Résumé: Severus est de plus en plus nerveux et perturbé par ce secret au sujet de la venue de vampires au Manoir qu'il doit garder vis à vis de Harry et même son comportement s'en ressent. Harry ne comprend pas ce désarroi et s'en ouvre à Clay qui le rassure en partie. Au cours d'un dîner de famille au Manoir, Charlie a l'alcool triste suite aux funérailles de son ami en Roumanie, et il s'en prend à Harry qu'il accuse de se cacher sous les dorures du Manoir sans se sentir concerné par la situation internationale. Pendant la dispute qui s'ensuit, il comprend ce que Harry a vécu pendant sa captivité.

Aujourd'hui, la révélation de ce secret..., après laquelle Harry et Severus vont vraiment pouvoir se parler. Et puis, on va retrouver Harry en tête à tête avec Lucius, pour ceux qui l'apprécient ;) Bonne lecture!

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La porte du bureau de Severus était entrouverte, ce qui était rarement le cas, et le juron qui en filtra témoignait de sa présence. Harry poussa la porte de l'épaule et gloussa aussitôt. Son compagnon était à quatre pattes devant les tiroirs ouverts de son secrétaire et farfouillait à l'intérieur en marmonnant sa colère. Il n'aurait pas eu Aria dans les bras, cela lui aurait bien donné quelques idées licencieuses, malgré l'humeur de son amant.

– Qu'est-ce que tu cherches ainsi en râlant comme un damné ?

Severus grogna sa désapprobation devant son ironie puis se releva avec un regard noir.

– Un courrier que j'ai rangé je ne sais où il y a quelques mois, avec les dates du prochain salon de New-York... Et évidemment l'invitation et les billets de portoloin qui allaient avec.

Harry tourna la tête vers sa fille qui gigotait sur sa hanche et qu'il réinstalla un peu mieux... ce qui lui permit de cacher son sourire. Autant Severus pouvait être organisé dans sa Librairie, ou autrefois en confectionnant ses potions, presque maniaque dans le rangement de ses ingrédients et de ses ustensiles, autant son bureau était toujours un vrai bazar, avec des papiers entassés sans aucun classement, des objets en désordre, des tiroirs qui pouvaient aussi bien contenir de vieilles plumes que des cailloux ramassés par Iris pendant une promenade, des lettres importantes ou une bourse en peau de Moke offerte par son ami Sebastiaan...

– Le salon est du dix au treize juin. C'était écrit dans le dernier Bibliophiles Magazine que tu as reçu, fit Harry avec un sourire. Quant à tes papiers, je ne sais pas où tu les as rangés...

Depuis son fauteuil, Severus lui lança à nouveau un regard sombre qui n'impressionna personne, pas même Aria. Au contraire, elle se mit à babiller avec un grand sourire et tendit les bras pour demander à rejoindre ceux de Severus. Harry suivit le mouvement de sa fille et se pencha légèrement pour la faire descendre et la confier à son amant.

Aussitôt, le visage de Severus se détendit et il esquissa même un sourire en voyant Aria se cramponner de ses petites mains aux plis de sa chemise. Il adorait quand elle montrait de l'intérêt envers lui, quand elle voulait venir dans ses bras plutôt que ceux de Harry, quand elle était fascinée par ses mèches de cheveux blancs qui brillaient et qu'elle essayait désespéramment de toucher... Il ne l'aurait jamais avoué, bien entendu. Et Harry adorait tout autant cette connivence entre sa fille et son amant, leur attachement si particulier, leur amour implicite.

Severus avait été horriblement réticent à l'annonce de sa paternité. Harry avait cru qu'il ne l'accepterait jamais, il avait même cru devoir renoncer à sa fille parce qu'il ne voulait pas l'élever sans son amant... Mais rapidement, Severus avait été là, disponible pour donner un biberon, la garder cinq minutes le temps qu'il prenne une douche ou qu'il aille aux toilettes... Et surtout, de lui-même, il avait spontanément proposé de prendre son relais au petit matin, pour s'occuper d'elle quand elle passait ses nuits à pleurer et à refuser de dormir. Grâce à Severus, il avait toujours pu dormir un peu, souffler quelques heures, sans quoi Harry aurait fini épuisé et au bout du rouleau.

Et aujourd'hui, quelques mois plus tard, il aboutissait à cela : sa fille contre le torse de son compagnon, souriante et qui suçotait les boutons de sa chemise... et Severus qui la couvait d'un regard doux et débordant de tendresse.

Harry n'était même pas certain que son amant l'ait déjà regardé, lui, avec une tendresse pareille ! Mais en tout cas, il ne regrettait rien. Severus se comportait exactement comme il l'avait toujours rêvé : attentionné et patient, aimant et disponible, et sans jamais empiéter sur son rôle de père. Peut-être, plus tard, certains conflits verraient le jour, des divergences d'opinion sur l'éducation d'Aria, sur les comportements autorisés ou interdits, sur les punitions, sur ses bêtises plus ou moins graves... Il y en aurait certainement. Mais pour l'instant, Severus n'en faisait ni trop, ni trop peu. Il était juste parfait!

Harry gloussa discrètement à ses pensées mièvres et énamourées, mais il ne pouvait pas – et il ne souhaitait même pas – empêcher cet élan de sentiments qu'il laissa allégrement filtrer dans le lien. Severus leva lentement son regard vers lui, un regard chaud et lumineux... Et peut-être... peut-être bien que maintenant, il y avait autant de tendresse dans ses yeux que lorsqu'il contemplait sa fille.

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Un coup léger sur la porte et une voix de crécelle interrompirent leur baiser. Harry se redressa pour apercevoir un elfe craintif à l'entrée du bureau, un parchemin roulé à la main.

– Monsieur Severus...

Sans même répondre, Severus tendit la main jusqu'à ce que la créature lui remette le message puis grogna plus qu'il ne le remercia. Cela serait peut-être un sujet de conflit plus tard... cette propension à traiter les elfes – hormis Clay, et parfois Sky – comme des serviteurs à qui il ne devait aucune considération.

Tant bien que mal tout en tenant Aria contre lui, Severus déroula le parchemin et le parcourut rapidement. Il grommela à nouveau puis le jeta sur son bureau où il s'enroula sur lui-même.

– Qu'est-ce que c'est ? fit Harry, curieux.

Pendant un moment, Severus fit mine de se concentrer sur Aria tout en réfléchissant, mais la lettre semblait l'avoir contrarié et il restait silencieux. Puis sans même s'en rendre compte, il fourragea du bout du nez dans les cheveux du bébé et y déposa un baiser. Le geste avait été instinctif, irréfléchi. Aussi spontané que Harry le faisait parfois. Un besoin de douceur et un baiser furtif... mais tellement révélateur.

– On me demande une expertise, finit par dire Severus.

– Génial ! Tu adores ça ! fit Harry, sincèrement ravi pour son amant.

Se plonger dans un livre ancien pour estimer son état de conservation, son ancienneté, sa rareté, en un mot sa valeur était un vrai plaisir pour Severus. Peut-être même ce qui lui plaisait le plus dans son travail, et c'était souvent l'occasion de consulter des ouvrages qu'il n'aurait jamais pu acquérir ou côtoyer d'une autre manière.

– Je n'irai pas.

– Pourquoi ?! s'étonna Harry.

Aria vint faire diversion une seconde, attrapant un doigt de Severus qui passait à portée de sa main pour le mettre à sa bouche. Cette main si petite, qui peinait à contenir tout entier un doigt de Severus, était habituellement une source d'émerveillement pour Harry, mais cette fois, il n'y fit même pas attention.

– Le livre est trop ancien pour être transporté. Il faudrait que j'aille en Australie, à l'autre bout du monde ! J'en ai au moins pour deux jours d'expertise, si ce n'est plus... Et je ne veux pas m'absenter en ce moment.

– Pourquoi « en ce moment » ? fit Harry en fronçant les sourcils. Qu'est-ce que « en ce moment » a de particulier ?

Hormis l'altercation avec Charlie, déjà résolue, il ne se passait rien de spécial en ce moment. Pas de conflit entre eux trois, pas de dispute, Lucius n'était pas plus absent que d'habitude – pas plus présent non plus d'ailleurs, mais ils étaient habitués – Aria allait bien, tout le monde allait bien et il n'y avait rien de notable... Excepté cette attitude plus réservée, plus méfiante de Severus, qui semblait craindre sa réaction pour il ne savait quelle raison. Et cette « chose » que Lucius devait lui annoncer et qui risquait de le contrarier...

Harry serra les dents et pesta intérieurement. Il en avait assez de ces secrets et de ces manières de le considérer comme une petite chose fragile. Il n'était pas en sucre ! Et il était absolument hors de question que Severus se prive d'une expertise passionnante simplement parce qu'il le croyait faible et vulnérable. Il n'avait jamais voulu la pitié de personne, et encore moins celle de son compagnon !

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Comme chaque matin, Severus s'était levé impitoyablement tôt, en même temps que les premières lueurs du jour filtraient à travers les rideaux de la chambre. Il avait bien tenté, en se réveillant, de les inciter à quelques caresses, mais Harry avait marmonné, s'était retourné vers les bras de Lucius et s'était rendormi aussi sec.

Ce ne fut que lorsque la porte de la chambre se referma sur Severus qui descendait vers la rotonde qu'il émergea un peu plus de son lourd sommeil.

Ils avaient fait l'amour la veille au soir en se couchant, longtemps, lentement. Et il avait fallu épuiser bien de la tendresse et bien des sentiments avant que la passion et le désir ne consument les corps.

Ce matin, Harry était encore fatigué. Ses bras et ses jambes lui semblaient peser des tonnes, il sentait même des courbatures dans ses cuisses et ses fesses qui auraient demandé un bon massage pour les délasser. Le corps de Lucius était le refuge qu'il lui fallait et il se lova contre sa chaleur, glissa sa jambe entre ses cuisses, son bras en travers de son ventre et ses lèvres sur sa peau.

Il somnola un long moment ainsi jusqu'à ce que la caresse d'une main dans son dos ne le fasse émerger à nouveau. Lucius voulait changer de position et Harry se tourna de l'autre côté, son amant venant se coller contre son dos, ses cuisses contre ses fesses. Un bras possessif vint le resserrer au plus près du corps de l'aristocrate, ce qui le fit sourire. Harry adorait quand ils étaient ainsi emboîtés l'un contre l'autre, épousant si parfaitement les formes de l'autre. Il aimait aussi faire l'amour dans cette position, mais ce matin il était trop fatigué pour ça... Mais ce qu'il aimait peut-être par-dessus tout, c'était ce bras sur son ventre qui le tenait serré contre son amant, et le sentir, comme maintenant, frotter son nez sur son épaule ou dans sa nuque, comme pour se réveiller, et le baiser léger qui suivait.

Harry posa sa main sur celle de Lucius qui caressait son ventre et leurs doigts s'entrelacèrent. Aucun des deux n'en voyait rien, mais ils souriaient l'un et l'autre. Lucius frotta à nouveau son nez sur sa peau, la mordilla puis l'embrassa. Harry sourit de plus belle; ce genre de petits gestes, presque animal, le faisait fondre. Et c'était toujours dans ces moments, entre rêves et réveil, que Lucius les laissait échapper.

Ce matin, il était encore tôt, ils avaient du temps... Le temps des câlins, des petits gestes, le temps des caresses et des murmures, le temps de la tendresse... C'était presque meilleur que faire l'amour. Cela signifiait tant d'attachement, loin des pulsions du corps, cela signifiait le temps qu'on prenait pour l'autre, la douceur partagée, les moments pastels où l'on se réchauffe à la chaleur d'une peau, où l'on prolonge le contact, où l'on se touche le plus largement possible, comme si les corps allaient pouvoir fusionner, tout partager, ne faire qu'un... Harry courba la tête pour offrir sa nuque au visage de Lucius, à sa bouche, à ses lèvres, et se rendormit en souriant.

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Ce fut un mouvement léger qui le réveilla à nouveau, exactement dans la même position. Il n'avait pas bougé, n'avait même pas dû dormir plus de quelques minutes... La main de Lucius était toujours sur la sienne mais les doigts fins de son amant jouaient avec son alliance. Celle de son annulaire droit, l'alliance avec les diamants, celle qui représentait l'aristocrate... Harry sourit encore, referma ses doigts possessifs sur ceux de Lucius, et resserra autour de son ventre le bras qui le maintenait contre le corps de son amant. Il ne voulait pas le moindre espace entre eux.

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Cette fois, c'était Lucius qui avait dû se rendormir un petit moment, assez longtemps pour que l'étreinte de son bras ne se relâche doucement, laissant sa main glisser mollement sur le ventre de Harry. Mais parce qu'il était jeune, parce qu'il baignait dans le parfum de Lucius qui agissait sur lui comme un aphrodisiaque, parce qu'il sentait le corps de l'aristocrate derrière lui et que des images licencieuses lui traversaient l'esprit, Harry, lui, était bien réveillé, et il avait parfaitement conscience d'une certaine partie de son anatomie qui durcissait à vue d'œil. Il n'avait pas pour autant envie de faire l'amour mais il n'aurait pas été opposé à quelques caresses bien placées.

