Into the Black – Chromatics
I am – Jamie Bower
Ship in a Bottle – finalement
I hold you – GLANN
Brother – Kodaline
I found – Amber Run
Quiet zone - Edith Whiskers
Out of the blue and into the black
They give you this, but you paid for that
And once you're gone, you can never come back
When you're out of the blue and into the black
Londres, 30 avril 2030, 18h39 heures de Londres
Allénore Rameaux regardait la pluie tomber. Elle frappait les carreaux avec détermination, poussée par un vent qui l'était tout autant. Les fenêtres portaient même quelques traces de givre et la jeune femme resserrera les pans du sweat rouge de Louis autour de son corps, dix fois trop grand pour lui, mais pile à sa taille à elle. Elle le soupçonnait en réalité de l'avoir acheté pour elle… La jeune femme observa les arbres dehors, qui se pliaient à la volonté du temps capricieux.
Si les beaux jours revenaient, celui-ci faisait exception, sûrement annonciateur que tout allait vite déchanter dans la vie d'Allénore. Elle croyait aux signes. Depuis longtemps, pour elle, une coïncidence n'en était jamais une. Pendant de nombreuses années, elle s'était résolument convaincue que le bonheur ne serait jamais pour elle et que les malheurs l'attendraient toujours au détour d'un jour commun. Elle vivait avec cette peur constante qu'on lui arracherait de nouveau sa belle vie, Rose, Albus, Scorpius, Louis… Elle savait que ça arriverait. Elle attendait ce moment, le redoutait, se réveillant toujours avec la peur en ventre que ce matin serait peut-être le dernier.
Oui, Allénore Rameaux était une personne pessimiste.
Cependant, il lui arrivait parfois, et de plus en plus, de ne pas songer au pire.
Aujourd'hui n'était pas l'un de ces jours.
– Allénore…
Citlali Tucker n'était pas vraiment une personne douce. Elle était gentille, Allénore n'aurait jamais dit le contraire. Habillée tout en noir, des papillons jaunes dessinés sur ses paupières qui semblaient prendre leur envol chaque fois qu'elle clignait des yeux, l'ancienne Serpentard avait un visage neutre et professionnel.
Allénore l'avait déjà vue sourire et entendue rire. Elle ne le faisait qu'avec ses amies proches, Beth Carrow et Emmalee Zabini, et James. Citlali n'était pas très bavarde. Elle était bienveillante, attentionnée, sans nulle doute… Elle avait un sens du devoir et des responsabilité très prononcé selon Allénore, qui ferait d'elle une excellente Auror.
– Es-tu certaine de vouloir savoir ? demanda-t-elle.
James avait les bras croisés sur sa poitrine, adossé contre le mur, un air désapprobateur sur le visage. Il regardait Louis avec une certaine gravité dans les yeux, comme s'il cherchait à lui transmettre un message. Allénore se concentra sur sa posture : il n'était pas d'accord avec tout ça et la situation le stressait. Il voulait que Citlali garde le silence. James Potter ne souhaitait pas qu'Allénore connaisse le contenu du dossier qui clôturait la vie de Han Derrick.
Allénore opina après un long moment. Citlali esquissa un sourire, un tout petit, qui se voulait sûrement rassurant, mais Allénore sentait sa tension, sa jambe qui tressautait sous la table, trahissant la nervosité de l'ancienne Serpentard. Avant qu'elle ne prononce le moindre mot, James coupa Citlali :
– Promets-nous que tu ne disparaîtras pas.
Allénore écarquilla les yeux, alors que Citlali, assise en face d'Allénore à la table de la salle à manger de l'appartement de Louis et James, pivota sur elle-même pour lui pincer au bras.
Allénore imagina sans peine Louis fusiller du regard James, ce qu'il était d'ailleurs, bel et bien en train de faire. La polyglomage sentit Louis se tendre derrière elle. Elle projeta son pouvoir d'empathe sur le blond, désireuse de connaître la source de son angoisse : avait-il peur qu'elle disparaisse encore une fois, lui aussi ? Ou était-il seulement contrarié par la question de son cousin ? Allénore ne parvint pas à le déterminer avec certitude.
James changea de position et s'appuya sur la table, se penchant légèrement au-dessus d'Allénore, comme pour la dominer.
– On a enfreint une bonne centaine de lois et on pourrait aller en prison pour consultation illégale de pièces judiciaires !
– Il exagère, intervint doucement Citlali. On aurait une grosse amende et on serait convoqué devant le Magenmagot. Et Harry nous passerait un sacré savon, c'est certain…
– Alors la moindre des choses, Allénore, c'est que tu me promettes que tu ne disparaîtras pas, qu'on n'aura pas à te chercher et à annoncer à nos proches que tu t'es probablement fourrée dans un sacré pétrin…
– Pourquoi est-ce que je me mettrais dans un sacré pétrin ? commença à s'inquiéter Allénore.
Les épaules de Citlali se relâchèrent. Louis posa une main sur l'une de celles d'Allénore, qui s'apaisa un peu. Elle sourit à cette pensée. Tant qu'il était là, à ses côtés, elle n'avait pas peur. Elle trouva le courage d'affronter le brun. James soutenait son regard sans rien lâcher. Allénore ne lâchait rien elle aussi, maintenant ses prunelles dans les siennes, en déglutissant faiblement. James était quelqu'un de bien, mais d'implacable. Il avait toujours ce qu'il désirait… Citlali fronça les sourcils, visiblement mécontente de l'attitude qu'avait James.
– Je ne fais plus de promesse James, refusa-t-elle.
Sauf à elle-même.
– Alors on gardera le silence, trancha-t-il.
– James…, gronda Louis.
