Chapitre 4 :

De : Numéro Inconnu.

: La prochaine fois, vous prendrez une taffe ?

Levi écarquilla les yeux.

hein ?

Évidemment, il savait de qui il s'agissait. Il ne fallait pas être un génie pour faire le lien.

De : Levi.

: Bordel, comment t'as eu mon numéro gamin ?

L'incompréhension était réelle, et la panique légitime.

Eren passait d'élève chiant mais un peu cool, à élève flippant.

Le téléphone vibra. Il était à peine minuit, évidemment, l'étudiant ne dormait pas.

De : Eren.

: Secret. Je l'ai eu, c'est tout.

.. j'hallucine. Et il pense que ça va passer, en plus., pensa l'aîné.

De : Levi.

: Je vais bloquer ton numéro, donc autant me le dire.

De : Eren.

: Si vous me bloquez, j'ai aucune raison de vous le dire, chef. ;)

De : Levi.

: Touché. Je vais employer d'autres moyens. Parle, ou je te casse la gueule demain. N'oublie pas qu'on a cours ensemble. Et ne doute pas une seule seconde de ma bonne volonté.

Levi ne savait pas s'il était énervé, médusé ou satisfait. Oui, satisfait. Au fin fond de lui même, une part de lui qu'il préférait ignorer, était satisfaite.

De : Eren.

: Contentez vous de répondre à ma première question et on passera sur le pourquoi du comment j'ai eu votre numéro. C'est un peu gênant.

De : Levi.

: tu crois que je vais me contenter de ça ? Et n'imagine pas qu'il existe un monde où tu peux me donner des ordres ou même poser des conditions.

Dis moi comment tu l'as eu. C'est tout. Y'a bien un jour où je le saurai.

Le trentenaire posa son téléphone et fixa le plafond.

Qu'est ce qu'il était entrain de se passer ?

Il n'avait jamais eu de contact avec un élève en dehors de la fac. Il n'en avait jamais voulu.

Le plus déroutant, c'est qu'il rentrait presque dans son jeu.

C'était pathétique. Mais soit.

Une notification le coupa dans ses pensées.

De : Eren

: Okay.. mon père est votre médecin.

.. Quoi ?

De : Levi

: .. quoi ?

Il avait distinctement exprimé sa réflexion.

Jager. Grisha Jager. Évidemment. Il n'avait absolument pas fait le lien.

Grisha Jager était son médecin traitant depuis dix ans. Il avait son numéro en cas d'urgence, comme pour beaucoup de patients.

Bordel.

De : Eren

: Ouais. Bref. Je lui ai parlé de vous en tant que prof et il m'a dit que vous étiez son patient. J'ai un peu déliré et j'ai chopé votre numéro dans son tel en scred.

« scred » ? Ça veut dire quoi, ça ? Il parle comme un ahuri. Enfin, comme un jeune quoi.,

De : Levi

: dis moi que tu te fous de ma gueule, pitié. Je suis ton putain de prof, à quoi tu joues.

De : Eren

: Ben, bloquez moi.

De : Levi

: Hein ?

De : Eren

: vue que vous êtes mon putain de prof et moi votre putain d'élève, bloquez moi ?

De : Levi

: ne me pousse pas.

De : Eren

: je vous pousse.

Levi était abasourdi. Ça n'avait aucun sens. Eren n'avait aucun sens. L'adulte ne comprenait rien et n'aimait pas ça.

Il avait le doigt sur « supprimer le contact », mais ne parvenait pas à le faire.

Il se retrouvait là, comme une gamine, à minuit et demi, entrain de réfléchir à s' il devait bloquer un de ses élèves ou le garder dans ses contacts « Au cas où ».

Au cas où quoi ? Il n'y a rien, selon lui, qui pouvait pousser un élève et son prof à communiquer, à part sur son e-mail, concernant les devoirs ou les changements d'emploi du temps.

Levi ne répondit pas. Pas tout de suite. Il réfléchissait.

Encore.

Décidément, Eren l'amenait beaucoup trop à réfléchir.

C'était déconcertant.

Les deux hommes ne se connaissaient même pas. Levi ne savait rien de lui. La première fois qu'il l'avait vu, ce fut une mauvaise expérience, et elle datait d'il y a quelques jours.

Comment en arrivait-il là ? A ce stade ? A se dire que finalement, deux-trois sms, ça ne ferait de mal à personne ?

Il s'efforçait de mettre de côté le magnétisme qu'il y avait entre eux, mais il redevenait évident à chaque contact avec le jeune homme.

Après 20 minutes de pause à méditer, 20 minutes durant lesquelles Eren devait penser qu'il était dans la corbeille des contacts, Levi empoignât son téléphone.

Tout se passa très vite. Il le déverrouilla, écrivit le message et jeta l'IPhone sur sa couverture, comme s'il ne voulait pas assumer ce qu'il venait de dire.

De : Levi

: Juste une taffe.

Effectivement, et logiquement, il n'assumait absolument pas.

De : Eren

: ?? Nan, je rêve ???

De : Levi

: moi aussi.

Ouais.

De : Eren

: Wouah, attendez, j'en reviens pas trop là

De : Eren

: je crois que je réalise un rêve de gosse

De : Levi

: t'es encore un gosse.

De : Eren

: un gosse qui va fumer un joint avec son prof d'histoire de l'art bahaha c'est excellent

De : Eren

: attendez, d'ailleurs, vous fumez ???

De : Levi

: T'es naïf si tu crois que les vieux s'arrêtent de fumer en grandissant. Bref, j'ai eu ton âge, et ouais, à quelques sorties entre potes, un peu bourré, ça peut arriver

De : Eren

: Chef.. vous avez des potes ?