Doucement, il prit la main relâchée de l'aristocrate et la plaça sur son sexe à demi tendu. Il n'en fallait pas plus pour lui tirer un léger gémissement de plaisir et aussitôt, il sentit les lèvres de Lucius s'étirer en souriant sur son épaule. Apparemment, il ne dormait plus... Ou bien son geste venait de le réveiller.

Lucius caressa doucement son sexe, du bout des doigts, s'attardant sur le rebord charnu du gland qu'il fit rouler entre son pouce et son index jusqu'à ce qu'une certaine humidité ne vienne y perler. Il l'étala lentement tout en y lubrifiant ses doigts puis reprit son massage délicat.

Doucement, le visage tourné vers l'oreiller, Harry geignait de plaisir. C'était bon, c'était délicieusement bon, ç'aurait pu durer mille ans... Mais la main de Lucius s'éloigna, ses doigts vinrent pincer vicieusement un de ses tétons, quelques secondes, puis retournèrent s'entremêler avec ses propres doigts. Harry gémit de frustration puis sourit. Contre ses fesses, le sexe de son amant était légèrement gonflé lui aussi, il se frotta quelques instants, mais ils n'iraient peut-être pas plus loin. Un petit plaisir, quelques sensations pour combler l'attente jusqu'à la prochaine fois. Cela suffisait.

Ils n'iraient certainement pas plus loin puisque la porte de la chambre s'ouvrit sur la grande silhouette de Severus qui tenait Aria dans ses bras.

– J'espère qu'on ne vous dérange pas, ricana-t-il en les voyant réveillés. Mademoiselle s'impatientait dans son lit.

Severus s'approcha du lit tandis qu'Aria, en voyant son père, s'était mise à babiller et à agiter les bras pour le rejoindre.

– Elle ne pleurait pas en tout cas ! gloussa Harry en tendant les bras pour réceptionner sa fille. Dis plutôt qu'en remontant de la piscine, tu as passé la tête à sa porte et que dès qu'elle t'a vu, il n'était plus question de rester dans son lit !

Severus haussa les épaules en réprimant un sourire et se pencha vers eux pour les embrasser. Ses lèvres étaient glacées, autant que la main qu'il promena sur son torse, alors qu'Aria, dans son petit pyjama mauve, était une vraie bouillotte. Harry frissonna, encore davantage lorsqu'il s'éloigna de la chaleur de Lucius, puis il s'allongea sur le côté, face à son amant, et installa Aria entre eux deux. L'aristocrate, en embrassant son mari, tenta bien de le retenir mais Severus s'échappa sur un sourire, abandonna son kimono sur un fauteuil et disparut dans la salle de bains.

Harry remarqua le bref soupir de Lucius, puis celui-ci posa les yeux sur Aria et se remit à sourire. Elle les regardait tour à tour de ses grands yeux qui tiraient de plus en plus sur un vert foncé et elle babillait de plaisir. Dans sa main minuscule qui s'agitait pour essayer de les toucher, elle tenait un morceau de ce bout de tissu chatoyant qui lui servait de doudou. Autant que ses mères, Harry lui avait proposé des peluches, des nounours, des poupées en tissu... mais il n'y avait que ce vieux foulard de Luna qui lui servait parfois à s'attacher les cheveux qui avait eu gain de cause. Aria le traînait partout, jusque dans son lit pour dormir, et il avait fallu le doter de sortilèges pour éviter qu'elle ne se le mette autour du cou ou ne s'en recouvre la tête.

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Harry reposa sa tête sur son bras qui lui servait d'oreiller tout en admirant sa fille. Il l'aimait tellement ! Il n'imaginait même plus comment était la vie sans elle. De la même manière qu'il n'imaginait même plus sa vie sans ses amants... Et les avoir tous les trois autour de lui était le summum du bonheur.

Un instant, il repensa à la question que lui avait posée Severus quelques jours plus tôt : est-ce qu'il souhaitait avoir d'autres enfants... Il n'en savait rien. Il n'en ressentait pas le désir, mais confusément, il se sentait prêt à aimer d'autres enfants, à voir grouiller autour de lui de la vie, des petits pieds qui courent partout, des rires, et même des disputes... Il était prêt à voir le Manoir rempli de petites voix criardes, de jouets qui traînent et de silhouettes qui disparaissent derrière une porte pour cacher une bêtise...

Mais pour l'instant, Aria lui suffisait. Il voulait prendre le temps de la voir grandir, il voulait profiter d'elle, d'autant plus qu'il ne l'avait que trois jours par semaine. Pour combler ses envies de multitude, il y avait Minerva, Iris et Scorpius...

C'était peut-être cela qui lui manquait en définitive : depuis deux jours, Draco et sa famille étaient rentrés chez eux, dans leur maison, après trois semaines passées au Manoir, et comme après chaque vacances, chaque week-end qu'ils passaient tous ensemble, le contraste était rude. Les pièces trop nombreuses étaient vides, les couloirs silencieux, les salons trop rangés et trop calmes...

– J'ai l'impression qu'elle s'ennuie, murmura Harry.

– Qu'elle s'ennuie ?! s'étonna Lucius, un brin narquois. Comment pourrait-elle s'ennuyer alors qu'elle est avec toi ?! C'est comme quand elle est avec Luna et Padma... vous êtes ses parents, vous suffisez à son existence.

Par-dessus Aria qui agitait son doudou dans tous les sens, Lucius approcha une main qui souleva son menton jusqu'à ce que leurs regards se croisent.

– Tu dis ça parce que Draco est parti et que tu as du mal à te réhabituer à leur absence... Ça prend toujours quelques jours, tu le sais bien...

– Ça ne te manque pas, toi ?

– J'aime beaucoup Draco. C'est mon fils. Et j'aime tout autant Daphnée et les enfants... Mais j'apprécie aussi de retrouver une certaine tranquillité et surtout de vous retrouver, toi et Severus, et de pouvoir profiter de vous sans faire attention à rien. Et de profiter aussi de cette petite princesse...

Lucius avait glissé sa main sur le ventre d'Aria et elle se mit à babiller de plaisir en agitant son bout de tissu de plus belle.

Harry sourit devant cette image et devant les paroles de l'aristocrate, ému par tous les sentiments qui se bousculaient en lui. Lucius tenait à sa liberté d'agir comme bon lui semblait, et devant Draco, il se retenait toujours un peu, consciemment ou non. Il était moins câlin, moins tactile, il se permettait moins d'insinuations un peu osées et moins de paroles qui dévoilaient trop ses sentiments et ses états d'âme. Il n'était entier, presque sans pudeur et sans fard, que devant eux.

Et puis il était toujours plus libre de son attitude avec Aria quand ses petits-enfants n'étaient pas là. En leur présence, il prenait garde à ne pas montrer de préférence pour elle au point qu'il en paraissait presque froid et distant. Pour tout dire, il ne s'occupait pas d'elle, n'accordant son attention qu'aux enfants de Draco. Alors que dans leur intimité à tous les quatre, il montrait plus d'affection et allait même jusqu'à l'appeler « ma princesse »...

Harry comprenait cette différence de comportement; il ne voulait pas s'en formaliser, les choses viendraient avec le temps... Et puis ces moments-là rattrapaient tout le reste : Lucius qui avait pris une mèche de ses cheveux blonds entre deux doigts et qui s'en servait pour chatouiller Aria sur le visage et juste sous le nez. Elle éternua puis se mit à rire aux éclats alors que les yeux gris de Lucius brillaient d'une joie retenue...

Harry sentit son ventre se nouer d'émotion et son regard s'humidifier plus que de raison. Il ne savait pas pourquoi le rire de sa fille le bouleversait autant, mais c'était toujours des moments où il se sentait complètement vulnérable et d'une sensibilité à fleur de peau.

La porte de la salle de bains qui s'ouvrit sur le regard curieux de Severus vint briser ce moment trop sentimental, et ce n'était peut-être pas un mal : lui non plus, il n'aimait pas montrer ses faiblesses...

– Parce que tu n'es pas encore sous la douche, toi ?! gloussa Lucius devant le sourire narquois de son mari. Si c'est pour te faire du bien tout seul, tu aurais mieux fait de rester avec nous !

– Et avec elle ? ricana Severus avant de refermer la porte.

Certes. Avec Aria, ils n'auraient rien pu faire mais Harry était certain que dans la salle de bains, Severus ne faisait rien de plus sexuel que de se raser ou s'épiler le torse et le bas-ventre. Les plaisirs solitaires n'avaient plus lieu d'être depuis bien longtemps mais la plaisanterie était courante entre ses amants.

– Et toi, tu ne vas pas travailler ce matin ? s'étonna Harry en songeant à l'heure qu'il devait être.

Habituellement, Lucius suivait Severus de près dans la salle de bains, voire la partageait avec lui s'il avait des réunions matinales ou si Severus s'était réveillé un peu plus tard. Mais ce matin, ils semblaient tous les deux prendre leur temps, et l'aristocrate n'avait pas du tout l'air décidé à sortir du lit.

– Tu me chasses ? ricana Lucius.

– Pas du tout mais...

– J'y vais un peu plus tard, expliqua-t-il avec un sourire espiègle. Je n'ai pas de réunion avant dix heures et j'ai besoin de parler à Mark.

– À propos de quel dossier ? fit Harry, surpris. À force, je les connais à peu près tous si tu veux, je peux...

– Je préfère en parler avec lui.

Lucius secoua la tête avec un soupçon de condescendance, ce qui acheva de vexer Harry. Il avait déjà l'impression de n'être au courant de rien dans cette maison, et voilà que maintenant Lucius lui taisait de plus en plus de choses. Il y avait ce « problème » dont Lucius devait lui parler et que craignait tant Severus, ce tête à tête surprenant avec Mark...

– Ne lui demande pas de me surveiller ! grogna Harry.

Lucius était tout à fait capable de cela: demander à Mark de guetter son comportement, ses réactions à l'annonce d'une nouvelle qui pourrait lui déplaire... et de faire son compte-rendu par la suite.

– Très bien ! fit l'aristocrate en riant devant sa mine renfrognée. Je vous en parlerai à tous les deux puisque tu tiens à prendre une si grande part dans la gestion de mes affaires... Mais pas maintenant ! Et crois bien que Mark n'a pas besoin de mes consignes pour te surveiller ! Ou plutôt veiller sur toi... même si au final, il ne me dit strictement rien.

Harry regarda longuement son amant pour jauger de sa sincérité tandis que l'eau se mettait à couler dans la salle de bains. Avec Lucius, il n'y avait jamais moyen d'être certain de quoi que ce soit, mais il verrait vite si effectivement l'aristocrate leur parlait à tous les deux ou bien s'il insistait pour parler avec Mark seul à seul... Il décida de mettre cela de côté pour l'instant et s'assit en tailleur dans le lit face à son amant.

Aria, qui s'était fait discrète devant leurs visages sérieux, se manifesta à nouveau et tendit les bras. Harry la souleva et la prit contre lui en l'asseyant entre ses jambes croisées, la laissant jouer avec ses doigts et les mordiller.

– Puisqu'on en est aux affaires sérieuses, commença-t-il en soupirant. Il y a cette « chose » que tu es censé me dire et qui inquiète tellement Severus... Je ne sais pas ce que c'est et je ne sais pas quand tu as prévu de m'en parler, mais je voudrais que tu le fasses maintenant. S'il-te-plaît.

Lucius, qui regardait le sourire d'Aria, leva vers lui des yeux brusquement attentifs. Puis il fronça les sourcils.

– Comment...

– Je le sais, c'est tout, l'interrompit Harry. Ça fait plus de dix jours que Severus est tendu, que je le sens coupable de garder ce secret, qu'il me surveille comme le lait sur le feu et qu'il n'ose pas m'affronter... Et qu'il s'empêche d'aller faire cette expertise en Australie parce qu'il craint ma réaction pendant son absence. Alors, je veux être débarrassé de ça et je veux que tu me le dises maintenant. Et qu'il puisse partir s'il en a envie.

Il ne voulait pas parler de Clay pour ne pas le mettre dans une position délicate, mais au vu de la réaction de Lucius, il avait fait mouche. Severus n'avait visiblement pas parlé à son mari de cette demande d'expertise et Harry avait fait en sorte de garder cette information pour lui et pouvoir s'en servir d'argument.

– Maintenant ? Ici ? Avec elle ? insista Lucius.

– Maintenant. Ici. Avec elle. S'il-te-plaît.

De façon surprenante, un léger sourire vint effleurer les lèvres de l'aristocrate. Lucius avait toujours apprécié l'aplomb face à lui, l'assurance... une certaine audace un peu fière.