Allénore comprit qu'il voulait simplement la protéger. Comme toujours. Et là était parfois tout le problème avec Louis… Il protégeait Allénore de tout, avait bien mis en garde tout son entourage qu'au moindre mot de travers, à la moindre allusion au fait qu'Allénore lui avait brisé le coeur deux ans auparavant, il n'hésiterait pas à leur faire connaître sa façon de penser.
Il leur avait dit que lui aussi, avait fait du mal à Allénore. Ils l'avaient cru, bien sûr. Mais il était des leurs et Allénore, ne l'était pas tout à fait. Pas tant qu'elle continuait à mettre une telle distance entre elle et eux.
Allénore avait assisté impuissante à une dispute entre Louis et sa sœur Victoire, qui avait eu la malheureuse idée de faire une remarque déplacée à Allénore sur le fait qu'elle avait de bon réflexe de criminelle – le réflexe en question ayant consisté à s'emparer du couteau de cuisine avec lequel elle coupait les carottes du repas et à le brandir en guise d'arme pour se défendre de la porte qui venait de claquer… - durant un repas familiale chez les Wealsey-Delacour.
Allénore avait piteusement sourit, le coeur encore battant et les larmes aux yeux. Le bras tendu, les muscles bandés, Louis lui avait doucement fait lâcher prise alors qu'elle s'était mise à trembler, le teint pâle et les yeux voilés. Il avait éloigné le couteau et lorsque Victoire, croyant détendre l'atmosphère avait fait sa remarque, Allénore avait définitivement fondu en larmes. Louis était monté au créneau, et avait tout de suite demandé à Victoire de se taire. En des mots moins polis et qui faisaient encore rougir les oreilles d'Allénore lorsqu'elle repensait à la scène.
Oui, Louis n'était pas tendre. Il pouvait se montrer impitoyable et exigeant avec son entourage.
Louis avait tellement peur qu'elle se brise en mille morceaux… Il voulait tellement s'assurer qu'elle ne souffrirait plus jamais…
Si Allénore était pessimiste, Louis, lui, était un éternel optimiste, persuadé qu'il pouvait épargner à Allénore toutes les douleurs du monde.
Allénore lui disait toujours que la douleur était vitale, qu'elle maintenait les gens en vie, qu'elle les alertait d'un danger.
Louis lui disait toujours qu'elle n'était plus en danger et qu'elle pouvait baisser la garde, qu'une porte qui claquait n'était que le fruit du vent.
Allénore voulait faire comprendre à Louis qu'il n'avait pas à prendre sa défense tout le temps, surtout au risque de se fâcher avec la moitié de sa famille, qui n'avait de toute façon, rien contre Allénore.
Alors elle glissa sa main dans la sienne et son pouce traça des cercles dans sa paume. Elle savait que ça l'apaisait.
– Je ne disparaîtrai pas, faiblit Allénore. Je ne partirai pas sans prévenir.
James se détendit légèrement et ferma les yeux un instant. Il s'humecta les lèvres et échangea un regard avec Citlali. Il n'y avait pas de bonnes façons d'annoncer à Allénore ce qu'ils allaient lui annoncer.
– On n'a jamais retrouvé le corps de Han Derrick, lâcha-t-il d'un coup.
Allénore étouffa un sanglot dans sa gorge. Elle ne pleura pas et ne fit pas d'autre bruit, pas même un indiquant qu'elle respirait encore.
Citlali attendit un peu.
– Lorsqu'ils sont entrés dans le caisson des éruptifs que vous leur avez indiqué Louis et toi, les Aurors n'ont rien trouvé. Ni corps, ni sang.
– C'est impossible, refusa Louis. Allénore lui a lancé un sectumsempra, et on a très clairement entendu les éruptifs exploser. Il n'aurait jamais pu s'en sortir indemne.
Sa main accrochait l'épaule d'Allénore qui frissonna. Elle revoyait encore la scène, entendait ses propres sorts acharnés pour sceller le caisson… Louis et elle auraient pu mourir ce jour-là.
– Ils n'ont rien trouvé Louis… Les restes des éruptifs laissent à penser qu'effectivement, ils sont entrés en collision avec un corps solide sans qu'il ne s'agisse des parois du caisson, qui ne comportaient aucune trace d'impact direct. Ils ont pu reconstituer la scène à partir d'un sort de mémoire de lumière et un magigraphe.
James posa sur la table un petit cube noir.
– Le corps de Han Derrick se devine sur les magiographes, expliqua James en tapotant le cube. Mais il s'évanouit entre le moment où il se fait percuter par le premier éruptif, et le moment où le sable du caisson retombe. Il y a un nuage, de quelques secondes et…
– On ne sait pas ce qui se passe pendant. On sait juste que le corps de Han Derrick disparaît.
– En revanche, au vu de sa posture, de sa façon de marcher… Il perdait énormément de sang. Il est forcément mort, Allénore, ajouta l'Auror. Personne ne peut survivre au sort que tu lui as lancé et à l'attaque des éruptifs. Le magiographe reproduit la trace de ton maléfice ainsi que les projections de sang. Il en a perdu une quantité mortelle.
– Han Derrick est mort, annonça Citlali.
Louis se remit à respirer. Sans s'en rendre compte, il avait suspendu une expiration dans sa gorge. Il pressa encore une fois sa main sur l'épaule d'Allénore, attendant une réaction. Elle secoua finalement la tête :
– Je sais ce que j'ai vu. Ce n'était pas une hallucination ou un épouvantard … C'était son visage, dans un miroir. Han Derrick n'est pas mort.
– Je me doutais que tu dirais ça…, murmura Citlali.
Elle se tourna vers James, avec un air de « je te l'avais bien dit », qui aurait fait sourire Louis dans d'autres circonstances.
