11/11/22 NDA : Bonsoir Bonsoir, pardon pour ces presque deux ans d'attente, j'espère que vous êtes toujours là ? Sinon, je ne vous en tiendrais pas rigueur, c'est assez compréhensible.
Merci à Plume de Nostalgie pour sa review de l'année dernière, c'est ce qui m'a motivé à écrire à nouveau ici.
Je ne promets pas de poster le mois suivant, parce que tout est incertain, mais je ferais au mieux. L'avantage, c'est que je sais où je vais avec cette histoire, j'ai juste besoin d'un coup de pied aux fesses !
Bonne lecture !
6 - Hard to get love
Voilà maintenant trois jours que la partie de chasse avait eu lieu, et Agnèle ne cessait de faire des remarques désobligeantes au sujet d'Edmund et de sa violence. Au début, les monarques d'Archenland avait tenté de la faire taire par des remontrances, bientôt suivit du grand roi de Narnia, et sa sœur ainée. Mais ce n'était nul autre que le juste, qui les avait apaisés. Disant que cette affaire touchait le domaine privé, et que, par conséquent, cela ne regardait que les futurs époux.
Le jeune homme avait espéré obtenir un peu de compassion de la part de la princesse, et peut-être un dialogue, mais il avait rapidement déchanté. Car le soutien qu'il avait apporté n'avait fait qu'empirer les choses. À présent, elle le raillait sur son incapacité à se défendre seul, et sa fierté remise en cause par tous. Inutile de dire que le roi Edmund se demandait s'il n'avait pas rêvé cet instant de détresse, aperçu lors du banquet.
Agnèle de son coté, menait la vie dure à quiconque lui ordonnait quelque chose. Chaque fois qu'on lui portait une robe particulière, elle mettait un point d'honneur à ne pas la porter, et en choisir une à l'opposé de celle-ci. Dès qu'on lui amenait quelques collations pour un rendez-vous en compagnie d'Edmund, elle renvoyait les servantes - bien que toujours gentiment - en leur disant de manger à sa place, et qu'elle n'avait pas faim. Et bien sûr, lors des repas, elle s'imbibait plus d'hydromel qu'elle ne mangeait.
Les deux sœurs du futur époux ne comprenait pas comment elle pouvait être à la fois aussi polie, et désobligeante. Comme si elle était une autre personne. Et alors, elles craignaient pour le bal qui scellerait les fiançailles des deux. Beaucoup de nobles de leurs royaumes étaient invités à Cair Paravel afin de célébrer l'évènement, et Agnèle allait certainement faire un esclandre public, comme elle le faisait depuis son arrivée. Cela aurait de lourdes conséquences sur la politique entre eux tous. Et le fait qu'Edmund leur demande de laisser faire était incompréhensible, à moins qu'il ne veuille la laisser saboter l'alliance ?
En cet instant, perchée sur le balcon de leur salon privé, les deux sœurs royales contemplaient la future épouse aller et venir dans les jardins, elle semblait errer au milieu des fleurs, presque triste de son sort. Ce fut Susan qui prit la parole en première :
« Elle qui semble si douce et mélancolique dans l'heure, c'est incroyable qu'elle puisse être aussi vil en public. »
« Peut-être cache-t-elle un secret ? » Proposa Lucie.
« Comme nous tous, je le crains… » Acheva Susan.
oOoOoOo
La princesse en question avait décidé de se perdre en ce jour radieux. Mais à ses yeux, cette journée était bien plus que la veille du bal annonçant ses fiançailles. Voilà deux ans qu'elle avait compris être tombée amoureuse de son bienfaiteur. Le porteur du lys lui avait, l'année suivante, annoncé ne pas pouvoir la recroiser lors des festivités de sa majesté, mais que toutes ses pensées étaient dirigées vers elle. Il avait dit qu'elle lui manquait, et que son rire était un feu chaleureux en plein hiver.
Ce rappel produit exactement le même effet. Son cœur s'embrasa tout entier, tandis qu'elle contemplait les buissons fleuris en forme de lions. Mais elle n'avait que faire de la représentation d'Aslan. Edward lui manquait, ses lettres aussi, qu'elle savait, n'arriveraient plus jamais à la trouver. Une larme mesquine roula sur sa joue.
Mais ce fut l'apparition d'un mouchoir devant son visage qui la choqua plus qu'autre chose. Un faune assez grand lui faisait face, au pelage brun et à la tignasse frisée, portant une écharpe en guise de seul vêtement.
« Votre majesté. » La princesse rosit, mais salua le faune, avant de se saisir du bien qu'il lui tendît pour venir tamponner sa joue.