– Très bien, fit-il en s'asseyant à son tour.

Harry frémit malgré tout d'appréhension. Peut-être avait-il eu tort de saisir cette occasion pour pousser Lucius à la confession... Au saut du lit, en présence d'Aria... Et si Severus avait raison et qu'il craquait ?

Mais il n'y avait aucune raison à cela. En discutant avec Clay, il avait imaginé ce qui était le pire pour lui : être quitté par ses amants, et l'elfe l'avait complètement rassuré là-dessus. Il s'était même moqué de ses inquiétudes stupides. Et par rapport à cela, rien ne pouvait l'atteindre sérieusement. Il sentait la présence tranquille de Severus dans le lien, et le petit sourire de Lucius prouvait plus de confiance qu'il ne l'avouerait jamais.

– Dans deux semaines, commença Lucius en le fixant du regard, a lieu une réunion de la Commission Européenne sur les Vampires, où nous devons signer plusieurs déclarations importantes et plusieurs traités d'alliance. Ce sur quoi je travaille depuis des semaines... Je ne t'explique même pas l'importance de ces accords, étant donnée la situation actuelle... De nombreuses délégations de vampires vont faire le déplacement : ceux de Colibita, et plusieurs groupes et tribus de différents pays, qui ont décidé de les rallier. Et de s'unir à nous pour lutter contre la Coalition... Nous devons accueillir ces délégations. Avec respect et considération. Chaque chef d'État qui fait partie de la Commission va se charger de recevoir dignement une délégation... Je suis le Ministre de la Magie de ce pays...

Lucius se tut une seconde, lui laissant le temps de tirer ses propres conclusions. Aussi impassible qu'il était resté pendant le petit discours de son amant, Harry s'obligea à ne pas ciller, ni quitter des yeux ce regard gris.

– Au Manoir ?

– Au Manoir, acquiesça Lucius. Nous recevrons la délégation de Colibita, ceux qui ont été les premiers à nous rallier.

L'information était clairement destinée à le tranquilliser, à lui prouver qu'ils étaient les plus dignes de confiance, mais Harry restait fixé sur l'image d'un groupe de vampires parcourant les couloirs du Manoir.

– Combien ?

– Je ne sais pas encore. Ils logeront dans l'autre aile du Manoir, celle des réceptions et des invités. Compte tenu de leur mode de vie, je pense que nous n'aurons pas beaucoup de contacts avec eux... Mais en dehors des réunions, ils demeureront ici.

– Combien de temps ?

– Quatre jours. Peut-être cinq si les discussions de la Commission prennent du temps. Il y aura un premier jour de réception et de cérémonies... et puis trois jours de travail.

– Et Aria ? fit Harry en baissant les yeux sur sa fille qui gigotait contre lui.

– Tu feras comme tu veux, répondit Lucius avec un sourire. Elle ne craint rien, mais si tu préfères l'éloigner, je comprendrai. Si tu préfères t'éloigner, je comprendrai aussi... Mais j'ai plus de certitudes sur ta capacité de résilience que n'en a Severus.

Harry fronça les sourcils sans trop parvenir à comprendre la dernière phrase de Lucius et prit Aria dans ses bras, contre lui. Il avait compris que des vampires allaient venir au Manoir, plusieurs jours, qu'ils allaient dormir là et partager leurs repas – leurs repas, vraiment ?! – mais il ne savait qu'en penser. Il n'avait pensé qu'à Aria, et ce que cela pouvait représenter pour elle comme danger. Il n'arrivait pas à savoir ce que cela pouvait représenter pour lui. Ses sentiments, ses réactions, étaient comme bloqués. Il ne ressentait rien. Ni inquiétude, ni peur, ni joie, rien du tout. Il imaginait juste des vampires, très dignes, assis dans le Petit Salon, à leurs places habituelles, les jambes croisées et le petit doigt en l'air, en train de prendre le thé... Il restait hébété.

L'odeur de la couche d'Aria fut la seule chose qui filtra jusqu'à son cerveau et Harry fronça les sourcils en plissant le nez. Il n'avait pas très envie de paraître fuir la conversation s'il partait changer sa fille dans sa chambre. Et puis il n'était pas tout à fait certain que sa démarche et ses gestes ne trahissent pas sa sidération... Il reposa Aria sur les draps, face à lui, et glissa sa magie dans les ombres pour en sortir des lingettes et une couche propre. Il fallait remarquer qu'Aria avait parfois le don de dénouer des situations critiques... à se demander si ce n'était pas une preuve de magie primaire...

– Mais ! Tu ne vas pas la changer sur notre lit ?! s'exclama Lucius, sidéré, en le voyant défaire le pyjama de sa fille.

– Oh, ça va ! fit Harry en riant. Je sais faire ça proprement. Et quand c'est mon cul qui traîne sur les draps, ça te gêne beaucoup moins, bizarrement ! Même après avoir fait des cochonneries avec !

Rire avait été spontané. Et facile. Comme était facile de s'occuper de sa fille, de défaire les boutons du pyjama, de lui sortir les jambes, de défaire la couche pour lui nettoyer les fesses. Des gestes instinctifs, le regard vert sombre qui le captivait et le babillage de cette bouche minuscule qui attirait toute son attention... Et spontanément, il se prit à lui parler et à la chatouiller pour la faire rire elle aussi.

Lucius l'observait sans mot dire, attentif. Chacun de ses gestes, de ses mots, était guetté comme une réaction à l'annonce qu'il venait de faire. Mais Harry savait qu'il n'était pas différent de d'habitude. Pas qu'il s'y efforçât, mais simplement parce qu'il n'avait pas de réaction. L'information était là, quelque part dans son cerveau, mais il n'arrivait pas à la traiter.

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– Tu me gardes Aria cinq minutes ? demanda Harry à son amant après l'avoir rhabillée.

– Bien sûr.

Après une dernière chatouille et un sourire à sa fille, Harry se redressa et sauta au pied du lit. Dans la salle de bains, l'eau de la douche coulait toujours mais il n'avait pas forcément envie d'y rejoindre Severus. Mettre les choses au clair entre eux, en revanche, le tentait davantage.

Harry referma la porte derrière lui et s'y appuya, les mains dans le dos. Silencieusement, il déploya sa magie pour insonoriser la pièce et s'adressa à Severus alors qu'il coupait tout juste le jet de la douche.

– C'est bon, fit-il à son amant qui attrapait une serviette pour s'essuyer le visage. Lucius m'a tout dit... Des vampires vont venir au Manoir, rester quelques jours et partager notre vie... Ça me va.

D'abord surpris de sa présence, le regard de Severus vira rapidement au noir le plus sombre et il jeta un coup d'œil furieux vers la porte et Lucius qui se trouvait de l'autre côté.

– Je n'y vois pas d'inconvénient, insista Harry avec une arrogance peut-être déplacée. Je ne suis pas au fond du seau, je ne suis pas en train de pleurer sur mon sort, tout va très bien et tu peux partir en Australie.

S'il existait une teinte plus sombre encore que l'obscurité furieuse des yeux de Severus, c'était celle qu'il avait en ce moment. À grands coups de serviette rageurs, il s'essuya rapidement le torse puis les cheveux, qu'il laissa dans un désordre indescriptible.

– Je n'irai pas, fit-il comme un enfant buté.

À n'importe quel autre moment, Harry aurait pu trouver son amant beau comme un diable et hautement désirable, avec ses cheveux en bataille, sa nudité insolente et sa peau hérissée par le froid, mais certainement pas maintenant.

– Et pourquoi ?!

– Je n'ai pas très envie d'aller à l'autre bout du monde et de m'éloigner de toi, surtout en ce moment !

– Arrête avec tes « en ce moment » ! s'emporta brusquement Harry. Il n'y a rien en ce moment ! Rien de plus que d'habitude ! Lucius m'a tout dit et je suis d'accord avec ça ! C'est toi qui ne vas pas bien... mais arrête de projeter tes angoisses sur moi !

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Il avait crié. Il ne se souvenait pas avoir jamais crié sur Severus... ou pas depuis très longtemps : au début de leur relation... ou quand il n'allait pas bien en rentrant de captivité... Et le regard de Severus montrait clairement ce qu'il pensait : tout n'allait pas si bien, et cela agaça encore un peu plus Harry.

– Et ça ne t'es pas venu à l'idée que je ne tenais pas à être séparé de toi à cause du lien ? marmonna Severus. Depuis l'union, on n'a jamais été séparés physiquement de plus de quelques centaines de kilomètres : moi à Londres et toi ici. Ou à Poudlard... Et c'est déjà assez délicat comme ça ! Qu'est-ce qui va se passer s'il y a des milliers de kilomètres entre nous ? Si je ne te sens plus dans le lien ?

Harry ouvrit des yeux ronds, sidéré du terrain que Severus choisissait pour répliquer. Il ne ripostait pas au sujet de cette information tenue si longtemps secrète et que Lucius venait de lui dévoiler, mais sur leur relation, leur union, le lien qui existait entre eux.

– C'est un lien de présence, pas un lien de dépendance, fort heureusement ! Si nous sommes trop éloignés, tu ne me sentiras plus et c'est aussi bien ! Ni toi ni moi n'avons besoin de sentir l'autre pour exister !

– C'est plus complexe que ça, Harry, et tu le sais très bien, fit sourdement Severus avec un regard bas.

– Ça suffit ! Tu iras faire cette expertise et tout se passera très bien ! Et il faudra bien s'habituer à un peu de distance sinon c'est moi qui m'en irai !

Harry sortit de la salle de bains sans même refermer la porte derrière lui, récupéra sa fille en remerciant Lucius et quitta la chambre sans un mot de plus.

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Inquiet, Lucius se leva en fronçant les sourcils et rejoignit Severus qu'il trouva appuyé des deux mains sur le lavabo, le visage sombre et fermé.

– Qu'est-ce qui s'est passé ? Il avait jeté un sortilège de silence mais vu la magie qui pulsait sous la porte, je me doute que ça ne s'est pas fait sans heurt...

– Il ne s'est rien passé. Disons que ça ne compte pas... Du moins je l'espère.

Le silence de Severus, son refus d'expliquer leur dispute étaient surprenants. Mais son inquiétude et son mal-être étaient palpables.

– Comme Charlie l'autre soir, j'espère que ses paroles ont dépassé sa pensée, ajouta Severus en se dévisageant durement dans le miroir.

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Aria avait faim, Harry était parti lui donner son biberon dans la véranda. Il avait besoin d'un peu de calme et de solitude, et quoi de plus apaisant que le regard vert intense de sa fille pendant qu'il la nourrissait ? Elle clignait à peine des yeux, complètement concentrée sur les siens. Et dans le silence de la pièce vitrée et des nombreuses plantes vertes, il percevait sa respiration rapide, les ailes de son nez minuscule qui s'écartaient légèrement, et surtout la succion soutenue, presque goulue, qu'elle exerçait sur la tétine.

En se calmant peu à peu, Harry regrettait son accrochage avec Severus. Il avait voulu le convaincre, lui montrer qu'il était plus fort que cette nouvelle qu'il ne parvenait toujours pas à intégrer, et au lieu de cela, il s'était emporté. Cette énième allusion de Severus à ce « en ce moment », ces excuses pathétiques pour refuser cette expertise l'avaient excédé. Les paroles étaient sorties toutes seules.

Il avait menacé Severus et il le regrettait. Pour faire comprendre à son amant qu'il pouvait aller en Australie, Harry l'avait menacé de partir de son côté, lui avait dit qu'il lui imposerait cette distance s'il persistait dans son refus, pour lui montrer que c'était possible, que tout irait bien, mais Severus l'avait sans doute pris tout autrement. Son amant avait toujours craint son départ et il en faisait aujourd'hui une menace. Un chantage.

C'était... méprisable.

Comment avait-il pu passer d'un réveil idyllique avec Lucius, de ces câlins délicieux et de cette tendresse, à une dispute pareille ? Il avait réussi à gâcher un matin magique et la quiétude de sa relation avec Severus. Et même si son amant avait sans doute tort sur bien des points, et en premier lieu ce refus de s'éloigner physiquement en ce moment, cela ne justifiait pas ses propres paroles.

Les affrontements avec Severus ne menaient jamais à rien. Et certainement pas quand il avait davantage besoin d'être rassuré qu'autre chose.

Tout ce que Severus était venu chercher ces derniers temps : des accouplements avec lui, plus fréquents que d'habitude, des séances intenses avec Lucius dans l'antichambre, comme pour expier ce secret qu'il avait dû garder, tout cela traduisait la même inquiétude latente de savoir qu'il allait à nouveau être confronté à des vampires. Severus était troublé, plein d'appréhension, et Harry n'avait fait que le menacer.

