Quelle merde.
OST SNK qui se prêtent bien à l'ambiance =
Splinter Wolf -
- Xl-Tt -
- Counter Attack-Mankind -
- Atonement -
- Call of Silence -
… ( ) …
-Dans quatre secondes, à neuf heures. » chuchota Jean à l'oreille de Marco.
Jean s'accroupit d'un bond, une main sur le troussequin et l'autre sur l'épaule du cavalier, prêt à sauter de cheval et à se propulser vers les hauteurs. Quelques minutes auparavant, les secousses l'auraient inquiété, mais il avait fini par s'y habituer. Marco approuva d'un signe de tête tendu, et Jean décolla. Le crochet se ficha dans un arbre et les câbles se tendirent sous ses ordres, le Titan en ligne de mire et la clameur des sabots dans son sillage.
Il fendait l'air sans rencontrer de résistance si ce n'était sa caresse bienvenue, et le battement de sa cape témoignait de sa célérité et de son énergie recouvrée. Trois ou quatre heures de sommeil, ça vous faisait des merveilles ! La langueur de ses os s'était résorbée et n'entravait plus ses mouvements. Il avait de nouveau le contrôle, excepté sur ses zygomatiques.
D'une pression du majeur et d'un mouvement de hanches, Jean traça un arc de cercle serré autour du tronc, prêt à pourfendre la nuque du Titan. Un sifflement strident. Le grincement de l'acier. Le déchirement de la chair. Un affreux nudiste de moins, tranché comme un morceau d'omelette moelleuse. Le claquement sec du câble qui se rembobinait lui arracha une grimace satisfaite. Dans ta face, pourriture !
Le silence s'effondra avec le corps du Titan dans un choc sourd, et Jean envoya son câble gauche se ficher dans un tronc pour en faire le tour et rejoindre Marco, à un rythme relativement léger pour balayer les environs du regard.
Son ouïe repéra le grondement sourd d'un pied dix fois plus grand que le sien avant que la grosse tâche couleur chair ne lui saute aux yeux. Un autre titan ?! pensa-t-il alors que son cœur sursautait de surprise.
Marco l'avait déjà repéré et pressait Buchwald de faire demi-tour au lieu d'essayer de rejoindre Jean. Le gros tas de six mètres de graisse tournait le dos à Jean, hors de portée, et se dirigeait vers le deuxième jeune homme avec la démarche d'un pachyderme boiteux.
-'Fait chier ! » ragea-t-il.
Il avait manqué de vigilance ! Sa taille lui avait permis de se planquer dans les taillis et de passer relativement inaperçu, en tout cas quand Jean avait un spécimen d'une dizaine de mètre dans le collimateur !
Il enfonça le bouton du gaz, crocheta l'épaule de la bestiole qui frémit à peine et fonça dessus. Le câble aurait dû avoir l'effet d'une simple piqûre de nuisible. Mais celui-là devait être tatillon sur les bords, car il commença à se retourner, balayant l'air de son bras. Jean sentit son centre de gravité se faire déporter et grinça les dents de frustration. Il n'allait pas pouvoir échapper à une collision d'anthologie avec les pâquerettes.
Il rembobina le câble avant que le Titan ne puisse le rattraper et utilisa le gaz pour préparer sa chute. L'épaule heurta la première le sol, son dos râpa contre les racines et sa hanche percuta un tronc quelconque. Il rebondit avec un grognement et cogna ses genoux une dernière fois avant de réussir à se relever proprement, un chapelet de jurons sur la langue. Il les ravala le temps de scanner son environnement et les proféra en voyant que le pot de colle se rapprochait de lui, bras tendus comme un gamin qui se ruait sur son nouveau jouet. Il passa la main sous son menton et la récupéra poisseuse.
-Putaiin... »
Les mots s'échappaient de sa bouche en chœur avec son contrôle. Il était à deux doigts de faire une bourde, il le sentait dans ses pupilles incapables de rester en place plus d'un millième de seconde.
Sans même vérifier s'il y avait une bonne prise déjà accessible au-dessus de lui, il roula sur le côté pour s'éloigner et reprendre ses esprits. Il s'envola en vitesse et se percha dans les hauteurs. Il lui fallut repérer Marco et constater qu'il était bien en position, en train de cerner le Titan et se rapprocher de Jean, pour se reprendre. Il n'était pas seul.
Heureusement pour lui, le Titan était trop pataud pour tourner la tête aussi vite que Jean manœuvrait. Cette fois, il prit soin de ne pas faire de conneries et se jeta sur sa nuque à la seule force de la gravité, décidé à lui rabattre le caquet. La chair céda dans un bruit de déchirure satisfaisant et il sauta de côté avant que le corps ne touche le sol.
Il prit et relâcha une grande respiration, contracta et détendit ses doigts autour des manettes avant de rouler des épaules pour se débarrasser de la tension restante. Il avait hérité d'une panoplie de bleus. Il vérifia que ses lames n'étaient pas émoussées, puis les rangea dans leurs étuis.
-Jean ! »
À l'appel de son nom, il se tourna vers Marco, qui le rejoignait avec la mine soucieuse. Le cavalier stoppa le galop effréné de Buchwald à quelques mètres du voltigeur. La monture s'ébroua, puis donna de la tête dans les environs, les oreilles en arrière.
