Une douleur aiguë réveilla Drago en sursaut. Il avait l'impression que l'on venait de jeter un seau d'acide sur ses plaies. C'était insoutenable. Comme s'il mourait à petit feu.
Cependant, il se rendit compte, aussitôt eût-il ouvert les yeux, que cela n'avait été qu'un tour de son esprit. La douleur avait disparu, du moins, s'était grandement amoindrie. Il avait une migraine d'enfer et ses membres étaient engourdis, mais c'était incomparable avec ce qu'il avait cru ressentir.
Les battements de son cœur étaient rapides et il avait des fourmis dans les jambes, mais il était bien vivant. Il était en vie.
Ses yeux se remplirent de larmes sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit. La lumière était trop forte. Il les referma aussitôt. Ses tourments concernant sa douleur étant passés, il réalisait enfin que quelque chose avait changé.
Il n'était pas dans sa cellule. Il n'était pas allongé sur le sol humide et froid d'Azkaban.
Il faisait plutôt chaud et il était entouré de draps doux et confortables.
Cela sentait bon, une douce odeur de linge propre.
Ce n'était pas normal.
Il commença à réellement avoir peur. Où était-il ?
Quelques bribes de souvenirs lui revinrent alors à l'esprit. Le regard de Blaise, le portoloin, puis les phrases incompréhensibles qu'on lui avait adressées. Il avait été libéré. Il n'était plus dans sa cellule.
Il ne savait pas où il était cependant, et cela le mit dans un état de panique considérable. S'il n'était pas à Azkaban, comment ferait-il pour rester sain d'esprit ? S'il ne pouvait plus compter les dalles ou les minutes qui passaient ?
Il allait devoir se réhabituer complètement à un nouvel environnement. Ce n'était pas envisageable. C'était bien trop difficile, insurmontable.
Il ne connaissait pas tout ça, il n'était pas prêt à se construire de nouvelles habitudes. Que pourrait-il faire pour garder la tête haute s'il ne pouvait pas écouter le bruit des vagues la nuit pour s'endormir ?
Il se souvint alors de la lettre de Blaise.
Granger. Il était chez Granger. Il s'en souvenait désormais.
Elle l'hébergeait chez elle. Elle avait accepté de l'accueillir. Elle avait accepté qu'un Mangemort mette les pieds chez elle.
Il se trouvait dans sa maison. Son lit. Ses draps.
Il avait envie de vomir, de crier, de s'arracher la tête. Il n'arrivait pas à y croire. C'était trop difficile. Il n'en était pas capable. Il n'avait pas besoin d'ouvrir les yeux pour savoir que sa tête tournait. Il se sentait défaillir.
Tous ces constats étaient trop durs à encaisser. Son esprit ne tenait pas le choc.
Il n'était plus à Azkaban. Il n'était plus dans la cellule qui lui garantissait un minimum de sécurité. Il n'était plus dans son enfer personnel, qui se révélait être le seul endroit qu'il avait l'impression de connaître. Le seul endroit qui lui était familier.
Il se sentit perdre connaissance et se laissa aller. Il n'avait pas la force de lutter. Pas l'envie.
oOo
Lorsqu'il ouvrit les yeux, Drago était plus calme qu'à son précédent réveil. Peut-être qu'un peu de sommeil avait suffi à ce que son corps ne se débatte plus face à la réalité.
Il laissa ses pupilles s'adapter petit à petit à la lumière. Alors qu'il reprenait connaissance, son esprit s'éveillait lui aussi, lui permettant de réaliser ce qu'il s'y passait. La panique était redescendue, mais restait dans un coin de sa tête. Il aurait été trop simple qu'elle disparaisse rien qu'en dormant. Désormais, il lui fallait être stratégique s'il voulait pouvoir affronter tout cela correctement. Il savait ce qu'il risquait en allant trop vite et en laissant ses pensées et ruminations le submerger pour prendre le dessus.
Il sentit alors que des bandages couvraient ses mains et ses jambes, et put humer l'odeur de lessive du vêtement qu'on lui avait enfilé et qui – il s'en doutait – n'avait rien à voir avec sa tenue habituelle de prisonnier. Sa bouche était pâteuse, mais n'avait pas le goût salé de l'air marin. Il pouvait bouger ses orteils.
