Titre : Le Caravansérail

Auteur : Alana Chantelune (alanachantelune@caramail.com)

Beta-readeuse : Angharrad, que je remercie chaudement et milles fois

Résumé général : Malika Nassim, une fillette tunisienne de douze ans, apprend qu'elle est une sorcière et qu'on l'attend au Caravansérail, l'école de Magie, où son mystérieux oncle Hichem est professeur.

Résumé du chapitre précédent : Malika est une fillette de onze ans et demi qui apprend qu'elle est une sorcière. Son oncle Hichem, professeur au Caravansérail, l'école de Magie du Maghreb, l'emmène faire ses achats de la rentrée. Elle découvre certains professeurs, certains élèves, et comprend que son oncle est un sorcier connu et respecté. Pourquoi tout le monde le considère t-il comme un héros ?

Disclaimer : Je signale aux lecteurs qui ne l'aurait pas remarqué, que cette fic est publiée dans la section "Harry Potter". Donc que rien ne m'appartient, tout est à J.K Rowling, et je ne suis pas en train de me faire des sous avec tout ça… Mais… Il n'y a aucun personnage de J.K. Rowling ici ? Ah ? Ben, c'est quand même à elle, je vous l'assure !^__^

Note aux revieweurs : merci beaucoup de votre soutien. Cette fic est celle qui me tient le plus à cœur. J'ai du mal en ce moment à m'y atteler à cause de la traduction de "Grim Dawn", que je fais au jour le jour (quoi que ça fait une semaine que Robin n'a pas uploadé… Je peux souffler !). Je vous remercie pour tous les noms arabes que l'on m'a transmis. Je cherche des significations, car je veux qu'il y ait des allusions sur leur caractère, comme chez J.K. Rowling.

Je m'efforce de répondre personnellement aux reviews de chacun, par mail. Merci énormément à ceux qui m'ont donnée des noms arabes, je vais les utiliser, soyez-en sûrs !

Pour les questions : oui, on reverra Dumbledore, mais pas Harry, qui ne sera qu'évoqué. (c'est un héros mondial, quand même !) Les sorciers d'Afrique du Nord utilise principalement des tapis, et quasiment seuls les amateurs de Quidditch s'en servent. Et oui, il y aura du Quidditch.

Pour la baguette de Malika, il faudra attendre…

Et Sinon, sachez que le chap 6 est à moitié écrit, ainsi qu'un petit passages des chap 7 et 9, et le plus morceau du 8, ainsi que la moitié du dernier (14 sont prévus.)

Conseils : Pour les moments de solitude de Malika, pendant les vacances chez ses grands-parents : "La décision de Mulan", piste 8 de la BO du film "Mulan" Pour l'arrivée au camp et le départ, "Titanic", le morceau de l'embarquement.

Présentation des personnages :

Malika Nassim : héroïne de notre histoire. Onze ans et demi, elle apprend qu'elle est sorcière. Volontaire, très excitée par ce qui lui arrive, elle souffre toutefois de l'attitude de sa famille face à la magie.

Hichem Nassim : Mystérieux oncle de Malika, prof de Magie. Séparé de sa famille depuis des années, c'est un héros semble t-il chez les sorciers, mais pourquoi est-il si coincé ?

Les parents de Malika : Si le père semble regretter la mésentente survenue avec son frère, la mère reste très hostile à la magie, et reporte sur sa fille une partie de sa peur.

Youssef : 18 ans, grand frère de Malika. Le plus amical de tous dans la fratrie.

Samira : 16 ans, sœur de Malika, au caractère bien trempé.

Kader : 14 ans, frère de Malika, et son tortionnaire. Un vrai sale gosse, celui-là!

Naïma : 9 ans, sœur de Malika. La chouchoute de la famille, une peste en puissance ?

Titus : le vieux chien de la famille Nassim. Brave bête crasseuse qui roupille tout le temps.

Chapitre cinq : Rendez-vous à l'Obélisque des Mirages

Un sentiment dérangeant habitait Malika. Et habitait l'ensemble de la maison, semblait-il. On aurait dit que plus rien ne se passait comme avant, que quelque chose de bizarre empêchait chacun d'être naturel, que ce soit pour la moindre chose, les discussions, les regards, les démarches de chacun.