« Merci, Monsieur Tumnus. »
« Ne me remerciez pas… C'est tout à fait normal. J'ai pour habitude de dire que le sourire va mieux aux princesses, mais ce serait présomptueux de vous demander de sourire en de telles circonstances… »
« C'est aimable de vous en apercevoir… » répondit-elle en détournant le regard.
« Puis-je demander ce qui vous tourmente autant… ? Vous n'êtes point forcée de répondre, mais s'il m'est possible de vous apporter une quelconque aide, j'aimerais le savoir… »
« Vous êtes un sujet dévoué… Monsieur Tumnus. Mais non, il n'y a rien à faire… » Le faune comprit que le tourment venait des noces en elle-même, et soupira.
Il changea alors de sujet, afin d'éviter de pousser la princesse dans de telles morosités. « Dites-moi, avez-vous réagi ainsi à cette partie de chasse à cause de la légende ? »
La dame aux yeux turquoise leva un sourcil perplexe qui vint se perdre dans sa chevelure d'or. Elle répéta, hébétée :
« La légende ? » Le faune hocha la tête avec un sourire très doux, et ses yeux de conteurs brillèrent d'attention.
« Oui. Que la biche dorée, contrairement au cerf blanc, n'est pas un animal comme les autres, mais une déesse se changeant en biche, afin de profiter de la liberté loin du labeur de divinité ? »
Agnèle se mordit la lèvre inférieure sans même s'en rendre compte, et ses yeux se perdirent soudainement dans le vide, après avoir entendu une telle chose. Une légende sur sa lignée… Il ne fallait pas que ça puisse être entendu ailleurs. « Je ne connaissais pas cette histoire. Mais elle semble un peu tirée par les cheveux, vous ne pensez pas ? Hormis Aslan, il n'existe pas d'autre dieu. »
La discussion se poursuivit, plus légère encore, sur les contes et légendes de Narnia, sur les roseraies tout autour d'eux. Ils parlèrent des divers serviteurs sur place, les quelques faunes qui voyaient en Tumnus un rival dans l'affection de la jeune reine, ou encore les servantes qui perpétuaient de nombreux commérages sur les romances de la noblesse de passage.
Le faune fut une réelle bouffée d'air, pour cette journée qui menaçait d'être terrible. Hélas, ce dernier devait retourner prendre ses fonctions de conseiller, et il laissa la princesse à l'entrée du palais de Cair Paravel.
Agnèle ne tarda pas à rejoindre ses appartements d'un pas digne et mesuré, cependant, cela n'avait aucun aspect royal, seulement un but précis. Ne pas souffrir de sa démarche. Mais une fois dans son antre, elle appela ses domestiques. Asilys et Thoumet passèrent sa porte, toujours aussi bien mise quoique fatiguées d'avoir veillé sur leur maitresse jusque-là chaque nuit.
« Mes chères naïades, nous avons du pain sur la planche. » Les deux se regardèrent avant que Thoumet ne prenne la parole.
« Pour quoi faire, votre majesté ? Désirez-vous changer de tenue ? »
Mais agnèle secoua la tête, et commença à longer le bord du lit dans une tentative de faire les cent pas sans douleur.
« Non. Nous devons trouver la bibliothèque de Cair Paravel. » Annonça l'archelandaise.
« Mais ? Vous désirez un livre ? Je peux vous le faire mander votre… » Mais la princesse coupa la naïade.
« Non. Je ne veux pas d'un livre, je veux tous les livres traitant de la légende de la biche dorée, et les faire disparaître. » La panique se lu alors dans les yeux des deux sœurs.
« Quelqu'un sait pour vous… ? »
« Je l'ignore, mais le faune, Mr Tumnus, il connaît la légende, je ne peux pas me permettre d'être découverte. Personne ne doit savoir, ni même pouvoir faire des recherches. »
Les naïades se regardèrent de nouveau, avant de soupirer. Décidément, leur venue ici n'apportaient rien de bon. Thoumet s'avança finalement vers la princesse, et vint poser une main rassurante sur le bras drapé de soie de sa maitresse.
« Je vais essayer de trouver la bibliothèque, Asilys restera à vos côtés pour que vous puissiez paraître naturelle. Je vous aviserai de mes découvertes et nous récupèreront les preuves de la légende. D'accord ? »
Agnèle hocha la tête, hélas, elle n'était pas totalement rassurée par l'annonce de sa dame de compagnie.
« Sois prudente, alors. Ne laisse personne te voir. » Thoumet acquiesça, avant de devenir aussi translucide que la rivière qui l'avait vu naître, et elle disparue ensuite par la fente juste sous la porte.
oOoOoOo
Elle était prête.