-Qu'est-ce qui lui arrive ? demanda Jean, coupant Marco dans son élan.
-Co...oh, c'est rien, il est juste un peu anxieux à cause des Titans. Mais toi, est-ce que ça va ? »
Avant même de finir sa phrase, il tendait déjà la main à Jean pour l'aider à remonter.
-Je me suis éraflé le menton et j'ai chopé un bon paquet de bleus, répondit Jean en se hissant. À part ça, chuis opérationnel.
-Tu saignes encore, t'aurais pas besoin d'une pause pour t'en occuper ?
-On n'a ni le temps ni les moyens. Allez, en avant ! »
Il frappa la croupe de Buchwald pour le faire démarrer, et ce dernier bondit en avant avec un hennissement de protestation. Marco n'eut d'autre choix que de tourner la tête et reprendre les rênes avant qu'ils ne finissent droit dans un taillis.
-Hey ! s'écria-t-il en se retournant pour toiser Jean. Évite de faire ça.
-...Désolé. » s'excusa Jean en baissant respectueusement la tête, surpris par sa véhémence.
Marco sembla se contenter de son chuchotement et reprit la route. Réputée pour son relief, la zone du Nord était parsemée de monticules, de buttes et de collines qui restreignaient le champ de vision. Les hautes herbes obstruaient la progression de Buchwald, et malgré l'adresse de Marco, il peinait à avancer tout droit vers le centre, sans faire de détours. Les cahots secouaient Jean et manquèrent plusieurs fois de le faire passer par-dessus bord.
-Il faut qu'on bouge en tandem avec le cheval, souligna Marco, qui avait probablement remarqué son inconfort. Évite de partir en arrière et essaie de suivre les mouvements de Buchwald ! Tu verras, ça ira mieux. »
Les sourcils froncés, Jean obtempéra et contracta les abdominaux, les doigts crispés sur le troussequin. Il avait dit à Marco qu'il avait déjà eu l'occasion de monter sur un cheval, mais il aurait dû avouer que ça n'était arrivé que deux fois, et qu'il serait allé plus vite à pied. Là, même avec son équipement tridimensionnel, il n'était pas sûr de pouvoir aller aussi vite.
-Tiens-toi à ma ceinture, pour qu'on se coordonne ! »
Sans la cacophonie sous ses pieds, il n'y aurait pas réfléchi à deux fois. Mais le claquement précipité des sabots, la respiration haletante de Buchwald et les grincements de la selle ne lui donnaient aucune envie de relâcher sa prise, même un court instant. C'est comme la tridimensionnalité et sauter dans le vide, raisonna-t-il alors que les sabots décollaient du sol. Sa main serra le troussequin plus fort puis fusa se crocheter à la ceinture de Marco. La deuxième suivit plus facilement. C'était la cavalcade qui devait causer ses tremblements.
-Regarde ! »
Un hennissement accompagna l'exclamation enjouée de Marco. Jean s'exécuta en se penchant légèrement sur le côté, peu rassuré mais curieux. Les secousses du galop le déstabilisaient toujours, mais il veilla à épouser au mieux les mouvements amples de la monture. Une clairière se rapprochait à grande vitesse, un trou de soleil et un espace plat où ils pourraient progresser sans cahot et filer à toute allure.
-Ouais, mais regarde aussi qui vient là ! »
Un autre Titan avançait, dont la tête se perdait dans les arbres, et s'il continuait sur sa route, ils se croiseraient. Marco sembla l'avoir repéré avant même que Jean ne finisse sa phrase, car il fit bifurquer Buchwald immédiatement.
-Non non, fonce ! s'écria Jean en tirant sur sa ceinture comme si c'était lui qui pouvait diriger le cheval par son biais. On peut y arriver avant lui ! »
Marco lui jeta un coup d'œil alarmé.
-On n'a pas l'temps de toute façon ! »
Il crut qu'il allait devoir se répéter une troisième fois, ou que Marco allait argumenter, mais son partenaire dirigea le cheval droit vers la clairière. Une trentaine de secondes plus tard, ils débarquaient au soleil et Buchwald foulait des parterres de myosotis, suivis de peu par le Titan qui arrivait sur leur droite. Jean vit son visage émerger des branches pour révéler d'immenses yeux de biches, avec des iris disproportionnées, et braquées droit sur eux. Jean frissonna des pieds à la tête et vérifia mentalement que tout son équipement était à portée de main.
Son iris était de la même couleur que les fleurs qui parsemaient l'herbe, mais le parallèle s'arrêtait là. Comparé à la délicatesse ordonnée des plantes, le gros tas de chair difforme et enflée qui se ballonnait faisait tâche. Une tâche qui s'en prenait à son canevas, piétinant sans merci pour se frayer un chemin.
Le Titan avançait plus vite que la moyenne, mais perdait beaucoup de temps à se dandiner comme un métronome obèse. Ses pas faisaient trembler le sol et les spasmes de la terre retenaient Buchwald, il le sentait sous ses cuisses. Le cheval trébuchait parfois sur ses pattes, perturbé par les secousses, et le rythme de son galop s'écrasait dans la poussière. Il ne pouvait y avoir qu'un seul métronome.
