Atsushi devait être en train de rêver.

— Je connais bien des manières de surprendre les inconscients, coula l'extraordinaire inconnu, comme pour combler le mutisme qui frappait désormais Atsushi.

Sans crier gare, le dragon devenu homme se redressa, et, abandonnant son trône de pierre, il se déshabilla et glissa dans l'eau.

Prudent, il se fit une place à une distance raisonnable de l'occupant qui s'y réchauffait.

— Q-Qu'est-ce que tu es ? glapit Atsushi au prix de terribles efforts.

— Je suis le nouveau gardien des chambres froides et des portions de terre sur lesquelles elles se trouvent.

Cette réponse n'offrait qu'un fragment d'explication.

Kuroko l'avait pourtant souligné quelques semaines plus tôt : les chambres froides se trouvaient à plusieurs lieues de la crevasse.

Seul l'arbre au pied duquel Atsushi déposait les offrandes pouvait relier le dragon à cette clairière, toutefois le végétal ne fut pas mentionné.

Incapable de se situer au milieu de cette étrange équation, Atsushi bégaya :

— Uh… Et qu'est-ce que j'ai à voir avec ça ?

— En dehors de ta tendance à fouiner ? Absolument rien.

Atsushi se renfrogna.

En le reléguant ainsi au rang des ordinaires ennuyeux, l'homme dragon soulignait l'insignifiance de leur rencontre.

Vexé par ce qu'il considérait être du dédain, Atsushi le dévisagea sans réserve, mû par la somme des interrogations soulevées par sa présence.

Là où la voix du dragon se voulait proche d'un écho, aussi léger et volatil qu'une pensée, sa forme humaine la rendait tangible, presque matérielle et veloutée.

Ses signatures sonores se distinguaient également grâce à la musicalité d'un accent étranger qui tranchait avec les nuances régionales.

Outre les impressions laissées par son timbre, l'homme demeurait aussi intimidant en forme humaine que sous sa forme serpentine.

D'apparence détendue, il était désormais adossé contre la paroi de pierre, tête rejetée en arrière et yeux clos.

Un modèle de sérénité.

Ses vêtements, étalés non loin, se présentaient comme intemporels, or les armoiries de son clan n'évoquaient rien de familier à Atsushi. Et, après la somme d'affronts que celui-ci venait d'accumuler, il devenait ardu de rassembler la matière nécessaire pour espérer obtenir l'identité, même partielle, de ce dragon anonyme.

Atsushi ressentait un léger malaise qui tiraillait à la fois son désir de fuite et l'envie de rester.

D'autres crevasses jalonnaient les environs, pourtant une fierté lamentable l'enjoignait à profiter de sa découverte, d'autant que l'homme dragon semblait prompt à la partager.

Aussi, Atsushi se résigna : à l'instar des bains publics, aucune obligation implicite ne les contraignait à s'adresser la parole, d'ailleurs, que l'apparition continue à le snober se voulait presque avantageux.

Accompagnés par les murmures sylvestres, les baigneurs profitèrent d'un silence inconfortable, avant que l'inconnu ne s'attache à l'ennuyer à nouveau :

— Après toutes ces visites et ta grande persévérance, je pensais que te montrerais plus curieux.

— Je viens seulement pour me baigner. Le reste m'intéresse pas, surtout si j'ai pas le droit d'en parler.

L'once de perspicacité déployée par Atsushi bouscula quelque peu son interlocuteur, lequel souhaitait conserver l'emprise qu'il détenait depuis plusieurs semaines.

— Tu apprends vite, or, il se pourrait que l'on ne soit amené à se recroiser. En ville, notamment.

— Urgh, j'ai déjà promis que je dirai rien. Tu veux quoi de plus ?

— Comment te nommes-tu ? sourit-il.

— Murasakibara Atsushi.

— Enchanté. Himuro Tatsuya.

Par défiance pure, Atsushi hésita à lui rétorquer qu'il se fichait bien d'une telle information, pourtant ce nom chatouillait sa mémoire indisciplinée.

Himuro.

S'il n'était pas le plus fervent visiteur des lieux de culte disséminés dans l'agglomération, Atsushi connaissait ce nom depuis son plus jeune âge.

