Quelques tensions au festin d'Halloween ;) ou comment Filius Flitwick aime attiser les braises...

Bonne lecture !

Chapitre 6 : Halloween

Octobre 1990 – Poudlard

Un parfum de fête embaumait Poudlard en cette fin octobre. Le festin d'Halloween se préparait, et les citrouilles d'Hagrid étaient arrivées à maturité juste à temps pour les décorations de la Grande Salle. Comme la tradition le voulait également, une part importante des courges devaient être réservées et ensorcelées pour se conserver jusqu'à l'automne suivant et ainsi confectionner quotidiennement le jus de citrouille dont se gavaient les élèves de Poudlard au petit déjeuner – un breuvage particulièrement écœurant, s'il fallait demander l'avis d'Amelia.

Malgré son dégoût, Amelia avait promis à Hagrid de l'aider à choisir les citrouilles qui serviraient à la décoration, et celles qui seraient bonnes à boire. Une semaine avant le festin d'Halloween, elle se rendit donc au potager d'Hagrid, où le professeur Chourave, quoi qu'en ait dit le professeur McGonagall, avait l'habitude de participer à cette dégustation. Dumbledore, qui paraissait très proche d'Hagrid étant donné le nombre de « Dumbledore » que prononçait Hagrid au cours des discussions avec Amelia, s'y trouvait également.

« Ah, Amanda, vous voilà également ! » s'exclama le professeur Chourave. « Hagrid parlait justement de votre ingénieuse technique de production à base de sifflement, quelle merveille ! »

« Les courges sont exceptionnellement sucrées et goûteuses, cette année, » confirma Dumbledore en croquant dans un morceau de chair crue découpé dans un potiron.

Hagrid eut un clin d'œil ravi pour Amelia, qui accepta poliment un cube de courge et ravala une grimace en croquant dans le morceau cru.

« Il faut croire que les sifflements accentuent le taux de matière sèche de la chair, » poursuivit savamment le professeur Chourave. « ce qui est très intéressant pour nous, Amanda, » ajouta-t-elle d'un air entendu en goûtant un autre bout de citrouille.

« Sans doute, » répondit Amelia, peu sûre de comprendre.

« Nous n'allons pas tarder à rempoter les mandragores, avec les élèves de deuxième année, » expliqua le professeur Chourave. « Je pense qu'en leur sifflant quelque chose comme vous l'avez fait avec les citrouilles, nous obtiendrons peut-être une qualité supérieure pour la composition de philtre de mandragore. »

« Peut-être, oui… »

« Vous pourrez vous en charger, naturellement, comme vous semblez avoir trouvé la bonne méthode ! »

« Naturellement, » répéta machinalement Amelia, qui appréhendait déjà l'expérience avec les mandragores et de leur fâcheuse tendance à casser les oreilles de quiconque osait s'en occuper.

Le soir du festin d'Halloween, Amelia se trouvait de nouveau assise aux côtés du professeur Flitwick.

« Le jus de citrouille est excellent, cette année ! » complimenta le minuscule professeur en levant son verre en l'honneur d'Hagrid et Amelia.

« Merci, professeur. »

« Oh, trêve de politesse, appelez-moi donc Filius, » proposa gaiement le professeur. « Mais dites-moi, Amelia, pourquoi n'êtes-vous pas venue, cet après-midi, pour nous aider à suspendre les citrouilles au plafond ? C'est pourtant très amusant à faire, je pensais vous voir parmi nous… »

« Je suis navrée, » s'excusa Amelia, qui avait été cordialement invitée par le professeur Chourave à l'ensorcellement des citrouilles. « Mais les sortilèges ne sont vraiment pas mon point fort, j'aurais sans doute fait plus de dégâts qu'autre chose… »

« Une jeune femme brillante comme vous ! » s'écria le professeur. « J'ai du mal à vous croire. »

« Et pourtant, » répliqua seulement Amelia.

