Au château des Gryffondor, il faisait bon vivre, même en plein hiver sous d'affreuses chutes de neige. Helga préparait un potage consistant, pendant que Godric tournait en rond dans sa chambre.
Soudain, un hibou tapa sur son carreau et, reconnaissant la chouette de Rowena, le jeune homme s'empressa d'ouvrir. Godric lui arracha pratiquement la missive des pattes et l'oiseau poussa un cri plaintif avant d'aller plonger son bec dans le verre d'eau sur la table. Godric poussa un cri de joie à la lecture de cette lettre et répondit avec grande hâte. Dans le mot, il glissa une demande à Rowena ; la permission d'inviter une jeune femme de sa connaissance : Helga. Puis il renvoya instantanément la missive. Ensuite, il courut dans les escaliers pour rejoindre la cuisine.
« Helga, ma chère Helga, Rowena nous invite pour une réunion, elle a un grand projet à nous proposer ! s'écria-t-il sitôt qu'il aperçut son amie.
- Moi aussi je suis invitée ? demanda Helga d'un air étonné.
- Qu'importe si tu l'es ou pas, je t'emmène avec moi cette fois-ci ! »
Le sourire rougissant d'Helga fit plaisir à Godric, il en avait assez de la voir si peu sûre d'elle. Combien de temps encore cela lui prendrait-il pour se rendre compte qu'elle était merveilleuse ?
Quelques jours plus tard, la chouette de Rowena Serdaigle revint avec une réponse positive et enthousiaste, donnant rendez-vous aux deux jeunes gens au sixième jour. Le rendez-vous aurait lieu dans une taverne, reconstruite par un couple de sorciers, après un des nombreux incendies criminels qu'ils subissaient alors.
L'impatience qu'ils ressentaient à l'idée de ce voyage empêcha Godric et Helga d'attendre. Il partirent le jour-même et profitèrent de deux journées entières dans Londres. Ils se baladaient en découvrant une civilisation qu'ils ne connaissaient pas vraiment. Marchants et chevaux se bousculaient à tous les coins de rues, grandes maisons et petites tavernes se côtoyaient. C'était un univers fabuleux. Ils visitèrent des échoppes, burent une boisson alcoolisée absolument infecte, mais qui avaient le mérite d'être faite maison.
« Tu sais Helga, je pense que tu serais capable de modifier ce breuvage pour en faire quelque chose de bon, ou du moins, de buvable. Ce n'est pas normal qu'il n'y ait pas de boisson excellente à part le Whisky-Pur-Feu non ?
- Très bien mon ami, je vais y réfléchir, quel goût espérez-vous ?
- Quelque chose de sucré peut être ? Avec une pointe d'épice qui réchauffe… commença Godric, en se perdant dans ses pensées.
- Allons chercher les ingrédients miracles alors ! »
Ils avancèrent parmi les étalages et Helga choisit plusieurs épices et racines que Godric paya avec diligence. Une fois de retour dans la chambre qu'ils avaient réservée, ils se mirent à leurs essais qu'ils goûtèrent religieusement.
« Plus de sucre, voyons !
- Non non, moins de caramel !
- Ah là, c'est buvable, mais il manque le petit quelque chose qui changera tout.
- Ouh là, il faut mettre beaucoup moins d'alcool !
- Oh ! Là, c'est parfait ! »
Le dernier essai fut le bon et, les yeux pétillants, ils rirent de voir comment d'une simple idée on peut faire quelque chose d'incroyable.
« Nous appellerons cela du Sucraumiel, proposa Helga.
- Oh non, ce ne sera pas vendeur, je propose du Caramelmousseux ! s'exclama Godric.
- Et pourquoi pas de la Bièraubeurre ? tenta la jeune femme.
- Vendu ! accepta-t-il. »
Une nouvelle boisson magique était née, des mains d'Helga et de l'imagination de Godric.
Le lendemain étant le jour du rendez-vous, Godric et Helga arrivèrent les premiers dans la taverne qu'ils avaient déjà visitée et choisirent une table au fond, à l'abri des oreilles indiscrètes, puis commencèrent à parler de tout et de rien. Même après toutes ces années ensemble au château et ces trois jours à ne pas se quitter, ils avaient encore beaucoup à se dire. Soudain, la porte s'ouvrit sur la magistrale Rowena qui s'installa au centre puis leur fit un signe de main pour qu'ils viennent la rejoindre.
« Toujours s'installer au milieu et en vue, c'est une règle. »
Paroles énigmatiques, qu'ils tentèrent de déchiffrer : était-ce une règle pour elle ou n'était-ce que la meilleure façon de se cacher : être en vue de tous ? Ils n'eurent pas de réponse, mais ils la suivirent sans hésiter. Puis commença l'attente de la dernière personne qui leur permettrait de former leur futur quatuor.