— Uh, Himuro, comme le sanctuaire…, il se renfrogna aussitôt en se souvenant s'y être rendu environ trois jours avant qu'il n'aperçoive le dragon pour la première fois. Je me rappelle pas t'y avoir déjà vu.

Tatsuya opina en souriant.

— Toi peut-être, or pour ma part, je t'y ai déjà croisé.

— Pour me suivre jusqu'ici ensuite ?

— Bien sûr que non. Te retrouver ici n'était que le fruit du hasard. J'emprunte ce chemin presque tous les jours.

— Pour l'arbre.

— Indirectement, oui. Néanmoins, mes obligations se concentrent sur les chambres froides, le reste ne dépend pas de moi, mais de mon clan.

Atsushi feignit l'indifférence, Tatsuya creusa :

— D'après ce que j'ai pu comprendre, tu officies dans une pâtisserie ?

— Pourquoi tu t'intéresses à ça ?

— Tu viens fouiner ici. En dépit de mes nombreuses mises en garde tu as continué et tu t'offusques lorsque je fais preuve de la même curiosité en retour ?

— J'ai pas fouiné, je suis toujours venu dans le coin.

Tatsuya ne pouvait réfuter cette remarque, son arrivée encore fraiche faisait de lui un intrus venu troubler la paix des riverains installés de longue date.

Plein d'assurance, il reprit sur le même ton enjoué :

— J'arrête de te tourmenter si tu promets de continuer à apporter des offrandes.

— Ça ne sert plus à rien…

— Eh ?

— Je l'ai fait avec l'espoir qu'après ça, tu me laisses enfin tranquille.

Le jeune homme lui adressa un regard espiègle.

— C'était bien trop bon pour ne pas en réclamer à nouveau.

Malgré son teint écarlate, Atsushi éprouva un sursaut d'assurance et bredouilla :

— Uh, bien sûr que c'est super bon. Mais je peux pas sortir des produits dès que j'en ai envie. À force, on devra mettre la clé sous la porte.

— Je peux me contenter de rares occasions. À moins que tu n'apprécies lorsque l'eau gèle sur ton passage. Ça serait plutôt ennuyeux que cela se produise pendant que tu es aux bains publics, entouré par tes proches.

Atsushi lui lança un regard venimeux.

— Si tu fais ça ailleurs qu'ici, je t'anéantis. Que tu puisses prendre une autre forme n'y changera rien.

Soutenant son regard, Tatsuya se redressa lentement.

L'ampleur de sa témérité éclipsait désormais son gabarit.

En vérité, Atsushi brandissait une menace vaine.

Officiant dans les cuisines familiales depuis qu'il était en âge d'y vaquer, son unique expérience en terme d'anéantissement se résumait à la production hebdomadaire de mochi, préparation qui consistait à broyer du riz dans un mortier.

Amusé par l'évidente affabilité de l'immense jeune homme, Tatsuya lui retourna un sourire sobre aux sous-entendus terriblement limpides. Sans un bruit, il reprit sa place dans l'eau.

Contrarié par la tournure de leur conversation, Atsushi décida de tourner le dos à son interlocuteur.

Bras croisés sur le rebord de pierre, il y appuya paresseusement la tête tandis que sa longue chevelure drapait une partie de son dos comme pour chercher à chatouiller la surface aqueuse affleurant en contrebas.

Les reflets qui dansaient dans le bassin se répercutaient sur sa peau pour y dessiner des volutes lumineuses soulignant d'étranges lacérations, sortes de profondes griffures blafardes, qui s'étiraient en lignes horizontales depuis le centre de sa colonne.

Songeur, Tatsuya les étudia sans réserve.

Ces stigmates se voulaient simples vestiges de la fulgurance avec laquelle leur paresseux propriétaire avait grandi.

Le tracé n'était pas sans rappeler l'autre aspect de Taiga.

Ces bribes d'informations étaient bien trop maigres au gout de Tatsuya qui pouvait en obtenir davantage en acceptant de sacrifier une partie de son endurance.

