Prompts du jour : Feu/Cicatrices
À toi pour toujours
Chapitre 3
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Le salon vers lequel Cersei les avait dirigés n'était de toute évidence plus utilisé. Une couche de poussière recouvrait les meubles et les fauteuils moelleux semblaient froids et peu accueillants à Jaime, comme si personne ne s'y était assis depuis des lustres.
Il s'approcha de la cheminée et fixa tristement les dernières cendres qui subsistaient encore dans l'âtre. Quand quelqu'un y avait-il fait brûler un feu pour la dernière fois ?
« Je ne viens jamais ici, » fit remarquer Tyrion. « Je ne pensais pas que cette pièce avait une signification pour toi... pour vous. »
« Nous venions surtout ici l'hiver... nous aimions nous installer près de la cheminée pour passer un moment ensemble, le soir. Personne n'aurait jamais songé à nous chercher ici. »
Jaime ne manqua pas l'étrange mélancolie qui s'était peinte de mille nuances de tristesse sur le visage de Tyrion.
« Quelque chose ne va pas ? »
Il hésita quelques instants avant de lui répondre.
« Tu sais... j'ai longtemps été jaloux de vous. »
« Jaloux ? »
« Oui. Jaloux de ce que vous aviez. Moi... je n'ai jamais eu aucune prétendante. Aucune femme ne m'a jamais trouvé véritablement séduisant, ou presque. Je n'ai jamais embrassé que des prostituées. Alors que vous... vous vous aimez littéralement depuis le berceau. Tout a immédiatement été si simple, si évident entre vous. Et... je sais que c'est quelque chose que je n'aurai jamais. »
Tyrion avait prononcé ces mots sans amertume aucune et pourtant Jaime sentit un éclair de culpabilité le foudroyer. De la culpabilité parce qu'il n'avait jamais vu cette douleur fantôme dans les yeux de son frère, n'avait jamais regardé.
De la culpabilité parce que cet amour qui manquait tant à Tyrion, il l'avait eu, et il y avait renoncé.
Etait-il trop tard à présent ? Il voulait croire que non, qu'il retrouverait Cersei d'une façon ou d'une autre, et qu'elle accepterait de lui pardonner. Sinon, il sentait qu'il en mourrait.
« Je suis désolé, » offrit-il sincèrement.
Il sentait que Tyrion voulait ajouter quelque chose, mais il se contenta de pousser un soupir avant de reporter son attention sur la troisième lettre.
Jaime,
L'été a pris fin il n'y a que quelques semaines mais voilà déjà que les jours et les nuits rafraîchissent. Te souviens-tu de ces soirées que nous passions blottis l'un contre l'autre devant un bon feu de cheminée ? Je commence à oublier la sensation de la chaleur des flammes sur ma peau, la sensation de ta peau contre la mienne. J'ai longtemps redouté plus que tout que le temps me ravisse tout souvenir de toi. La couleur de tes yeux, ton parfum, le son de ta voix... je considérais ces détails insignifiants, autrefois, parce qu'ils m'étaient si familiers qu'ils faisaient partie de moi. Maintenant, ils sont tout ce qu'il me reste – ou presque.
Si je ferme les yeux, je peux encore deviner le contour de tes cicatrices, comme une carte gravée au fer rouge dans ma mémoire. T'arrive t-il de repenser à la façon dont je les couvrais de baisers quand il t'arrivait d'en avoir honte ?
J'ai froid, Jaime, tellement froid sans toi. Je gèle de l'intérieur depuis des années. J'aimerais de nouveau avoir chaud, ne serait-ce qu'une dernière fois.
Cersei
Jaime se mordit la lèvre.
Lui aussi avait froid, même s'il avait pris l'habitude de ne plus y prêter attention.
Il s'aperçut qu'il avait parlé à voix haute quand Tyrion lui répondit :
« Vous aurez chaud de nouveau. »
Jaime lui ébouriffa les cheveux avec une affection non dissimulée. L'absence de Cersei n'était pas la seule à lui avoir pesé sur le cœur ces dernières années.
« C'était elle qui soignait mes blessures, après chaque bataille ou tournoi, lorsqu'elle le pouvait, » reprit-il.
Tyrion se tordit les mains, et demanda d'un ton hésitant :
« Tu me racontes ? »
C'était presque comme si il était tellement avide d'amour qu'il était prêt à saisir n'importe quel moyen d'y avoir accès, même si ce n'était que par procuration.
Et Jaime était bien incapable de lui refuser ça.
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Jaime tressaillit quand Cersei passa le linge humide sur l'entaille qu'il avait à la joue, se mordant la lèvre pour ne pas gémir de douleur. Tous deux étaient venus ici pour se réchauffer près du feu et avoir un peu d'intimité après une journée entière passée à l'extérieur.
« Tu peux crier, si tu veux, » lui glissa t-elle avec un sourire tranquille. « Promis, je ne me moquerai pas. »
« Je ne vois pas de quoi tu parles, » répondit-il, l'air digne.
Mais il fut incapable de la tromper, évidemment. Quand elle s'occupa ensuite d'une méchante blessure qu'il avait sur l'épaule, il ne put retenir un gémissement.
« Tu aurais pu te vider de ton sang. »
La voix de sa jumelle s'était faite plus sèche, réprobatrice.
« Eh bien, je me serais vidé de mon sang en ayant gagné le tournoi. Il y a pire, comme façon de mourir, tu ne crois pas ? »
Mais Cersei ne goûta pas à la plaisanterie.
« Ne dis pas des choses pareilles. »
Son ton horrifié le poussa à lui prendre la main et à y déposer un baiser.
« Ne t'en fais pas. Tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement. »
Elle enfouit le visage dans son cou et enroula les bras autour de sa taille.
« J'espère bien, » souffla t-elle.
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« C'est un très beau souvenir, » murmura Tyrion, l'air nostalgique, comme s'il regrettait de ne pas avoir été là pour y assister.
« Oui, » confirma Jaime. « Un très beau souvenir. »
Depuis qu'il était loin d'elle, les mauvais souvenirs, les disputes, les cris, les hurlements avaient tendance à disparaître. Ils n'étaient pas les bienvenus. Ce que Jaime voulait garder en mémoire pour toujours, c'étaient les rires, les baisers et les promesses d'éternité.
Leur prochaine destination n'était autre que ce qui avait été la chambre de Cersei.
« Je ne sais pas si je peux y entrer de nouveau. »
Serait-il capable de supporter de se tenir dans cette pièce où ils avaient passé tant de moments ensemble ?
« Tu peux le faire. Je serai là, avec toi. »
Jaime hocha la tête d'un air crispé et se mit en route.
Il ne pouvait pas la laisser tomber, se répéta t-il. Pas cette fois.
