Chapitre deux : Les sorcières.

-L...Lyra, balbutia-t-il.

La jeune fille se tourna et elle vit alors le visage de Will flotter dans l'air, à un mètre d'elle. Sentant les larmes lui venir aux yeux, elle les chassa d'un revers de la main tandis que Will ouvrait plus largement la fenêtre pour passer dans le monde de Lyra. Mais celle-ci se précipita sur lui avant qu'il n'ait pu se glisser par l'ouverture. Elle se rua dans la chambre et l'embrassa.

-Will, oh Will c'est bien toi ?

-Bien sûr que c'est moi. Qui veux tu que ce soit, dit il, moqueur.

Lyra sanglotait de joie sur son épaule. Elle s'aperçut alors que Mary était là elle aussi.

-Docteur Malone !

Elle se précipita sur elle et l'embrassa sur les deux joues.

-Je comprends votre joie, reprit l'ange, mais écoutez moi, c'est très important.

Les deux enfants qui n'en était plus se séparèrent à regret pour se tourner vers l'être merveilleux.

Lyra reporta immédiatement son intention sur son interlocuteur, en essuyant ses larmes d'un revers de la main.

-Oui, allez y.

-Bien. Comme vous le savez, le Royaume des Cieux n'existe plus, et vous avez pour mission de construire la République des Cieux. Mais avant ça, vous devez encore faire quelque chose, sans quoi tout ce que vous ferez ne servira à rien.

-De quoi s'agit il, dit aussitôt Will.

-Vous le saurez en temps voulu. Car comme vous le savez peut être maintenant, vous devez accomplir votre destiné sans savoir ce que vous devez faire.

-Mais alors comment va-t-on savoir ce qu'on doit faire ? dit Lyra.

-Pour commencer allez voir les sorcières du Nord. Elles vous aiguilleront.

La voix diminuait au fur et à mesure que l'ange parlait. Puis, dans un murmure, un souffle, l'ange disparut dans une explosion de lumière.

-Je crois qu'il ne nous reste pas beaucoup de choix, dit alors Will.

-Je crois que nous devrions chercher une vérification finale pour être sûrs, proposa Kirjava.

-Allons Kir, ça ne t'a pas suffit l'histoire du couteau ?

Son daemon était toujours si suspicieux que ça en devenait agaçant.

-Je suppose que je pourrais essayer d'interroger l'aléthiomètre, dit Lyra.

-Bonne idée. Mais pourquoi essayer ?

-Parce que j'ai perdu mon don. Tu le sais pourtant non ?

Will avait oublié ce détail en effet. Lyra tira de sa poche le petit sac de velours contenant l'instrument doré et le plaça sur ses genoux. Puis elle remit ses cheveux en place comme Will l'avait vu faire tant de fois, avant de se plonger dans son état de transe. Ses mains coururent alors sur les petites roues qui actionnaient les aiguilles et la réponse suivie aussi rapidement qu'un claquement de doigt.

-Ca alors...

-Qu'est ce qui ne va pas ? s'enquit Will.

-Will c'est incroyable. Je peux relire l'aléthiomètre comme avant !

Will ne sembla pourtant pas s'étonner de cette nouvelle.

-J'imagine qu'on doit ça à notre nouvel ami. Il a réparé le couteau et t'a sûrement rendu ton don...

-Qu'est ce que t'a dit l'instrument, l'interrompit Pantalaimon.

-Euh oui... Il m'a dit qu'on devait faire confiance à la poussière. Il dit que nous devons effectivement allez voir les sorcières. Mais il ne m'a pas dit comment....

-Je crois que ce ne sera pas nécessaire de se torturer à ce sujet, coupa Mary.

Elle regardait par la fenêtre que Will avait ouvert peu avant et Lyra suivit son regard. Elle ne vit d'abord rien, puis peu à peu, un voile noir apparu. De la soie noire. Puis une branche de pin, suivi du corps frêle de la sorcière, amie de Lyra, Will et Mary.

-Serafina Pekkala, s'écria la fillette. Vous ici ? Mais comment... ?

Serafina pénétra dans la pièce où étaient restés les enfants et le docteur Malone. Son regard embrassa rapidement la chambre du garçon et revint se poser sur ses amis.

-Bonjour, dit elle de son ton calme.

Sa voix était toujours chantante, comme dans les souvenirs de Will et Lyra. Elle était toujours aussi pâle de peau et son visage semblait ne jamais devoir vieillir.

-Comment êtes vous venue ? la pressa Lyra. Comment avez-vous su ?

-J'ai reçu la visite d'un être étrange, la nuit dernière. Il m'a dit qu'il était la Poussière et que tu allais avoir besoin de moi. Je n'en croyait pas mes oreilles, mais il m'a annoncé des choses que seule une sorcière peut savoir, et m'a facilement convaincu de venir jusqu'ici. Et en tout les cas, ça m'aurait permis de te revoir...

Elle sourit gentiment à la fillette qui lui rendit son sourire.

-Maintenant expliquez moi ce qui se passe, dit elle.

-On en sait pas plus que vous, dit Will. L'ange -ou je ne sais pas qui il était- nous a dit que nous allions repartir en voyage, et que nous devions venir vous voir.