Confiant, i se sentait capable de gérer la grande fatigue qui suivrait. Ainsi, focalisé sur le rythme, les températures et perturbations de l'eau, Tatsuya sonda son voisin de baignade.

En s'adonnant à cette excentricité chaque fibre de son être s'attacha à maintenir une connexion avec la matière, et ce, malgré une journée à inspecter et réguler les chambres froides étendues autour de la ville.

Parfaitement étranger à ce phénomène, Atsushi s'enferma dans sa nonchalance signature, et, après s'être lassé du bain, il sortit sans échapper la moindre parole, se rhabilla et s'éloigna sans se retourner.

Lorsque l'intrus se fut éclipsé, Tatsuya quitta la cuve.

S'appuyant alors sur ses facultés prodigieuses, il se sécha en renvoyant la moindre trace d'humidité au bassin devenu miroir à ses pieds, avant de s'aventurer entre les troncs, bien déterminé à récupérer son dû.

Les mets déposés par Atsushi se détachaient sur l'épais tapis de moussu qui envahissait les racines endormies.

S'en saisissant, Tatsuya ne perdit pas une seconde pour les goûter.

Sous couvert d'une apparence sobre, les pâtisseries renfermaient des saveurs complexes.

La douceur terreuse de la pâte de haricots rouges mêlée à la texture souple de l'enrobage en riz pilé engloutirent Tatsuya, le tirant vers des souvenirs lointains, pour le livrer à une nostalgie teintée d'innocence.

Peu après avoir cédé à la curiosité plutôt qu'à la raison, il obtenait un moyen d'en effacer les désagréments puisque les offrandes possédaient une forte valeur nutritive et lui octroyèrent aussitôt un délicieux regain d'énergie.

Conforté par l'euphorie de l'instant, Tatsuya s'enorgueillit de ce hasard qui ne cessait de lui sourire.

S'extirpant du bois, Tatsuya en profita pour exploiter les ultimes éclats de lumière et obtenir un bref aperçu des esquisses tracées plus tôt par Atsushi.

Des formes devenues floues qui laissaient vaguement deviner les contours maladroits de ce qui pouvait être interprété comme une assiette garnie de dango.

L'embrasement du ciel toucha à sa fin pour pousser l'incroyable vagabond à tourner les talons.

Égaré dans des réflexions nourries par l'entrevue fraîche, Tatsuya rentra d'un pas hâtif.

En dépit d'une satisfaction difficile à réprouver concernant la stupeur affichée par Atsushi à la découverte de sa véritable forme, Tatsuya savait qu'il venait de commettre l'irréparable.

La fougue euphorique de leur rencontre avait oblitéré sa grande retenue et, dominé par l'adrénaline du petit jeu perfide auquel il se livrait depuis qu'il avait aperçu Atsushi, Tatsuya n'avait su s'arrêter à temps.

En somme, il devrait désormais veiller à ce que leur agrément soit respecté et malgré des appréhensions quant à la fiabilité du géant, Tatsuya ne parvenait à réfréner l'espèce de réjouissance ressentie à l'idée de devoir le garder à l'œil.

Dorénavant, il lui faudrait demeurer discret, autant auprès de ses proches qu'auprès des inconnus qui peuplaient cette ville, citée dont il ignorait encore bien des aspects, et dont les subtilités restaient à apprivoiser.

Tandis qu'il se remémorait les paroles échangées avec Atsushi, Tatsuya ne put réfréner l'irruption d'un sourire en coin.

En vérité, effrayer l'immense jeune homme avait été son intention de départ, or cela faisait plusieurs visites que la nature de cette intention s'était complexifiée.

Troublé par la multiplicité des contradictions qui le rongeaient, il s'isola sur le toit de sa demeure pour s'étourdir dans la contemplation de la toile nocturne.


Avant de gagner son poste dans les cuisines de la pâtisserie familiale, poussé par un élan de curiosité à peine altéré par l'amertume qui s'enracinait suite à la rencontre de la veille, Atsushi s'octroya un léger détour.

L'imposant Torii étincelait sous la lumière matinale pendant que les multiples nuances de vert qui coloraient les feuillages alentours accentuaient la splendeur vermillon de ce portail sacré.