-Jean... ?
-T'arrête pas, fonce ! »
Du coin de l'œil, Jean vit Marco décrocher son regard du Titan et se concentrer sur la trajectoire. Jean continua à surveiller leur poursuivant, priant pour qu'il finisse par tomber sur le côté à force de pencher. Qu'il s'emmêle les pinceaux et se ramasse la gueule, s'il vous plaît ! pria-t-il. Le terrain plat était un avantage aussi bien pour eux que pour lui, et cet abruti avait l'air à l'aise avec sa démarche de funambule. Il se rapprochait à grande vitesse. S'ils avançaient en ligne droite, ils l'auraient aisément distancé, mais il se dirigeait droit sur leur flanc !
Pendant d'effroyables secondes, Jean crut qu'il réussirait à les rattraper. Il tendait déjà les doigts vers eux, et les quelques centimètres supplémentaires semèrent le doute dans son esprit alors que son ombre les recouvrait. Les rayons du soleil s'enfuirent à toute vitesse, emportant avec eux la lumière et la chaleur, filant entre les doigts du monstre comme un sablier renversé et nimbant les contours de barreaux de lumière.
-T'arrête surtout pas ! s'écria Jean en maudissant sa voix qui se brisa sur la fin de sa phrase.
-Je sais ! » répondit Marco, tout aussi épouvanté.
Plus le Titan s'approchait, et plus le sentiment de panique bouillonnait à l'intérieur de Jean, à une vitesse plus inquiétante encore que les fois précédentes, en rythme avec les sabots désespérés de Buchwald. Est-ce qu'il hallucinait le rouge sous ses ongles ?
Des tréfonds de sa mémoire, une image jaillit à la surface de sa conscience, floue, accompagnée de hurlements et d'une ultime convulsion de terreur.
C'était un des Titans qui avaient bouffé Floch.
Il se retourna avec un atroce haut-le-cœur, renforcé par l'haleine putride qui lui parvenait aux narines, au moment où ils s'engouffraient dans le couvert des arbres. Pour la première fois, la forêt était un refuge au lieu d'un abattoir. Un craquement brutal lui fit tourner la tête, juste à temps pour voir le Titan s'abattre la tronche sur un arbre.
Une seconde plus tard, Jean abattait sa propre tronche sur le dos de Marco et serrait les dents, surpris par le bond soudain de Buchwald. Un dernier obstacle sur leur chemin qu'ils venaient de franchir.
-Tu t'en occupes ? demanda Marco d'une voix pleine d'espoir, déjà en train de ralentir.
-Ouais. Dans cinq secondes, à six heures. » répondit Jean en empoignant le troussequin d'une main et une manette de l'autre.
Personne ne verrait ses tremblements s'il serrait assez fort.
Un instant plus tard, il sautait à nouveau de cheval. Il voltigea d'instinct vers le monstre anthropophage, habitué à la tridimensionnalité comme il était. Direction des câbles, pression du gaz et chuintement des lames : une machine bien huilée qu'il connaissait par cœur et qu'il appliqua à vaincre le Titan.
Le cauchemar sur pattes tendit ses doigts crasseux vers lui, espérant le cueillir comme une fleur, mais il sous-estimait la dextérité de Jean ! Le jeune homme brandit sa lame et lui trancha le bout de l'index. D'un coup de gaz, le tribut esquiva les autres doigts. Les boudins de chair disparurent de sa vue et il se hissa encore plus haut. Il surplombait le Titan quand il effectua un arc de cercle. Nuque en visuel, il décocha un grappin et sectionna la peau graisseuse sans pitié !
Du sang bouillant gicla sur sa joue, alors il se pressa de fermer la bouche. Pas question de s'intoxiquer au jus de Titan.
Il venait de s'en débarrasser, comme ça. C'était fini.
Puisqu'il n'avait pas une seconde de plus à perdre, il envoya ses niaiseries à tous les diables et s'élança vers Marco, qui revenait vers lui. Le temps que Jean prenne de la hauteur, le cavalier avait fait se retourner sa monture d'un geste fluide et tout en maîtrise, présentant la croupe à Jean. Marco prit soin de garder une vitesse constante sur laquelle Jean pouvait se caler, et ce dernier réussit à atterrir sur le cheval sans trop peser, avec quelques coups de gaz bien dosés. L'instant d'après, il rengainait ses lames, s'agrippait à nouveau à Marco, et Buchwald reprenait de l'allure.
-Bravo, déclara Marco sans quitter la route des yeux. Je n'étais pas sûr qu'on y arriverait, mais tes calculs ont été justes.
-Avec tes compétences, je me doutais que ça marcherait. »
Il tourna le visage juste à temps pour voir le petit sourire fier de Marco, et la vision lui redonna l'aplomb qu'il avait perdu. Après une myriade de circonstances foireuses, il avait enfin réussi à quelque chose, continuer à sauver des vies. Et même s'il s'était promis que sa résolution ne serait que temporaire, la satisfaction qu'il en tirait le poussait à poursuivre dans cette voie. Il pouvait presque voir Minha hocher de la tête à côté de lui, les traits flous.