Le plus déstabilisant était probablement le silence qui régnait autour de lui. Pas de cris. Pas de vagues. Pas de pleurs lointains. Pas de vent. Rien. Un silence complet. Si complet qu'il en était angoissant, déstabilisant.
Il ferma les yeux l'espace d'une seconde pour s'empêcher d'y réfléchir plus longtemps et se concentra sur le reste de ses sensations.
Il avait été soigné. Ses douleurs s'étaient amoindries, mais persistaient par endroit. Il pouvait bouger le bout de ses doigts et les vêtements qu'il portait ne collaient pas à ses blessures. Il se sentait bien moins faible que lors de son séjour à la prison sorcière. Il comprit qu'il avait été nourri correctement, d'une façon ou d'une autre. Il était hydraté, il le sentait à l'absence de brûlure au fond de sa gorge. Il fut déstabilisé de ne pas sentir son ventre crier famine. C'était si inhabituel. Il réalisa alors qu'il n'aurait probablement plus à ressentir une telle chose.
Il tenta de se redresser pour faire un état des lieux de la pièce dans laquelle il se trouvait, mais en fut incapable. Les blessures de son dos lui rappelèrent qu'il n'était pas assez en forme pour cela. Il gémit de douleur. Un son qui se rapprochait plus d'un couinement.
Il se contenta donc d'observer la chambre de là où il était, le cœur battant alors qu'il découvrait la beauté du lieu. Tout lui semblait magnifique comparé à la prison. Plus de noir, de gris et de saleté.
Le plafond était peint d'une couleur crème. Il y avait un abat-jour blanc. Les murs étaient légèrement plus clairs. À sa droite, il put distinguer le haut d'une large fenêtre qui semblait donner sur de la campagne, mais aussi des montagnes, d'après ce qu'il put voir. Les carreaux – au nombre de deux d'après son décompte – étaient encadrés par deux rideaux blancs. Une porte en bois foncé se trouvait en face de lui.
Sa position allongée l'empêcha de voir quoi que ce soit d'autre. S'il en fut déçu, il ne fit rien pour satisfaire sa curiosité.
La chambre semblait plutôt grande et bien décorée, du moins, c'était ce qu'il imaginait.
Il leva les mains jusqu'à son visage et remarqua que quelques pansements entouraient ses phalanges et l'intérieur de ses paumes. Il ne s'était pas trompé.
On avait pris soin de lui. Il imaginait parfaitement Blaise et Pansy utiliser leur peu de connaissances en médicomagie pour cela, lui tirant presque un sourire. Les larmes lui montèrent aux yeux, bien qu'il tenta de les retenir.
Lui qui n'avait pratiquement pas pleuré depuis des années, se retrouvait bien ému.
Il laissa vivement retomber ses mains sur le matelas en entendant des pas dans sa direction.
Son cœur rata un battement. Quelqu'un venait vers lui. Il sentit une goutte de sueur se former sur sa tempe.
Et si tout ça n'avait été qu'un piège ? Et si celui qui était venu le chercher n'était pas Blaise ? Et si on l'avait amené ici pour continuer de le torturer ? Pour lui faire payer ses actes passés ? Après tout, écarté d'Azkaban, personne ne pourrait venir le secourir, personne ne le retrouverait jamais.
Cela ne pouvait être que ça. On lui voulait du mal. On l'avait piégé. Granger n'aurait jamais accepté de l'aider. Personne ne pouvait accepter une telle chose. On allait le tuer.
La porte s'ouvrit et Drago se demanda comment son corps faisait pour ne pas s'évanouir.
Alors que les pas s'approchaient, il croisa le regard couleur whisky de Granger, le même que dans ses souvenirs flous. Cette couleur si significative.
Il sursauta violemment lorsqu'un bruit fracassant de vaisselle se fit entendre. Granger semblait sous le choc. Tout autant que lui.
Ils restèrent ainsi de longues secondes, les yeux dans les yeux, complètement immobiles.
