S02E11

Le verre émit un son grave quand il le posa sur le comptoir. Je ne savais pas ce qu'il faisait là, ses pensées normalement parasitées m'étaient cette fois inaccessibles.

« Assieds-toi, gamin, m'enjoignit-il.

Je mis un temps avant de bouger mes pieds puis me dirigeai vers lui et m'assis sur le tabouret à sa gauche. Il avait des cernes sous les yeux et ses joues s'étaient creusées. Ma première pensée était qu'il était arrivé quelque-chose à Jamie ou à Bella et qu'il venait me l'annoncer mais Alice m'aurait prévenu avant que ça n'arrive. J'aurais aimé pouvoir lire son esprit, savoir ce qu'il voulait et pourquoi il avait une sale mine. Il me bloquait probablement parce qu'il s'était renfermé, Bella avait dû hérité de cette faculté, un don qu'elle avait plus efficace.

« Je ne sais pas si ''gamin'' est vraiment approprié. Pour moi, tu as 17 ans mais peut-être que tu es un vieillard, en fin de compte.

Il savait. D'une façon ou d'une autre, il avait compris ce que j'étais. Il venait peut-être s'assurer que je n'approche plus ses filles. Il fouilla dans sa poche intérieure.

« J'espérai que tu me trouverais assez tôt mais je ne pensais pas que ça ne te prendrait que deux jours.

Pendant qu'il disait cela, il avait posé le téléphone de Jamie sur le bar. J'aurais dû lui rappeler d'effacer les messages. Je ne savais pas à quel point j'étais dans la merde mais j'allais probablement le découvrir.

« Tu as essayé d'enlever ma fille... mais merci d'avoir changé d'avis.

Je ne répondis rien, conscient que des excuses n'étaient pas ce qu'il attendait.

« Quel âge as-tu ?

« 17 ans.

« Depuis ta naissance ?

Je secouai la tête.

« Je suis né en 1901, j'ai été transformé en 1918, je mourrais de la grippe espagnole, ma mère avait supplié Carlisle de me sauver. Il a fait de moi son fils.

« Ta mère voulait que tu deviennes vampire ? Fit-il incrédule.

« Elle ne savait pas ce qu'était Carlisle, elle avait compris qu'il était... quelque-chose, qu'il pouvait me sauver et c'était tout ce qui comptait pour elle.

« Tu as 121 ans. N'y a-t-il pas un problème éthique à fréquenter une fille de 16 ans ?

« La transformation nous fige complètement dans le temps, je suis éternellement à un an de l'âge adulte, physiquement et psychiquement.

Ce pour quoi il était interdit de transformer un enfant de moins de 15 ans et les humains souffrant de pathologies mentales lourdes, tel les psychopathes, ou inadaptées, comme Jamie qui était trop immature. C'était pourquoi Carlisle pensait que Jamie ne pourrait probablement pas être transformée, indépendamment de ses principes, à moins que son trouble ne s'atténue en évoluant dans le bon sens. Je n'étais pas spécialement d'accord avec lui, elle ne serait jamais comme cet enfant que la créatrice des sœurs Denali avait transformé, il avait tué tout un village par caprice mais cet enfant avait 8 ans.

« Tu es venu me demander de ne plus chercher à voir ta fille ? Lui demandai-je.

Aussi affligeant que ça soit, c'était compréhensible qu'il cherche à la protéger mais je ne lui ferai jamais de mal. Néanmoins, je pouvais l'accepter venant de Charlie, il était son père, il l'aimait et était responsable d'elle. À la différence de Jacob qui avait agi par jalousie et possessivité.

« Elle te manque ?

« Bien sûr, répondis-je. Je l'aime.

« Bella et Jamie sont les personnes les plus importantes du monde, me dit-il. Elles sont mes filles.

« Je sais. Je ne vais pas tenter de l'enlever à nouveau. J'ai compris mon erreur mais je ne peux pas rester éternellement loin d'elle, sauf si elle le décide. Tant qu'elle vit à Forks, je ne peux de toute façon pas l'approcher, à moins de vouloir déclencher une guerre avec les Quileutes mais tu le sais... expliquai-je en poussant le téléphone.

S'il savait que j'avais essayé de l'enlever, ça voulait dire qu'il avait lu toute notre conversation, depuis le début des messages. Il me fixa un moment, semblant m'évaluer.