Franchir l'entrée du sanctuaire lui sembla soudainement insurmontable.

Se voulant discret, Atsushi épia la cour au travers des branchages chargés.

Des bruits de pas retentirent et furent vite accompagnés par le raclement d'un balai suivit d'une ombre, pris au dépourvu, Atsushi s'empourpra tandis que toute force quittait ses membres.

Genoux tremblants, il s'éloigna avant que l'ombre projetée au sol n'ait pu dévoiler l'identité de son propriétaire.

Déterminé à étouffer son embarras, Atsushi prit le chemin de la pâtisserie.

Coincé dans une moue penaude il se déroba aux regards des promeneurs matinaux, persuadé qu'à l'instar des daims vagabonds, ces derniers saisissaient son désarroi et le narguaient en se jouant de sa couardise.

Une chose au moins était désormais sûre, le sanctuaire Himuro devrait attendre qu'Atsushi soit à nouveau en condition physique et mentale, avant d'espérer pouvoir accueillir sa prochaine visite.

En dépit d'une météo admirable, laquelle harmonisait la douce ambiance imprégnant les cuisines et la boutique des Murasakibara, Atsushi ne pouvait se résoudre à s'accorder sur la gaieté environnante.

Pris de frissons, le jeune homme ne parvenait à occulter le souvenir incisif du froid infligé par le dragon.

La visite avortée au sanctuaire, quelques heures plus tôt, lui rappelait la lâcheté dont il avait fait preuve, tandis que dans son esprit, le nom de Himuro tournait en boucle, joué sur une mélodie lancinante mêlant les deux voix de Tatsuya, dont l'accent exacerbé et le timbre narquois gangrenaient les sens.

Accueillant un bref sursaut de lucidité, Atsushi renâcla : si ce patronyme correspondait de toute évidence à un sanctuaire bien réel, Tatsuya pouvait avoir menti.

L'étendue de ses capacités demeurait obscure, aussi, il n'était pas à exclure qu'il puisse moduler son apparence dans l'espoir de séduire ses pairs, car assurément, Atsushi ne pouvait nier l'attraction exercée par l'intriguant jeune homme.

Dans son malheur, Tatsuya l'avait épargné, et peut-être fallait-il y trouver une sorte de réconfort.

La perspective de le croiser parmi la foule du centre-ville éveillait néanmoins une gêne difficile à étouffer.

Durant la seconde moitié de l'après-midi, Atsushi fut subitement arraché à ses obligations.

Hélé par sa mère, postée derrière le comptoir, Atsushi traversa les cuisines pour passer un visage sinistre au travers du cadre d'une porte bien trop basse à son gout et découvrit Kuroko, à demi effacé derrière un paquet volumineux.

Le visiteur, qui se résumait à une paire de jambes et une touffe de cheveux greffés à un colis, le gratifia d'une salutation pleine de sympathie bien que partiellement étouffée.

— Uh, Kurochin… Salut.

La mère d'Atsushi s'interposa :

— Acchan, tu ne voudrais pas l'aider à porter cette commande jusqu'à la librairie ?

— Genre, maintenant ? Mais, j'ai… , jetant un coup d'œil derrière lui, Atsushi aperçu son plan de travail en désordre. J'ai encore des trucs à faire et à ranger.

Pleine de bonne volonté, sa mère le rassura :

— Je m'occupe de remettre de l'ordre dans tes affaires. Profites-en et sors t'aérer, ça te fera autant de bien qu'à nous tous.

Elle pivota et adressa un large sourire à Kuroko avant de plaquer ses mains contre les omoplates de son plus jeune fils et de le pousser en direction de la porte qui ouvrait sur un extérieur gorgé de soleil.

Atsushi grommela, chaparda quelques mets destinés à la vente et consentit à sortir dans un nuage enfariné pendant que sa génitrice protestait face à ce larcin.

L'air tiède balaya les cheveux retombés sur ses traits tandis que coincé derrière son colis, Kuroko tangua à sa suite.

Arrivé à sa hauteur, Atsushi prit conscience du poids de l'objet :

— Kurochin veut que je prenne ça ?