Ses frères et sœurs ne lui parlèrent pas de sa journée, ne lui posèrent aucune question. Mais elle voyait bien leurs regards curieux. Quand ils lui adressaient la parole, c'était avec réserve et neutralité. Naïma, surtout, semblait la considérer comme une bête curieuse. Les deux aînés étaient plutôt gênés. Samira était très perturbée ; la magie n'entrait vraiment pas dans sa conception du monde. Youssef avait l'air plus intrigué et plus intéressé, mais sa réserve naturelle ne le poussait pas vers sa sœur. Il ne posa même pas de questions sur son oncle ; il était pourtant le seul à ne pas l'avoir vu, sinon en coup de vent lorsque ce dernier avait ramené Malika. Il était du genre à tout garder pour lui, et puis à exploser. Cela arrivait le plus souvent avec son père, car celui-ci avait des vues bien arrêtées sur l'avenir de son fils, qui n'étaient pas partagée. Par ces crises de rage, il ressemblait un peu à Malika, mais elle était moins renfermée que son frère et donc d'humeur moins sombre et moins explosive.

Quand à Kader, il avait une attitude encore plus méprisante qu'à l'ordinaire. Dès que nul ne pouvait l'entendre, il lançait des piques et des insinuations à sa sœur. Le pire, c'est que très vite Naïma essaya d'en profiter pour poser plein de questions puériles ("Tu vas avoir des verrues ? Tu vas manger des serpents ? Tu vas aller en enfer, après ? Tu peux changer les melons en chocolat ?"), et que quand Samira s'aperçut de ce manège, elle fit comme si elle n'avait rien entendu. Elle semblait avoir choisi la politique de l'autruche, et Malika se doutait qu'il y avait dû y avoir une grande discussion familiale en son absence. Par contre, Kader s'efforça de rester très discret devant son frère.

Mais la mise à l'écart que continuait de mettre en œuvre sa famille lui rappelait que sa vie avait changée. Elle se raccrochait à cette idée : dans quelques semaines, elle partirait vers un endroit inconnu, où elle retrouverait son oncle. Elle avait très envie de mieux le connaître, même si il l'intimidait : elle trouvait Hichem fascinant. Il lui avait ouvert un nouveau monde.

Elle était à la fois excitée et terrifiée.

Les choses se compliquèrent quand ils se rendirent, très peu de temps après, en vacances chez leurs grands-parents. Samira et Youssef avaient leurs propres affaires : travail au restaurant, sorties avec leurs amis, expédition dans le Sud pour l'aîné. Kader aurait préféré rester sur Tunis, mais il ne voulait pas travailler au restaurant, et son père l'envoya sans ménagement avec ses petites sœurs après une querelle mémorable père-fils.

Le trajet en autocar fut éprouvant, même si Bizerte n'était pas très éloigné de Tunis. Mais la chaleur était étouffante. Après leur arrivée et les embrassades affectueuses de leur tante et des grands-parents, Naïma eut la merveilleuse idée de glapir que "Malika est une sorcière ! Elle va apprendre à faire des potions de bave de crapaud !"

La réaction des adultes ne fut pas des plus enthousiastes.

La grand-mère posa une main sur son cœur. La tante eut un hoquet de surprise. Le grand-père dressa la tête et regarda ses petits-enfants, foudroyé. Puis, il leur siffla de se taire et les poussa sans ménagement dans la voiture, jetant des coups d'œils aux alentours, alarmé à l'idée que quelqu'un les ait entendu. Les deux femmes se regardaient, paniquées.

Une fois tout le monde engouffré dans l'automobile poussiéreuse, le grand-père dit durement, le regard terrible :

"Je vous interdit de parler de cette école de Magie. A personne. Même pas à vos cousins !"

Il lança à Malika un regard noir, le menton tremblant de colère. Puis, il mit en marche le moteur, coupant toute discussion. La tante fit taire Naïma qui commençait à protester, et le court trajet jusqu'à la maison fut désagréablement silencieux en plus d'être étouffant.

Les vacances furent affreuses pour Malika. Son grand-père la traitait comme une pestiférée. Son regard noir et malveillant la poussait à éviter autant que possible la présence du retraité, et elle s'arrangeait donc pour ne pas être dans la même pièce que lui. Lors des repas, il avait décidé de l'ignorer purement et simplement. Sa grand-mère et sa tante étaient également distantes, mais au moins, elles ne la fixaient pas avec ce regard furieux. Sa grand-mère avait surtout l'air triste.