– Allénore… C'est le magigraphe, fit James en le tapotant nerveusement. Si tu le souhaites, nous pouvons l'activer et tu verras.
Il fit rouler le cube noir jusqu'à elle. Allénore se tourna vers Louis, dont les yeux bleus étaient rivés sur l'objet.
Était-il prêt à visualiser cette scène ? À voir ce qu'ils avaient fait tous les deux ? Depuis octobre, Louis n'avait pas pensé à la mort. Il avait pensé à la vie. Il avait fait ses deuils, les faisait toujours en fait, s'était tourné vers l'avenir. Il s'était concentré sur sa formation de dragonologie, sur sa relation avec Allénore, sur la grossesse de Victoire, sur Tommy qui était très fragilisé de ces derniers événements…
Il n'avait pas pris le temps de se poser, ne serait-ce que deux minutes, pour penser. Penser au fait qu'il avait donné naissance à un bébé en le sortant du ventre de sa mère qui venait de se suicider. Penser au fait que Lola Donnez était morte, les yeux fondus et la peau cloquée. Penser au fait que la main de Jia li était restée dans celle d'Allénore, l'autre partie de son corps restant enfermée dans le quartier général des Autres en train de brûler. Penser au fait que Noanne, une gamine, avait été assassinée d'une balle entre les deux yeux. Penser au fait qu'il avait neutralisé des centaines de créatures magiques. Penser au fait qu'il avait détesté, eu peur, aimé si fort … Penser qu'il avait failli perdre Allénore. Penser au fait qu'ils avaient tous frôlé la mort pendant des semaines.
Penser au fait qu'Allénore et lui, avaient tué Han Derrick.
Sans qu'il ne sache trop comment, Allénore s'était levée et était maintenant devant lui, ses deux mains sur ses joues, ses yeux chocolat cherchant son regard. Elle glissa ses doigts dans ses boucles blondes et sépara deux mèches, très tendrement.
– Je ne le ferai pas si tu ne le veux pas, marmonna-t-elle.
– Tu as besoin de savoir, refusa-t-il.
Elle agrippa son menton à deux doigts.
– Pas si tu n'es pas prêt.
– Est-ce que tu l'es toi ?
– Ça ne fonctionne pas comme ça Louis, lui sourit-elle. Tes limites ne sont pas les miennes.
Louis ferma les yeux, se concentrant un instant sur les doigts d'Allénore qui caressaient ses cheveux avec douceur.
Oui, il avait besoin de savoir lui aussi…
Il avait besoin de savoir si ce mage noir allait revenir pour se venger, pour tuer Allénore, ses amis, ses proches, pour le tuer lui. Il avait besoin de savoir s'ils étaient tous en danger, ou en sécurité. Il avait besoin d'être préparé.
– Comment active-t-on le magigraphe ? demanda Allénore.
Elle avait compris Louis sans qu'il n'ait besoin de parler, et quand elle faisait ça, lorsqu'elle lisait en lui, il sentait son coeur se gorger d'amour et de gratitude de l'avoir à ses côtés.
– Seul un Auror peut le faire, répondit James. Il faut avoir une plaque de service valide.
– Je m'en occupe, proposa Citlali.
Elle caresse le cube à l'aide de son pouce et dans l'appartement de Louis et James, une multitude de points dorés firent leurs apparitions, reproduisant la silhouette de Han Derrick et des éruptifs fonçant droit sur lui.
À la vision même de son corps, Allénore fut tétanisée par la peur.
La scène se joua au ralentis. Des points rouges au niveau de la gorge, du torse et des bras du mage noir s'échappaient en grande quantité et formaient une sorte de flaque alors qu'il titubait. Allénore et Louis le virent tomber à genoux, secoué par le sol qui tremblait.
– C'est un implode qui a fait ça, analysa James.
– J'en ai lancé plusieurs, confessa Allénore d'une voix blanche.
Puis un premier éruptif transperça de sa corne l'abdomen de Han Derrick. La flaque s'était épaissie et élargie. L'explosion provoquée par l'impact fi naître un nuage de sable qui ne fit que grossir lorsque les autres éruptifs attaquèrent Han. Et lorsqu'il fut dissipé, il n'y avait plus rien. Plus de points rouges, plus de silhouette humaine dessinée en doré.
Rien.
– Il est en vie, prononça Allénore comme une sentence.
Louis sursauta, reprenant pied avec la réalité, sentant la main chaude d'Allénore dans son dos.
– C'est anatomiquement impossible, réfuta doucement Citlali. Ecoute, je sais que tu as peur, que cet homme est affreux, mais …
– Je sais ce que j'ai vu.
Il y avait une telle conviction dans ses yeux, une telle peur, que Citlali cru Allénore et n'osa pas la contredire une fois de plus.
– Je ne sais pas ce que tu as vu Allénore. Mais ce n'était pas Han Derrick. Je ne dis pas que ce n'était pas réel ou que tu l'as imaginé, reprit James avec diplomatie.
– J'ai besoin d'en avoir le coeur net.
– Je comprends, sourit James. Et quoique tu aies vu, c'est probablement quelque chose de dangereux et de malfaisant.
– Vous me croyez ? chuchota Allénore, bouche-bée.
Alors qu'elle avait mentit si souvent… A elle-même et aux autres.
– Bien sûr qu'on te croit, fronça les sourcils James. Pourquoi mentirais-tu sur une chose pareil ? On a tous vu des choses improbables… Le fait qu'un grand mage noir revienne sous une autre forme, ou ait laissé derrière lui des artefacts pour continuer à nuire même après sa mort, c'est très commun. Pas original du tout. Mon père pourra t'en toucher un mot ou deux à l'occasion…
– Alors qu'est-ce qu'on fait ? interrogea Louis.
