Chapitre 2, plus léger, à bord du Neb.

Et on peut le considérer soit comme une histoire indépendante ( il n'y a aucune référence au chapitre précédent) soit comme une sorte de suite.

Past & Present : One night

" Je sais que je ne montre pas toujours... mais je suis là si tu en as besoin, Trinity."

La phrase que Morpheus lui a confiée comme un secret dans l'après-midi refuse de quitter l'esprit de la jeune fille de quinze ans qui fixe sans le voir l'écran de contrôle. Son moral n'est pas au beau fixe depuis quelques jours, et c'est un euphémisme - dire qu'elle broie du noir serait plus approprié - mais elle ne croyait pas que quelqu'un s'en apercevrait.

L'attitude du reste de l'équipage la rassure d'ailleurs sur son talent à cacher ses émotions. Même dans la Matrice, ses parents n'ont jamais vu d'elle ce qu'elle a bien voulu leur montrer. Mais Morpheus... Morpheus semble lire en elle comme dans un livre ouvert, et ce depuis son arrivée à bord. Ce qui l'a souvent énervée, à vrai dire.

Pourtant, ce soir, la voix de son côté amazone fière et indépendante n'est pas aussi persuasive que d'habitude...

lllllllllllllllllllll

Trois coups légers sont frappés à sa porte, Morpheus lève le nez de son livre.

- Entrez.

Une mèche de cheveux noirs apparaît en premier, suivi de deux yeux bleus illuminés d'une lueur dont ils n'ont pas coutume: la timidité.

- Bonsoir, murmure le capitaine, agréablement surpris.

- Bonsoir... j'ai fini mon tour de garde, Blake a pris la relève...

Il hoche la tête, l'encourageant à continuer et à dire que pour quoi elle est réellement venue. Mais alors qu'elle avait préparé ses phrases avec soin, avait pensé à leur tournure et à leur formulation, sa mémoire ressemble tout à coup à une page blanche.

En un instant, le courage qu'elle avait rassemblé s'évanouit dans le néant.

- Hum... je voulais te dire merci... pour cette après-midi je veux dire, bafouille-t-elle. Et te dire que je le sais... que tu es là... voilà, ben heu... bonne nuit, Morpheus.

Un sourire tendre naît sur le visage du capitaine, il secoue doucement la tête.

- Viens là, Trinity, ordonne-t-il doucement.

Elle s'exécute, s'assoit en tailleurs sur le sol devant son lit.

- Je t'ai rarement vue aussi nerveuse, se moque-t-il gentiment. Est-ce que par hasard je serai moche au point de t'inquiéter plus qu'une mission?

La jeune fille se met à rire, plus détendue.

- Tout est question de point de vue, réplique-t-elle, faussement songeuse.

lllllllllllllllllllll

- Ca fait combien de temps que tu es là? souffle-t-elle.

Morpheus avait craint qu'elle ne refuse de parler, qu'elle se renferme sur elle-même comme à son habitude. Mais ce n'est pas le cas et il l'en remercie mentalement.

- Là?

- Oui... Depuis combien de temps as-tu été libéré?

- Une éternité, sourit-il. J'avais un peu moins de dix-neuf ans.

- Tu te souviens de ta vie dans la Matrice?

- Oui, bien sûr.

Ses yeux bruns s'adoucissent encore, il devine ce qui trotte dans la tête de sa jeune protégée.

- Et... ( elle hésite, semble chercher ses mots) tu y penses de temps en temps?

- Plus maintenant. Mais ça a été le cas pendant longtemps, crois-moi.

Le silence règne dans la petite pièce pendant de longues secondes, puis:

- J'y pense, moi.

lllllllllllllllllllll

- J'y pense, moi.

Morpheus sourit doucement.

- Je sais.

- C'est mal?

- Non, normal.

- Vraiment? Pourtant ce n'était qu'un mensonge, rien n'a existé. Ce n'était pas...

- Réel? Ca l'était pour toi, pour chacun d'entre nous... Est-ce que ça te manque?

Une hésitation. La vérité ou la réponse qu'il veut entendre? A bien y réfléchir, essayer même de mentir ne servirait à rien.