Il baissa à nouveau les yeux sur Aria qui avait fini son biberon mais qui continuait à le regarder fixement. Le simple fait que Severus laisse deviner ses craintes était étonnant. D'habitude, il n'en montrait rien, il gardait tout pour lui ou bien il n'en parlait qu'à Lucius. Harry ne savait les choses qu'après coup, ou à travers les paroles de l'aristocrate. Mais face à lui, Severus restait d'un bloc, stoïque, impassible.

Et aujourd'hui si inquiet.

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Quand il se rendit dans la Salle à Manger avec Aria, Lucius était seul, en train de feuilleter les journaux du matin tout en buvant son thé. Il les replia et les fit disparaître dès qu'il arriva puis le regarda s'installer à table en asseyant sa fille sur ses genoux. Ses yeux gris n'émettaient aucune émotion, aucun jugement... il se contentait de sourire doucement à Aria.

– Severus est déjà parti ?

– Oui. Il a juste pris un café avant d'aller à la Librairie.

Lucius ne fit pas d'autre commentaire, il lui proposa simplement de prendre Aria dans ses bras le temps qu'il prenne son petit-déjeuner.

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– Coucou les chéris !

La voix joyeuse de Mark rompit leur silence. En jean moulant et chemise cintrée à souhait, sa grande silhouette mince se faufila dans la pièce, rapidement surpris d'y voir Lucius.

– Mince ! Si j'avais su, j'y aurais mis moins de familiarité !... Ou beaucoup plus !

En riant, il fit le tour de la table pour venir faire la bise à Harry, puis s'approcha de Lucius.

– Tu pouponnes ? gloussa Mark en se penchant pour embrasser Aria. Ça te va bien...

L'aristocrate avait glissé un bras autour de la taille de son ancien mignon et l'attira suffisamment vers lui pour lui voler un baiser furtif. Harry baissa les yeux sur le toast qui végétait dans son assiette, le ventre tordu de jalousie. Jamais Lucius ne se permettait ça d'habitude, et si ça lui arrivait peut-être seul avec Mark, il ne l'avait jamais fait devant lui. Est-ce que le geste lui avait échappé, ou bien était-ce une petite vengeance pour sa dispute avec Severus ? Une provocation pour le faire réagir ? Il n'en savait rien, mais après leur réveil si plein de douceur ce matin, la pilule était difficile à avaler.

Mark avait gloussé, glissé une plaisanterie, s'était esquivé... Sans façon, il s'installa à la place de Severus et se servit un café. Mais Lucius ne voulait pas trop s'attarder au Manoir et il les traîna rapidement vers son bureau.

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Au moins pour l'instant, l'aristocrate tenait parole et évoquait ses dossiers les uns après les autres devant eux deux, sans faire de différence. S'il s'adressait principalement à Mark pour donner ses directives, il les regardait l'un et l'autre, écoutait les remarques d'où qu'elles viennent et répondait aux questions de la même manière. Il était impartial, même si Harry restait largement en retrait. Déjà, parce que Mark connaissait bien mieux les dossiers que lui, et puis parce que l'attitude de son amant avec le jeune homme l'avait refroidi. Mais Lucius n'avait rien fait de plus, ni geste, ni parole.

Une chose que Harry avait oubliée en revanche, était la capacité de travail de son amant. Avec méthode et à une cadence effroyable, Lucius passait en revue tout son empire, entreprise après entreprise, investissement après investissement, ordonnant un limogeage ici, une vente là, une fusion, un rachat, infléchissant une politique ou refusant un plan quinquennal.

La plume automatique de Mark courait sur le parchemin et crissait sans discontinuer. Sur un autre parchemin, Mark prenait ses propres notes, à la volée, un nom, un mot-clé, un chiffre. À peine une question soulevée, on passait à la suivante. Lucius brassait les entreprises une à une, sans ménagement, ni pour eux, ni pour le travail monstrueux qui s'annonçait afin d'appliquer certaines directives surprenantes.

– Tu mettras en vente toutes mes parts chez Milton Inc. Et je me sépare également de Johnston And Sons.

– Mais ?! C'est une de tes plus grosses sources de revenus !

– Explique-moi ce que représente leur bénéfice annuel par rapport à ma fortune ?

Mark écarquilla les yeux, referma la bouche qu'il avait grande ouverte et se contenta de noter le nom de l'entreprise.

– Tu doubleras ma subvention annuelle à Sainte-Mangouste.

– Doubler ?!

– À condition qu'ils ne s'en servent que pour embaucher du personnel médical et de soins, des potionnistes, etc... Je veux du personnel, pas du matériel.

Harry fronça les sourcils en faisant mine de jouer avec sa magie pour distraire sa fille. Devait-il prendre cet ordre-là pour un reproche personnel ? Pour une critique de s'être mis en disponibilité de Sainte-Mangouste ? Et si c'était juste une « précaution » en cette période d'attaques et d'attentats, cela ne le rassurait pas pour autant.

Lucius dut sentir sa réserve car il se recula contre le dossier du canapé et y posa son bras tout en glissant sa main sur sa nuque. C'était le premier geste ou contact un peu personnel depuis que Harry avait quitté le lit et qu'il s'était disputé avec Severus, et cela lui fit un bien fou. Le geste était possessif aussi, légèrement autoritaire, mais atténué par la caresse des doigts, et il se laissa faire avec bonheur.

Lucius poursuivait cependant, sans autre formalité :

– J'ai l'intention également d'agrandir mes collections d'art et d'investir dans mes musées. Il y a plusieurs ventes aux enchères d'importance ces prochains mois et j'ai chargé Blaise de m'y représenter. Tu créditeras toutes les dépenses qu'il fera... Et inutile de me dire qu'il y en a pour des millions.

Mark acquiesça sans sourciller. Harry, lui, songea brusquement à ces collections dont il n'avait jamais rien vu et qui étaient pourtant une des passions de son amant. Un centre d'intérêt qu'il partageait avec Severus et avec Blaise, mais pas avec lui. Il n'en connaissait que les quelques Monet qui décoraient le Manoir et certains des photographes préférés de Severus, mais c'était bien tout.

– Tu me montreras un jour ces collections... ?

– J'ignorais que ça t'intéressait ! fit Lucius, sincèrement surpris. Mais, oui, bien sûr, si tu le souhaites... Quand j'aurai un peu plus de temps.

Un sourire et une caresse sur sa nuque atténuèrent la réalité amère de son emploi du temps et la perspective de cette grande réunion qui se profilait dans quinze jours. Et les à-côtés désagréables qui allaient avec.

– Ce sera l'occasion d'un petit séjour à Paris, ajouta Lucius avec un sourire plus franc.

– Excellente idée ! s'écria Mark, ravi. Vous viendrez dormir à l'ambassade et on ira dîner tous ensemble ! Pour une fois qu'on pourra vous inviter et pas l'inverse ! J'ai déjà une petite idée du restaurant... ou alors on se fait un dîner à l'ambassade... il faudrait que je vois avec le majordome et le cuisinier...

Harry gloussa devant l'enthousiasme débordant du jeune homme qui se projetait déjà dans cette soirée avec un plaisir évident. L'idée le tentait beaucoup lui aussi : découvrir les collections de Lucius, passer du temps avec lui, et puis il était assez curieux de découvrir également le lieu de vie de Mark au milieu des fastes de l'ambassade, et l'attitude qu'il pouvait avoir en privé, chez lui.

Et tandis qu'il pérorait encore sur la chambre qu'il allait leur donner, sur la satisfaction de Håkon quand il allait lui annoncer qu'ils allaient venir tous les trois, sur la perspective d'une promenade dans Paris si la soirée était douce ou bien sur la possibilité de réserver un spectacle à l'opéra ou au théâtre, Harry oublia complètement ce baiser furtif qui l'avait rendu si jaloux tout à l'heure. Un geste inconscient et sans conséquence qui avait échappé à Lucius...

Mark était marié à présent. Et heureux en ménage. Et puis, Mark l'avait bien embrassé, lui aussi, dans la salle de billard l'autre soir...

– Mark, ça suffit, fit Lucius en souriant. On verra ça plus tard, je dois partir au Ministère. Est-ce que vous avez d'autres questions à voir rapidement ou bien nous avons fait le tour ?

Mark secoua la tête, certainement encore en train de songer à ce futur week-end.

– Bien. Je vais y aller alors, fit Lucius en se levant. Je pense que tu as de quoi t'occuper pendant quelques jours ! Quant à toi, ajouta-t-il en se tournant vers son amant, ne laisse pas cette dispute avec Severus s'enkyster. Je ne sais pas ce que tu lui as dit, mais il l'a vraiment mal pris.

Harry grimaça, bien conscient de cette vérité. Et tout aussi conscient de la méthode sournoise de l'aristocrate qui venait de soulever ce sujet devant Mark. Et bien évidemment, il atteignit parfaitement son but puisque Mark s'empressa de froncer les sourcils en lui adressant un regard réprobateur.

– Quelle dispute ?!

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oooooo

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La douceur de l'air printanier et le soleil sur sa peau étaient enivrants, une vraie bouffée d'oxygène... L'impression d'une énergie retrouvée, l'envie de respirer à pleins poumons pour goûter cette fraîcheur, les odeurs qui couraient dans l'atmosphère : les arbres en fleur, le parfum de l'herbe coupée amené par une brise légère, une odeur de gaufre un peu plus loin... Il ne sortait pas assez.

C'était à se demander comment lui, qui avait vécu si longtemps en pleine nature, à l'air libre, pouvait passer des journées entières enfermé dans le Manoir sans mettre le nez dehors. Ne serait-ce que sortir dans les jardins ou prendre le soleil sur la terrasse, au bord de la piscine. Ce n'était bon ni pour lui, ni pour Aria.

Pour l'heure, elle était endormie contre lui, maintenue sur son torse par un rebozo coloré qu'il avait ramené autrefois du Mexique. Toute arrondie dans l'écharpe, Aria avait l'air minuscule, petite chose recroquevillée qu'il couvait précieusement. Voir un homme porter son enfant, même dans le monde moldu, était rare, alors ici, Harry sentait les nombreux regards qui le dévisageaient ou se retournaient sur son passage. Nul doute que son escapade sur le Chemin de Traverse n'allait pas passer inaperçue ! Et en grimaçant, il se rendit compte qu'il allait certainement devoir s'expliquer sur cet enfant avec qui il se promenait en public.

Il accéléra un peu le pas et déploya un léger sortilège de confusion jusqu'à ce qu'il arrive devant la Librairie. Il aurait pu transplaner directement dans la boutique de Severus mais après leur dispute de tout à l'heure, cela lui paraissait une mauvaise entrée en matière. Et puis il avait eu besoin d'ingrédients de potion... Cela avait été l'excuse pour quitter le Manoir. De toute façon, après la « dénonciation » de Lucius, Mark ne l'aurait pas lâché tant qu'il n'aurait pas été voir Severus.

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Le panonceau sur la porte marquait « Ouvert » mais la librairie était déserte. Le grelot ridicule tinta lorsqu'il entra, si incongru dans ce monde sorcier que cela l'étonnait à chaque fois. D'un regard alentour, Harry ne vit trace de son amant nulle part et se dirigea vers le fond de la boutique et ses réserves obscures. La porte du bureau, en revanche, était grande ouverte, et il frappa légèrement avant de se présenter dans l'encadrement.

Severus était là, il le savait, il le sentait, aussi bien dans le lien, que par son parfum dans l'air ou par sa présence magique presque palpable. Harry le trouva sur le canapé, adossé contre l'accoudoir et les jambes allongées sur les coussins d'assise, un livre entre les mains qu'il referma aussitôt.

– Assieds-toi..., fit Severus en désignant d'un léger mouvement de tête un fauteuil à proximité.

Sur la table basse, une théière fumante diffusait une légère odeur de bergamote mais ce qui attira davantage l'attention de Harry, ce furent les deux tasses qui patientaient sagement, prêtes à être remplies.

– Tu attends quelqu'un ?

– Non. Je t'ai juste senti arriver...

Quelque chose dans la façon qu'avait Severus de dire cela l'étonna mais Harry n'aurait pas su mettre le doigt dessus.

Doucement, en prenant garde de ne pas trop remuer Aria, il s'installa dans le fauteuil et laissa distraitement sa main caresser la rondeur du dos de sa fille.

– Dans la remise derrière, dit Severus en désignant une porte au fond du bureau, il doit y avoir le petit lit dont je me servais pour Iris, si tu veux la poser...

– Non. J'aime bien l'avoir comme ça, répondit Harry en souriant devant le visage paisible de sa fille.

Severus hocha la tête puis resta à les considérer, le regard fixe tout en restant vague, et sans jamais croiser ses yeux.

– Tu voulais quelque chose ? finit-il par dire devant son silence.

Tandis qu'il se penchait vers la table basse pour servir le thé, Harry frémit, arraché à la contemplation de sa fille. Le souvenir de leur dispute lui revenait brutalement en mémoire, sa gêne et ses regrets prenaient de l'ampleur, et Severus refusait toujours de croiser son regard.