– Nous, rien, répondit Citlali. James et moi avons été missionnés sur une affaire. On voudrait vraiment vous aider, mais même si nous avions le temps, nous ne pourrions pas : Harry se demanderait pourquoi on veut rouvrir l'enquête de la disparition du corps de Derrick, il commencerait à fouiner et se rendrait compte qu'on a fouillé dans les archives sans autorisation…
– Mais vous… Vous pouvez retourner à l'endroit où tu as vu le visage de Han Derrick. Tu remontes la piste.
Une flamme brillait dans les yeux d'Allénore.
– On ira, fit Louis.
– Au moindre problème, à la moindre difficulté, vous nous faîtes appeler par lettres de feu, ordonna James.
– On vous rejoindra immédiatement, promit Citlali.
Allénore mâchouillait ses lèvres, et ne s'arrêta que lorsqu'elle sentit le goût du sang dans sa bouche.
– Merci.
C'était tout ce qu'elle pouvait dire.
Londres, 30 avril 2030, 23h39 heures de Londres
Rose soupira de bonheur en se glissant dans la baignoire. L'eau fumante apaisa ses muscles tendus de la journée qu'elle avait passé au travail. Elle dénoua ses jambes et ses bras petit à petit, avant de fermer paresseusement les yeux. Elle fut interrompue par trois coups sur la porte et soupira une autre fois, avant d'autoriser Scorpius à entrer.
Elle aurait reconnu ses coups assurés et malefoyens entre mille…
Il sourit en la découvrant allongée dans la baignoire, ses lunettes de lecture encore sur le sommet de son crâne, sa peau diaphane constellée de taches de rousseur immergées dans l'eau chaude et fumante… Rose se laissait bercer dans les légers remous de la baignoire, alimentés par sa propre respiration et le jet d'eau qu'elle coupa. Il aurait pu l'observer pendant des heures durant, la regardant se prélasser, apprécier ce moment de détente, ses cheveux roux flottant dans l'eau tout autour d'elle … Rose était belle. Surtout lorsqu'elle lui souriait en retour.
Il avait encore une toile d'accromentule dans les cheveux et un peu de suie sur le bout de son nez. Lorsqu'il s'approcha d'elle, elle glissa son pouce et le frotta en douceur pour le nettoyer. Il embrassa ses lèvres et se laissa tomber sur le sol, s'adossant au coffre de la baignoire. Rose se contorsionna et y fit reposer son menton. Elle l'embrassa sur l'une de ses tempes :
– Longue journée ?
– Très longue journée, confirma Scorpius. Tu m'as manqué.
Il se plaignit légèrement, lorsqu'elle passa ses bras mouillés autour de son cou, mais finit par en sourire. Il passa une main dans ses cheveux et commença à inspecter ses phalanges. Les vapeurs parfumées aux sels de bain que Rose avait ajouté lui piquèrent un peu le nez. Mais il resta, parce qu'il aimait être avec elle, et qu'il en avait besoin.
– Je sais que quelque chose te tracasse en ce moment.
Rose était grognon , passionnée, érudite, taquine, trop à cheval sur les règles, obstinée, loyale, rêveuse, gentille, impulsive et avait parfois un léger manque de tact. Scorpius l'aimait comme ça et n'aurait rien changé chez elle. Sauf peut-être sa tendance à laisser traîner ses affaires n'importe où et à empiler les livres dans les coins de leur lit… Elle était surtout patiente et savait attendre le bon moment pour poser aux gens les bonnes questions. Là, c'était le bon moment. Elle avait observé Scorpius gamberger, s'inquiéter, hésiter, ouvrir la bouche puis la refermer… Elle s'était dit qu'il n'était pas prêt à se confier. Aujourd'hui il l'était… Il avait seulement besoin d'un petit coup de pouce.
– Ça fait des semaines que tu n'es pas allé chez tes parents. Tu n'ouvres plus les lettres de ton père… Scorpius… Que se passe-t-il ?
Scorpius inspira un grand coup.
Rose comprendrait. Rose l'aimait. Rose … serait peut-être en pétard, mais il avait l'habitude de gérer Rose lorsqu'elle était en pétard.
Il fallait qu'il en parle. Il fallait que Scorpius l'annonce très rapidement, sinon, Rose et ses amis allaient apprendre dans le prochain numéro de la Gazette du Sorcier que Scorpius allait entamer une carrière dans la justice magique … Carrière non-consentie d'ailleurs, mais ça, les journaux se passeraient sûrement de le préciser.
– Mon père veut que je prenne les sièges des Malefoy et des Greengrass au Magenmagot.
Scorpius entendit les clapotis de l'eau. Rose changea de position. Désormais assise en tailleur dans l'eau, elle laissa reposer son menton sur le crâne de Scorpius avant de l'entourer de ses bras.
– Eh bien… Tu vas drastiquement faire chuter la moyenne d'âge de leurs membres, c'est certain.
– Rose…
– Oui ?
– Tu n'es pas en colère ?
– Je sais que tu ne veux pas de ces sièges.
Il fut soulagé et se détendit en sentant les doigts de la rousse descendre le long de sa nuque.
– Et si je te disais qu'une partie de moi… Une partie de moi ne rejette pas complètement cette idée ? marmonna-t-il presque honteusement.
La première réaction de Scorpius avait été un rejet profond et immédiat de l'ordre de son père. Puis, une seconde pensée, s'était insinuée dans son esprit. Scorpius en avait eu peur, au point de l'écarter chaque fois qu'elle revenait. Il n'en avait pas parlé à Emmalee, la seule qui était au courant de tout ça.
– Je te demanderai de m'expliquer pourquoi.