Sa tenue, resplendissante, était aux couleurs d'Archenland. Composées de plusieurs voiles vert émeraude et saphirs, elle s'attachait à son cou et dévoilait ses épaules en s'y retenant par des perles et des fleurs réelles… Elle avait aussi des voiles attachés à ses bras et descendants, translucides, jusqu'à ses hanches de manière échancrée. Tout son buste était cependant décoré de fines perles d'argent et de fleurs. L'ensemble déjà long à l'avant – il couvrait ses pieds - pouvait être encore plus incroyable une fois les attaches perlées de sa taille défaite… Puisqu'une longue traine était prévue, bien qu'attachée à ses hanches.
Asilys tressa des rubans, des feuilles de lierre, et des brins de fleurs dans les cheveux de la princesse, avant d'en faire un chignon fleurit, et de laisser quelques mèches glisser le long de sa nuque et sur ses épaules. Et au creux de son corsage, se cachait la chaîne d'or avec l'alliance qu'elle avait dû refuser. Incapable de la quitter, Agnèle s'était contentée d'allonger la chaine de quelques maillons afin que personne ne puisse la voir pour autant.
Accompagnée de la naïade, elle quitta ses appartements pour se rendre en salle du trône afin d'accueillir les invités en compagnie des rois et reines. Les lieux avaient été réaménagés de sorte à permettre aux six rois et reines présents de se tenir assis lors du défilé de convives. La princesse, par ses fiançailles trop récentes, n'était pas encore considérée comme consort, ni même reine, et se devrait donc de tenir debout.
Le convoi si particulier arriva bien sûr, avant que les grandes portes ne soient ouvertes aux invités. Et le long de l'allée, on relâcha la traine bleue et verte, qui se distingua sur le long tapis central. Les monarques, qui étaient en grande discussion, cessèrent de parler pour la voir approcher.
Un raclement de gorge se fit entendre, avant le grand Roi Peter ne prenne la parole.
« Vous êtes ravissante, Princesse. » Mais tout ce qu'il reçut en retour, fut un regard noir.
En parallèle, Edmund étira un léger sourire. Sa promise, qui venait alors d'arriver jusqu'à son siège, ne semblait vraiment pas apprécier son ainé. Et, étrangement, ça le rassurait. Quelqu'un qui ne boira pas aveuglément les paroles de Peter était capable de réflexion propre. Même si cette personne l'agressait verbalement quasiment à chaque fois qu'il engageait la conversation.
Le brun couronné soupira, et ouvrit la bouche, pour proposer à la dame d'utiliser son accoudoir pour se reposer, mais le regard colérique lui fut attribué avant même qu'il ne prononce un mot.
Il referma la bouche, dépité.
Ainsi, elle se tenait droite, aux côtés de son futur époux, dont le séant était posé sur l'un des grands trônes de la salle. Agnèle n'avait pas cillé, même lorsque les premiers invités avaient déferlé dans la grande salle. On faisait s'incliner les nobles les uns après les autres devant les six trônes, tandis que la princesse rendait les révérences, toujours avec grâce.
Entre deux arrivages de comtes, Edmund se permit de tourner la tête pour apercevoir sa promise, à sa droite. Elle était fière, le port altier, mais il voyait qu'elle tremblait par instants, comme souffrante. Naturellement, cette vision le ramena à ce qu'il s'était produit dans les appartements de cette dernière. Ce qu'il avait appris n'était pas anodin. La princesse s'était mêlée à leur chasse et était revenue blessée. Tenir debout, ainsi vêtue, devait être une véritable torture.
« Princesse… ? » Hésita-t-il une première fois. Pas de réponse. Il réitéra. « Princesse Agnèle ? » Toujours rien. Le Juste se pencha alors en avant, prêt à tendre la main vers sa Promise, lorsqu'elle tourna brutalement la tête vers lui.
« Que faites-vous ? » Le ton employé fit descendre la température du hall de quelques degrés.
« Je… Je voulais vous interpeller. » Bégaya Edmund, ayant perdu ses moyens devant un tel regard furibond.
« Pourquoi ? » Il cligna des yeux.
« Je l'avais déjà fait, mais vous n'aviez pas entendu mon appel. » La réponse ne se fit pas attendre.
« Oh j'avais très bien entendu. » Et si le ton resta polaire, un rictus se dessina sur les lèvres de la princesse, qui poursuivi. « Je n'avais pas envie de vous répondre. C'est tout. » Edmund fut soufflé par autant de répondant.