Drago entendait son sang battre à ses oreilles. Il était – comme toujours – en position de faiblesse. Il ne pouvait même pas se lever. Il n'osait pas faire le moindre mouvement. C'était son seul moyen de défense, celui dont il s'était servi pendant des années. S'il ne montrait ni faiblesse ni agressivité, les conséquences se révélaient toujours meilleures. Tout était une question de survie.
Mais Granger ne semblait pas prête à bouger non plus, ce qui le rassura, d'une certaine manière.
Si elle avait voulu le tuer, elle serait déjà passée à l'action, n'est-ce pas ? Et puis, quel genre de bourreau s'immobilisait ainsi devant ses victimes avant de passer à l'action de toute façon ?
Il vit les lèvres de la jeune femme commencer à trembler. Elle semblait tout aussi perturbée que lui.
Devait-il dire quelque chose ? Faire quelque chose ? Il n'était pas certain d'en être capable. Le simple fait de lever ses bras lui avait demandé un effort.
Si, lors de son séjour en prison, son corps s'était adapté à ses blessures et sa faiblesse pour se mettre quand même en mouvement, ce n'était visiblement plus le cas. Il ne savait pas combien de temps il avait dormi, mais son corps avait perdu tout son tonus.
Finalement, après ce qu'il lui parut être une éternité, Granger se baissa – sortant alors de son champ de vision – et il put entendre de nouveau des bruits de vaisselle. Il supposa qu'elle ramassait ce qu'elle avait fait tomber.
Elle se releva une minute plus tard et avança vers lui sans le regarder, sans un mot. Il serra les mâchoires pour s'empêcher de trembler à son approche. Tous ses membres lui criaient de fuir, de se protéger. Tout, sauf rester immobile ainsi.
Il tourna la tête pour la suivre du regard du mieux qu'il le pouvait. Il la vit sortir sa baguette et cette fois, fut incapable de s'empêcher de réagir. Il s'écarta vivement, le faisant gémir de douleur à ce soudain mouvement. Il était de l'autre côté du lit, blotti dos à elle, recroquevillé sur lui-même.
Sa respiration était erratique. Il avait eu raison, elle lui voulait du mal. Elle allait le blesser.
Il l'entendit s'immobiliser et serra fermement les paupières.
Il y était. Il allait mourir. Il se sentait déjà partir et se vider de son sang. Elle lui avait jeté un sort, c'était certain. Sa tête tournait et il voyait flou.
– Malefoy ! entendit-il avant de sombrer.
Décidément, son corps ne cessait de lui faire défaut.
oOo
Hermione tournait en rond dans la chambre, jetant inlassablement des regards au corps inanimé et ensanglanté de Malefoy. Elle paniquait. Elle n'avait aucune idée de quoi faire.
Elle avait lu dans ses yeux une telle peur qu'elle s'était figée. Il avait eu peur d'elle et de sa baguette. Avait-elle fait quelque chose de mal ? Avait-elle donné l'impression de lui vouloir du mal ?
Son cœur battait la chamade. Elle ne voulait pas gérer ça. Elle ne pouvait pas.
Comment pourrait-elle se permettre de s'occuper de quelqu'un dans un état similaire au sien ? Elle-même avait sursauté lorsque Zabini avait dégainé sa baguette deux jours plus tôt. Elle avait commis une erreur. Elle n'aurait jamais dû accepter.
Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas.
Des larmes s'écoulèrent de ses yeux, ses dents s'entrechoquaient au rythme de son cœur et elle avait placé ses mains sur son crâne, les mêlant à ses cheveux.
Elle ne savait pas quoi faire.
Devait-elle appeler quelqu'un ? Harry ? Zabini ?
Oui. Zabini. Il lui avait dit de l'appeler lorsque Malefoy se réveillerait. Elle allait faire ça. Elle lui expliquerait qu'elle ne pouvait pas s'occuper de Malefoy, qu'il fallait qu'il aille autre part. Elle ne pouvait pas gérer ça. Elle ne pouvait pas.
Elle quitta la chambre en courant, sans un dernier regard pour le corps dégoulinant de sang de Malefoy. Elle n'y pensait déjà plus.
Appeler Zabini.
C'était son objectif. Elle ne pouvait penser à rien d'autre.