Dire qu'à un réflexe près de la part de Jean, elle serait encore là... Mais qu'à la place, elle s'était pris la mort dans l'épaule, au milieu de ce carnage qui n'avait épargné personne, les morts comme les vivants. Où un simple réflexe devenait l'ancre qui les gardait à bon port. Où un simple réflexe devenait la dernière rature au bas de leur arrêt de mort.
-On arrive. » déclara Marco, la voix lourde.
Et maintenant, il s'y rendait de sa propre volition.
D'un seul coup, les ombres des arbres s'évanouirent, révélant l'herbe verdoyante. Il suivit leur trajectoire des yeux, releva la tête et se heurta à la vue du bunker. Abandonné, désordonné et sinistre, il n'avait pas bougé de son poste, et Jean aurait préféré ne jamais y remettre les pieds.
Il gardait les yeux fermement fixés sur la structure de béton pour ne pas les laisser dériver ailleurs, alors que Buchwald ralentissait. Dès que le cheval s'arrêta à quelques mètres du bunker, Jean sauta de selle, suivi de Marco. Aucun ne releva les saccades dans leurs mouvements.
-Je vais chercher les équipements, dit Jean, la voix à peine au-dessus d'un murmure. J'en ai pour quinze secondes.
-Je t'attends. » répondit Marco, la voix ailleurs.
Le cavalier caressait distraitement Buchwald, les yeux dans le vide, mais Jean l'ignora. Priorité à la mission. Ils devaient en profiter tant qu'il n'y avait pas de Titans. Et il n'avait aucune envie de rester une seconde de trop ici.
Il se retourna vers le bâtiment, aussi immaculé qu'au premier jour, et sentit ses articulations se verrouiller. Il les secoua vivement avant qu'elles ne s'enlisent et fit un premier pas.
Il avait à peine trente mètres à franchir, mais il avait l'impression que ses pieds s'enfonçaient dans des marécages. Il lui fallut une éternité pour s'en arracher et pénétrer dans l'ombre du bunker, qui l'accueillit d'une bouffée pestilentielle.
Le nez résolument pincé, il enjamba une barrière de caisses, donna un coup de pied pour dégager une lance sur son chemin, et sursauta en apercevant une flaque de sang coagulé au sol. Le rouge attirait l'œil, et il ne put s'empêcher assez tôt de suivre le sillon du regard. Ursula le saluait, les yeux grand ouverts et la gorge fendue. Il s'arracha à la vision si vite qu'il se tordit le cou et pressa le pas. Une fois qu'il repéra les ballots d'équipements, il ne les quitta pas des yeux. Par chance, pas une tâche ne souillait leur tissu, ils restaient intacts. Il en chargea deux sur ses épaules et fit demi-tour aussi sec, abandonnant le corps d'Ursula à son sort.
Dehors, il déboucha sur Buchwald qui attendait en piaffant nerveusement, sans son cavalier. Surpris, Jean fouilla les environs du regard à la recherche de mouvement. Il tomba sur Marco, qui s'accroupissait au sol quelques mètres plus loin, lui tournant le dos. Ses jambes l'emportèrent en même temps que son estomac se pressait contre sa colonne vertébrale.
-Qu'est-ce que tu fais ? » demanda-t-il sèchement.
Marco ne lui répondit pas et se contenta de regarder Jean, d'un air grave qui pétrifia le jeune homme sur place. Puis il se tourna à nouveau vers Thomas et lui ferma les yeux.
-On est les premiers à revenir... et probablement les seuls. Il me reste Laura, Ursula, Tom et Sandra. J'en aurais pas pour longtemps. »
Jean peina à lui répondre, les yeux braqués sur l'arc et les flèches à ses pieds. Il dut passer une main sur son visage pour parvenir à s'en détacher et déglutir pour contenir la bile qui s'accumulait dans sa gorge.
-Je... je vais charger les équipements sur Buchwald. Dépêche. »
Il tourna les talons, laissant Marco à sa tâche. Buchwald piétinait sans grande urgence, pendant que Jean se débattait avec les sangles. Ses nerfs grouillaient sous sa peau et ses doigts tremblaient, aussi rigides et immaniables que les cadavres qui jonchaient le lugubre terrain. Buchwald tourna la tête vers l'orée de la forêt. Il devait avoir hâte de quitter cet endroit.
-Moi aussi, vieux, moi aussi. » soupira Jean.
Le canasson lui flanqua un coup de queue au visage pour toute réponse. Il n'eut même pas le temps de s'en offenser que Marco arrivait, livide.
-Allons-y. »
Il grimpa en selle et tendit la main à Jean pour l'aider à monter derrière lui alors que Buchwald s'ébrouait. Jean la saisit sans hésitation, mais il ignorait à qui appartenaient les sueurs froides qui couvraient sa paume. D'un claquement de langue, Marco incita Buchwald à galoper.
-J'espère que quelqu'un s'est occupé des autres... songea Marco à voix haute. Hitch, Marlow, Flo...
-Minha.
-Pardon ?
-Je m'en suis chargé. Pour Minha.
-Oh. »
Ils retournèrent sous le couvert des arbres et galopèrent dans un silence chargé pendant quelques instants, seulement perturbé par le claquement rythmé des sabots. Jean sentit Marco se redresser et lui jeter un regard en coin. Il attendit quelques secondes, au bout desquelles Marco se décida à parler.