Un matin, deux jours après leur arrivée, elle la prit à partie dans la cuisine.

"Ma chérie, n'en veut pas trop à ton grand-père. Il déteste la magie. Il a détesté le fait que son fils soit… sorcier. Il juge cela honteux, contre-nature. Et puis, ce qui s'est passé quand tu étais bébé…"

Ses mains tremblaient en coupant les légumes. Le souvenir de cet événement lui donnait des sueurs froides.

"Il ne faut pas en parler. Ne fais pas de magie, ça vaut mieux. Après cette école, tu ferais mieux de ne pas faire de magie. Tu dois y aller, bien sûr… Mais la magie, c'est dangereux… C'est mal… Oh, j'aurai voulu ne pas revivre ça…"

"Je n'ai rien demandé, Mamie."

"Je sais ma puce, mais… Tout ça c'est à cause d'Hichem… Ce n'est pas ta faute. Mais fait attention." soupira t-elle.

Malika ne put poser plus de questions, car les cousins venaient de débarquer dans la pièce.

Ceux-ci remarquèrent bien vite que quelque chose clochait avec Malika, et bien sûr, Naïma et Kader finirent par vendre la mèche, malgré les interdictions de la famille.

Nadia, quinze ans, Ahmed, onze ans et Walid, neuf ans, étaient arrivés juste après leurs cousins.

Nadia faisait triste mine, car à quinze ans, elle estimait qu'elle n'avait plus à aller en vacances chez ses grands-parents, mais plutôt avec ses copines. Point de vue que ses parents ne partageaient pas. Quand ils allaient en voyage, ils ne voulaient pas de soucis avec leurs enfants. L'absence, cette année-là, de Samira, la rendait encore plus boudeuse, car elle avait très peu de chances d'avoir autant de liberté qu'accompagnée par sa cousine ; les grands-parents étaient du genre vieux jeu, et ne la laisseraient pas sortir le soir, elle le savait.

Ahmed n'espérait qu'une chose, faire les quatre cents coup avec Kader, qui se flattait de l'admiration que lui portait son petit cousin. Quand à Walîd, c'était un petit garçon joyeux qui avait tendance à l'embonpoint, mais une frimousse adorable qui faisait fondre les cœurs.

Trois jours après l'arrivée des cousins, Malika jouait aux cartes avec ses cousins, tandis que Naïma "faisait équipe" avec Nadia (en fait, elle posait les cartes que sa cousine lui indiquait).

Kader, qui tournait en rond depuis un moment et qui, bien sûr, ne supportait pas d'être indifférents aux autres, plongés dans le jeu, s'approcha. Il ne fallut pas deux minutes pour que Nadia lui hurle d'aller voir ailleurs et d'arrêter de dévoiler le jeu de chacun. Quand Malika seconda sa cousine, il eut une moue méprisante et lança :

"De toute façon, tu ne peux que tricher, la sorcière, j'suis sûr que tu t'entraînes à faire des sales tours avec les cartes. Hein, que tu fais pas de la magie ?"

"Dégage, crétin !" jeta Nadia.

"Mais si, demande lui, c'est une sorcière, elle va dans une école de sorciers… Tu savais qu'elle allait en pensionnat ? Ben c'est une école de Magie… Pas vrai ?"

Malika était interdite. Il ne fallait rien dire !! Bon sang, pourvu que les cousins n'y croient pas… Mais Naïma fut aussitôt ravie de se rendre intéressante:

"Ouais !! Même que l'oncle Hichem aussi, et il va emmener Malika !! Papa nous l'a dit !!! Il est venu à la maison !"

La mention de l'oncle Hichem - le mystérieux oncle dont on ne parlait jamais - attisa la curiosité des cousins.

"T'es une sorcière ?" fit Walîd, les yeux ronds d'admiration.

"T'es bête, ça existe pas…" affirma son frère.

Malika, affolée, ne savait comment réparer la situation. Ils avaient fait une promesse, et voilà qu'à cause de son imbécile de frère… Nadia avait l'air narquoise :

"Arrêtez vos délires… Vous avez vu l'oncle Hichem ?" ajouta t-elle, plus intéressée.

"C'est un SOR-CIER !" jura Naïma avec un air solennel, roulant des yeux pour appuyer ses dires.

