide n'aidait pas à faire sécher leurs habits...
« Il va y avoir de l'orage, j'ai l'impression... » marmonna Nekebia en regardant le ciel devenu plus gris. « Et on est en pleine forêt... ici, la foudre peut s'abattre sur n'importe quel arbre, on est vraiment pas à l'abri... »
Quelques secondes passèrent, puis un grognement se fit entendre.
« C'est Molok ! » cria le squelette, devant eux.
Videl s'approcha du mort et demanda : « Molok ? »
Kersh sourit d'un air gêné et répondit : « Oui, c'est comme ça que j'ai appelé le dragon-ogre. Il est pas si méchant que ça, après tout. On a sympathisé ^^ »
Le youkai roux leva les yeux vers l'énorme monstre et eu un frisson de dégoût.
« Et alors, qu'est-ce qu'il a trouvé ? » finit-il par demander.
Le squelette montra le chemin du doigt et dit : « La brume. La brume Shingane, comme on l'appelle, qui n'existe que dans ces forêts et qui a la particularité de monter très vite. On finit par ne plus rien y voir... Par contre, il y a toutes sortes de prédateurs qui « fonctionnent » à l'odorat et pour qui ça ne fait aucune différence... »
Videl afficha un air satisfait et déclara : « Ce n'est pas très grave, on a... comment tu dis déjà ? ah oui, Molok. Il a une mauvaise vue, mais ses autres sens sont assez développés, non ? »
Le squelette haussa les épaules et répondit : « Lui, oui... mais si des prédateurs arrivent par l'arrière... enfin, vers la capitaine et le bonze... »
Le youkai regarda Nekebia arriver.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-elle.
Videl lui expliqua la situation et la guerrière prit un air frustré. « Eh ! mais je sais me défendre toute seule, pour qui me prends-tu ? pas besoin d'un monstre géant pour veiller sur moi. »
Quelques secondes plus tard, ils étaient de nouveau en route, et la brume se faisait de plus en plus épaisse autour d'eux. Ils ne voyaient plus les arbres que comme des masses sombres autour d'eux, ce qui renforçait l'impression d'emprisonnement qu'ils ressentaient déjà.
« Nee, Sanzô.
Quoi ? j'ai rien à te donner à bouffer.
Mais. ça fait des plombes que j'ai rien avalé !
Et moi alors ! on est tous dans le même cas.
Je vais plus arriver à marcher, moi ! t'es sûr que t'as rien de rien ?
J'ai mon baffeur si tu veux, et si tu continue tu vas vraiment finir par te le manger !
Euh. non c'est bon ! »
Ils continuèrent à marcher un peu en silence, puis Nekebia soupira. Dans sa petite sacoche, elle avait prévu quelques provisions, mais la plupart avaient été emportées par Lowen et Davok, qui étaient maintenant morts. Elle possédait tout de même quelques biscuits et Videl portait un peu d'eau, mais ce ne serait pas assez pour combler la faim de tout le monde. Gokû ne se contenterait pas d'un biscuit.
« Logiquement, commença Videl, on va arriver à une petite bifurcation. A droite il y a des marais dans lesquels il ne vaut mieux pas entrer. A gauche, un petit chemin assez chaotique, qui nous mènera pas très loin du Temple. Mais ça fait encore quelques bons kilomètres. il y a aussi plein de sentiers qui se croisent, ça va être dur de ne pas se perdre ! »
Gokû poussa un gémissement plaintif. « Mais elle est grande comment, cette satanée forêt ? »
*PAAAAF *
Sanzô lui abattit son baffeur sur la tête. « Tu vas arrêter de te plaindre, baka saru ? »
Gokû se frotta la tête et frissonna. Il faisait de plus en plus frais à mesure qu'ils avançaient vers le c?ur de la forêt.
« Sanzô. »
« Putain je t'ai dit que j'avais pas de bouffe !!!! »
« Non, non, c'est pas ça. j'ai froid. mes habits sont tout mouillés. gla gla. »
Le jeune homme lui lança un regard las et tâta ses propres vêtements. Ils n'étaient pas secs non plus. la pluie chaude leur avait un peu fait oublier le froid ambiant, mais maintenant.
« J'y peux rien. » répondit-il. Il sentit tout à coup deux petits bras lui enserrer la taille timidement. Gokû se serrait, tremblotant, tout contre Sanzô.
« Mais qu'est-ce que tu fous !? répliqua le moine en rougissant de gêne. Tu crois que c'est pratique pour marcher ?
Mais il fait moins froid comme ça !
Tu parles, t'es en train d'essuyer tes fringues mouillées sur moi !
Eh mais non ! c'est pas vrai ! et puis t'es encore plus trempé que moi d'abord ! »
Nekebia regarda Gokû d'un air un peu frustré.
« Mais vous pouvez pas vous taire !? » leur lança-t-elle énergiquement. « On va vite se faire repérer par des monstres si vous continuez à faire tant de bruit ! »
Sanzô n'aimait pas qu'on lui fasse ce genre de réflexion, mais d'un autre côté il allait lancer la même réplique à Gokû.
Le garçon lança un regard mécontent à la youkai puis se détacha lentement de son maître. Mais ses tremblements ne cessèrent pas.
* * * * * * * *
La vieille voyante regarda un instant la lune. Cette nuit ne finirait donc jamais ? c'est lorsque l'on se souvenait que l'existence du soleil qu'il nous manquait le plus.