-Tu sais, c'est pas de ta faute pour Minha.
-Hah ?
-Je sais que je t'avais dit que tu te reposais trop sur elle et que c'était danger-...
-Et t'avais raison, j'ai merdé. J'ai laissé une ouverture et ça lui a coûté la vie.
-Non, justement ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! Tu as su devenir un partenaire de confiance, tu as tout fait pour elle. Tu l'as dit toi-même : tu t'es occupé d'elle, et c'est pour ça que tu n'as rien à te reprocher.
-Elle aura payé chacune de mes conneries. Tu parles d'un partenaire. »
Nouveau regard en coin de Marco, lourd de frustration, qui cloua Jean sur place.
-Si tes remords prouvent bien une chose, c'est que tu te soucies de tes alliés et c'est une qualité indéniable, affirma-t-il. Ce qui m'inquiétait, c'était que tu gâches tes chances en te reposant trop sur eux alors qu'on a besoin de ton potentiel. Moi, maintenant, je te fais confiance en tant qu'allié.
-Qu'est ce qu-...
-Et, franchement, vu comment elle t'adorait, je pense que Minha serait très touchée que tu continues de penser à elle comme ça. Mais elle voudrait aussi que tu te reprennes pour gagner les Jeux. C'est pour ça qu'elle a donné sa vie, pour que tu continues à avancer et pas que tu te morfondes. »
Jean était à court de mots. Une fois de plus, Marco avait frappé son nerf le plus sensible, caché sous des pelotes de nœuds que Jean pensait impénétrables, comme on ouvre une porte d'un simple revers du poignet. Il ne savait même pas sur quoi son cerveau devait s'attarder : le fait que tout ce que Marco disait sur Minha lui semblait plausible, les compliments qu'il lui avait balancés sans prévenir, la nouvelle perspective de leur épisode à la bibliothèque... ou alors s'il devait lui dire que Ruth, leur prétendue alliée, les avait probablement laissés partir dans l'espoir qu'ils ne reviendraient pas. Du peu qu'il avait vu d'elle, elle préférait deux candidats en moins plutôt que deux alliés en plus.
Il riva son regard sur Marco, qui se retourna et lui adressa un léger sourire hésitant.
-Okay, j'ai compris, souffla Jean en essayant de retrouver contenance. Regarde devant avant de nous faire foncer dans un ravin. »
Marco se contenta de rire. Un bruit faible, mais pénétrant.
-Compris ! Mais il va falloir qu'on fasse une pause bientôt, Buchwald fatigue.
-Déjà ?! Il sert à rien ce canasson !
-J'aimerais bien t'y voir ! Il court depuis ce matin ! »
Jean souffla du nez, blasé. S'il le disait...
Ils passèrent au trot, puis au pas alors que Marco les rapprochait d'une petite rivière où Buchwald pourrait se reposer. Le cheval soufflait fort, fatigué, et Marco avait encore le pied dans l'étrier quand son destrier accourut vers l'eau.
-Ho là ! » fit Marco en sautillant pour éviter de tomber au sol, sous le regard railleur de Jean.
Marco haussa les épaules et rejoignit Buchwald pour plonger les mains dans l'eau fraîche et s'en asperger le visage. Un frisson lui échappa, suivi d'une exclamation de satisfaction. Jean se contenta de les regarder, adossé à un tronc.
-Ouah, elle est un peu trop fraîche pour se baigner...
-Tu veux prendre un bain au milieu de nulle part ? ricana Jean.
-Je pense que les sponsors apprécieraient qu'on ait pas l'air crasseux malgré l'avancée des Jeux, donc si j'ai l'occasion... »
Jean considéra la question et haussa les épaules. L'argument était logique, et les sponsors n'apprécieraient probablement pas que ça. Il se décolla de son tronc, s'approcha et s'agenouilla à son tour au bord de la rivière. Il plongea les mains dans l'eau et frotta pour se débarrasser de la crasse. Il avait oublié que le froid et la fraîcheur pouvaient être agréables. Avec un soupir, il mit ses mains en coupe et se rinça le visage, puis la nuque.
Quelques minutes plus tard, Buchwald releva la tête, soif étanchée... et oreilles à l'affût. Dès qu'il le remarqua, Marco lui caressa l'encolure et regarda dans la même direction.
-On devrait y aller, dit-il à voix basse. Buchwald a senti quelque chose. »
Jean hocha la tête et remonta en selle à la suite de Marco. Il balaya les environs du regard et un mouvement attira son attention, une centaine de mètres plus loin. Il plissa les yeux pour mieux distinguer la tâche de couleur, et tapa l'épaule de Marco dès qu'il y parvint.
-Regarde, c'est Ymir, à côté de la colline.
-Ymir ?! » chuchota Marco.
Il lui laissa le temps de plisser les yeux et de repérer la jeune femme à son tour. Elle leur tournait le dos, boitait, et avançait d'un pas traînant. Elle n'était pas dans son état habituel. Il ne savait pas si elle était blessée, simplement fatiguée, ou autre chose.