Connard ? Évidemment que j'ai des potes, Grogna Levi dans sa chambre.

De : Levi

: contrairement à toi qui a pour rêve de tirer des taff avec moi.

De : Eren

: Kirschtein hallucinerait.

De : Levi

: Ce nom est vraiment degueulasse. Kirschtein, ça me fait mal de le dire, c'est encore pire de l'écrire.

De : Eren

: jean a carrément peur de vous, vous savez. Il a tort ?

De : Levi

: tu devrais prendre exemple.

De : Eren

: prendre exemple sur ce mec ? Y'a de quoi foutre sa vie en l'air.

Levi lâcha un petit rire.

De : Levi

: Et ce type est ton pote..

De : Eren

: on a une relation compliquée lui et moi chef

Comment ça ?,

De : Levi

: ok, soit.

Levi se rendit compte qu'il était une heure du matin passée. Il était resté là, à parler, pendant 40 minutes ?

De : Levi

: Gamin

De : Eren

: oui chef ?

De : Levi

: j'vais dormir.

De : Eren

: déjà ?

De : Levi

: ta gueule et estime toi heureux que je sois resté si longtemps. Tu me fais chier sérieux. À demain

De : Eren

: je ne serai pas là demain

Ah ?

Levi hésitait à lui demander pourquoi.

D'un côté, ça l'intriguait car Eren n'avait pas l'air malade. Ni cette après midi, ni maintenant. De l'autre, ça ne l'intéressait pas vraiment et il n'avait pas à le savoir.

Alors il décida de ne pas lui demander. C'était pas important.

De : Levi

: Pourquoi ?

Bon.

De : Eren

: 2-3 trucs à régler. Ça vous intéresse ?

De : Levi

: Absolument pas.

De : Levi

: Mais tu meurs d'envie de me le dire, alors parle.

De : Eren

: ptdr, je ne meurs d'envie de le dire à personne vous inquiétez pas. Je vais juste rendre visite à quelqu'un.

« Quelqu'un »

De : Levi

: Louper les cours pour aller voir sa meuf, sérieux Gamin …

De : Eren

: Vous deviez pas aller dormir ?

L'enculé.

De : Levi

: ouais. A lundi. Gamin.

De : Eren

: A samedi.

De : Levi

: pardon ?

De : Eren

: vous avez dis une taffe. Et moi, j'habite au bout de la rue. Alors pourquoi attendre lundi. Surtout que je ne vous imagine pas fumer avant un cours Chef.

De : Levi

: On verra si j'ai le temps.

j'ai le temps., songea t-il

De : Levi

: A toute.

De : Eren

: bonne nuit chef.

Levi posa son téléphone sur la table de chevet et se retourna sur le matelas.

A quoi est ce que tout cela rimait ?

Pas grand chose, selon lui.

Samedi.

Aller voir le gamin samedi, pour passer du bon temps ?

Le même adolescent qu'il méprisait depuis quelques jours ?

Celui qui l'agace au plus haut point ?

L'impertinent ?

L'enfoiré ?

C'était rare que Levi se pose des questions, mais à présent, des centaines défilaient dans sa tête. Jusque là, il ne pensait même pas que c'était possible de sympathiser avec un élève.

Même s'il se persuadait du contraire, c'était évidemment ce qui était entrain de se produire.

Il venait de parler pendant une heure avec lui, juste par sms, sans rien faire à côté. Il avait même plus ou moins prévu de le voir ce week end.

Levi n'allait quand même pas faire ami-ami avec un jeune homme de dix ans son cadet ?

Un jeune homme qu'il arrivait à peine à voir en peinture ? C'était totalement ridicule… Et pourtant.

D'ailleurs, il ne savait même pas quel âge avait Eren. Sûrement dix-huit ans. Même s'il faisait un peu plus âgé.

Ce que l'adulte parvenait encore moins à élucider, c'était les motivations de son élève. Qu'est ce qui pousse un jeune qui a pleins d'amis, sûrement une copine, à vouloir sympathiser avec le trentenaire bourru de son quartier.

Aucun sens, Levi n'y voyait juste aucun sens.

Quoiqu'il en soit, il avait dit oui. Il avait accepté la proposition, et, au fond de son lit, il était déjà entrain d'établir son programme pour samedi.

Le soir, il devait sortir avec Hanji, Erwin et Moblit, de vieux amis. Petra ne pouvait pas venir, finalement. Ils iraient dans un bar à Bastille pour boire un peu, Levi s'en réjouissait d'avance.

Un homme dénommé Erd viendrait aussi, mais il ne le connaissait pas vraiment. Seulement de nom.

Devait-il voir Eren avant cette soirée ?

Il lui paraissait plus juste de le voir après.

Oui, ça ferait tard, mais ce serait carrément étrange de le croiser l'après midi, totalement sobre, pour fumer un peu et repartir après.

Repartir d'où, d'ailleurs ?, songea brusquement Levi, se rendant compte qu'il n'avait pas pensé à ce détail.

Il n'irait pas chez lui. C'était hors de question. Il ne voulait pas croiser son père, ou même psychologiquement admettre qu'il finirait la soirée chez un jeune homme, qui plus est son élève.

Même si, bien évidemment, ce « rendez vous » n'avait rien d'un rencard ou quoique ce soit d'autre de charnel ou romantique.

Levi ne pensait même pas à ça. Il était hétéro, et surtout « intéressé » pas les femmes de son âge, donc l'hypothèse que cette entrevue relevait d'autre chose que de la sympathie ne lui avait même pas effleuré l'esprit.

Quoiqu'il en soit, Levi devait dormir, il enverrait un sms à Eren samedi matin. Ou vendredi soir. Mais à présent, il était temps qu'il se repose.

Il se laissa donc plonger, s'endormant paisiblement.