« Oh, ne vous en faites pas, il arrive, mais toujours en grande pompe. »
Helga ne put empêcher un petit sourire, étant donnée l'arrivée de Rowena, cette dernière était sans doute mal placée pour avoir quelque chose à dire, mais Helga était loin d'imaginer ce que signifiaient les paroles de la jeune femme.
La porte s'ouvrit brusquement dégageant une épaisse fumée verte autour d'un jeune homme, à peine plus âgé qu'eux trois. Il était si mince que son corps semblait être allongé à l'infini, son visage anguleux et son regard pénétrant le rendait irréel. Plus encore, son corps entier dégageait de la puissance et de la magie. Il était sec et son regard sévère le rendait strict. Il marcha d'un pas lent vers les trois jeunes gens, salua Godric d'un signe de la tête, s'agenouilla auprès de Rowena et lui baisa la main, puis prit celle d'Helga pour y déposer ses lèvres. Ces dernières étaient râpeuses et Helga fut parcourue par un frisson désagréable. Comme si ce simple contact souhaitait la prévenir de quelque chose de mauvais. Elle réprima toute sottise et répondit élégamment par un sourire.
« Je m'appelle Salazar Serpentard, vous devez être Godric Gryffondor ? Rowena m'a parlé de vous en termes élogieux. Et vous donc Helga Poufsouffle si je ne m'abuse ? Enchanté, madame. »
Bien vite après les politesses d'usage, Rowena prit la tête de la conversation
« Comme vous le savez, j'ai un projet, qui est la raison de notre présence à tous ici ce soir. Nous, les sorciers, sommes dispersés à travers l'Angleterre, chassés par les moldus qui nous craignent. Nous peinons souvent à nous rassembler, à nous défendre. Alors, je veux créer un lieu pour les sorciers. Un peu comme cette taverne, peut-être, mais plus grand, plus vaste... indubitablement meilleur. Et ce ne serait pas un vulgaire commerce, mais un lieu où nous n'aurions pas à avoir peur du regard des moldus, où nous serions libres d'utiliser notre magie, d'apprendre à la perfectionner. Un lieu protégé, à la fois caché et connu, mais aussi un lieu empreint de magie, un lieu vivant. »
Son projet provoqua de vives réactions de la part de tous, Godric y vit un lieu vaste pour y faire des duels et des rencontres, un lieu protégé comme il en rêvait ! Helga se sentait l'âme de nourrir tout ce monde de ses repas mais aussi de son amour, elle voyait un endroit paisible, joyeux et aéré. Salazar songeait à la protection que cela offrirait à tous les sorciers et à ce qu'il pourrait y faire, vivre en autarcie, loin des moldus, son souhait le plus cher. Tandis que Rowena avait hâte d'instruire les personnes qui auraient bien besoin de ses talents.
« Durant mes voyages, commença Godric, j'ai entendu des rumeurs d'un lieu magique, évidemment ce n'étaient que des dires moldus, donc je n'y ai pas vraiment prêté attention, mais plus tard, j'ai aussi entendu dire qu'il était abandonné. De nature curieuse, je suis allé voir ce lieu… Je pense qu'il sera parfait. C'est une vieille demeure en ruine, inhabitée, crainte par les moldus. Avec tes sortilèges Rowena, tu devrais être capable de les tenir éloignés.
- C'est une excellente idée, ce lieu désert ! Il faudra qu'on aille le visiter tous ensemble… songea Helga rêveuse.
- Ah, mais je n'ai pas fini, il était bien empreint de magie. J'ai largement senti que mes pouvoirs vibraient sous moi au niveau des pierres. »
Les yeux de Rowena se perdirent dans le vague, elle aimait sa puissance magique et pouvoir la décupler lui permettrait de faire de grandes choses.
« C'est très bien de parler du lieu, mais comment voyez-vous les choses ? Comment sélectionner les personnes ? Toutes ne pourront pas venir chercher refuge, créer un village c'est autre chose ! s'exclama Salazar.
- Un village serait tout de même une très bonne idée, rempli de sorciers, plus besoin de se cacher… souffla Helga.
- Oui mais j'aimerais quelque chose de différent, de convivial, si ce n'est qu'un village, chacun pourrait rester chez soi sans se mêler aux autres, argua Rowena.
- Et puis, il nous faut une piste de duel, précisa Godric d'un air malicieux. »
Des conversations comme celles-ci, ils en eurent des centaines, sans jamais tomber d'accord, sans trouver de compromis. Ils voulaient construire quelque chose de fort, de puissant et d'utile, mais seul le tas de pierre abandonné avait fait l'unanimité.
La taverne ferma avant que leur excitation ne retombe, Rowena paya gracieusement le patron pour qu'ils puissent rester sur place. Aucun des quatre n'avait envie de dormir. Puis, peu à peu, les idées tournèrent court, ils ne savaient plus trop quoi proposer ni comment surmonter les obstacles. C'est à ce moment-là que la voix discrète d'Helga se fit entendre.