Il décolla son dos du coffre de la baignoire et se positionna face à elle pour la regarder.
– Je préfère que ce siège me revienne, plutôt que mon père continue de l'occuper et de voter pour des lois avec lesquelles je suis en profond désaccord. L'espace d'un instant… J'ai pensé que je pourrais faire entendre ma voix, celle des gens comme moi.
– Scorpius… T'es un homme blanc, né dans une famille riche, noble et…
– Je sais, grogna Scorpius. Je parlais des gens qui pensaient comme moi. Des gens qui pensent que les membres du Magenmagot devraient être élus, que les sang-purs ont encore trop de pouvoir sur la vie politique et économique de la communauté sorcière, qu'il faut plus d'aides sociales pour intégrer les nés-moldus… Allénore ne connaissait rien au monde magique lorsqu'elle est arrivée à Poudlard. Elle a eu de la chance de tomber sur toi. Et elle avait si peur de la magie… Tu savais que presque la moitié des bailleurs sur le Chemin de Traverse refuse des locataires ayant des moldus dans leurs familles ? Enfin, ce n'est pas aussi explicite : ils demandent des sorciers solvables, et les nés-moldus et sangs-mêlés possèdent moins de capitaux et de liquidités en fond sorcier que les sang-purs. Sans parler de Gringgot, qui a une politique d'emprunt absolument pas en faveur des moldus. Et les taux de change… Tu savais que la banque taxait presque quinze pour cent chaque fois qu'on change de l'argent moldu en argent sorcier ?
Rose écarquilla les yeux.
– Oui, je le savais.
Sa mère était Hermione Granger-Weasley, alors oui, Rose savait. Non seulement parce qu'elle écoutait toujours sa mère mais aussi parce que ses sujets intéressaient grandement Rose, qui ne s'était jamais gênée de manifester et de déambuler dans les rues sorcières de Londres en brandissant des pancartes. Rose était une personne engagée qui n'avait pas peur de faire la couverture et les gros titres des magazines sorciers. Ses cousins en faisaient même la collection…
– Est-ce prétentieux de ma part de penser que je pourrai… participer à changer les choses ?
– Un peu, sourit Rose.
– Peut-être qu'inconsciemment, je veux laver le nom de famille des Malefoy.
– Tu es quelqu'un de bien Scorpius, et j'aimerais ne pas avoir à te le rappeler tous les jours, chuchota-t-elle à son oreille.
– Je le sais… Mais est-ce que je le suis parce que c'est dans ma nature, ou est-ce que je le suis pour me donner bonne conscience, pour me dire que je suis meilleur que mon père ne l'était à mon âge… Parfois je …
– Scorpius, respire, commanda Rose.
Elle déposa un baiser humide sur l'une de ses joues. Puis plein d'autres, parce que c'était comme une addiction et qu'elle adorait l'embrasser.
– Tu te poses trop de questions.
– Que vont penser Allénore et Albus, quand je le leur dirais… Je n'ai aucune légitimité. Tu l'as dit. Je suis un homme blanc, riche et…
– Allénore ferait une mauvaise politicienne. Elle prend les choses trop à coeur. Elle est sensible, dans le ressenti, les émotions. Ce sont des qualités, mais qui la desserviraient grandement si elle venait à occuper ce rôle.
– Elle va devenir diplomate Rose…
– Et ça lui va comme un gant. Quant à Albus… Albus est sage et est probablement la personne la plus mature que je connaisse. Mais le pouvoir le dégoûte. Ce qu'il aime, c'est critiquer et observer. Quant à moi, j'ai le charisme d'un rebord de trottoir et l'éloquence d'un inferi qui aurait sniffer de la poudre de cheminette… De nous tous, tu serais le meilleur…
– Non, je …
– Scorpius. Si tu veux de ces sièges, prends-les. Occupe-les. Parle. Vote. Fais changer les choses.
– Et si je n'en veux pas ?
– Milite avec moi la prochaine fois pour que cette maudite assemblée de vieux croûtons soit enfin élue et pour que tous les sorciers soient démocratiquement représentés.
– Mon père me tuerait…
– T'es son seul héritier.
– Il en ferait un autre.
– Je doute que ta mère soit partante.
– Elle aussi il la remplacerait…
– Scorp… Ton père est fou amoureux de ta mère.
– Je sais, soupira-t-il. Je n'aurais pas dû dire ça.
– Tu sais, s'il n'est pas la personne que tu croyais qu'il était, tu n'es pas non plus celle qu'il croit que tu es. On idéalise toujours nos parents et il est naturel qu'ils aient pour nous certaines attentes…
– Tes parents n'ont pas d'attentes Rose.
– Oh si, le contredit-elle. Ils ont simplement de la chance qu'elles coïncident en grande partie avec les miennes. Ils n'ont jamais été très ravis que nous soyons ensemble, tu sais. Ils avaient signé pour « amis » pas pour plus. Ils avaient peur et tu es un Malefoy. Ce nom de famille ne leur inspire pas confiance quand bien même ils m'ont répété depuis toute petite qu'il ne faut pas juger quelqu'un sur ses origines… Ils auraient sûrement préféré que je tombe amoureuse d'un Bones et d'un Londubas. Mais nous en avons discuté… Longuement…
Elle était peut-être là, la différence entre Rose et ses parents, et Scorpius et ses parents. Eux, ne discutaient jamais vraiment. Drago Malefoy était un homme naturellement réservé et taciturne qui ne parlait pas beaucoup, et rarement de lui.
– Ton père n'est pas quelqu'un de mauvais. Il l'a peut-être été, mais les gens changent…
– Il n'a pas toujours été quelqu'un de bien non plus et parfois… Je me demande s'il l'est réellement devenu. Il a toujours des idées si … préconçues et dégueulasses sur les nés-moldus, les privilèges que les Sang-purs sont en droit d'avoir selon lui…
Rose ne savait trop quoi répondre à cela.