– Te parler...

– Je t'écoute.

Severus se réinstalla dans le canapé en attendant que le thé refroidisse un peu et observa sa main qui glissait doucement sur les cheveux d'Aria.

– Je ne sais pas quoi dire, avoua Harry.

Severus haussa les épaules et rouvrit son livre à la page marquée par un ruban pourpre.

– Sev...

Enfin, il leva vraiment les yeux vers lui et Harry croisa son regard sombre et dur, aussi fermé que l'était sa présence dans le lien, une distance sans mots, instaurée par le silence et l'attente. Severus espérait sans doute des mots d'excuse, il les lui devait et pourtant rien ne venait.

– Je ne sais pas quoi dire parce que je ne comprends pas, murmura Harry en fermant les yeux. Je comprends tes inquiétudes sur la présence des vampires au Manoir, je comprends tes inquiétudes sur mes réactions possibles, mais je ne comprends pas ce qui se passe entre nous. Parfois j'ai l'impression que tu me fuis, que tu prends de la distance, que tu te tournes vers Lucius, et parfois j'ai l'impression que tu me surprotèges, que tu te fais des idées déraisonnables, que tu as des inquiétudes disproportionnées...

Severus grogna sans émettre de commentaire. Simple façon de dire qu'il avait entendu.

– Tu retournes dans l'antichambre tout seul avec Lucius et juste après, tu es prêt à m'accompagner au fin fond de la jungle alors que tu détestes ce genre d'endroit... Tu cherches à... « t'accoupler » plus souvent avec moi, poursuivit difficilement Harry. Et parfois tu ne veux même pas que je te touche quand on fait l'amour tous les trois... Et puis cette expertise en Australie que tu refuses de faire sous un prétexte dérisoire... Pourquoi ?

– Ce n'est pas un prétexte dérisoire ! grogna Severus.

Harry ouvrit brusquement les yeux pour tomber dans les pupilles sombres de son amant.

– En quoi est-ce que le lien, en quoi est-ce que la distance physique sont devenus un problème entre nous ? Qu'est-ce qui t'empêche d'aller là-bas ? C'est moi qui suis censé être le plus « dépendant » de nous deux !... Et puis, il ne s'agit que de deux jours et les vampires ne seront même pas encore présents au Manoir ! Je sais bien que je n'aurais pas dû te menacer de partir, et j'en suis désolé. Bien évidemment je ne le ferai jamais... Mais qu'est-ce qui t'empêche réellement d'aller là-bas ?!

Severus fronça les sourcils encore un peu plus, grogna puis détourna le regard.

– Le lien. Mais on ne le ressent pas de la même manière.

– Explique-moi...

Severus se pencha vers la table basse pour y prendre son thé puis rallongea ses jambes sur le canapé. Son regard restait fixé sur la tasse autour de laquelle il réchauffait ses mains, un liquide sombre et fumant qu'il contemplait comme s'il allait pouvoir y lire l'avenir ou bien des réponses à lui donner.

– Tu sais bien que ce jour-là, le sortilège a fait de notre union une relation inégalitaire...

– Je sais, fit doucement Harry. Tu pourrais m'imposer ta volonté et tu ne le fais pas. Et je t'en suis infiniment reconnaissant.

Hormis la fois où il l'avait empêché de retourner chercher Draco après la tentative d'enlèvement de Scorpius, jamais Severus n'avait usé de ce pouvoir sur lui. Au contraire, il faisait toujours soigneusement attention à ne pas l'influencer, à ne pas guider ses envies ou ses désirs, même pendant le sexe, alors que Harry n'aurait pas été contre.

Une certaine « soumission » faisait souvent partie de leur façon de faire l'amour, même en dehors de l'antichambre, et il n'y voyait aucun inconvénient. Elle était jeu, elle était complicité et il se servait bien de la magie, lui, parfois, pour éveiller leur désir ! Il était même déjà arrivé qu'il s'en serve pour inciter Severus à un rapport sexuel dont il n'avait pas vraiment envie au départ... Mais à l'inverse, les réticences de son amant à lui imposer quoi que ce soit par le biais de la magie étaient profondément ancrées.

– Il n'y a pas que la place de chacun au sein de notre union qui soit inégalitaire... le lien l'est aussi, reprit Severus sans relever la tête. Je perçois tes sentiments, ton humeur, tes états d'âme comme si ton aura m'était en permanence grande ouverte. Au début, je percevais même tes pensées... À l'inverse, excepté si je fais passer une émotion précise dans le lien, tu ne perçois rien de moi.

– Sauf l'autre jour dans l'antichambre, releva Harry en songeant au flot de culpabilité, d'angoisse et au besoin de réconfort qu'il avait perçus chez son amant.

Ils n'en avaient pas reparlé, parce qu'après une bonne nuit de sommeil, Severus était revenu dans ses dispositions habituelles, mais il restait intrigué par cet événement.

– Il est plus que rare que Lucius parvienne à me faire complètement lâcher prise, avoua Severus dans un souffle.

Harry caressa un instant les cheveux de sa fille en restant songeur. Sentir son amant se dévoiler ainsi avait été assez déstabilisant, presque choquant, et dans un réflexe de pudeur, il avait préféré étouffer le lien. Être témoin de ces sentiments-là lui avait paru indécent, comme si rien de tout cela ne lui était destiné. L'union était régie par une vieille magie et elle avait fait de Severus celui qui « dominait » leur couple. Dans cette position, il ne pouvait pas se montrer faible ou même hésitant. Au contraire. Et lui ne devait pas être témoin d'une quelconque fragilité.

– Il reste qu'en temps ordinaire, tu ne perçois pas mes émotions sauf si je le souhaite. Le lien est pour toi une simple présence, qui témoigne de ma proximité, éventuellement de quelques sentiments rassurants. Elle s'atténue avec l'éloignement jusqu'à devenir insensible, étouffée... Et tu parviens même quelquefois à bloquer complètement le lien, comme ce jour-là dans l'antichambre. Je me trompe ?

– Non, murmura Harry. J'ai pensé que tu n'aurais pas voulu que je perçoive ça...

– Peu importe, trancha Severus avant de se taire un instant.

Harry observa son compagnon silencieux, le regard baissé sur son thé qu'il n'avait même pas bu et qui semblait simplement destiné à le réchauffer. Ils se parlaient, ils n'étaient plus dans la dispute et le ressentiment, il s'était même excusé, mais Severus n'avait toujours rien expliqué. Et dans le lien, puisqu'ils en parlaient, sa présence semblait lointaine, aussi taciturne que l'homme que Harry avait en face de lui.

– Qu'est-ce que le lien a de différent pour toi ? fit-il doucement.

– Tout, répondit Severus en levant brusquement les yeux vers lui. Tout... Il est pour moi un moyen d'emprise sur toi, une façon de te surveiller, de contrôler tes émotions, ce que tu ressens, une façon de m'assurer de ta présence. Lorsque tu t'éloignes, je le ressens. La magie de l'union voudrait que je t'ordonne de revenir ou que j'aille te chercher pour te ramener et te garder à proximité. Elle voudrait que tu restes enfermé dans le Manoir, que tu ne sortes jamais. Lorsque tu vas à Poudlard ou ailleurs, et qu'ensuite tu reviens, je dois lutter contre cette envie de t'enfermer entre les murs de notre chambre. Même te laisser seul, te laisser partir sans surveillance est déjà une violence que je me fais à moi-même... Alors partir en Australie... Si loin que je ne percevrais même plus ta présence dans le lien... Je n'ose imaginer la violence de ma réaction au retour.

– C'est pour ça que tu m'as accompagné dans la jungle l'autre jour ? murmura Harry, sidéré.

– C'était ça ou je t'aurais imposé de ne pas y aller.

Et Severus s'y refusait. Il avait préféré subir la chaleur tropicale et l'humidité pesante qu'il détestait plutôt que de lui imposer sa volonté... Ce qui expliquait peut-être aussi sa culpabilité latente et cet accouplement rapide au beau milieu de la forêt.

– Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu ressens dans le lien quand je m'éloigne ?

– Comme... une protestation, un cri. La magie devient une pulsion, quelque chose de vivant, qui se débat et qui voudrait me faire aller à ta recherche... Mais c'est encore pire quand tu bloques le lien par des barrières d'occlumencie, ça en devient douloureux, presque comme une violente migraine. La magie s'insurge que tu puisses aller contre le lien... Tu n'es pas censé te rebeller contre ta position dans l'union.

Harry déglutit difficilement tandis que Severus buvait enfin son thé. Plus son amant expliquait ce que signifiait le lien pour lui, plus Harry se sentait coupable d'avoir voulu cette union, d'avoir choisi ce sortilège et d'être responsable de ce que Severus vivait aussi mal aujourd'hui.

En filigrane dans ses paroles, il percevait le conflit qu'il ressentait, mais aussi à quel point Severus luttait contre la volonté de la magie, cette envie de l'enfermer, de le garder pour lui, à disposition, voire même ce désir sous-jacent de le « punir » s'il venait à s'absenter ou à bloquer le lien...

– Ce n'est pas toujours aussi fort, tempéra Severus en reposant sa tasse vide. C'est un peu... cyclique, presque hormonal. Il y a des périodes où le besoin de te garder près de moi est moins fort, où je supporte mieux tes absences... Du coup, je m'efforce de te laisser le plus de liberté possible, de garder un peu de distance... C'est sans doute à ces moments-là que tu me trouves plus fuyant. Et à d'autres moments, le moindre éloignement est une violence faite à notre union et je dois lutter contre moi-même pour ne pas t'imposer ma volonté...

– Pourquoi est-ce que tu ne m'en as pas parlé avant ?! murmura Harry.

– Qu'est-ce que ça aurait changé ? grogna Severus.

– J'aurais pu faire attention. Je n'ai jamais souhaité que notre union soit compliquée à vivre pour toi, je n'ai jamais voulu que ce soit un poids. Je peux... essayer de m'organiser : éviter de m'absenter quand c'est une période où tu as besoin que je reste. Et au contraire, profiter des moments où tu me laisses plus de liberté pour sortir du Manoir, aller à Poudlard ou aller danser avec Alicia... Je peux m'adapter. Je vais m'adapter...

– Ce n'est pas censé se passer comme ça, grogna Severus avant de se taire.

Instinctivement, Harry caressa le dos de sa fille qui dormait toujours, pelotonnée contre lui. Dans cette présence abandonnée en toute confiance, il puisait un réconfort immense qu'il fit doucement passer dans le lien. Severus n'était pas responsable de ce que la magie de l'union l'incitait à faire. Au contraire, il luttait contre cette contrainte en essayant de garder un comportement qui lui garantissait le plus de liberté possible. Ses efforts étaient peut-être parfois un peu maladroits, ou inadaptés, mais ils étaient louables, et Harry pouvait bien en faire tout autant. Après tout, c'était lui qui avait choisi ce sortilège d'union; à lui d'en assumer les conséquences.

– Il suffit que tu me dises les choses, fit-il doucement. Je ne peux pas deviner ce que tu ressens, la magie de l'union m'en empêche et sans doute que tu ne le souhaites pas non plus. Mais si tu me dis où tu en es, je m'adapterai. De toute façon, je ne sors pas beaucoup du Manoir... je ferai en sorte que ça corresponde aux moments où c'est le plus facile pour toi. Ces cycles dont tu parles, ça revient régulièrement ?

– Tous les mois, environ, presque en phase avec la pleine lune, avoua Severus sans le regarder. Pendant une semaine, tes absences sont compliquées à gérer. La semaine qui précède, ça monte progressivement et la semaine qui suit, ça redescend... Il y a une semaine à peu près calme et ça reprend.

Harry hocha la tête tout en réfléchissant aux implications et à la façon dont il allait devoir s'organiser dans le futur.

– La présence d'Aria ne te gêne pas ?

– Non. Ce qui me gêne, c'est l'éloignement, pas la présence d'autres personnes avec toi. Le fait que tu t'éloignes de moi ou du Manoir... Je suis davantage gêné quand tu vas la chercher à Poudlard que si moi je vais travailler en te laissant au Manoir par exemple. Tout dépend lequel de nous deux part, pour quelle raison, et où se trouve l'autre... Mais que tu sois avec Aria n'est jamais un problème. Elle est ta fille, elle fait partie de toi.

Ce point particulier semblait facile à gérer : il suffisait que sur les semaines délicates, Luna ou Padma se charge de lui emmener Aria directement au Manoir. Depuis qu'ils s'étaient répartis la semaine différemment : trois jours Aria avec lui et quatre jours avec elles, cela représentait moins d'allées et venues.

Et plus globalement, il allait s'organiser pour que ses amis viennent davantage au Manoir les semaines où il ne pouvait pas sortir, et inversement quand Severus lui laissait davantage de liberté. Ou bien Harry emmènerait Severus avec lui comme un chaperon capricieux !