« Et si cet endroit était une école… ? Depuis le début, nous cherchons à réunir des adultes, mais je suis persuadé que les enfants sont le futur du monde. »
C'était étrange, Helga avait une posture où l'on sentait qu'elle n'était pas sûre de ce qu'elle proposait, alors que sa voix au contraire était assurée et posée. Se sentait-elle inférieure à ces trois illustres sorciers ? Après tout, elle n'était que cuisinière de formation. Au milieu de ces questions internes, une vive explosion de cris retentit.
« Quelle excellente idée, pourquoi n'y avais-je pas songé ? Rowena se tapa le front, un grand sourire aux lèvres.
- Mais oui c'est ça ! Godric, le visage éclatant, approuvait vivement.
- Cette idée ne pouvait venir que de vous, chère Helga, tant l'idée est simplement parfaite. »
C'était Salazar, avec ses yeux pétillants de malice. Salazar venait de faire un vrai compliment à Helga qui pourtant ne savait pas vraiment comment le prendre. A sa décharge, le jeune homme trouvait réellement l'idée parfaite : plus les sorciers sont jeunes, plus ils sont malléables. Et il espérait bien leur montrer combien les moldus leur étaient inférieurs.
L'idée d'Helga fut donc accueillie avec émoi et tous se remirent au travail.
« Il faudra une bibliothèque !
- Différentes salles de classes.
- Des dortoirs différents suivant les âges…
- Un grand espace de verdure !
- Oh, et puis quelque chose de naturel et magique à la fois, comme un fleuve… non trop dangereux ! ... un lac peut être ? »
Les idées fusaient et Helga prit pour mission de toutes les noter sur un calepin. Elle adorait noter ses recettes, c'en était une nouvelle bien plus excitante ! Ils discutèrent jusqu'au lever du jour et le tavernier les surprit toujours attablés en plein débat. Il accepta l'argent, de Godric cette fois-ci, et leur servit un bon repas chaud.
En fin de matinée, les quatre sorciers s'étaient réparti des tâches pour construire leur école. Rowena devait se munir de tous ses grimoires de constructions et recenser tous ses sortilèges utiles pour leur école. Salazar devait se renseigner sur les runes pour enchanter et protéger le lieu. Godric se chargeait de lister le mobilier dont ils auraient l'utilité et de trouver un moyen pour prévenir chaque sorcier qu'il avait sa place dans l'école. De son côté, Helga devrait tout noter pour garder en mémoire ce à quoi ils avaient pensé et ce qui pourrait leur être utile dans le futur ainsi que s'occuper de récupérer officiellement le terrain pour eux. Difficile de signer des papiers officiels sans titre et sans reconnaissance sorcière, mais elle savait très bien se faire passer pour quelqu'un d'autre au vu de ses nombreux déguisements et elle avait la prestance de quelqu'un qui sait ce qu'il veut, quand elle effaçait le doute de ses traits.
Deux semaines plus tard, ils se retrouvaient tous les quatre. Ils avaient suivi les instructions de Godric et, perdus au milieu des Haute-Landes, ils découvrirent le lieu. Un espace énorme entouré de verdure, une petite forêt d'arbres frêles et un lac immense. Le terrain était à modeler, protéger et bâtir, mais il était à eux. Ils se tinrent tous la main face aux pierres et, fermant les yeux, ils se sentirent en communion avec le lieu. En effet, la magie coulait au travers d'eux, semblant se réveiller d'un long sommeil. Ils étaient arrivés chez eux et le bonheur de cette découverte leur donnait des ailes.
Durant les mois qui suivirent, ils travaillèrent tous d'arrache-pied pour construire leur école. Les sortilèges les épuisèrent, mais leur évitèrent de faire appel à des esclaves ou des elfes de maison comme on les voyait fleurir dans tous les châteaux. Une fois la base du château créée, Rowena disparut à l'intérieur pour construire des pièces, des passages secrets, des tours et des escaliers à n'en plus finir. Godric se demandait parfois s'ils n'avaient pas vu trop grand, mais Salazar savait le rassurer. Tous deux lièrent une étroite amitié et se comprenaient autant que leurs avis divergeaient. Tous les quatre, partageant ce même rêve, devinrent des amis très chers.
Un soir, attablés devant le repas d'Helga, ils se décidèrent à parler du quotidien. Or chacun avait une vision différente des choses puisqu'aucun n'avait fréquenté d'école auparavant. Seuls Godric et Rowena avaient eu des précepteurs, mais leurs enseignements avaient été diamétralement opposés. Encore une fois, c'est Helga qui suggéra l'idée.