« J'ai recruté Amanda pour ses aptitudes en botanique, Filius, » rappela le professeur Chourave en se mêlant à la conversation. « Je n'ai pas regardé le reste du dossier, je suis même parfaitement incapable – »

« De l'appeler correctement par son prénom, » compléta à mi-voix le professeur Flitwick, ce qui fit s'étrangler Amelia avec son morceau de gâteau en se retenant de rire.

« …de me souvenir dans quelles matières vous avez passé vos ASPIC, » termina le professeur Chourave.

« C'est vrai, » fit le professeur Flitwick avec curiosité. « Hormis la botanique, évidemment… »

« Eh bien, » fit Amelia en reposant sa cuillère et en abandonnant, sans regret, son immonde gâteau à la citrouille, « j'étais plutôt douée en potions… »

« Ce qui est assez naturel quand on connaît bien les plantes, » approuva le professeur Chourave.

« En astronomie, aussi, » poursuivit Amelia. « Et aussi ce que vous appelez ici les soins aux créatures magiques. »

« Cela fait quatre matières, donc, » récapitula le professeur Flitwick.

« J'ai aussi un ASPIC en histoire, » ajouta Amelia, « mais je n'ai jamais trouvé cette matière très… sympathique. »

« Il n'y a que les professeurs d'histoire qui trouvent leur matière sympathique, » pouffa le professeur Flitwick.

Flottant près de la table, le professeur Binns, fantôme de son état et professeur d'histoire de la magie, jeta un regard offensé à son collègue et s'éloigna d'un air pincé.

« Et comment en êtes-vous venue à la botanique, alors ? » reprit le professeur Flitwick avec intérêt.

Amelia resta silencieuse un instant, cherchant la bonne formulation.

« Disons, » hésita-t-elle, « disons que quand on connaît bien les plantes, on n'a pas besoin de connaître grand-chose d'autre… »

Le professeur Chourave approuva avec de grands mouvements de tête tandis que le professeur Flitwick laissait échapper un petit rire.

« Vous ne manquez pas de franchise, au moins, » fit-il remarquer de bon cœur, « pour laisser entendre à un professeur de sortilèges que sa matière est inutile pourvu de savoir rempoter des mandragores ! »

Il jeta un bref coup d'œil derrière l'épaule d'Amelia, et se pencha vers elle.

« Et à un professeur de métamorphose, » ajouta-t-il à voix basse avec un sourire amusé.

Amelia rougit instantanément en comprenant que le professeur McGonagall, assise un siège plus loin à côté du professeur Chourave, avait entendu sa réponse et devait en être moins amusée que le professeur Flitwick.

Glissant brièvement le regard sur son gobelet en étain, Amelia distingua le reflet du professeur McGonagall, dont les sourcils froncés montraient la désapprobation que lui inspirait la discussion. La gêne d'avoir vexée l'enseignante rendit le reste de la conversation pénible.

« Donc pas de sortilèges, » reprit le professeur Flitwick, « ni de métamorphose, je suppose ? »

« Tout ce qui requiert une baguette ne m'a jamais réussi, » résuma Amelia en parlant si bas que cela tenait presque au chuchotement.

« Pas de duel non plus, alors, » conclut le professeur Flitwick sans paraître nullement choqué. « Vous me rappelez beaucoup votre père, je dois dire… »

Amelia se tendit en attendant la suite.

« Lui non plus n'était pas très porté sur les incantations et les maniements de baguette, j'ai eu bien du mal à le faire venir en cours jusqu'à sa cinquième année ! »

« Vraiment ? » marmonna Amelia, qui détestait de plus en plus la tournure de la discussion.

« Mais comme vous, il brillait dans d'autres matières, surtout l'arithmancie ! Vous avez fait un peu d'arithmancie, vous-même ? »

« Très peu, » grimaça Amelia. « C'était beaucoup trop abstrait. »

« Je vois, » fit le professeur Flitwick avec un hochement de tête approbateur. « Vous aimez les matières concrètes, qui traitent des choses de la nature : la botanique, les créatures magiques, l'astronomie, et même les potions, quand on y pense… »

« Voilà. »

« Mais vous n'utilisez donc jamais votre baguette ? »