En temps normal, Jean avait déjà du mal à la comprendre et à l'appréhender. Mais là, il saurait encore moins prédire son comportement si elle les repérait. Est-ce qu'elle s'éloignerait ? Ou est-ce que, comme un loup qui se sent acculé, elle les attaquerait ? Il sentit les épaules de Marco se tendre alors qu'il prenait la parole :
-Elle va vers le campement.
-Qu'est ce qu'on fait ? »
Marco se mordilla la lèvre, les sourcils froncés.
-Je sais pas... On pourrait lui proposer de l'aide ? Rester visible, en lui montrant qu'on a pas d'intentions belliqueuses.
-Elle va nous trucider, hors de question. »
Marco soupira mais acquiesça. Ça lui en coûtait de penser la même chose.
-D'accord. Du coup, il faut qu'on la fasse partir dans la direction opposée, mais sans se faire repérer ni l'approcher... Même si elle a l'air mal en point.
-Okay, j'ai un plan. »
Marco se tourna vers lui, toute ouïe.
-On va lui faire une surprise : Buchwald.
-Quoi ?! s'étrangla Marco.
-On se débrouille pour qu'il lui fonce dessus, harnaché, en venant de la direction du campement. Que je sache, c'est pas une cavalière de renommée. Et quand elle verra la selle, elle comprendra qu'elle se dirige vers des adversaires équipés, donc elle se taillera. Le but, c'est de lui foutre les jetons pour qu'elle aille voir ailleurs. Tu me suis ? »
Le regard de Marco s'égara, se posa sur Buchwald, puis il lança une suite d'œillades inquiètes à Jean.
-Je vois, s'essaya-t-il d'un ton soucieux. Je ne suis pas sûr pour Buchwald. Si on ne sait pas comment elle réagirait pour nous, on ne sait pas comment elle réagira pour lui.
-Un cheval, ça s'entend arriver de loin. Y a moyen qu'elle se taille avant même de le voir. »
Marco n'ajouta rien, mais ses sourcils restaient froncés. Jean lâcha un soupir avant de reprendre :
-J'ai besoin que tu me fasses confiance sur ce coup. »
La demande fit son effet. Marco hésita encore un instant avant de se tourner vers son partenaire et de hocher la tête.
-D'accord. Retirons juste les équipements tridimensionnels. »
Jean acquiesça et ils descendirent de selle. Quelques minutes plus tard, Marco faisait le tour de la rivière avec Buchwald pour l'envoyer depuis la bonne direction, et Jean grimpait à un arbre pour surveiller le déroulement des événements, les équipements à ses pieds.
Il vit Buchwald trotter à vive allure et dans une nonchalance exemplaire vers Ymir, qui commençait à disparaître de son champ de vision. Elle s'immobilisa et se décala d'un bond pour le laisser passer, avant de se carapater trop loin pour que Jean puisse la voir. Au moins, elle avait changé d'axe. Il resta à son poste encore quelques instants, le temps de vérifier qu'elle ne revenait pas et que Buchwald rebroussait chemin. Avec un soupir de soulagement, il descendit de son perchoir quand Marco eut retrouvé son cheval, et courut vers eux. Marco l'accueillit avec un un hochement de tête.
-Elle saignait... lâcha-t-il.
-Pas nos affaires. »
Marco lui adressa un petit sourire triste et récupéra un des paquets d'équipement que lui remit Jean. Ensemble, ils s'attelèrent à les rattacher. Incapable d'apprendre de ses erreurs, Jean s'était placé trop près de la croupe de Buchwald, et se vit administrer un sévère coup de queue en pleine poire.
-Mais j'y crois pas ! »
…
Sa blessure lui arrachait des grognements de douleur mais voir les ombres s'étaler sur le sol comme sur un lit douillet, prêtes à valser dans les bras de la nuit, arracha un sourire à Ymir. Ou du moins, une esquisse de sourire : une grimace soulagée et surtout à peine remise du fait qu'elle avait survécu à une journée aussi catastrophique. Elle en était arrivée au point où l'apparition d'un pitoyable canasson harnaché avait fait tourner son sang…
La teinte orangée du crépuscule sur les feuilles des arbres donnait l'impression qu'elles étaient faites de cuivre. Bientôt, le noir les entacherait et elles paraîtraient embourbées de goudron. La forêt entière s'assombrirait et dans ces ténèbres, plus personne ne discernerait les rôdeurs assassins, se fondant parmi les ombres avant de se jeter sur leurs proies. Pour cette nuit, Ymir n'en ferait pas partie et serait donc une cible.
Elle préférait ce genre de menace aux mangeurs d'hommes exhibitionnistes, alors la tombée de la nuit la réjouissait. Elle avait plus de chances de survivre lorsque le soleil se couchait, Nord ou Est n'y changeait rien. De plus, troquer les infinies nuances de vert pour un noir uniforme et reposant, ne faisait pas de mal après tous les rebondissements qu'elle s'était coltinée, alors qu'elle flirtait depuis trop longtemps avec l'anémie !