– Scorpius… Tu ne t'es jamais demandé pourquoi il voulait te céder le siège des Malefoy au Magenmagot ?
– Non, admit-il.
– Tu es amie avec Allénore Rameaux, la fille d'un Cracmol responsable de la mort de beaucoup de sorciers Sang-purs. Tu es ami avec le fils d'un sang-mêlé et en couple avec une sang-mêlée… Ton père sait pertinemment que vous n'avez pas les mêmes idées politiques. Il est intelligent.
Il soupira lourdement.
– Je lui ai dit que je refusais le siège. On s'est disputé. Très fort. Il m'a dit « Tu pourrais faire ça pour moi Scorpius ».
Rose fronça les sourcils et et chassa les bulles de son bain, qui passaient entre elle et Scorpius.
– Il n'avait pas à te dire ça, je pense…
– Je lui ai répondu que je ne lui devais rien. Et que je me fichais bien que les sièges des Greengrass et des Malefoy tombent et soient vendus à d'autres familles… Il a dit que je ne pouvais pas refuser mon héritage.
Rose ferma les yeux pour mieux réfléchir et pinça ses lèvres. Elle avait besoin de temps pour traiter toutes les informations et trouver les bons mots.
– Scorpius, quoi que tu décides, je te soutiendrais.
– Je sais.
Il se pencha un peu et s'appuya de ses deux mains sur le rebord de la baignoire pour l'embrasser. Il laissa sa langue s'immiscer entre ses lèvres et approfondir leur baiser, jusqu'à la sentir frémir entre ses doigts.
– Il faut que je le dise à Allénore et Albus.
– On pourra le faire ensemble…
– Tu crois qu'ils ont remarqué ?
– Quoi donc ?
– Que j'étais étrange en ce moment !
– Scorp… Mon cœur… Tu es toujours étrange!
Rose avait le regard fuyant.
Peut-être que leurs amis avaient remarqué quelque chose. Après tout, ils y avaient tant de silence entre eux… Comme cette fameuse demande en mariage, que Scorpius avait complètement oubliée et dont chaque mot tournait en rond dans l'esprit de Rose… Elle avait demandé à ses amis de ne rien dire, de les laisser gérer ça entre eux. Mais la fabricante de baguettes n'avait jamais trouvé le courage d'aborder la question, de parler à Scorpius de ce moment qui avait été effacé de sa mémoire…
Elle se souvenait de cette demande pour deux.
– Rose ?
Elle sursauta et il se mit à rire.
– Tu étais encore dans ton monde.
– Désolée.
Il ne voulait pas qu'elle soit désolée. Il voulait juste faire partie de son monde…
– À quoi pensais-tu ? lui demanda-t-il.
Elle rougit un peu et se remit à fuir ses yeux gris. Il n'insista pas et préféra se lever. Il commença à déboutonner sa chemise et à enlever son pantalon.
– Il y a de la place pour deux ?
– Toujours, répondit-elle.
Lorsqu'il la rejoignit et qu'elle s'appuya contre son torse, nichant sa tête dans le creux de son cou, elle compta tous les battements de cœur qu'elle entendait.
Scorpius était soulagé de s'être confié à Rose. Il sentait son besoin d'avoir un peu de réconfort et de contact, alors il lui donna tout ça, à sa façon. Ils parlèrent de leur journée, de ce voyage qu'ils voulaient faire en Afrique du Sud, de ce musée dans lequel ils avaient prévu d'aller la semaine prochaine et de l'envie furieuse qu'avait Rose de manger de la glace au caramel.
Scorpius savait que c'était avec elle qu'il voulait passer le reste de sa vie.
Il aurait pu faire sa demande ici, entre deux bulles de savon, et deux baisers amoureux ou langoureux. Mais il ne le fit pas. Il manquait de courage, avait peur du rire que pourrait sortir Rose. Ils étaient si jeunes… Et puis, ils n'avaient jamais parlé de mariage tous les deux. Ils n'habitaient même pas encore ensemble et Rose semblait déterminée à vouloir faire en sorte que leur colocation avec Albus et Allénore dure le plus longtemps possible.
Alors Scorpius ravala les mots maladroits qu'il pensait prononcer le moment venu.
«Hey Rose… Ça te dirait de te marier avec moi ? ».
« Je t'aime, et je ne te le dis pas assez. J'espère que tu aimeras la bague ».
« Je veux qu'on s'engage l'un envers l'autre ».
« Ce ne seraient que des fiançailles, nous ne sommes pas obligés de nous marier maintenant... ».
Il trouvait toutes ses phrases maladroites…
– On est si bien ici, murmura Rose.
Il joua avec une mèche rousse et sourit. Il était heureux… Vraiment heureux et il savait qu'elle était aussi, à ses fredonnements, à sa façon de le serrer contre elle. Et il avait raison.
Rose aurait pu s'endormir ici-même, avec les lèvres de Scorpius sur sa peau et sa tendresse qui la réchauffait autant que l'eau encore fumante de leur bain.
Lorsqu'ils entendirent un « boom » dans le salon, ils furent pourtant forcés de quitter leur étreinte pour y accueillir Citlali Tucker et James, qui époussetaient calmement leurs capes de sorciers.
Londres, 30 avril 2030, 03h59 heures de Londres
Allénore restait assise sur son lit, Louis à ses côtés, leurs mains scellées et reposant sur l'un de ses genoux. Ils ne s'étaient pas quittés une seule seconde depuis qu'ils savaient pour la disparition du corps de Han Derrick.