Albert était revenu à l'intérieur et commença à aboyer en la voyant s'agiter autant, mais elle ne réagit pas. Elle se précipita vers la cheminée et s'agenouilla devant.
Elle se figea. Et maintenant ? Que devait-elle faire ?
L'adresse. Oui. L'adresse.
– Appartement Zabini, 16, rue Dorset Garden, Brighton, s'exclama-t-elle en lançant de la poudre de cheminette dans le feu.
Elle posa une main par terre pour éviter de s'écrouler au sol.
Les flammes étaient devenues vertes et elle y braqua son regard pour rester concentrée.
Une seconde plus tard, le visage de Pansy Zabini apparaissait.
– Granger ? Un problème avec Drago ? s'inquiéta-t-elle aussitôt.
Après tout, elle ne pouvait pas imaginer d'autres explications, n'est-ce pas ?
– Il est réveillé, vous devez venir. Vite, déclara-t-elle d'une voix neutre, presque automatique.
C'était comme si elle avait appris sa phrase par cœur. Ce qui n'était pas tout à fait faux. Un automate réglé précautionneusement pour ne pas divaguer. Pas de pensées parasites. Pas d'inquiétude. Pas de douleur. Pas de sensations.
La connexion se coupa aussitôt et Hermione se traîna jusqu'au fauteuil le plus proche. Elle éclata en sanglots. Comment allait-elle s'en sortir ? Pourquoi avait-elle accepté ? Comment avait-elle pu imaginer que cela puisse fonctionner ?
Albert vint se frotter à ses jambes, le regard triste, mais elle n'y prêta pas attention. Elle était ailleurs, complètement perdue. L'automate était éteint. Ses ruminations revenaient en force.
Une minute plus tard, le couple Zabini apparaissait dans les flammes. Le regard de Blaise était paniqué. Pansy semblait plus calme, plus sérieuse.
– Où est-il, Granger ? s'exclama aussitôt le Serpentard, en s'approchant d'elle.
Elle déglutit, incapable de répondre.
– Où est-il ?!
Elle était complètement pétrifiée, le regard terrifié. Elle éclata à nouveau en sanglots, incapable de prononcer le moindre mot. Elle était complètement paniquée. Ses mâchoires tremblaient, les larmes coulaient sur ses joues et le bruit de ses pleurs l'empêchait d'entendre quoi que ce soit.
– Blaise, chéri, calme-toi. Tu vois bien qu'elle…
– Granger, où est Drago ? répéta-t-il sans écouter sa femme, en posant ses mains sur les épaules d'Hermione.
Elle gémit en essayant de se retirer de sa prise. En vain..
– Par Salazar, Blaise, écarte-toi ! Tu vois bien qu'elle n'est pas dans son état normal ! s'exclama Pansy en poussant son mari. Va voir dans la chambre où nous l'avons déposé, je doute qu'il ait bougé.
Il n'attendit pas une seule seconde de plus, ni ne s'excusa, et fonça à l'étage. Pansy prit sa place et s'agenouilla devant Hermione, en attrapant ses mains au passage.
– Granger, l'appela-t-elle une première fois pour capter son regard. Granger, concentre-toi sur ma voix. Voilà, comme ça, très bien. Regarde-moi. Tout va bien, respire. Cale ta respiration sur la mienne.
Hermione faisait de son mieux pour calmer son rythme respiratoire, mais avait le sentiment que tout son monde éclatait en mille morceaux. C'était comme si le château de cartes qu'elle avait enfin réussi à construire après des années de travail venait de s'écrouler.
Elle tentait de focaliser son attention sur le contact physique avec les mains de Pansy. La seule chose qui la liait au monde réel.
– Respire, tout va bien, Granger. Tu n'es pas toute seule. Est-ce que tu veux que nous allions prendre l'air ?
Hermione hocha la tête lentement. Ses larmes s'étaient taries, mais elle avait chaud. Elle se contentait de suivre les conseils de Pansy. Elle ne parvenait pas à réfléchir à autre chose. Elle attrapait la première main tendue qu'elle voyait au fond de son puits sombre.
Pansy la tira par les avant-bras et l'aida à se relever. Elles marchèrent doucement, bras dessus bras dessous, jusqu'à la porte d'entrée.