« Je ne suis pas venu te demander de ne plus chercher à la voir, je suis venu te demander ton aide.

J'attendis qu'il s'explique.

« À vrai dire, j'étais d'abord venu m'assurer que tu n'étais pas responsable... de la disparition de mes filles.

« ... elles ont disparu ?

Un craquement sinistre résonna, je venais d'enfoncer mes doigts autour de l'angle du comptoir massif. Je retirai mes mains et me levai pendant que Charlie regardait ce que j'avais causé. Je passai mes mains dans mes cheveux, tirai dessus et me tournai à nouveau vers lui. Il essaya d'ignorer les dégâts et se tourna vers moi.

« Jamie a été enlevée à la clinique, le directeur, son psychiatre et la réceptionniste ont été assommés et enfermés dans le bureau du premier, ils n'ont aucun souvenir de ce qu'il s'est passé à cause de leur commotion cérébrale. Aucun des trois ne se souvient, ils ont tous reçu un coup au même endroit, comme si l'agresseur ou les agresseurs savaient où frapper pour causer une amnésie. Bella a disparu à peu près au même moment, à une vingtaine de minutes près, mais à Forks, elle regardait une vidéo avant qu'on ne l'enlève.

J'étais incapable de réfléchir. Elles avait été enlevées...

« Tu es un vampire, aide-moi à retrouver mes filles. Vous avez des pouvoirs, non ?

Il regarda le bar fracturé puis moi à nouveau.

« On est forts, rapides, très rapides et certains ont des dons. Je suis télépathe, je peux parcourir le monde en quelques jours et tenter de capter les pensées de Jamie et celles des ravisseurs. Bella me bloque mais elle est probablement retenue avec sa sœur.

Pourquoi Alice n'avait-elle rien vu ? Peut-être qu'elle l'avait fait. Peut-être qu'elle ne m'avait rien dit... parce que c'était trop tard et qu'elle savait ce que ça entraînerait.

« Je ne pense pas que les coupables soient humains.

« D'autres vampires ?

Si c'était ce que je pensais, elles étaient déjà mortes.

« Les Quileutes ? Demanda Charlie.

« D'autres vampires, les Volturi. Le clan royal de notre espèce mais je me trompe peut-être. J'espère. J'espère vraiment que leurs ravisseurs sont humains. Nos lois sont strictes à propos de votre espèce, vous ne devez pas savoir.

Il se décomposa.

« Si mes filles sont mortes parce que tu leur as révélé ce que tu es, grogna-t-il.

« Jacob l'a révélé à Bella mais je suis celui qui l'a révélé à Jamie, ça m'a échappé après l'avoir mise hors de portée d'un autre vampire. Elle était seule en pleine forêt, s'il l'avait sentie...

Je laissai ma phrase en suspend, c'était déjà un peu trop à encaisser. Je sortis mon téléphone et appelai Alice.

« Ma sœur a des visions de l'avenir, je ne veux pas présager le pire avant de savoir si elle a vu quelque-chose et si tel est le cas, pourquoi elle ne m'a pas prévenu, lui expliquai-je.

« Tu pourrais donner des nouvelles, me rabroua-t-elle en décrochant.

Elle ne savait donc rien.

« Tu surveilles l'avenir de Jamie et Bella ? Lui demandai-je, ignorant son reproche.

« Non. Pourquoi ? Dois-je le faire ?

« S'il te plaît.

Si j'avais été proche d'elle, j'aurais pu voir ses visions en simultanées. Je dus patienter un moment avant de l'entendre à nouveau.

« Jamie ne prend pas de décision actuellement, je me concentre sur Bella.

Un temps aussi infini que le premier se déroula.

« Oh non, se désola-t-elle.

« Quoi ?

« La seule décision que Bella prend est celle de retirer sa sœur des mains des Volturi, elle abandonnera avant d'essayer.

« Donc elles sont encore en vie.

« Oui, elles le sont.

Je fermai les yeux et soupirai de soulagement. Je fis un mouvement de tête positif à Charlie.

« Que vois-tu dans les décisions d'Aro ?

Un autre temps d'attente.

« Et bien... euh... tout ce que je vois, c'est une fête d'anniversaire pour Jane. Attends... non, il veut envoyer Jane pour punir un vampire mais il y a assurément une fête d'anniversaire dans l'histoire. Il ne prend pas de décision à propos des filles, pas pour l'instant, je pense qu'il avisera quand tu te présenteras à lui, il sait comment contourner mon pouvoir.