– On partira lorsque tu seras prêt, assura Allénore.
– Je le suis. Et toi ?
– Je le suis aussi.
Alors pourquoi restaient-ils tous les deux sur ce lit, s'y accrochant même comme deux marins désespérés sur leur bateau en pleine tempête ?
– Quand je suis revenue en Grande-Bretagne, après la mort d'Ed Richards… Après le procès, après tout ça et quand je suis revenue ici pour la première fois, tu m'as dit que tout se passerait bien et j'ai eu envie d'y croire. J'ai eu envie de croire en beaucoup de choses… Que ma vie redeviendrait comme avant, que les silences, les mensonges, tout ça, ça serait de l'histoire ancienne. Mais on ment à Scorpius on ne lui racontant pas ce qu'il s'est passé avant qu'il ne perde la mémoire lors de l'attaque de Londres. Albus me ment lorsqu'il me dit qu'il m'assure qu'il n'a rien à me demander, alors que j'entends presque toutes les questions qu'il a dans sa tête. Je mens à Rose, quand j'affirme être incapable de lui raconter ce que j'ai fait : j'ai simplement peur qu'elle me déteste et elle le sait en plus… Et Scorpius… Scorpius nous ment aussi. Je ne sais pas encore à quel sujet, mais je le sais. Mais on s'aime et ça tient, parce que malgré toutes nos incertitudes, nous sommes là les uns pour les autres. C'est fragile, mais c'est réel parce que je les aime et qu'ils sont ma famille. Et… je me fiche de mes doutes quand ils sont là, Louis. Parce qu'il n'y a qu'une seule certitude qui compte : c'est que je ne serai jamais plus Mistinguette.
C'était ça, qui avait fait tenir Allénore. Cette pensée que plus jamais elle ne serait cette alter-ego qui avait tant fait souffrir les autres malgré elle, qui avait commis tant de choses atroces et connu tant de douleurs.
Allénore n'avait toujours été qu'Allénore auprès de ses amis.
Louis commença à triturer les piercings de ses oreilles, nerveux.
Peut-être qu'il était là, le problème d'Allénore… Elle avait dit adieu à une partie d'elle-même, sans se douter que Mistinguette et elle, étaient elle entière, que l'une ne pouvait se défaire de l'autre et que si elle voulait vraiment que tout redevienne comme avant, que l'honnêteté soit de nouveau le ciment de son amitié avec Rose, Albus et Scorpius, elle devait leur présenter cette part d'ombre qu'elle avait en elle.
Mistinguette… Le pire d'Allénore, elle qui n'avait jamais voulu donner que le meilleur pour les gens qu'elle aimait.
L'apprentie dragonologue pressa sa main dans celle d'Allénore.
– Notre portoloin est dans moins de vingt minutes. Si on ne veut pas le rater, on devrait se dépêcher.
– Tu n'es pas obligé de venir avec moi.
– Tu n'es pas obligée de venir avec moi toi non plus, sourit Louis.
Il voulait en avoir le coeur net lui aussi et s'assurer que ce qu'avait vu Allénore, était quelque chose qui ne les mettraient pas en danger. Il se savait incapable de dormir tranquillement tant qu'il n'aurait pas l'intime conviction que Han Derrick était en train de nourrir de malheureux asticots qui méritaient bien meilleure nourriture.
– Après ce qu'il s'est passé la dernière fois, le bar clandestin chinois doit avoir changé d'adresse et les caissons et marchandises qui se trouvaient au sous-sol ont dû être livrées… On ne retrouvera peut-être jamais ce miroir.
– Alors on cherchera, promit Louis.
– Et tes études ? Tu reprends les cours dans une semaine, Lou ! Tu ne peux pas parcourir le monde à la recherche de chimères et abandonner ta vie …
– Et tu es censée négocier les accords de Glasgow dans quinze jours, lui rappela Louis. Tu ne peux pas non plus abandonner ta vie.
– Alors quoiqu'on trouvera ou ne trouvera pas, on devra rentrer, annonça prudemment Allénore.
Elle se leva d'un bond, continuant de tenir sa main dans la sienne. Louis l'imita et mit à Allénore sa capuche noire, avant de poser ses lèvres sur les siennes. Au moment où elles se touchèrent, elle plongea vers son visage, avide de son contact, avide de ce qu'il avait à lui donner et de ce qu'il lui faisait toujours ressentir. Une vague de chaleur, immense, qui fleurissait et s'épanouissait toujours de façon assez surprenante, malgré tous les baisers qu'ils avaient déjà échangé. Elle goûta sa langue, sa bouche, se perdit ici et là sur sa mâchoire, son menton et revint à ses lèvres qu'elle mordilla doucement. Il posa ses mains sur sa taille pour la garder près de lui, avant de les glisser dans les poches arrières de son pantalon aussi noir que sa cape. Il colla son front au sien :
– Je t'aime, Allénore.
Il lui disait souvent, sûrement trop, mais toujours avec une intensité renversante et vibrante, qui donnait envie à Allénore de le déshabiller et de lui faire l'amour durant des heures, de discuter des heures et des heures, de le câliner pour plusieurs éternités, de l'embrasser à l'infini et de se contenter de ça pour le reste de sa vie.
Il insistait tant sur ces trois mots…
– Je t'aime, Louis.
Le dire était si facile.
– Allons-y.
Elle hocha la tête et enfila son sac à dos de voyage dans lequel Louis avait consciencieusement plié des vêtements de rechanges pour eux deux, quelques potions qu'elle avait volé dans la mallette de Nilam, de quoi grignoter, une grande gourde et une tente.
– C'est juste une nouvelle aventure, Nore.
– Et on adore les nouvelles aventures, toi et moi, s'esclaffa-t-elle légèrement.