La chaleur et les couleurs tombaient en chœur, privant sa vision de quelques précieux atouts mais elle ne s'en désolerait pas : elle n'aurait plus à détailler le cramoisi qui recouvrait ses paumes comme s'il s'agissait de leur teinte naturelle ! Elle sentirait juste le liquide poisseux sécher, pour former un plâtre qui s'effriterait dès qu'elle plaquerait à nouveau sa main sur sa plaie pour boucher un énième afflux, jusqu'à ce qu'il sèche à son tour et qu'elle ne se demande pas si, à force, sa peau avait doublé de volume. Si c'était possible, alors elle gagnerait au moins ça au change : un renforcement cutané.
Elle trébucha sur une racine truffée de mousse, en comprimant un juron qui aurait offensé les ancêtres de tous les arbres de l'arène. Dans quelques minutes, elle serait plongée dans le noir complet et, amochée comme elle était, elle peinerait à deviner les formes de son environnement. Il lui semblait que les arbres grandissaient à vue d'oeil, à mesure qu'elle s'enfonçait dans cette zone de l'arène. Ce devait être ce que les connaisseurs de Titans appelaient « les arbres géants » et qu'ils considéraient comme un haut point stratégique.
Parfait. Si ces tributs concentraient leur attention sur les nudistes géants, alors ils devaient dormir à poings fermés à la nuit tombée. Pendant ce temps, elle profiterait de la hauteur des troncs pour se trouver une branche suffisamment élevée où se reposer – et éviter toute rencontre matinale déplaisante avec un Titan qui aimait prendre son petit-déjeuner tôt – et de leur largeur pour s'y adosser alors qu'elle reprenait son souffle.
Elle aurait voulu l'ignorer plus longtemps mais les sifflements erratiques de sa respiration devenaient si perçants qu'elle ne pouvait plus y couper : ils lui chuchotaient, dans des chuintements si acérés qu'elle en saignerait des tympans, que son état était critique.
Elle ne verrait peut-être pas le bout de la nuit.
Ymir se ressaisit en lâchant un ricanement nasal, qui eut le mérite de taire les sifflements pendant un bref instant. Bien décidée à ne pas décevoir le Titan matinal en lui posant un lapin, elle resserra le nœud de sa veste autour de sa blessure. Le tissu était trempé, mais le liquide lui réchauffa un peu les mains.
Engourdis, ses membres se mouvaient à peine, pataugeaient dans le goudron nocturne. Sous la masse oppressante, l'insignifiance de son propre poids la frappait d'inconfort. Elle perdait la sensation de ce qui l'entourait, attentive à une seule chose : les bourdonnements vagaux qui ondulaient le long de sa peau, avant de s'échouer lascivement au bout de la pulpe de ses doigts. Tout son être s'effilochait. Elle devinait qu'elle était toujours adossée à l'arbre car elle parvenait à rester debout, malgré le tas de bourbe qui lui servait désormais de jambes. Quelque chose devait encore soutenir son dos.
Un cliquetis métallique surgit au beau milieu du tourbillon incessant de ses sifflements. Elle sursauta à l'irruption du son inconnu et braqua son regard dans la direction du bruit. Il avait beau faire nuit noire, elle ressentait à quel point sa vision tanguait. Une petite diode clignotait à intervalles réguliers, tout en se rapprochant d'elle. L'objet n'était plus qu'à une poignée de mètres d'Ymir et elle venait tout juste de s'en rendre compte !
Elle se serait réprimandée si la nature de l'ovni ne l'inquiétait pas davantage. Grâce à la fugace lumière qu'il émettait, elle identifia vite une forme ronde, un peu comme une capsule. Le signal lumineux faisait refléter une texture d'acier et Ymir ne mit pas une seconde de plus à faire le calcul : cela ne pouvait être qu'une bombe !
Sans se laisser le temps de rassembler ses forces, elle décolla et s'engouffra dans l'obscurité de cette zone si peu familière, elle détala en se débattant dans le goudron. Elle ne songeait plus à quels genres de tributs avaient bien pu lui tendre un piège pareil, seule la lenteur avec laquelle elle courait la préoccupait. Pourtant elle dépliait les genoux avec la même souplesse qu'une gazelle, maximisait sa vitesse en se propulsant à coups de talons contre la terre… elle courait au ralenti.
À la fois si légère, et si lourde.
À son grand dam, sa course effrénée prit fin prématurément : son corps refusait de faire un pas de plus et se vautra contre le tronc d'un autre arbre, les sifflements toujours aussi aiguisés. Elle n'apercevait plus la faible lueur de la bombe, ni son claquement aigu elle savoura cette première consolation avant qu'une secousse tranchante ne la torde de douleur. Elle accrocha sa main à l'écorce, prête à se clouer aux échardes afin de ne pas tomber face contre terre.
Sciant ses rangées de dents l'une contre l'autre, elle prit une douloureuse inspiration et se maintint cramponnée au bois. Elle n'avait qu'à hisser le pied. Puis l'autre. Et ensuite elle grimperait, petit à petit, à l'abri, où elle dormirait. Une bonne nuit de sommeil bien réparatrice et méritée. Pour cela, il lui suffisait de grimper un arbre, certes géant, mais un arbre. Cela ne pouvait pas être plus compliqué que d'escalader une tour de briques, le muret d'un immeuble ou un grillage de barbelés, elle s'en sortirait.
Pourquoi les barbelés lui labouraient la peau ?