« Il faut faire quelque-chose !

« Rejoins-nous en Angleterre, on devra établir un plan avant de bêtement te jeter dans la gueule du loup.

« J'arrive, acceptai-je.

Ça me coûtait mais je devais agir prudemment, ça ne servirait rien d'y aller pour nous faire tuer.

« Elles sont en vie mais c'est bien ce que je craignais, elles sont prisonnière du clan royal, Aro, le roi, n'a pas pris de décision à leur égard donc on ne sait pas s'il les tuera une fois que je me présenterai.

« Tu vas te présenter à eux ?

« Je vais d'abord rejoindre ma famille, ils sont sur l'une de nos propriétés, en Angleterre. On devra établir un plan pour les sauver.

« Je viens avec vous.

« Le moment où Aro saura que tu as connaissance des vampires te condamneras, le prévins-je. Il est aussi télépathe mais seulement par contact physique. Il peut ne pas trouver ce moment dans ma mémoire mais si tu viens, alors il n'aura pas besoin de son don pour savoir.

« Ce sont mes filles ! Elles sont tout ce que j'ai.

-§-

J'étais nerveux en conduisant vers Rothbury, au nord de l'Angleterre. J'angoissai qu'une vision d'Alice n'arrive et nous montre que l'une des sœurs soit mise à mort. Dans pareil cas, il faudrait oublier l'avion et partir à pied et je ne pense pas que Charlie se laisserait mettre sur la touche.

« Tu es nerveux, remarqua Charlie à mes côtés.

« Tu es calme, rétorquai-je. Tu en as l'air, en tout cas. Je ne sais pas comment tu fais, je me pisserai dessus si j'avais toujours un système digestif fonctionnel.

« Tiens tes paroles, gamin. J'ai déjà eu le temps de paniquer. Jusqu'ici, je ne savais pas si mes filles étaient encore en vie, maintenant je sais qu'elles le sont. Ça ne les aidera pas si je ne garde pas la tête froide... mais au fond de moi, je me pisse dessus.

Je souris quand il utilisa mes paroles sur lesquelles il venait de me reprendre. J'admirai sa ténacité et son sang-froid. Deux choses que je ne possédais pas actuellement. On avait beau être plus forts et plus rapides, les humains avaient aussi leurs propres forces. J'arrivai au domaine, le portail avait été repeint en noir, les extérieurs avaient beaucoup changé mais le manoir restait le même. Je n'étais pas venu ici depuis mes premières années en tant que vampire, c'était ici que j'avais appris à contrôler tout ce qui faisait de moi une créature dangereuse.

« Ça fait très antre de vampires, remarqua Charlie.

« J'imagine que c'est approprié.

Nous descendîmes de la voiture et nous dirigeâmes vers l'entrée.

« Sérieusement ? S'enquit-il en pointant le heurtoir en forme de chauve-souris.

« Carlisle a le sens de l'humour.

J'ouvris la porte, mes parents nous accueillirent, je les avais prévenus de la venue de Charlie et de l'étendue de ses connaissances, au cas où Alice ne l'aie pas vu.

« Bonsoir Chef Swan, le salua poliment Carlisle. Navré de vous revoir dans de pareilles circonstances. Nous ferons tout notre possible pour sauver vos filles. Alice essaye d'en savoir plus mais elle n'a pas eu d'autres visions.

« Mon adjoint a-t-il vraiment été tué par un animal ? S'enquit Charlie ne s'embarrassant pas avec la politesse.

Carlisle avait été celui qui s'était déplacé sur le lieu du crime, en tant que médecin-légiste.

« Il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas savoir, détourna Carlisle. Mais l'animal en question a été tué par les Quileutes.

Carlisle avait l'art et la manière d'exposer une réponse sans la formuler.

« Ça fait beaucoup de vampires pour une si petite ville, entre votre famille, ce... cet animal et le vampire qui aurait pu attaquer Jamie.

« Le vampire en question et l'animal sont la même créature, il rôdait dans le coin, lui appris-je. Généralement, les nomades évitent de chasser sur le territoire de vampires sédentaires.

« Bonsoir Charlie, fit Alice en apparaissant sous l'entrée du salon.

Elle m'enlaça.

On va les retrouver, tenta-t-elle de me rassurer dans son esprit.

« Tu n'as rien vu ? Lui demandai-je.