— C'est gentil, mais je peux me débrouiller sans peine.

Accompagnés par de lourds soupirs poussés par Atsushi, le duo prit la direction de la librairie.

Compréhensif, Kuroko s'enquit alors :

— Une mauvaise journée ?

— Uh… disons plutôt une mauvaise semaine.

— Il fait beau et il est encore tôt, déposons le paquet à la librairie et filons nous baigner, ça te changera les idées.

Scrutant le ciel dégagé, Kuroko opina dans le vide. Cette fin d'après-midi était parfaite pour ce type d'excursion.

— Pas envie…

— Justement, là-haut tout sera calme, personne pour t'ennuyer.

— J'ai les jambes trop engourdies pour marcher tout ce chemin.

En dépit d'une certaine déception, Kuroko eut la décence de ne point insister.

— Allons manger de la glace, alors. On commence à en trouver dans plusieurs enseignes depuis qu'ils en descendent régulièrement.

Alléché par la proposition, Atsushi s'illumina avant de relier la gourmandise aux apparitions du dragon des chambres froides, sa carnation prit aussitôt une teinte de cendres.

— En fait, j'ai… pas très faim non plus.

Écarquillant dangereusement les yeux, Kuroko jaugea son acolyte.

— Et les pâtisseries que tu viens de chiper ?

Réalisant enfin qu'il était sorti avec, Atsushi rougit.

— Ça ? Uh… Je les ai pris sans réfléchir, avoua-t-il en resserrant sa prise et les broyant malgré lui.

Interloqué par ce geste hautement inhabituel, Kuroko s'empressa de commenter :

— Effectivement, ça ne semble pas être ta semaine.

Atsushi se ratatina en exhalant un soupir chargé de défaite.

Étranger quant aux tourments qui assaillant les deux jeunes hommes, un daim flâneur approcha, poussant Atsushi à tendre la main pour caresser le dessus de sa tête.

Le cervidé se déroba avant que l'ombre de ses longs doigts n'ait le temps de s'abattre sur le pelage rêche.

Dépité, Atsushi inclina la tête pour fuir le regard de son ami et étudier le sol poussiéreux, puis confia à voix basse :

— Kurochin, je crois que j'vais rentrer.

— Murasakibara, je ne sais pas comment t'aider, mais si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux nous en faire part, n'importe quand.

Sous son expression neutre, Kuroko laissait entrevoir l'empreinte chaleureuse qui trahissait l'étendue de sa gentillesse.

Déterminé à garder ses tracas sous scellée, Atsushi se voulut rassurant :

— Hm, c'est gentil, mais je vais très bien. Je suis juste, uh… fatigué à cause du… du travail.

— J'espère que tu te porteras mieux d'ici peu. Fais attention à toi en rentrant.

Affublé du plus faux des rares sourires qu'il était capable d'offrir, Atsushi lui accorda un gentil signe de main avant de se traîner jusqu'au domicile familial, pendant que dos et épaules voûtés encadraient un visage maussade.

À peine eût-il sorti son futon et prit place, que son estomac entama une fanfare dissonante afin de revendiquer pitance.

Indifférent, Atsushi préféra s'abrutir dans la contemplation paisible du plafond qui coiffait la chambre.

Chaque latte de bois composant la structure possédait d'insignifiantes singularités.

Nombre de nœuds épars mouchetaient les rainures et ondulations qui s'y épanouissaient, tandis que la lumière déclinante altérait les nuances caramélisées des planches.

Il avait beau les avoir parcourues pendant plus de vingt ans, Atsushi y distinguait sans cesse de nouvelles images.

Allongé sur son lit, le jeune homme se satisfaisait d'une forme de paix puisée dans la langueur.

La stagnation était préférable à la morsure hivernale qui sévissait aux abords de la forêt.

Niché dans la familiarité de cette chambre à la fois parfumée par les effluves subtiles du bois, la puissante fragrance herbeuse des tatamis et la rondeur du coton, Atsushi sombra, comme bercé par les mouvances abstraites incrustées dans le plafond, tandis que la pièce s'effaçait peu à peu sous les ténèbres d'une nuit salutaire.