Ils s'entortillaient autour d'elle, s'empêtraient au plus profond de sa chair, la transperçaient de leurs minuscules crocs. Ligoté dans ces redoutables chaînes, il ne fallait pas se débattre, pas bouger, mais Ymir devait grimper. La blessure se creusait. Elle entendait le tissu de l'épiderme se déchirer, à mesure qu'elle poussait sur ses cuisses pour poursuivre son ascension périlleuse, mais elle n'en tint pas compte et broya le supplice entre ses molaires.
Une goutte perla sur son front et roula le long de ses joues, aussi chaude que le liquide qui imbibait sa jambe sûrement pas de la pluie, mais bien sa propre sueur. Du bout de la langue, elle la freina dans sa chute, non sans en éprouver une certaine satisfaction. Il y avait encore des choses qu'elle contrôlait.
Lorsque sa paume foula la surface d'une plate-forme stable, d'une branche assez large pour elle, sa main frétilla de bonheur et son cœur acclama la bonne nouvelle. Elle crut qu'il s'étoufferait de soulagement, mais il continua de battre en reprenant un rythme plus apaisé, mais trop erratique pour être tout à fait normal. Au point où elle en était, il s'agissait du cadet des soucis d'Ymir. Elle s'étala sur le ventre et se traîna, une main sur sa plaie, l'autre qui tâtait encore, jusqu'à pouvoir s'adosser au tronc. Pour ce faire, elle dut redresser son buste et se rabattre contre le bois.
Une fois parvenue à effectuer ce calvaire, elle s'attendait à un tonnerre de clameurs. Elle s'aperçut juste que les sifflements avaient pris fin, remplacés par des gémissements rauques. Elle ne reconnaissait pas sa voix dans ces râles. Elle ne reconnaissait rien. Tout cela lui arrivait pour la première fois, mais elle avait une hypothèse : peut-être était-elle juste en train de mourir ?
Comme ça, tout bêtement. Parce qu'elle avait eu les yeux plus gros que le ventre, vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué… parce qu'elle avait été idiote. Stupide. Elle en méritait, des applaudissements pour sa connerie pathétique !
Encore une goutte de sueur qui ruisselait le long de sa joue.
Tous ces beaux discours et ces belles paroles pour en finir là, alors que la dernière fois qu'elle avait vu Christa, c'était pour détailler le regard déçu qu'elle lui avait lancé parce qu'elle ne l'avait pas éliminée. Pour crever en la laissant suicidaire… ça lui donnait quel genre d'héritage, tout ça ? La mort de trois personnes, dont une pauvre gosse et un brave couple ?
Décidément, ça faisait suer de mourir…
Elle appliqua le peu de forces qu'il lui restait, non pas à sécher ses joues, mais à s'emmitoufler dans les couvertures douillettes que son esprit invoquait. L'odeur de la farine généreuse et de la mie chaude lui caressait le bout du nez, lui chatouillait les narines, et un gloussement germa en elle. Christa se tenait à ses côtés et retirait le torchon écarlate qui lui avait servi de veste jusque là.
Ymir ne se demandait pas encore ce que la blondinette pouvait bien faire au District Six, qu'un frisson électrisant jaillit et se déversa en onde de choc, agitant tout son corps dans un soubresaut irrépressible. Au même moment, le parfum de l'alcool l'enivrait.
La blessée tourna la tête en sentant qu'on lui faisait un bandage avec autre chose qu'une guenille sale et trempée, à cause de la nuit elle ne discernait qu'une silhouette, mais elle connaissait ce gabarit par cœur.
-Ne bouge pas ! »
De mieux en mieux, cette agonie. Elle se retrouvait aux petits soins de sa petiote, qui avait surgi de nulle part pour voler à son secours, guidée uniquement par la force de leur lien intense. C'était la première fois qu'on lui narrait un conte de fée au lit, avant qu'elle ne s'endorme.
-Christa, essaie de comprendre… »
Et le chevalier servant entrait en scène… elle se serait bien passé de lui pour cette fois.
-Non, hors de question de l'abandonner ! Je t'en prie, Reiner ! »
C'en devenait de trop pour son corps exténué. Lourdes comme la pierre, ses paupières tombèrent, et elle constata avec amertume que la voix de Christa s'estompait dans la brume blafarde d'un violent sommeil.
Votes du Public – Résultats du Troisième Jour :
1. Mikasa Ackerman – District Douze : 23, 8 %
2. Annie Leonhardt – District Deux : 15, 3 %
3. Reiner Braun – District Un : 14, 2 %
4. Ymir – District Six : 10, 7 %
5. Sasha Braus – District Dix : 10, 1 %
6. Ruth D. Kline – District Neuf : 7, 3 %
7. Jean Kirschtein – District Sept : 6, 4 %
8. Bertholt Hoover – District Deux : 4, 6 %
9. Christa Lenz – District Un : 4, 1 %
10. Marco Bodt – District Neuf : 2, 5 %
11. Conny Springer – District Huit : 0, 4 %
12. Eren Jäger – District Douze : 0, 26 %
13. Franz Kefka – District Onze : 0, 2 %
14. Hannah Diamant – District Onze : 0, 14 %