– J'adore en vivre avec toi… Mais la prochaine fois… Je te propose une excursion en Nouvelle-Zélande. La grotte de Waitomo a été repeuplé par plusieurs espèces de vers luisants magiques et de ponstastillas, ça doit être absolument merveilleux !
Allénore serra sa main dans la sienne.
Son bourlingueur à elle…
Elle savait qu'il lui ferait visiter et aimer le monde sous toutes ses coutures.
– Ne change jamais, s'amusa-t-elle en l'embrassant une dernière fois.
Ils quittèrent sa chambre ensemble, après avoir fait une dernière caresse à Gribouille. Allénore referma la porte derrière eux et regarda celles des chambres de ses amis, qui dormaient sûrement.
– Je voudrais leur laisser un mot…, marmonna-t-elle. Je ne peux pas… Je n'ai pas le droit de leur faire revivre le cauchemar d'il y a deux ans.
– Si tu leur laisses un mot, ils voudront te rejoindre et ils seront en danger.
– Oui. Tu as raison… Han est trop puissant pour qu'on se permette de prendre le risque de les faire plonger en enfer avec nous. Il ne faut pas… Il ne faut pas que Han, que ce spectre de lui les rencontre.
Allénore s'y refusait.
Mais partir encore une fois, sans rien leur dire… ça lui brisait le cœur.
Louis le sentit et pour leur donner un peu de courage, déposer un baiser sur le sommet de son crâne couvert par sa capuche noire.
Sans faire de bruit, ils atteignirent le salon, où se trouvait la cheminée de la colocation. Allénore prit une grosse poignée de poudre de cheminette et fit un premier pas dans l'âtre, avant de sursauter net et de plisser les yeux, sous l'effet du plafonnier qui venait de s'allumer.
Louis et elle se retournèrent comme un seul homme et affrontèrent quatre personnes, en tenue de voyage, parfaitement réveillées et plus ou moins agacées.
Nilam avait les bras croisés sur sa poitrine et souriait avec son éternel air malin. Albus avait les sourcils froncés et fuyait du regard Allénore, sous peine d'exploser. Scorpius avait un visage neutre et concentré. Rose jouait avec le déluminateur que son père lui avait offert et sa baguette, presque taquine et s'avança la première :
– Vous partez quelque part peut-être ?
Allénore lâcha sa poignée de poudre de cheminette et bégaya quelques mots à la recherche d'une excuse.
– Laisse tomber, Citlali a tout balancé à Emmalee qui elle, s'est chargée de tout répéter à Scorpius, expliqua Albus d'un ton mordant. Et mon frère est passé tout à l'heure avec Citlali… Ils nous ont tout dit.
Il était en colère, Allénore le sentait. Chaque cellule de son corps était hérissée, tendue. Le corps d'Albus envoyait plusieurs signaux négatifs : inquiétude, colère, ressentiment, incompréhension. Il était anxieux mais aussi énervé.
– J'arrive pas à croire que tu …
– On vient avec vous, le coupa Scorpius.
Il était la personne dont Allénore redoutait le plus la réaction. Scorpius était dur à lire, complexe et impassible. Il ne laissait rien paraître.
– Je ne sais même pas ce que nous devons chercher, bafouilla Allénore.
– Qu'importe. On le trouvera ensemble, intervint Rose.
– C'est dangereux…
– Je suis briseur de sorts, haussa les épaules Scorpius.
– J'ai survécu aux arènes des Autres, surenchérit Nilam.
– J'ai visité toute seule des forêts très dangereuses pour trouver les arbres nécessaires à la fabrication de plusieurs baguettes, enchaîna Rose.
– Et moi, je sors avec Nilam depuis deux an et demi.
Tous se tournèrent vers Albus, qui souriait, toute colère envolée.
– On ne te laissera pas partir sans nous, cette fois-ci, assura-t-il à Allénore.
Il se planta devant et Allénore ferma les yeux, incapable d'affronter son regard émeraude.
– On se bat tous ensemble, c'est comme ça et pas autrement. Laisse-nous t'aider Allénore.
Son ton était presque suppliant et Allénore détesta ça.
Moins délicate que son petit-ami, Nilam passa devant lui, prit une grosse poignée de poudre de cheminette et s'enfonça dans l'âtre :
– Et puis de toute façon on ne te laisse pas le choix !
Elle prononça l'adresse du Ministère où les attendait un portoloin, et disparut dans un jet de flammes verdoyantes. Allénore retint ses larmes et hocha la tête en direction d'Albus.
Elle était bien incapable de lui dire qu'elle acceptait son aide. Mais lorsqu'il embrassa sa joue avant de disparaître dans les flammes à son tour, elle sut qu'il l'avait comprise.
Allénore vit tous ses amis partir les uns après les autres et lorsqu'il ne resta plus que Louis et elle, elle inspira un grand coup. Elle échangea un regard avec le blond. Son téléphone vibra dans sa poche.
Un message de Christophe, son frère. En Australie, le matin touchait à sa fin.
– Nore…
– Je t'en prie, ne dis rien, le coupa sévèrement Allénore.
– C'est peut-être le bon moment.
– Non. Il ne l'est pas.
Louis n'insista pas et lui offrit un petit sourire, le genre de sourires qu'Allénore trouvaient réconfortants, parce qu'ils lui disaient que son auteur l'aimait malgré l'énigmatique tête de mule qu'elle était.
Ils ne savaient pas ce qu'ils les attendaient.
Ils espéraient juste que pour cette aventure-ci, ils rentreraient tous à la maison.
I wanna be in the quiet zone
Wanna be here on my own
Wanna see what I can do
But I don't know what I'd be
If you were to go