« Oh, très peu… » répondit Amelia du bout des lèvres pour ne pas dire qu'elle avait en réalité donné sa baguette à un élève de première année qui avait accidentellement cassé la sienne en tombant dans les escaliers, à Ferruccia, à peine quelques semaines avant de passer les ASPIC – elle n'en avait pas eu besoin, sachant qu'elle avait abandonné après les BUSE toutes les matières nécessitant l'usage d'une baguette. Le garçon en larmes, terrorisé à l'idée de ne pas pouvoir acheter une nouvelle baguette avant ses examens de fin d'année, avait mille fois remercié Amelia, et malgré quelques difficultés pour utiliser une baguette qui n'était pas la sienne, avait réussi sans trop de peine à valider correctement tous ses examens.

« Vous vivez un peu à la mode moldue, finalement ? » résuma le professeur Flitwick, qui avait l'air passionné par le sujet.

« En quelques sortes. »

« C'est fascinant, vraiment fascinant… »

Un autre coup d'œil au reflet dans son verre montra à Amelia l'air proprement scandalisé du professeur McGonagall, qui l'observait ouvertement et n'hésiterait sans doute pas à attaquer verbalement si Amelia avait le malheur de tourner la tête de son côté.

Finalement agacée d'être ainsi jugée, Amelia s'éclaircit la gorge. « Mais vous savez, Filius, » reprit-elle cette fois à voix haute et claire, faisant sursauter le professeur Chourave qui en laissa tomber le morceau de dinde piqué avec sa fourchette, « les baguettes ne sont pas si utiles qu'on ne le pense. Vous parliez des moldus à l'instant, eh bien voyez comme ils se débrouillent sans baguette, et ma foi, ils arrivent autant à s'entretuer que les sorciers, peut-être même mieux encore. »

Cette fois, le professeur Flitwick riait ouvertement, manifestement ravi du franc-parler d'Amelia, et le professeur Chourave, un peu étonnée, semblait se demander où était passée son apprentie habituellement réservée et peu bavarde.

Amelia jeta un dernier regard à son gobelet. Le professeur McGonagall arborait le même air que lorsqu'elle avait trouvé Peeves s'amusant avec son chapeau rempli fientes d'oiseaux.

Attrapant le gobelet pour ne plus voir le reflet du professeur McGonagall, Amelia le vida d'un trait, retenant une grimace face au goût abject du jus de citrouille, et recula sa chaise. « Je vous prie de m'excuser, mais demain est une grosse journée… »

« Bien sûr, bien sûr, » abonda le professeur Flitwick. « Je sais que votre patronne n'est vraiment pas commode, » ajouta-t-il avec un clin d'œil, faisant toussoter son épouse et collègue de botanique.

« À demain, Amanda, » ajouta celle-ci. « Prenez votre temps, demain matin, nous ferons un point à dix heures sur les traitements en cours. »

Amelia leur souhaita une bonne nuit, et quitta la Grande Salle, pressée de mettre de la distance avec le professeur McGonagall.

L'enseignante semblait hautement susceptible, et Amelia n'aimait pas beaucoup cela. D'un côté, elle comprenait qu'une sorcière et spécialiste de la métamorphose puisse être vexée d'entendre que les moldus se débrouillaient mieux que les sorciers et que les baguettes n'étaient « pas si utiles ». Après tout, les critiques de la part des autres élèves de Ferruccia, qui n'admettaient pas la comparaison entre sorciers et moldus, avaient forcé Amelia à mesurer ses propos pour ne froisser personne.

Mais il s'agissait de Ferruccia, une école où la majorité des élèves étaient de sang « pur » et où l'idée-même de vivre « à la mode moldue » était inconcevable. Poudlard, au contraire, avait la réputation d'accueillir sans distinction les sorciers nés de parents moldus, et les élèves pouvaient même suivre des cours d'étude des moldus !

Alors voir la directrice-adjointe s'indigner pour si peu…

« Tu idéalises Poudlard, mais tu comprendras vite que sans baguette, tu ne vaux rien, là-bas. »

Plus dépitée qu'énervée, Amelia chassa les mots de son père de son esprit. Il avait eu raison, sans doute.