L'idée le fit sourire, ce qui fit encore plus froncer les sourcils de son compagnon. Il ne se sentait pas prisonnier, et c'était bien le principal. Au contraire, il était prêt à faire des efforts pour que la situation soit plus facile à vivre pour son amant, et il le ferait de bon cœur.

Harry tendit la main pour inviter Severus à le rejoindre, ce que celui-ci finit par faire avec méfiance.

Quand il fut assez près de lui, il prit sa main dans la sienne et la caressa doucement du pouce.

– Je t'aime, fit-il en souriant tandis que Severus s'accroupissait à côté de son fauteuil. Rien d'autre n'a d'importance. On s'adaptera à cette contrainte et tout se passera très bien. Je ne veux pas que ça t'inquiète...

– Et je ne veux pas que tu le fasses par culpabilité.

– Je ne le fais pas par culpabilité, mais parce que c'est important pour toi, pour nous... Ce n'est qu'un petit aménagement dans notre façon de vivre. Et ça ne me fera jamais regretter tout le reste : notre union, notre lien et notre amour...

– Parfois j'aimerais avoir ta confiance, murmura Severus en se redressant pour l'embrasser.

.

.

Le grelot de la porte d'entrée de la Librairie retentit brusquement et Severus releva la tête.

– Je reviens. Reste ici.

Harry esquissa un petit sourire moqueur. Concéder à Severus une certaine emprise sur lui ne signifiait pas autoriser un manque de politesse et obéir aveuglement à tous ses ordres. Son amant dut en prendre conscience car il sourit à son tour et ajouta :

– S'il-te-plaît.

Harry eut un petit signe de tête qui signifiait son assentiment et observa Severus s'éloigner en contemplant son dos. Tout en caressant les cheveux d'Aria qui avait sursauté au son du grelot, il réfléchissait.

Ce que Severus venait de lui dire changeait à la fois beaucoup et peu de choses. Il était même étonné, a posteriori, que son amant lui ait avoué cette difficulté particulière liée au lien. Signe que cela devait lui poser problème depuis longtemps...

En soi, s'adapter lui serait facile. Il suffisait de rester près de Severus, ou au moins au Manoir, un peu plus d'une semaine par mois. Cela aurait été plus compliqué s'il travaillait encore à Sainte-Mangouste, mais, sauf cas de force majeure, il n'avait pas l'intention d'y retourner. Cela signifiait aussi qu'il ne pouvait pas retourner dans la forêt comme bon lui semblait, sauf à prévenir Severus et en choisissant bien son moment. Mais en définitive, il n'y allait que très rarement et la pièce qu'il possédait près du bureau de Lucius lui suffisait généralement. En définitive, ces nouvelles règles ne le priveraient que d'une liberté dont il n'usait pas. Il se savait casanier, le Manoir était devenu sa maison à tout point de vue et il n'aspirait qu'à passer plus de temps avec ses amants...

Mais il ne voulait pas que cette contrainte soit un fardeau pour Severus et le prive de sa propre liberté. Cette expertise en Australie restait un problème.

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ooOOoo

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– Chéri ?

– Mmhh...

– Tu dors ? chuchota Harry en esquissant une caresse sur le ventre de son amant.

– Attends ! Comment tu viens de m'appeler, là ?! s'exclama Lucius en tournant brusquement la tête vers lui.

Harry gloussa discrètement sur la peau douce sous ses lèvres. Il n'y avait pas plus efficace pour secouer l'aristocrate que ces petits surnoms qu'il détestait et adorait tout à la fois avec un plaisir coupable.

– Tu crois... tu crois que ça se passe bien ?

Severus était parti en fin d'après-midi pour le terminal des portoloins et il ne devait rentrer d'Australie que le surlendemain matin. Avec l'aide de Lucius, Harry avait fini par le convaincre, mais à présent que la réalité de son absence se faisait sentir dans leur lit, il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter.

– Harry ! Je m'endormais, protesta l'aristocrate en geignant.

– Et moi, je n'arrive pas à dormir.

– Et donc je suis censé te tenir compagnie jusqu'à ce que tu y arrives ?!

– Exactement ! jubila Harry en souriant dans l'obscurité.

Les mains de Lucius s'égarèrent, l'une dans son dos, sur ses reins, et l'autre dans ses cheveux, tout en le serrant un peu plus contre lui. Il n'en voyait rien mais au son de sa voix, il savait très bien que l'aristocrate souriait également.

D'un ton un peu plus sérieux, Lucius reprit cependant :

– Je suis certain que ça se passe bien. Tu as fait tout ce que tu pouvais pour le rassurer. Il est parti avec le médaillon et on sait qu'il fonctionnera s'il l'utilise. Vous avez fait suffisamment d'essais pour qu'on en soit certains...

Severus était en effet parti avec le médaillon que Harry avait autrefois confié à Lucius et qui contenait une partie de sa magie : si la distance ou le silence dans le lien devenaient insupportables, il pourrait ainsi le « convoquer » et l'obliger à le rejoindre, même en Australie. Harry s'était caché jusqu'au Sarawak pour voir si cela fonctionnait ! Et il avait assuré à Severus que si le médaillon n'avait pas agi pendant sa détention, c'était uniquement parce qu'il était retenu dans un endroit situé entre les ombres, où cette magie ne pouvait pas le toucher.

Severus n'appréciait pas vraiment le procédé mais c'était la seule manière que Harry avait trouvée pour le convaincre d'aller faire cette expertise.

– … Et tu lui as promis de ne pas quitter le Manoir jusqu'à ce qu'il revienne, reprit Lucius. Et je lui ai promis de te surveiller !

La dernière phrase était dite sur le ton de la plaisanterie mais elle avait sans doute un fond de vérité.

– Ça t'ennuie que je lui ai confié le médaillon ? fit Harry, intrigué par un sentiment de non-dit dans les paroles de son amant.

Lucius haussa les épaules, ce qui chez lui, correspondait à un acquiescement implicite.

– Non. Mais j'aimerais bien le récupérer quand il rentrera... Pas que j'aie dans l'intention de m'en servir un jour mais... j'aime bien l'avoir. C'est une habitude...

Son sourire s'étira à nouveau sur la peau de l'aristocrate et Harry y glissa un baiser furtif. Lucius ne s'était jamais servi du médaillon mais il avait l'air d'y tenir comme... un grigri ? Une amulette, un porte-bonheur... un objet qu'il conservait toujours dans la poche droite de son pantalon, quel que soit son costume, et avec lequel il venait parfois jouer de ses longs doigts fins, tout en se croyant discret, ou simplement toucher distraitement. Une façon de se rassurer peut-être, la garantie de pouvoir le joindre en cas de besoin, en cas de migraine de Severus, ce qu'il avait d'ailleurs beaucoup moins...

– Je te rendrai celui-là et je ferai en sorte d'en faire un pour Severus, promit Harry en caressant le torse de son amant.

– Je n'aime pas trop l'idée que tu fractionnes ta magie, fit Lucius d'une voix plus sévère. Tu as déjà fait... cette chose pour que Daphnée puisse activer son portoloin de secours.

Harry s'efforça de rendre ses caresses rassurantes et de laisser filtrer le même sentiment dans son aura. Il savait très bien à quoi pensait Lucius.

– Ce ne sont que des fragments de ma magie, chéri. Pas des fragments de mon âme... Ça n'a rien à voir avec des horcruxes. C'est un processus long. Et fatigant. Mais une fois fait, ça n'a pas d'incidence sur ce que je suis.

Lucius grogna comme aurait pu le faire Severus, pas convaincu mais n'ayant rien à répondre. Et cette fois-ci le « chéri » était passé sans même être relevé...

Lucius grogna à nouveau, en une conclusion un peu amère, et bougea légèrement pour se réinstaller et se rendormir. Allongé contre son flanc, le visage posé sur son torse, Harry sentait pourtant que tout n'était pas dit.

– Qu'est-ce qui te contrarie ? murmura-t-il.

– Rien. Ça n'a pas d'importance.

– Ça en a forcément puisque ça te contrarie... Explique-moi.

Parfois, Harry avait l'impression que les choses se répétaient, avec l'un de ses amants puis avec l'autre, comme si sa vie était une boucle qui revenait sans cesse sur ses pas. Les mêmes conversations, les mêmes explications, parfois exactement les mêmes mots... Ne changeait que l'homme à qui il s'adressait; les deux hommes de sa vie qui tournaient autour de lui en un ballet mouvant et harmonieux.

Lucius resta muet si longtemps que Harry se mit à douter qu'il lui réponde jamais. Il pouvait même paraître dormir, si ce n'était sa respiration, légèrement trop rapide pour quelqu'un qui glisse dans le sommeil.

Puis il sentit l'aristocrate secouer doucement la tête, annonçant l'imminence d'une réaction, et enfin, sa voix, plus basse que d'habitude, se fit entendre dans un souffle.

– Je n'aime pas cette emprise que Severus a sur toi. Je sais bien que c'est votre union, votre relation, et que je n'ai rien à en dire, mais... je n'aime pas ça.

Les mots étaient atténués par une légère pression du bras qui entourait ses épaules, mais Harry ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux.

– Pourquoi ? murmura-t-il.

– Je...

Lucius soupira et se tut à nouveau. Mais il avait commencé, il ne pouvait pas rester sur ces paroles sans fournir plus d'explications.

– Ni l'un, ni l'autre, vous n'êtes des Sangs-Purs... Vous n'avez pas grandi avec la pression, le poids de ces anciennes magies, de ces sortilèges de mariage, d'union, qui liaient les gens les uns aux autres, parfois même contre leur gré. Parmi les Sangs-Purs, tout le monde a entendu de vieilles histoires de famille, des légendes, ces espèces de contes pour faire peur aux enfants, qui racontent des femmes prisonnières de la magie d'une union, l'impossibilité de s'échapper, la soumission imposée par les maris, les viols qui allaient avec, les suicides, les meurtres... Toute l'histoire de la communauté des Sangs-Purs a consisté à s'émanciper de ces vieilles traditions, à abandonner progressivement ces sortilèges, à gagner plus de respect, de liberté, à renoncer à la contrainte pour améliorer la place des femmes et des enfants, et à les considérer comme des sorciers avec autant de droits que les maîtres de famille. Et ça ne s'est pas fait sans mal et sans réticences.

– Tu parles de ta propre famille ? fit doucement Harry en se souvenant des rumeurs que Blaise et Draco lui avaient confiées un jour.

– Mon père était un despote qui a épousé une femme plus jeune que lui et qui a su œuvrer pour imposer un sortilège d'union qui l'arrangeait. Mais ce système est applicable à toutes les familles Sangs-Purs si on remonte sur deux ou trois générations.

Parmi ces rumeurs qu'on lui avait rapportées, il se disait que le père de Lucius avait tué sa propre femme, et qu'il avait méprisé et battu son fils, voire qu'il l'avait torturé en raison de son homosexualité.

– Aujourd'hui, les jeunes sorciers, même Sangs-Purs, sont libres de leurs choix de vie, de leurs amours, de leurs mariages... Même l'homosexualité est de mieux en mieux acceptée. J'aurais évidemment dû me marier bien plus tôt avec Severus pour donner l'exemple, mais je suis le produit de ma génération... Il reste que ceux de ton âge, et les adolescents qui grandissent actuellement, sont bien plus ouverts, bien plus libres, et qu'ils revendiquent cette liberté et ce droit à disposer d'eux-mêmes. C'est un progrès social indéniable.

Lucius caressa doucement son dos et reprit :

– Alors, je me méfie de tout ce qui peut représenter un retour vers le passé, vers des traditions trop lourdes de conséquences... Le sortilège d'union que vous avez choisi appartient à une époque que je ne veux pas voir revenir. Vous le voyez comme une preuve d'amour; je le vois comme un carcan, comme une servitude... Vous êtes liés pour le reste de votre vie ou presque, Severus peut t'imposer sa volonté s'il le souhaite, le lien peut lui servir à te surveiller, à te contrôler... La magie de l'union lui impose de te garder à sa botte, enfermé comme une princesse dans un donjon ! Il ne le fait pas et c'est tout à son honneur mais... je n'aime pas ça.

Encore une fois, comme lorsqu'il en avait parlé à Draco, Harry sentit monter en lui un sentiment amer, ainsi qu'une boule dans sa gorge qui le gênait pour déglutir. Cela faisait mal, et il avait l'impression que cette façon de voir son union avec Severus la salissait.

– Il ne m'avait pas montré le sortilège en question avant votre cérémonie d'union, mais... si ça avait été le cas, je crois que je m'y serais opposé, avoua Lucius. Ou du moins, j'aurais tenté de vous raisonner.

Son émotion dut transparaître dans son aura car Lucius resserra brusquement son bras autour de lui et le câlina longuement.