- Quelquefois, admet-elle. Mais des choses futiles, comme... le chocolat, les cookies, un radiateur... mon cheval.

Il sursaute.

- Ton cheval? Je ne...

- Il est tombé malade dix mois avant que tu me libères. On a... été obligés de le piquer.

- Je suis désolé.

- Merci. Tu sais... je crois que je l'aimais plus que mes parents. Il était bien plus réel.

- Je comprends.

Etrangement, malgré l'émotion qui lui serre la gorge, Trinity laisse échapper un petit rire.

- J'arrive pas à y croire. Je suis dans ta cabine à pas loin de minuit à parler de ma bestiole... qui soit dit en passant n'a jamais réellement existé.

- Ne sois pas si dure avec toi-même.

La jeune fille lui sourit tendrement.

- C'est toi qui me dis ça, capitaine?

- Oui.

- On dit que les meilleurs maîtres sont ceux qui ont le plus besoin d'apprendre.

- Est-ce que tu te moquerais de moi?

- Moi? fait-elle en mettant une main sur son cœur, dans un geste mélodramatique. J'oserais pas.

Leurs rires meurent doucement, laissant la place à un calme seulement troublé par les bruits des machines. La jeune fille se demande pourquoi les silences avec lui sont toujours si confortables. Il n'y a qu'avec Ghost qu'elle partage ce genre de relation...

- Tu ne te sens pas seul, des fois? interroge-t-elle doucement.

Il fronce les sourcils.

- Oui, tu sais, en étant le capitaine et tout, explique-t-elle, tu dois avoir peur de t'attacher aux gens parce qu'il est trop probable qu'il leur arrive quelque chose. Mais en faisant ça, tu te sens pas seul à bord, des fois?

- Tu as peur de t'attacher aux gens?

Trinity ne peut s'empêcher de rire.

- Tu veux bien répondre au lieu de me renvoyer mes questions?

- D'accord, sourit-il. C'est simplement... je pense qu'on est des êtres humains avant d'être des soldats. Alors qu'on le veuille ou pas, il y a des gens qu'on ne peut pas voir et d'autres auxquels on s'attache. Et pour ton histoire de 'Demain est incertain', on peut y réfléchir différemment. Tu peut choisir comme tu l'as dit de t'attacher au minimum, ce qui implique de garder tes contacts au stade de simples coéquipiers, et donc de passer à côté de bons moments avec ces personnes.

- ...

- Ou alors tu peux profiter au maximum du temps qui t'est imparti, parce que si tu peux perdre tes coéquipiers à n'importe quel moment, ça peut aussi être toi qui y passe. Est-ce que tu aimerais mourir en te disant que t'as évité tout ce qui pouvait te faire te sentir bien juste pour éviter de te sentir mal? Alors tu peux t'attacher, t'amuser, et si le pire doit arriver... il restera toujours les souvenirs.

- Ils vivront dans ta mémoire et toi dans la leur.

- Hum-hum, acquiesce-t-il.

- Tu as choisi l'option numéro 2...

- Tu ne serais pas là si ce n'était pas le cas.

- Vrai, admet-elle. Je pense que je vais choisir celle-ci aussi.

- C'est déjà fait.

Elle incline la tête, faussement sceptique, et un léger sourire danse sur ses lèvres.

- Vraiment?

- Oui.

- Je ne suis pas sûre de savoir comment m'attacher.

- Tu le sais, fais-moi confiance.

- C'est le cas.

Leurs regards s'accrochent le temps d'un dernier sourire, et puis Trinity saute sur ses pieds.

- Bonne nuit.

- Bonne nuit, Trinity.

Elle tourne les talons et fait tourner le volant de métal, mais s'arrête avant de sortir.

- Quoi? interroge-t-il.

Une paire d'yeux bleus trouve furtivement les siens, la jeune fille souffle:

- Je suis contente que tu m'aie libérée.

La signification de cette petite phrase est grande, et fait naître chez Morpheus une bouffée d'affection pour la jeune fille. Même en ne le voulant pas, il y a définitivement des gens auxquels on s'attache...

- Le plaisir est partagé.

FIN

Et parce qu'on en a jamais assez.... JE VEUX DES REVIEWS!!!