L'air frais lui fit plus de bien qu'elle ne l'aurait pensé. Il venait aérer son esprit, balayant petit à petit ses pensées négatives.
Pansy lui proposa de s'asseoir, mais elle préféra marcher. Elle décida de lui faire visiter l'écurie. Elles n'étaient peut-être pas amies, mais Hermione avait besoin de se changer les idées. Radicalement.
Héra sembla apprécier Pansy, ce qui ne l'étonna pas tant que ça. Si elle n'était pas spécialiste en chevaux, elle avait tout de même remarqué que les caractères des deux équidés étaient strictement différents. Et la femelle était bien plus fière que son compagnon.
Alors qu'elle entrait dans le box d'Arès pour le brosser, Hermione se fit la réflexion que Pansy avait réussi à la calmer. C'était rare que qui que ce soit puisse y parvenir. Habituellement, seuls ses philtres calmants étaient efficaces.
– Il faut que vous repartiez avec lui, lança Hermione en caressant la tête d'Arès.
Elle ne regarda pas Pansy en parlant. Elle n'osait pas affronter son jugement. Elle préférait presque l'ignorer, comme l'égoïste qu'elle se pensait être.
Elle l'entendit simplement arrêter de brosser Héra.
– Nous n'avons pas le droit, tu en es consciente ? Drago ne peut pas retourner en Angleterre, répondit-elle froidement.
Sa voix avait drastiquement changé. Elle n'était plus aussi douce que lorsqu'elle avait été à ses côtés pour la calmer.
Hermione pouvait le comprendre mais, encore une fois, décida de l'ignorer. Tant pis. Ce n'était plus son problème. Elle ne voulait pas que cela le soit.
– Amenez-le chez Nott, enchaîna-t-elle.
– Granger…
– Il ne peut pas rester ici, la coupa-t-elle d'une voix tremblante. J'ai commis une erreur. Il faut qu'il s'en aille.
– C'est impossible, Granger, répondit Pansy en apparaissant dans son champ de vision, derrière la porte du box d'Arès. Tu t'es engagée, tu ne peux pas retourner en arrière. Il doit vivre chez toi.
– Nous trouverons une solution. Il y en a forcément une ! Il faut que nous cherchions, il faut que…
Elle éclata en sanglots au milieu de sa phrase. Elle ne savait plus quoi faire. Elle voulait qu'il s'en aille. Elle ne pourrait pas supporter ça plus longtemps. Elle avait eu l'espoir que cela fonctionne, qu'elle puisse gérer la situation malgré tout. Elle pensait être assez remise pour pouvoir supporter une autre présence.
Elle s'était lourdement trompée.
Il était de trop. Il n'avait rien à faire là. Elle ne pouvait pas s'occuper de lui. Elle ne pouvait pas vivre avec une autre présence que celle d'Albert. C'était bien trop.
– Granger, écoute-moi, regarde-moi, lui dit Pansy en posant ses mains sur ses épaules pour la placer face à elle.
Elle ne voulait pas la regarder. Elle ne voulait pas être rassurée. Elle voulait être seule.
Pansy l'attrapa par le menton pour qu'elle la regarde.
– Tu peux surmonter ça, Granger. Tu n'es pas toute seule. Potter est là, il viendra bientôt te rendre visite. Drago non plus n'est pas seul, nous sommes tous là pour le soutenir. Tu n'es pas seule à t'en occuper. Tu n'as même pas besoin de le faire. Blaise et moi allons le faire.
Hermione secouait la tête sans arrêt. Elle ne voulait pas de ça. Il devait s'en aller. Elle voulait retrouver ses marques chez elle. Des larmes continuaient de couler sur ses joues.
– Tu ne peux pas te laisser sombrer, Granger. Nous ne te laisserons pas faire. Tu vas reprendre ton travail à la librairie lundi, tu pourras reprendre tes habitudes, tu vas pouvoir être tranquille là-bas, d'accord ? Drago va finir par se remettre de ses blessures et il sera autonome. Tu n'auras rien à faire, tu comprends ? Tu comprends, Granger ? répéta-t-elle.