"Juré, c'est un sorcier, et Malika aussi… Hein, la petite sorcière ?" approuva Kader en bousculant sa sœur.

Elle explosa de rage et d'humiliation. Il était abominable ! Il avait promis à leur père, à leur grand-père ! Et surtout, la promesse à leur oncle, qui lui avait fait passer une si merveilleuse journée, était rompue !

"T'avais pas le droit !! T'avais promis de rien dire !!" hurla t-elle en se jetant sur lui pour le bourrer de coups de poings et de coups de pieds.

Si elle parvint à le faire tomber par terre, il se reprit vite et chercha à la coincer en lui hurlant de se taire, tordant ses poignets, lui tirant les cheveux et ignorant les récriminations de leur cousine.

"La ferme, la sorcière !"

Malika lui griffa le visage, frappa ses épaules et ses tibias, mais il était plus fort qu'elle. Leur grand-mère, alerté par les cris, arriva en poussant de hauts cris, et ils durent se séparer.

"Mais qu'est-ce qui vous prend ?", cria la vieille femme. "Vous voulez vous entre-tuez ? Entre frères et sœurs ? Vous n'avez pas honte ? Vous ne pensez pas à nous, qui sommes vieux et avons besoin de repos ? Regardez-vous un peu, on dirait des souillons !"

"Il a trahi sa promesse !" ragea Malika, au bord des larmes, qui s'éloignait de son frère avec répulsion.

Kader ne pouvait donc jamais être sérieux et honnête avec elle ? Si ça avait été pour un autre membre de la famille, elle était sûre qu'il aurait tenu sa langue… Enfin, presque sûre… Evidemment… Il ne pouvait donc pas être responsable ?

"C'est pas la peine de t'énerver comme ça parce qu'il dit que tu es une sorcière !" renifla Nadia.

Leur grand-mère se tourna brusquement vers Kader.

"Vous saviez qu'il ne fallait pas en parler !" s'exclama t-elle, peinée.

"Alors c'est vrai ?" redemanda Walîd, les yeux écarquillés.

Même Nadia regardait sa grand-mère avec stupéfaction à présent.

"Hey ! Naïma aussi elle l'a dit !" se défendit Kader.

"Parce que t'as montré l'exemple !" cria Malika avec rage, remettant ses cheveux défaits en place.

C'est alors que, catastrophe, leur grand-père arriva.

"Que se passe t-il ?" gronda t-il de sa voix terrible. "Pas capable d'être sages en vacances ?"

" ls ont tout dit à leurs cousins…" murmura sa femme.

Les yeux du grand-père sortirent presque de leurs orbites et il se mis à tempêter comme jamais. Les six enfants se recroquevillèrent sur eux-mêmes. Les colères du grand-père n'était pas un agréable moment à passer. Naïma et Walîd fondirent en larmes.

"COMMENT… FAIT LA PROMESSE… INCAPABLE… PUNITION… JAMAIS PLUS…. PETITS INGRATS… MALS ELEVES… PEUT PAS FAIRE CONFIANCE… CORRECTION… HONTE SUR TOUTE LA FAMILLE…"

Il sembla hurler pendant un quart d'heure au moins, et chacun des enfants reçu au moins une taloche, mais Malika reçut plus de gifles que les autres et Kader fut secoué comme un prunier.

Soudain, alors que tous les enfants, sauf Nadia, avaient les larmes aux yeux, un faucon entra par la fenêtre et se posa sur la table, interrompant les cris du grand-père. Il eut un sursaut en voyant l'oiseau, et recula vivement, tirant sa femme en arrière pour la protéger.

"Il a une lettre." murmura Malika.

Elle était terrifiée. Et si son oncle lui disait que tout était fini ? Si elle n'était plus admise à l'école parce que le secret n'avait pas été gardé ?

"Ouvre-là !" ordonna son grand-père avec brusquerie.

Mais quand Malika essaya de s'approcher de l'oiseau, il fit un écart et eut un petit cri de reproche. Il avança vers Kader et tendit la patte. Les cousins regardaient le faucon, éberlués.

"Kader !" ordonna sa grand-mère.

Mais il ne bougea pas.

"Tu as peur ?" demanda Malika, avec sarcasme.