– Ça ne m'empêche pas de vous aimer, murmura-t-il précipitamment. Et l'un, et l'autre. De tout mon cœur. Et d'être heureux pour vous puisque c'est ce que vous vouliez... Je regrette juste le moyen. Et certains des effets.

Comme l'avait regretté Draco. Et ils avaient eu du mal à se comprendre sur ce sujet. Avec Lucius, il n'était pas question que cette difficulté vienne se mettre entre eux.

Harry prit le temps de reprendre ses esprits et de se calmer. Lucius les aimait et ils aimaient Lucius; Severus l'aimait et il aimait Severus... Ce qui les unissait, c'était l'amour. Pas un sortilège ou un contrat de mariage... ni des paroles, ni des promesses, mais des sentiments. Le reste, comme disait Lucius, n'était que des moyens.

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Mais il ne regrettait rien. Ni le sortilège, ni ses effets, et encore moins leur union. Au fond, il en était fier. Même s'il ne pouvait le dire à personne, pas même à Lucius qui n'y adhérait pas totalement, il était fier de ce sortilège entre eux, de la magie qui les unissait, de cette façon de pouvoir sentir l'autre à travers le lien, il était fier des arabesques, sombres comme les yeux de Severus, qui ornaient son torse, il était fier d'avoir marqué l'annulaire gauche de son amant d'un liséré vert comme ses yeux, il était fier qu'ils soient liés l'un à l'autre.

Depuis le début de leur relation, il y avait eu ces mots « Je vous appartiens ». Adressés à Lucius ou à Severus comme une folie, une affirmation ultime de son amour, de son attachement... Mais ces mots, quand il les disait, avaient toujours eu quelque chose de terriblement sincère, et authentique.

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oooooo

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Harry émergea lentement dans une lumière dorée, presque surpris de n'avoir pas été réveillé par le lever matinal de Severus. Il s'étira longuement dans la tiédeur délicieuse des draps, satisfait par la volupté de cette caresse satinée sur sa peau nue, puis se pelotonna de nouveau contre Lucius. Il se coula le long de son dos avec un sourire ravi, son visage dans ses cheveux blonds et son érection contre ses fesses.

Il s'était endormi sur les derniers mots de son amant, des mots d'amour, disant qu'il respectait son choix et qu'il le respecterait toujours, même s'il n'était qu'une tête de mule trop romantique. Il s'était endormi le sourire aux lèvres en respirant le parfum enivrant de l'aristocrate. Il s'était endormi dans ses bras et dans son étreinte, contre cette peau qu'il aurait pu croquer tant elle était douce et attirante. Il s'était endormi heureux et il se réveillait de la même manière, même si Severus manquait à son bonheur.

Lucius grogna en le sentant se lover contre lui et se tourna pour s'allonger sur le ventre. Il n'avait pas encore l'air disposé à se réveiller complètement. Étendu sur le côté et la main sous la tête, Harry contempla le corps dévoilé de son amant. Les rayons de soleil qui filtraient allègrement entre les rideaux tirés à la va-vite tombaient judicieusement juste dans le creux de ses reins. La peau délicate de l'aristocrate en était dorée. Lumineuse. Une vallée scintillante entre son dos sublime et ses fesses encore plus merveilleuses mais restées dans l'ombre.

Un instant, Harry repensa à la photo de Severus qui trônait parmi les cadres de la salle de billard, cette magnifique contre-plongée sur ses épaules, le creux de son dos et ses fesses au loin. Doucement, il se redressa et se décala légèrement vers le pied du lit. Là, il aurait « pris » la photo dans l'autre sens et un peu de biais : d'abord les fesses, une colline derrière l'autre, séparée par une sombre vallée interdite, les reins sculptés en creux par la lumière, puis le dos, le crénelé discret de la colonne vertébrale, l'ébauche d'une épaule... Des courbes sèches, des ombres, de la lumière... Merlin, qu'il aimait le corps des hommes ! Et quel dommage que Lucius leur refuse l'accès à ce sillon délicieux !

En règle générale, l'aristocrate était généreux de son corps; il aimait embrasser, caresser, donner du plaisir... et pour faire l'amour, il se servait autant de sa bouche et de ses mains que de son sexe. Rarement, Harry avait connu un homme aussi résolument actif, mais qui suce autant et aussi bien que Lucius. Mieux que bien ! Sa bouche était un gouffre de délices dont il sortait rarement encore conscient et lucide...

Mais si leurs mains, à Severus et lui, pouvaient s'égarer sur les fesses de Lucius, pour effleurer ou même saisir, s'ils pouvaient glisser leurs langues jusqu'à la base de ses bourses, si leurs doigts pouvaient remonter jusqu'à la racine de ses cuisses... le reste leur était interdit. Même la plus légère caresse dans cette vallée sombre et pourtant soigneusement mise à nue, restait prohibée. À regret. Et sans doute encore davantage pour Severus qui, avant son arrivée et pendant presque trente ans, n'avait pu goûter les joies et les plaisirs de pénétrer un partenaire que lorsqu'ils prenaient un amant d'une nuit...

Les jambes écartées de son amant lui laissaient pourtant voir un spectacle des plus attractifs : des fesses rondes, joliment charnues, qui appelaient au moins ses mains à défaut de sa langue; un interstice dans lequel Harry aurait bien glissé un doigt curieux pour effleurer ce qu'il n'avait même jamais pu voir; des cuisses fermes, parsemées de poils blonds... et au milieu de tout cela, posés sur les draps en un arrangement parfaitement symétrique, le sexe et les bourses de son amant. Aussi alanguis que son corps. Si tentateurs. Mais cela, il avait le droit de le toucher, non ?!

Le plus doucement possible pour ne pas encore réveiller Lucius, Harry se recula et se mit à quatre pattes vers le pied du lit. Lentement, il se pencha jusqu'à pouvoir effleurer de sa langue le gland rosé. Lucius n'eut aucune réaction. À nouveau, tout doucement, il lécha toute la longueur du sexe de son amant, s'attarda sur le rebord charnu du gland puis sur la fente à son extrémité. Devant son visage, il vit les fesses de Lucius se contracter, puis son dos se creuser, tandis que sous sa langue, le sexe prenait un peu d'ampleur.

Un petit moment, Harry poursuivit sa douce torture, tantôt suçotant le gland tout en jouant avec sa fente, tantôt léchant les bourses de son amant ou les prenant en bouche une à une. De temps à autre, Lucius émettait un gémissement plaintif, mais il ne bougeait pas. Son sexe, en revanche, avait nettement grossi !

Une fois encore, Harry remonta légèrement pour aller prendre entre ses lèvres un testicule et l'attirer dans sa bouche par une légère succion. La main sur le sexe de Lucius, il le massait et le pressait doucement, si lentement que c'en était une torture pour lui aussi. Il avait le visage si près des fesses de Lucius... le nez presque dans ce sillon interdit... et l'envie folle de satisfaire sa curiosité... !

Il relâcha le testicule qu'il caressa d'un coup de langue, puis poursuivit son chemin humide vers le périnée, s'immisçant très légèrement entre les fesses. Lucius frémit mais ne bougea pas davantage. Le cœur battant la chamade et le sourire aux lèvres, Harry recommença la même caresse de la pointe de sa langue, s'enfonçant doucement un petit peu plus loin, jusqu'à ce que Lucius se mette à gémir. Il faillit sursauter de culpabilité, mais le gémissement de son amant était pur plaisir et l'excita de façon insensée.

À chaque seconde, Harry s'attendait à ce que Lucius fasse un mouvement brusque pour se retourner, à ce qu'il proteste vivement et le chasse de cet endroit interdit. Mais seconde après seconde, surpris mais ravi, il poursuivait sa lente caresse du bout de la langue, retraçant toute la longueur de cette obscurité jusqu'à émerger au bas de son dos. Lucius avait frémit, gémi de façon languide une fois ou deux, mais il restait sagement allongé sur le ventre, hésitant entre rêve et réveil.

Mais Harry en voulait plus. Si Lucius se laissait faire sans protester, c'était l'occasion rêvée pour se faire plaisir à tous les deux. Sans lâcher le sexe qu'il continuait à caresser doucement, il libéra son autre main et la posa sur la fesse gauche de son amant. Avec toute la lenteur et la délicatesse dont il était capable, il l'écarta gentiment, approcha encore son visage et glissa sa langue jusqu'à cette petite aréole rosée. Il effleura les plis, puis s'attarda sur le creux de cette fente qu'il aurait voulu voir se détendre sous la pression de sa langue. Lucius se remit à gémir, plus intensément cette fois, et il remua pour enfoncer son visage dans son oreiller.

Inlassablement, Harry léchait et pressait l'orifice de son amant, essayant de se glisser un peu plus profondément à chaque fois. Les gémissements incroyables de Lucius le rendaient fou. Il se doutait que chaque seconde qui passait le rapprochait de la fin de ce moment unique et il voulait en profiter jusqu'au bout. Il aurait bien même glissé un doigt dans les profondeurs de ce corps, mais cela risquait de précipiter le réveil de son amant et il en était hors de question. Avec bonheur, il goûtait des plaisirs interdits et si délicieux.

Ce fut peut-être le gémissement qui lui échappa qui fit réagir Lucius... Une sensation plus forte quand sa langue pénétra sur un ou deux centimètres... Ou bien son érection impressionnante qui commençait à le gêner... Toujours est-il que Lucius se contracta brusquement en redressant la tête en arrière, les yeux encore clos sous le plaisir. Puis après un instant d'immobilité, il glissa sa main en bas de son dos, saisit les cheveux de Harry et tira dessus pour dégager son visage de ses fesses.

Sa voix grondait mais il était peu crédible avec ce sourire sur ses lèvres. Harry gloussa comme un gamin ravi de sa bêtise et passa une main dans ses cheveux pour se recoiffer tout en se rallongeant à côté de l'aristocrate. Le jeu était fini mais il en avait bien profité. Et il s'en souviendrait sans doute pendant longtemps !

Ceci dit, la deuxième manche ne faisait peut-être que commencer, car l'aristocrate se redressa à quatre pattes et vint le surplomber avec un regard gourmand.

– Et tu comptais aller jusqu'où, comme ça ? fit-il en souriant. Personne, pas même toi, n'a le droit de fureter de ce côté-là ! Tourne-toi, maintenant, que j'exerce ma vengeance !

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Encore essoufflés et poisseux de sueur et de sperme, ils se levèrent avant de se laisser aller à se rendormir après l'amour. Harry pouvait éventuellement traîner au lit mais Lucius avait des obligations et le Ministère l'attendait comme chaque matin...

Il pénétra dans la salle de bains après avoir jeté un léger sortilège de nettoyage sur le lit. Les elfes changeraient les draps mais cela n'empêchait pas un minimum de décence. Lucius était déjà sous la douche, admirablement nu. Ruisselants d'eau, ses longs cheveux blonds paraissaient légèrement plus foncés qu'à l'ordinaire. Avec un sourire, Harry admira le corps fin et sec de son amant, et surtout son sexe, si long et encore un peu épais malgré la jouissance. Lucius s'était vengé, mais il ne pouvait nier qu'il aimait ce genre de vengeance...

Lucius essuya de la main l'eau qui coulait sur son visage et ouvrit les yeux, inconscient de la mousse qui couvrait encore le haut de son front et lui donnait un air à la fois un peu ridicule et tout à fait charmant.

– Tu peux venir en même temps que moi, je ne vais pas te manger !

– Il me semble que c'est déjà fait ! gloussa Harry en apercevant dans le miroir une jolie rougeur au niveau de son cou.

Il se contorsionna un instant en cherchant à voir son dos mais avec les arabesques sur sa peau encore légèrement verdâtres, il ne voyait rien de suspect. En revanche, il grimaça en passant sa main sur son ventre encore poisseux.

– Allez, viens te laver ! Je crois que tu en as bien besoin!

– La faute à qui si je suis tout sale ?! gloussa-t-il en pénétrant dans la douche.

Avec un sourire toujours aussi gourmand, Lucius attrapa son bras et l'attira sans ménagement contre lui pour l'embrasser. Harry se laissa faire et se colla contre son corps avec bonheur. La douche était chaude, agréable, et la sensation de leurs peaux qui glissaient l'une contre l'autre si facilement, lubrifiées par l'eau et le shampoing, avait quelque chose de très excitant. Harry frotta un instant son sexe contre celui de Lucius, savourant cette impression suave et veloutée, tout en caressant ses fesses.

– Même pas en rêve ! ricana l'aristocrate en lui mordillant le lobe de l'oreille.

Harry gémit de plaisir et d'envie, mais Lucius empêcha rapidement ses mains de s'aventurer trop loin entre ses fesses. Une fois mais pas deux !