« Et si… nous choisissions personnellement les enfants pour former comme une … communauté ? Chacun aurait à charge une dizaine d'élèves et leur apprendrait son propre savoir. Parfois, nous ferions certaines activités en commun, mais je ne pense pas que tous soient appelés à apprendre les mêmes choses et nous non plus d'ailleurs. »
Salazar fut le premier à approuver et Rowena la dernière. Elle aurait voulu voir et s'occuper personnellement de chacun, mais elle dut reconnaître que c'était une mission bien trop ambitieuse, même pour elle.
À partir de ce jour-là, chacun se mobilisa pour créer l'espace de vie principal de ses élèves. Helga, évidemment, choisit un lieu proche de ses cuisines, un lieu convivial, avec le charme d'une maison de campagne. Chaque chambre possédait deux espaces distincts séparés par un rideau, qui formait donc une grande pièce ou deux petites afin que les élèves, qui choisiront leur colocataire au fil des années, puisse vivre ensemble ou s'évader dans leur coin. Les tons des lieux étaient jaunes et noirs, rappelant le soleil du jour et l'absence de lumière de la nuit. Les deux faces d'une même pièce, essentielle à la vie. Tout ce qu'elle créait avait énormément de sens pour Helga et elle espérait bien que ses élèves comprendraient ce qui la motivait. Elle avait tellement hâte de les rencontrer car, sans même les connaître, elle les aimait déjà.
Puis elle visita les espaces de ses amis. Le foyer de Gryffondor lui fit penser au château de son enfance. Chaud, sécuritaire, agréable et convivial avec ses larges dortoirs communs. La sagesse de Serdaigle se lisait dans ses lieux, pleins de recoins cachés, de grandes parures bleu nuit et de dortoirs individuels pour mieux étudier. Pour Serpentard c'était dans les cachots, un peu trop secret et renfermé, mais la lumière verte du lac apportait un côté magique. Il n'y avait pas de doute, chacune des maisons correspondait parfaitement à l'image de son fondateur et les élèves risquaient bien de le devenir aussi.
Puis, progressivement ils se répartirent des tâches. Helga fut chargée d'entretenir un potager et d'agrandir la forêt. Elle adorait s'occuper de plantes et voir une forêt prendre forme grâce à ses soins était un rêve pour elle. Elle mit en terre des plantes de toutes sortes, des arbres, des fleurs, mais aussi tout ce dont elle avait besoin pour cuisiner ou pour confectionner ses potions. Les engrais magiques faisaient effet assez rapidement, mais pourtant elle ne les utilisa pas pour toutes les plantes. Les arbres, par exemple, ont besoin de prendre leur temps et il était important de le respecter. La nature rappelle à tous combien les êtres humains sont petits. C'était une leçon qu'elle voulait partager à Salazar, mais elle ne savait pas comment l'amener.
De son côté, Godric parcourait les terres pour y ramener des animaux afin de peupler le lac et la forêt. Une fois qu'il eut trouvé un calmar géant, il découvrit qu'un peuple d'être de l'eau avait déjà élu domicile dans ce lac. Godric passa des heures sur la rive à tenter de percer les mystères de leur langue pour parlementer. Sans l'inquiétude de voir ces sirènes leur compliquer l'existence, Helga aurait bien ri de le voir ainsi. Godric était la persévérance même. Certes, il aimait gagner, mais il ne faiblissait jamais devant la moindre tâche quelle que soit son ampleur, c'était vraiment une chance de l'avoir à ses côtés.
Salazar, lui, préparait des fondamentaux. Ce qu'il voulait transmettre et apprendre aux futurs élèves. Il s'occupait aussi d'acheter le matériel nécessaire pour les classes quand il n'arrivait pas à transformer ce qu'il voulait. Ainsi, personne ne le sut jamais, mais le grand bureau directorial fut, pendant longtemps, un bout de la toiture qui s'était effondrée à leur arrivée. Salazar était plein de ressources et d'énigmes. On le pensait très solitaire, mais il se mêlait toujours à eux trois et prenait vraiment part aux conversations. Il avait juste besoin d'avoir confiance pour se livrer et c'était réellement un très bon ami.
Rowena quant à elle, cherchait désespérément un moyen de recenser les enfants sorciers d'Angleterre pour qu'ils sachent que l'école les attendait pour qu'eux, les professeurs, viennent les chercher. Ils savaient qu'ils voulaient tous des choses différentes, Salazar ne voulait que les enfants de sorciers, Rowena souhait seulement les personnes motivées qui souhaitaient réellement travailler, Godric espérait entraîner une armée de duellistes et Helga espérait fournir un gîte et un couvert à toutes et tous. Les quatre étaient uniquement d'accord sur la finalité : élever des jeunes sorciers dans la paix loin des moldus. Ils ne restait qu'à se mettre d'accord sur les moyens d'y parvenir.