Un éclair de lumière zébra la pièce, et avec une explosion de particules, l'ange de Poussière réapparu. Son regard se posa sur Serafina et il lui sourit, mais la lumière aveuglante qu'il diffusait rendit son sourire inaperçu.

-Je vois que tous les protagonistes de cette nouvelle aventure sont réunis ici. Je ne pensais devoir apparaître tout de suite, mais après tout....

Serafina, une main devant les yeux pour essayer de voir son interlocuteur, s'entendit dire.

-Vous ne pourriez pas diminuer votre lumière ?

Sans un mot, l'ange obéit et chacun pu enfin le voir clairement. Il possédait quatre gigantesques ailes blanches, qui paraissaient aussi légères qu'un courant d'air. Son visage, frais et jeune, paraissait même légèrement juvénile, mais son corps musclé et puissant contredisait cette impression. Mais ce qui frappa Serafina, ce fut ce qu'elle vit dans les yeux de l'être. Une myriade de couleurs et de nuances qui laissait présumé que cet ange avait vu et vécu plus que ce que toutes les vies des sorcières mises bout à bout ne pourrait égaler. Will tira la sorcière de ses réflexions.

-C'est mieux ainsi. Et si on venait aux faits ?

La sorcière vit que Kirjava se tenait replié sur lui-même, prêt à bondir en cas d'attaque. Will avait lui-même la main sur la garde du poignard. La méfiance dont faisait preuve le garçon n'était plus à démontrer.

-Je crois que tu as raison. Il est temps pour vous de savoir.

L'ange poussa un profond soupir et commença son récit.

-Votre devoir est de bâtir la République des Cieux. Vous avez posé la première pierre de cette merveille en ouvrant le pays des Morts, mais le chemin est encore long.

-Dites nous ce qu'on ne sait pas déjà, le coupa Pantalaimon.

L'impertinence dont faisait le daemon preuve révéla à Serafina qu'elle était sûrement la seule à avoir compris qui était vraiment cet être.

-Oui, vous avez le droit de savoir le futur. Mais ne négligeait pas le passé pour autant. Vous allez devoir cette fois quitter vos monde respectif pour vous rendre au pays de la Mort.

-On y est déjà aller, rétorqua Will avec méfiance.

-Non. Ce que vous avez visité n'est autre que le séjour que l'Autorité avait mis en place pour accueillir les âmes et les emprisonner à jamais. Le pays dont je parle se trouve plus loin encore que tout ce que vous avez visité. Vous ne savez ce qui vous attend mais je ne peux en dire plus sur votre but. Je dois pourtant vous mettre en garde.

-En garde contre quoi ? demanda Lyra.

-En garde contre le passé justement. Metatron, le Régent des anges, était un puissant dirigeant de pays. Mais il agissait sous la tutelle d'un être que personne ne soupçonne. Seuls, nous en connaissons la puissance et la force. Je ne vous dirais pas de qui il s'agit. Vous le découvrirez plus tard par vous-même. Mais sachez que cet être est furieux contre vous. Vous avez gêné ses plans de conquêtes et tué son bras droit. Metatron n'est rien face à cet être, il est une fourmi à côté d'un éléphant, un renard des neiges face à un panserbjorn. Et cet être est aujourd'hui à votre poursuite à travers un autre de ses sbires. Il s'agit cette fois d'un humain. Mais un humain inhabituel.

-En quoi est il inhabituel ?

-Cet homme a été élevé depuis toujours par votre ennemi. Il a la force d'un ange, la consistance d'un homme, et les pouvoirs de la Poussière.

-Mais alors comment le vaincre, souffla Serafina.

-Vous devrez le découvrir par vous même, navré, dit l'ange.

Le ton de sa voix ne laissait penser aucune contestation.

-Méfiez vous de tous, termina l'ange. Je dois vous quitter à présent.

-Un instant, cria Will.

Penché sur Kirjava, une main sur le pelage du chat, il tenait à présent son couteau hors de sa gaine, prêt à frapper.

-Will qu'est ce que... commença Lyra.

-Cet être nous ment, coupa Will. Allez. Dites nous qui vous êtes vraiment. Vous n'êtes pas la Poussière pas vrai ?

Le visage de l'ange s'étira en un sourire satisfait, comme s'il avait prévu cette réaction.

-Will tu ne sais pas, commença Serafina. Cet être a vécu si longtemps ! Je l'ai vu dans ses yeux !

-Je ne dis pas qu'il n'est pas âgé et puissant. Je dis qu'il nous ment sur sa vraie personnalité, c'est tout. Qui êtes vous, poursuivit il.

L'ange sourit, encore une fois, mais un sourire où la tristesse et la douleur se mêlaient à ce geste simple. Il se passa une main sur la figure et son visage se creusa de profondes rides d'expression et de vieillesse. Pourtant, le visage paraissait toujours autant juvénile qu'auparavant. Seuls ses yeux demeurèrent inchangés, chargés de souvenirs et de détresse.

-Tu as raison Will, je ne suis pas la Poussière. Je suis ce que vous appelez un Dieu, sans en être toutefois.