Hermione hocha la tête, bien que peu convaincue. Elle n'arrivait pas à imaginer que les choses puissent bien se passer alors que le simple fait de croiser le regard de Malefoy l'avait mise dans tous ses états. C'était impossible. Insurmontable.
– Comment as-tu fait pour aller travailler alors que tu n'étais pas capable de sortir de chez toi ? Hein ?
– Je ne sais pas, murmura Hermione entre ses sanglots étouffés.
– Tu as pris sur toi, tu t'es battue. Les choses ne sont pas faites du jour au lendemain, mais tu y es arrivée, non ?
Elle hocha la tête.
– Tu crois être la seule à avoir du mal à vivre normalement ? Tu crois être la seule à ne pas réussir à sortir de chez toi sans paniquer au moindre bruit ? Breaking news, non, tu ne l'es pas ! Nous sommes tous pareils, Granger. Mais nous, nous nous battons. Nous ne restons pas immobiles à rien faire et à nous attrister sur notre propre sort, on se bat et on se bouge le cul. Blaise n'aurait jamais réussi à travailler s'il n'avait pas eu pour objectif de faire sortir Théo et Drago de prison. Pareil pour Potter. Ils se sont battus.
– Je ne veux pas me battre. Je ne veux plus me battre, pleura Hermione en se détachant des mains de Pansy pour lui tourner le dos.
– N'as-tu pas de rêve, Granger ? Quelque chose qui t'anime ? Qui te donne envie de continuer ?
Hermione secoua la tête, incapable de répondre à ses questions.
– Alors pourquoi es-tu toujours là ? Pourquoi ne t'es-tu pas jeté un sort pour en finir ? Hein ?
Hermione ne répondit pas. Personne n'avait jamais été si brusque avec elle. Elle n'en revenait pas qu'elle puisse être si violente dans ses mots. Les larmes coulèrent silencieusement sur ses joues.
– Je vais répondre à ta place. Tu n'es toujours pas morte et enterrée parce que tu sais que tu vaux mieux que ça, que tu es capable de faire quelque chose de ta putain de vie, Granger, continua Pansy. Tu as envie de faire quelque chose de ta putain de vie. Tu crois que Potter et Blaise ne m'ont pas raconté toutes les fois où tu as juré ne plus avoir envie d'aider qui que ce soit ? Qui essaies-tu de convaincre en disant ça ? Toi-même ou les autres ?
Hermione serra les poings et les paupières, sanglotant silencieusement.
– La ferme, gronda-t-elle à voix basse.
– Non, Granger. Parce que tu as besoin de l'entendre. Je ne suis pas comme Potter ou comme mon mari. Je ne vais pas simplement attendre que tu décides d'aller mieux pour t'en demander plus. Je ne vais pas attendre dix putain d'années pour que tu ouvres les yeux !
– Je vais mieux, répliqua Hermione d'un ton incertain.
– Ah bon ? Tu es sûre de ça ? Tu peux rester habiter avec Drago, alors, n'est-ce pas ? fit sarcastiquement Pansy.
Hermione baissa la tête, se sentant impuissante. Elle ne répondit pas. Elle savait que c'était inutile.
– C'est bien ce que je pensais. Tu es tout aussi consciente que moi que tu fonces dans le mur, Granger. Et tu ne vas pas t'en sortir comme ça.
– Qui te dit que j'ai envie de m'en sortir ? gronda Hermione entre ses dents.
– Personne, en effet. Il n'y a que toi qui peux le savoir. Mais pose-toi les bonnes questions. Quand tu auras décidé que tu vaux bien mieux que ça et que tu as envie de vraiment t'en sortir, tu sais comment me contacter.
Hermione entendit des pas s'approcher d'elle et se recroquevilla sur elle-même en sursautant. Elle vit alors Pansy la dépasser pour quitter l'écurie en secouant la tête.
Pose-toi les bonnes questions.
Hermione se laissa glisser contre le mur extérieur du box et se prit la tête dans les mains, libérant ses sanglots retenus.
Et voilà pour aujourd'hui ! Merci à Kat, Lyra, Damelith, BBTea, Genny et Akhmaleone pour leur aide et soutien !
On se retrouve mercredi 16/11 pour la suite !
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