Les sentiments étaient confus en elle. Désespoir, un peu de peur, de la jalousie. de la jalousie ? d'où venait-elle ? aucune idée. Mais c'était lié à un sentiment confus, un mélange de bien-être et de peur de trahison. jamais encore ressenti, celui-là. qu'est-ce que ça pouvait bien être.
Les cartes étaient étalées à l'envers sur le sol, mais la main de la vieille femme vagabondait, hésitante, au-dessus d'elles. Rien ne l'obligeait à tirer ces cartes, mais elle savait que dans son jeu, les nombreuses cartes de malheur côtoyaient de rares cartes de bénédiction totale. Si elle tombait sur l'une d'elles.
Elle en tira une.
Oui. C'est vrai qu'il existait aussi des cartes de malédiction totale. et « Nar'zuhl, l'élémental d'éclair » était. l'une d'elles.
La voyante se cacha la tête dans les mains. « Oh non. je vais vraiment finir par les tuer. pourtant. cette autre carte est bien dans le jeu, elle y est. pourquoi est-ce que je n'arrive pas à tomber dessus ? »
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Videl poussa un juron. Le tonnerre venait de se faire entendre. Et très fort.
« C'est pas bon, ça. »
Nekebia regarda en l'air et aperçut un immense éclair à travers la cime des arbres, qui formaient une sorte de plafond au-dessus d'eux.
Puis un bruit étourdissant résonna juste derrière eux.
Les compagnons se retournèrent, et virent horrifiés le gigantesque sapin près duquel ils venaient de passer totalement carbonisé et fumant.
« On a eu chaud ! » s'exclama Nekebia, peu rassurée. Elle regarda le chemin sur lequel ils étaient et s'aperçut qu'il s'agissait du sentier chaotique dont parlait Videl. Des pierres assez pointues jonchaient le sol, et il fallait mieux regarder où l'on mettait ses pieds pour ne pas tomber sur l'une d'elles et se blesser.
« On devrait se dépêcher, suggéra Videl. Le Temple nous protégera si on y arrive à temps ! »
La guerrière haussa les épaules et répliqua : « Impossible de traverser tous ces kilomètres pour éviter le danger. et courir sur ce chemin, c'est du suicide ! »
A l'instant où elle terminait sa phrase, la foudre tomba avec fracas à quelques mètres d'eux. Puis elle s'abattit à nouveau encore plus près, comme calculant la distance.
« On a pas d'autre choix je crois !!! » hurla Videl par-dessus le bruit terrible qui s'amplifiait.
« On court !!!! »
Tous le suivirent à toute allure. Le dragon-ogre, apeuré par le chaos environnant, accéléra. La foudre tombait à intervalles réguliers, et la durée entre chaque choc se réduisait terriblement à mesure qu'ils couraient. On aurait dit qu'un dieu courroucé tentait de les tuer avec les armes élémentaires du ciel !
Trébuchant sur une pierre du sentier, Gokû s'effondra sur le sol.
« Qu'est-ce que tu fous, relève-toi ! » cria Sanzô qui se trouvait quelques mètres plus en avant. Voyant que le garçon était blessé, le bonze fit demi- tour et se précipita sur lui.
« Tu vas nous faire tuer avec tes conneries ! pesta-t-il. Tu peux pas faire attention ? »
Mais à ce moment critique, il n'avait plus trop le c?ur à le réprimander.
Aidé par Sanzô, Gokû se releva avec peine et regarda sa jambe ensanglantée.
Soudain, la foudre tomba tout près d'eux, et ils furent vivement projetés sur le sol. Sanzô sentit une pierre tranchante lui entamer la chair, dans son dos. Il serra les dents et se retint de crier de douleur. Gokû était tombé sur lui, et le moindre mouvement du garçon faisait souffrir Sanzô qui s'enfonçait un peu plus dans l'amas de pierres tranchantes jonchant le sol.
« Lève-toi ! vite ! » cria-t-il à Gokû. Ce dernier eut un peu de mal mais réussit à se relever et à tenir à peu près sur ses jambes.
Nekebia, qui venait d'arriver à leur hauteur, aida Sanzô à se relever. Ce dernier grommela : « C'est bon j'aurais pu le faire tout s. » mais une soudaine vague de douleur l'empêcha de finir sa phrase. Il serra les dents et tâta son dos de sa main. Le jeune homme pesta en voyant sa paume pleine de sang.
« Et merde ! »
Nekebia regarda la blessure du bonze avec inquiétude puis vit la jambe blessée de Gokû.
« Vous arriverez encore à courir ? il le faut absolument ! je crois qu'il y a une petite caverne pas très loin d'ici, où on pourrait être à l'abri. Mais je ne suis plus très sûre du chemin. Videl y est sûrement déjà, je ne sais pas. Suivez-moi ! »
Loin en hauteur, Nar'zuhl, le démon de la foudre, ricanait en voyant ses malheureuses victimes courir pour lui échapper. D'ici il voyait tout, mais son corps vaporeux fait d'électricité et de nuages noirs ne lui permettaient cependant pas de bouger vite. Mais ses éclairs pouvaient s'étendre à toute la forêt. Ils ne lui échapperaient pas ! cela faisait si longtemps qu'il ne s'était pas amusé.