« Non, se désola-t-elle. Rien de probant. Jamie va faire des muffins, c'est tout ce que je sais.

« Des muffins ? Fis-je incrédule. Chez les Volturi ?

« Si elle fait des gâteaux, c'est bon signe, non ? Espéra Charlie. Elle ne les ferait pas si elle était terrorisée.

« Elle ne se rend peut-être pas compte, révélai-je. Il y a son trouble et Chelsea peut créer des liens, elle a pu en créer pour la maintenir prisonnière sans avoir à l'enfermer. Bella n'est pas atteinte, en tout cas, puisqu'elle essaye de trouver le moyen de se sortir de là. Corin peut les rendre satisfaites de leur séquestration, Bella serait touchée je pense puisque le don de Jasper fonctionne sur elle. Il est empathe et la satisfaction étant une émotion...

« Mais Bella ne chercherait pas à s'enfuir si Corin utilisait son don sur elles, signala Esmée.

« On devrait s'en tenir à ''comment les sort-on de là ?'', non ? S'impatienta Charlie.

« C'est en cours, le calma Carlisle. On doit d'abord connaître les plans d'Aro, il a probablement quelques coups d'avance. Dès qu'Alice saura ce qu'il compte faire...

« On se repose trop sur le don d'Alice, ripostai-je, lui coupant la parole. Je te rappelle que le futur n'est pas immuable, elle voit ce qui sera par rapport à une décision prise mais il y a tellement de décisions qui peuvent changer la donne. Et, comme on peut le voir, elle peut manquer des choses importantes.

Alice s'en voulait énormément de n'avoir rien vu.

« Ce n'est pas de ta faute, contredis-je ses pensées.

« On ne peut pas sciemment se présenter devant les Volturi sans se préparer à toutes éventualités, me contra Carlisle.

« Tout ça ne serait pas arriver si j'étais resté près d'elle, grognai-je.

« Ou si elles n'avaient jamais été mises au courant, souligna Carlisle.

Je lui lançai un regard noir même s'il avait raison.

Charlie sortit prendre l'air, je le laissai dans sa solitude parce qu'il en avait besoin puis le rejoignis une heure plus tard alors qu'il ne rentrait pas.

« On a une chance ? Me demanda-t-il sans se retourner.

« Je ne sais pas, murmurai-je. On devrait se préparer à tous les scénarios possibles.

« Dis-moi, gamin, commença-t-il. Est-ce qu'en m'aidant, toi et ta famille, vous vous mettez en danger ?

Je hochai la tête.

« Il est de toute façon hors de question de rester en dehors et c'est à cause de moi.

« Pourquoi a-t-il fallu que tu tombes amoureux de ma fille ? Soupira-t-il.

« Tu crois aux âme-sœurs ?

Il me regarda de travers.

« Oh seigneur, tu te moques de moi ?

« Aucunement.

« Tu sais, tous les amoureux pensent ça au début. L'âme-sœur, c'est juste un concept idéalisé, ça n'existe pas.

« Allez dire ça aux couples de ma famille.

Charlie émit un grognement dubitatif.

« J'ai essayé... de ne pas m'impliquer mais elle ne m'a pas vraiment aidé à tenir mes bonnes résolutions.

« Ne pas t'impliquer ? Répéta-t-il. Si elle est ce que tu dis alors ne pas t'impliquer n'est certainement pas une bonne résolution mais vu que tu es un vampire, c'était probablement la meilleure.

Je laissai le silence retomber, regardant le terrain parsemé d'arbres dans la pénombre de la nuit. Charlie ne devait pas voir grand chose.

« Sauve mes filles... et ensuite on discutera à propos de Jamie et toi. Si tu ne la blesses pas et ne fais pas d'elle un cadavre ambulant, je consentirai peut-être à ce que tu traînes autour d'elle.

« Les Quileutes...

« Oubli les Quileutes, gamin. C'est ma fille, s'ils ont quelque-chose à y redire, qu'ils viennent me voir. Tu as peut-être failli l'enlever, parce que tu es stupide et amoureux, mais en attendant, c'est un Quileute qui lui a fait du mal et qui l'a traitée comme une menteuse. T'es pas le premier à faire des choses stupides par amour, j'ai bien épousé mon ex-femme.

J'avoue, c'était un peu gratuit pour Renée xD Je pense qu'on l'aime bien notre chef Swan, non ?