Où était passée la frêle Agnèle qui souffrait de fièvre et réclamait son amour ? Etait-elle si haineuse qu'elle déversait son venin sur quiconque n'était pas l'homme qu'elle avait choisi ? Il comprenait mais… Tout de même. Ils étaient dans le même pétrin, pourquoi ne pouvait-elle pas se rendre un tout petit peu plus aimable ?
Il ne comprit que plus tard, lorsque la famille Druitt s'approcha pour offrir ses hommages aux monarques.
L'héritier, le vicomte Arnold Druitt, un homme dans la trentaine, blond aux yeux bleus, et musclés comme un roc, s'inclina devant eux tous, sauf la princesse, à laquelle il réserva un baisemain, comme si elle lui était inférieure mais plus coquette. Il étira ensuite un sourire amusé.
« Miss, je suis ravi de voir qu'on vous a enfin imposé ce qui sied aux femmes de votre rang. Être belle et se taire. La leçon que vous sembliez avoir du mal à retenir, lorsque nous étions encore en Archeland. » Edmund n'apprécia pas du tout cet énergumène, et la fureur qu'il vit dans le regard de sa future épouse lui fit bien comprendre qu'il y avait un passif entre ces deux-là.
L'air carnassier que le vicomte avait posé sur Agnèle le dérangea. Elle était humaine, et de sang royal, qui plus est. La regarder ainsi était un outrage ! Si son frère et ses sœurs ne dirent rien, probablement peu soucieux de se mêler de telles histoires, lui, ne put rester bras croisés.
Edmund se leva.
La main gantée qui tenait encore celle, tremblante, d'Agnèle, fut retirée vivement par une autre, au teint doré, alors que le roi prenait avec douceur celle de sa promise et la rabaissait entre eux.
« Je pense, Vicomte, que vous apprécierai les feux d'artifices. Pourquoi ne pas d'ores et déjà sortir pour vous trouver un point de vue, avant que d'autres n'aient cette idée ? »
« Votre maj… » Mais le roi le coupa.
« Allez-y. » C'était un ordre, à n'en pas douter, et le vicomte fut obligé de s'incliner, cette fois, devant Agnèle, avant de reculer, obligeant sa vieille mère, et ses jeunes frères, à suivre. L'impensable se produisit ensuite.
Agnèle fut assise sur le trône du Juste, à la place de ce dernier, tandis qu'il prenait place sur l'accoudoir de gauche, de sorte de tourner le dos à son frère ainé. Le tout sous les yeux des convives et des rois présents.
La douce se pencha alors sur sa jeune sœur, et murmura quelques mots.
« Ai-je raté quelque chose ? Un chapitre entre ces deux-là ? » Mais Lucie secoua la tête, aussi abasourdie que sa sœur.
« Je n'en ai pas la moindre idée. Mais il semblerait qu'Edmund ait véritablement décidé de protéger sa promise de tout ennemi probable. » Susan sembla réfléchir, avant d'étirer un très léger sourire.
« Peut-être est-il en train d'oublier cette autre femme dont il s'était éprit. » Ce serait bon pour tous. Mais une fois encore, la jeune reine secoua la tête.
« Non. Je ne pense pas. Il semble plutôt… à la poursuite d'un mystère dont la princesse serait la clef. »
Susan souffla avant de reprendre sa position initiale, soit un coude apposé sur le bord du trône pour faire signe aux invités de s'avancer. Lucie, en parallèle, lança un regard en direction de son ami faune et conseiller, à sa gauche.
Tumnus s'éclipsa de sa vue par l'arrière, et on le retrouva, quelques instants plus tard, de l'autre côté de l'estrade, vers le futur couple. Ce n'était pas gentil d'espionner, mais la vaillante cherchait à comprendre ce qu'il se passait dans son palais.
Elle seule se souvenait du bal qui avait permis à son frère de rencontrer la femme dont il était tombé amoureux, et elle savait aussi que, comme chacun d'entre eux, il ne pourrait aimer qu'une seule personne, à tout jamais. Pour autant, ce qui la dérangeait, ce n'était pas son nouvel attrait pour cette princesse archelandaise, c'était cette dernière.
Qu'Agnèle cache un secret, c'était plus qu'évident. Mais elle avait repéré son attitude étrange, et les fleurs ne masquaient pas totalement l'odeur du sang. Sans compter cette présence légèrement surnaturelle, propre aux narniens, qu'elle dégageait.
La princesse Agnèle n'était pas uniquement ce qu'elle prétendait être. Et quelque chose, dans ses manières et son langage, lui donnait cette impression de Déjà Vu.
Ce qui n'était pas normal du tout.
