Chapitre 37 : Du Poison

Le couple avait fini par se séparer après une petite heure d'amusements supplémentaires. Il faisait chaud à s'amuser mais ils finissaient par avoir le cul froid à cause de l'heure tardive.

"- du vin de fleur de prunier, donc ?"

"- si Boya Daren est ouvert à la chose bien sûr."

Mais Boya Daren, comme QingMing Daren étaient ouverts à plein de choses depuis quelques heures.

Ils s'aidèrent l'un l'autre pour remettre leurs vêtements dans le bon ordre puis rentrèrent aussi discrètement que possible à l'Observatoire. QingMing aurait bien ouvert un portail, mais s'il le faisait, He Shouyue saurait qu'il se baladait ce dont il n'avait aucune envie.

Les eunuques s'inclinèrent sur leur passage lorsqu'ils passèrent devant eux. Le couple s'enferma une fois encore dans la chambre de QingMing.

"- Venez, Boya Daren. Le vin nous attends."

Curieux, le chasseur prit la main offerte. Le renard le guida jusqu'à un dessin élégant tracé sur une toile de qualité. Une maison ? Un domaine ?

Le chasseur siffla entre ses dent lorsque le dessin s'ouvrit devant lui.

"- Une dimension de poche ?"

"- oui et non. C'est assez particulier." Sourit QingMing qui n'avait visiblement pas envie d'expliquer pour l'instant.

Boya aurait dû refuser catégoriquement de suivre un renard dans sa tanière mais il passa le seuil sans se faire prier. La maison était délicate, l'odeur de la nuit agréable et les fragrances aussi étonnantes que les insectes inconnus qui passaient de lotus en lotus pour se régaler de leur nectar.

"- QingMing Daren."

"- Honey Bug. Peux-tu nous servir du vin de fleur de prunier et de quoi nous restaurer ?"

"- Bien sûr, maître."

La petite démon papillon jeta un regard absolument meurtrier à Boya qui lui sourit avec une ironie majuscule. La démone resta surprise une seconde avant de renifler. Elle le toisa de la tête aux pieds, eut un petit rictus de plaisir de voir les marques de dents sur son cou avant de ses détourner comme une reine pour aller chercher ce que son maître avait demandé. Elle tolèrerait le jouet de son maître pour l'instant et acceptait de lui laisser le bénéfice du doute. Mais ça ne durerait pas. Au moindre pet de travers, elle n'aurait rien contre le tuer. D'ailleurs…
Elle ajouta dans sa coupelle d'alcool un liquide qu'elle fit vitement sécher au-dessus des flammes. Il se dissoudrait avec le vin. Il lui suffirait de lui faire avaler la seconde partie du poison pour qu'il meurt lentement dans d'atroces souffrances s'il le fallait. Elle connaissait son maître. Même s'il ne lui avait pas demandé de le faire, il le faisait ordinairement. Il s'attendrait à ce qu'elle le fasse cette fois encore. Si tout se passait bien, l'organisme du chasseur évacuerait la première phase du poison d'ici quelques semaines. La seconde phase était impossible à ingérer par accident. Mais en attendant, QingMing Daren serait protégé de ce meurtrier.

Elle leur apporta finalement le boire et le manger avant de se retirer auprès de ses frères qui s'occupaient tranquillement dans l'aile de la maison qui leur était réservée autour de musique, de nourriture de qualité et de livres introuvables.

"- Il l'a ramené ici."

Des trois shishen, le plus jeune avait pâlit.

"- Il ne te fera aucun mal, Sha ShengShi. Il ne sait pas que tu es là. Et QingMing Daren l'a maté. Il l'aura bientôt totalement soumis à ses désirs et à ses pieds." Souriait Kuang HuaShi.

Ils connaissaient tous QingMing. Il était un collectionneur. Mais une fois dans sa collection, si on acceptait de s'y soumettre, il savait vous faire briller comme un diamant.

A l'observatoire, la Princesse avait rouvert les yeux depuis peu.
Elle avait été horrifiée d'apprendre ce qui c'était passé. Pour elle, c'était la preuve la plus manifeste que son contrôle lui échappait de plus en plus. A chaque heure qui passait, elle sentait le Serpent s'agitait davantage et se tordre de plus en plus fort au fond d'elle. D'ici quelques heures, elle n'aurait plus la force, encore une fois, de le contenir.

Il fallait qu'elle leur parle. Pas pour leur dire la vérité, non. Mais au moins pour les prévenir. Ce qu'ils allaient tenter avec He Shouyue pour la libérer elle, pour le libérer lui, et pour maitriser définitivement le Serpent allait-être risqué au mieux, dangereux au pire. S'ils se rataient…. Les deux prêtres seraient sans doute, avec Long Ye, les seuls remparts qu'il resterait contre le démon primordial.

Dès qu'elle put rester assisse sans avoir envie de mourir, elle envoyer un eunuque chercher les deux hommes.

L'homme se précipita.

Les yeux au sol, il se figea devant la porte ouverte.

"- QingMing Daren, Boya Daren, La princesse s'est réveillée." L'eunuque resta immobile une seconde avant d'oser relever les yeux lorsque personne ne lui répondit.

A sa grande surprise, il n'y avait personne.

Où étaient ces deux animaux ? Encore planqués dans un coin à se grimper dessous sans doute. Leur relation faisait des gorges chaudes dans tout l'observatoire. Leur manque de retenue et de discrétion encore plus. Jamais personne ne s'était montré aussi éhonté ! Et dire qu'on disait Boya Daren d'une grand retenue, d'un calme infini et d'une dignité sans faille… Les on-dit s'étaient mis le doigt dans l'œil jusqu'au genou cette fois.

Le pauvre eunuque grogna intérieurement après être entré dans l'appartement pour timidement vérifier que personne n'était là. Même la salle de bain était vide !

Il allait devoir aller expliquer à la Princesse que ses deux sauveurs avaient encore filés personne ne savait où, pour faire personne ne savait quoi (mais on avait une bonne idée sur la question) jusqu'à personne ne savait quand.

Ça allait être charmant. L'eunuque allait avoir de la chance s'il échappait à une punition.
Vraiment, les puissants étaient insupportables à ne pas penser au petit personnel.

C'est donc les épaules basses, dépité comme rarement que l'eunuque quitta l'appartement sans voir les deux formes sur le dessin qui occupait pourtant une bonne partie de l'espace.

Sans surprise, il se fit méchamment chauffer les oreilles par son responsable. D'accord, la princesse allait devoir attendre. Mais qu'est-ce qu'il y pouvait lui ? Ce n'était pas sa faute si les gens avaient un manque d'éducation et de considération absolument déplorable ?

Et pendant que le pauvre homme se faisait verbalement éventrer, à un univers de là, un tueur de démon et un démon renard buvaient un précieux vin de fleur de prunier avec la lune pour seul témoin.

Et des dizaines de shishen planqués pas loin. Mais ça, Boya n'avait pas besoin de le savoir.