Avec un peu de recul, Harry n'était même pas sûr que Lucius dormait réellement quand il avait commencé à le lécher. Il était peut-être seulement alangui dans un demi-sommeil et il s'était laissé faire sans rechigner. Ou bien il simulait le sommeil pour voir jusqu'où Harry allait aller. Au vu des gémissements de son amant lorsqu'il avait remonté sa langue entre ses fesses, il avait eu l'air de grandement apprécier... mais Lucius était ce qu'il était et cet état d'assoupissement ou de sommeil feint était peut-être le seul moyen pour lui d'accepter dignement ce genre de traitement. En pleine possession de ses moyens, comme à présent, il lui refuserait obstinément l'accès à ses fesses. Ce qui n'empêcherait pas Harry de recommencer à la première occasion !

Lucius refusait qu'il approche sa main, mais lui ne s'en privait pas. Avec un sourire espiègle, il entreprit d'aider Harry à se laver, en particulier au niveau de l'entrejambe et entre ses fesses, laissant à loisirs ses doigts traîner jusqu'à ce qu'il soit à nouveau complètement excité. Mais lorsque Harry voulut passer aux choses sérieuses et devint plus entreprenant, Lucius se défaussa et quitta la douche en laissant sa main claquer sur ses fesses.

– Je crois que ma vengeance n'est pas tout à fait épuisée, fit-il avec un sourire jubilatoire.

Harry grimaça de dépit et se caressa un moment, adossé contre le carrelage, dans l'espoir d'exciter son amant et de le voir revenir dans la douche. Mais Lucius avait attrapé un grand drap de bain et s'essuyait consciencieusement sans plus s'occuper de lui.

Renonçant à tout espoir de relation sexuelle imminente, Harry coupa l'eau et sortit de la douche. Il prit une serviette pour se sécher à son tour, non sans avoir allègrement secoué ses cheveux gorgés d'eau pour éclabousser son amant. Devant ces représailles presque enfantines, Lucius s'essuya sans mot dire, le sourire aux lèvres, tout en observant son reflet.

– Ta peau a beau être dorée à souhait, elle est capable de rougir à une vitesse effarante ! ricana-t-il. Ce qui me fait penser que ça fait bien longtemps que je n'ai pas utilisé la canne sur toi...

Harry sourit en apercevant dans le miroir la trace de la main de Lucius sur ses fesses. Et puis la mention de cette canne... Cette simple évocation de plaisirs anciens en tête à tête, des négociations avant leurs séances dans l'antichambre, réveilla son désir et raffermit son excitation déclinante.

Depuis que son amant était redevenu Ministre, ils avaient moins de temps ensemble et ils avaient perdu leurs petites habitudes si savoureuses : les siestes crapuleuses, les parties de jambes en l'air, au beau milieu de la journée, sur le coin d'une table ou d'un bureau, une certaine spontanéité si charmante... Cela comptait beaucoup dans leur complicité mutuelle et ça leur manquait à l'un et à l'autre. L'absence de Severus, aussi regrettable qu'elle soit, leur permettait au moins de renouer délicieusement avec cette intimité perdue.

– Ça te manque ? gloussa Harry.

Tu me manques. Je ne passe pas assez de temps avec toi...

Sans s'attarder sur ses paroles trop romantiques, Lucius avait attrapé et jeté plus loin la serviette avec laquelle il s'essuyait. Il se colla contre son dos, le plaquant contre le lavabo, face au miroir. Contre son ventre, contre son sexe, Harry percevait le contact glacé du marbre, mais toute son attention était concentrée sur le reflet de Lucius et son regard incandescent.

– Faut-il que je t'aide ? murmura l'aristocrate en empoignant son sexe tendu.

Harry ferma les yeux sous la sensation puis les rouvrit aussitôt. Il voulait savourer ce regard luxurieux et graver cette image purement érotique dans son esprit. Il ne savait pas si Lucius irait jusqu'où bout de ce que suggérait son attitude, mais il était tout à fait capable de le masturber devant ce miroir jusqu'à l'orgasme, juste pour apprécier pleinement de le voir petit à petit défaillir de plaisir. Voire supplier pour sa délivrance.

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Au bout d'un moment, ils réussirent à s'habiller et à quitter enfin leur chambre. Lucius l'avait fait jouir à nouveau, de ses mains, sans perdre une miette de l'expression de son visage pendant l'orgasme, mais il n'était venu chercher aucun plaisir pour lui-même. Dans la même position, Severus, lui, l'aurait plus certainement baisé à même le lavabo, ou au moins il aurait voulu s'accoupler... À cette pensée, Harry sentit un pincement au cœur tandis qu'il émiettait le toast dans son assiette. Il était très heureux de se retrouver un peu seul avec Lucius mais Severus lui manquait férocement et le lien, vide et muet, ne facilitait pas les choses. Il espérait juste que la situation n'était pas trop difficile pour son compagnon.

– Ça va ? s'inquiéta Lucius en reposant sa tasse de thé.

– Oui, oui, ça va. Je pensais... à Severus.

Une fugace lueur de tristesse traversa le regard de l'aristocrate avant qu'il ne reprenne son masque habituel.

– Je suis sûr que tout se passe bien, assura-t-il en se levant.

Il vint se poster derrière sa chaise, nouant ses bras autour de son torse et son visage souriant près du sien.

– Je suis certain que Severus a très envie de te voir... mais il ne t'appellera que s'il en a besoin. Et il est assez obstiné et fier pour ne pas le faire, gloussa Lucius. Pour l'instant, tu m'appartiens. Même si je sais bien que tu l'aimes plus que moi...

L'aristocrate avait parlé sur le ton de la plaisanterie, mais les mots touchèrent Harry à un endroit sensible et il se retourna brusquement. Il ne voulait pas que Lucius se sente mis à l'écart par leur union... Il ne voulait pas que cela les sépare, il ne voulait pas qu'il y ait plus de différences entre ses amants qu'il n'y en avait déjà, il ne voulait pas... de hiérarchie entre eux.

– Ce n'est pas vrai ! protesta-t-il. C'est juste que... ce n'est pas pareil.

Harry se mordit la lèvre, hésitant devant ce qui était pourtant une réalité mais qu'il ne voulait pas rendre blessante.

– J'aime Severus comme j'aime Aria, finit-il par dire. Bien sûr, ce n'est pas le même amour, mais il y a ce côté inconditionnel... Évident. Avec toi... j'ai toujours l'impression que rien n'est acquis, que je dois être à la hauteur... Que je dois continuer à te séduire...

De façon surprenante, Lucius gloussa avec un sourire réjoui.

– Hum... Je crois que j'aime assez cette idée ! fit-il en mordillant la peau de son cou. Continue donc à essayer de me séduire ! Pour l'instant, tu ne te débrouilles pas trop mal...

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Lucius parti pour le Ministère, Harry descendit au laboratoire travailler un peu. Il en remonta trois heures plus tard, relativement satisfait de la tournure de ses essais. Il avait choisi peut-être la voie la plus lente, qui demandait une longue maturation de la potion, mais le mélange semblait bien plus stable et efficace. Il ne manquait plus que quelques phases de finalisation et puis des tests en situation réelle. Ce qui paraissait autrement plus compliqué.

Pour réfléchir à la suite de ses expériences, Harry remonta au rez-de-chaussée et sortit sur la terrasse du Manoir. Le temps était magnifique, le ciel bleu splendide d'éclat et de profondeur et la lumière presque éblouissante. Il resta quelques minutes au soleil, les yeux fermés, s'abreuvant de cette chaleur insolente, puis il décida de s'installer dans le salon de jardin près de la piscine. Sa peau était peut-être dorée pour Lucius, mais elle restait encore trop pâle pour cette époque de l'année. Le printemps avait été tardif, gris pendant un long moment, et il manquait de soleil.

Harry se déshabilla tranquillement, hésita une seconde puis enleva également son boxer et s'allongea sur un transat. Il était quasiment seul dans le Manoir et il n'attendait personne. Mark travaillait dans le bureau de Lucius mais il devait le croire encore dans le laboratoire sur ses potions, et même s'il venait le voir, ce n'était pas bien grave. Mark l'avait déjà vu en maillot de bains ou nu, une fois ou deux quand Harry s'était endormi en regardant un film sur le canapé... Et puis il n'était pas pudique.

Les rayons du soleil brûlaient délicieusement, sa peau chauffait, cuisait, absorbait la lumière comme si elle était une source de vie et il se tourna sur le ventre pour faire dorer son dos et ses jambes... sans oublier ses fesses. La tête posée sur ses bras croisés, Harry sourit en repensant à son réveil avec Lucius. Les appétits de l'aristocrate en matière de sexe tenaient de la gourmandise insatiable mais il y mettait toujours une pointe de raffinement et de noblesse qui n'appartenaient qu'à lui. Fier jusqu'au bout des ongles, toujours digne et élégant, même quand il le suçait, même quand il avait deux doigts dans sa bouche ou au fond de son cul... Il restait toujours maître de lui-même et de la situation. Et son regard dans le miroir pendant qu'il l'avait masturbé... Harry en frémissait encore.

Que Lucius, en revanche, se laisse caresser et lécher à des endroits d'ordinaire prohibés, le surprenait toujours. Un instant d'abandon délicieux et si rare... Cela ne se reproduirait peut-être jamais, mais cela peuplerait ses rêves érotiques pour les années à venir !

Il aurait dû réfléchir à ses potions, à ses recherches, à son emploi du temps pour les prochaines semaines, mais Harry finit par s'endormir, le sourire aux lèvres et des images affriolantes plein la tête...

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Le soir venu, ils dînèrent en tête à tête sur la terrasse. Lucius était rentré tôt, pour une fois; il était d'une humeur charmante, presque charmeuse, et le vin capiteux les réchauffait agréablement. La conversation était légère, frivole, évitant tous les sujets qui auraient pu ternir leur gaieté.

Quand la fraîcheur tomba avec le coucher du soleil, ils s'installèrent dans la salle de cinéma, devant un film romantique à souhait. En l'absence de Severus, ce fut contre l'aristocrate que Harry vint se lover avec un sourire ravi. Il embrassa ce petit creux sous l'oreille de son amant qu'il aimait tant, respirant le parfum des cheveux blonds que Lucius avait ramassés sur son épaule et qui le chatouillaient doucement. Son bras autour de lui le retenait délicieusement captif et il se laissa aller contre son torse avec bonheur.

De temps à autre, les doigts de Lucius passaient dans ses cheveux ou caressaient sa nuque, puis venaient se reposer sur sa hanche. Sous son oreille, Harry percevait sa respiration lente, parfois les battements de son cœur... Et puis le film était tendre comme un bonbon, si bien accordé à leur douceur actuelle. Sa main s'était bien glissée sous la chemise de son amant, profitant de l'espace offert par un bouton qu'il avait habilement fait sauter, mais il n'avait pas envie de plus. La chaleur veloutée du ventre de Lucius sous ses doigts lui suffisait...

Le film s'acheva sur une émotion indescriptible, triste et si radieuse à la fois qu'ils restèrent quelques secondes sans bouger tandis que défilait le générique de fin.

– Allez, mon chéri... Il est temps d'aller au lit, fit doucement Harry en se redressant.

Lucius sourit sans relever le petit nom qu'il lui avait donné – autant par provocation que par sincérité, d'ailleurs...

– Au lit avec toi ?! Je ne sais pas, fit-il semblant d'hésiter. Séduis-moi !

Devant l'allusion à sa confidence du matin, Harry gloussa puis se leva du canapé. Dans l'obscurité de la pièce, seule la luminosité de l'écran éclairait leurs visages, et la musique du générique, lente et élancée, s'envolait dans le silence. En s'inclinant légèrement, il tendit la main à son amant et l'attira vers lui quand il se leva à son tour. L'invitation avait quelque chose de solennel et de très intime à la fois, et dès que l'aristocrate fut dans ses bras, Harry esquissa quelques pas de valse.

Surpris, Lucius s'immobilisa brusquement puis éclata de rire devant cette tentative de séduction inattendue. C'était inédit. Si rafraîchissant... En souriant, Harry incita Lucius à reprendre leurs mouvements et bientôt, ils dansaient dans la pièce comme ils auraient pu le faire au bal des Malfoy, sur une musique grandiose qui ne cessait de tourbillonner.

Lucius prit rapidement la main pour le faire danser, mais Harry ne s'en formalisa pas. Il n'avait jamais dansé avec l'aristocrate, et même si la situation pouvait paraître étrange ou incongrue, il trouvait cela merveilleux. Leurs pas étaient fluides, souples, Lucius avait l'air enchanté et ils tournoyaient avec élégance entre les canapés. Harry ne quittait pas des yeux le regard réjoui et clairement amusé de son amant, son sourire à croquer et cette étincelle de joie sur son visage qu'il n'avait pas vue depuis longtemps.

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Merci à tous de votre fidélité et bienvenue à ceux qui rejoignent en cours de route.

La semaine prochaine, le retour d'Australie de Severus est un peu houleux, et puis l'angoisse monte lentement, à mesure que se rapproche l'arrivée de la délégation au Manoir...

Au plaisir

La vieille aux chats