Il lui jeta un regard furieux et se décida à prendre le message. Aussitôt, le faucon repartit d'où il était venu. Sous le regard attentif de tous, Kader déroula la lettre, et l'ouvrit très lentement, jetant des regards furtifs à chacun. Il avait l'air plutôt inquiet. Il lu le message, et son visage prit une mine déboussolée.

"Alors ?" jeta le grand-père, qui essayait de ne pas trop trembler, de rage ou de peur, on ne savait trop.

Kader ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit. Son visage devint alarmé. Il remua la bouche, mais aucun son n'en sortit. Paniqué, il porta sa main à sa gorge.

Peine perdue : aucun mot ne franchissait ses lèvres.

Kader était devenu muet.

Il fit de grands gestes frénétiques, essayant vainement de parler. Il tendit la lettre à ses grands-parents. Ceux-ci la lurent avec appréhension.

Kader,

Compte tenu du non-respect de la promesse que je vous avais demandés de tenir envers ceux qui ne sont pas au courant de ma vrai nature et de celle de ta sœur, je me vois contraint de t'imposer ce sortilège de Mutisme, en espérant que tu apprennes à tenir ta langue. Si une telle "erreur" devait se reproduire, la prochaine personne qui s'y risquerait se verrait non seulement privé de parole, mais aussi de la capacité d'écrire ou de communiquer. Vous êtes prévenus.

Et, désormais, le pacte concerne également ceux qui ont appris la vérité.

En espérant que cela serve de leçon. Je ne serais pas aussi gentil si je venais moi-même, croit-moi.

L'Oncle Hichem

PS : le sort durera vingt-quatre heures.

Quand la grand-mère en eut terminé, tous se regardèrent, abasourdis. Et puis, l'air désespéré, Kader se tourna rageusement vers sa sœur, et essaya de la frapper.

"Suffit !" tonna son grand-père. "Peut-être que ça t'apprendra à tenir ta langue, mon garçon !"

Les cousins et Naïma étaient bouche bée. Kader n'eut d'autre choix que de s'enfermer dans sa chambre pour s'épargner l'humiliation de devoir communiquer par écrit.

Mais Malika fut également punie, et elle dut rester dans sa chambre, malgré toutes ses tentatives pour expliquer ce qui s'était passé à son grand-père. Le vieil homme, très énervé, s'enferma dans sa propre chambre tout le reste de la journée.

Son épouse se chargea d'expliquer à leurs petits enfants tout ce qu'ils voulurent savoir.

Plus besoin d'insister sur l'obligation de garder le secret désormais. La leçon de Kader était suffisante.

La mésaventure du jeune garçon eut l'énorme avantage de presque l'effacer de la vie familiale durant vingt-quatre heures, et l'énorme désavantage de le rendre encore plus détestable envers Malika. Il ne fit plus aucune allusion à la magie, mais devint encore plus tyrannique avec sa sœur. Quand aux autres, l'exemple du cousin avait été tellement impressionnant, qu'ils cherchèrent à éviter Malika, même Nadia et Walîd.

Malika avait donc choisi de rester seule le plus souvent possible. Elle passait de longues heures à se promener sur la plage, à escalader les rochers, en rêvant à sa fantastique journée à la Médina Magique, et à soupirer après ses affaires rangées dans l'armoire à la maison. Elle ne pouvait même pas en apprendre plus dans ses livres, leur accès lui était interdit ! Elle mourrait d'envie d'ouvrir ces livres à couverture de cuir, aux titres étranges et excitants.

Ce n'était pas seulement un caprice, mais un problème d'ordre scolaire, et même plus. Comment ferait-elle ? Elle arriverait à l'école plus ignorante qu'une... qu'une trolle ? (elle avait vu un dessin de troll chez Banthar et Ben. Il avait l'air particulièrement stupide.) Sans rien savoir sur rien, même comment simplement tenir une baguette magique. Ces livres auraient pu débroussailler le champ de sa connaissance magique, mais elle débarquerait à l'école de Magie - Le Caravansérail - comme une cruche.

Oh, quelle angoisse ! De quoi aurait-elle l'air ? Se moquerait-on d'elle pour des choses qu'elle ignorait ? Y avait-il des tests au début des cours ? Dans ce cas, elle était sûre de rendre copie blanche, sauf si il s'agissait de raconter sa vie. Et encore, en quoi sa vie pouvait-elle être intéressante ? Et ce voyage ? Il s'agissait d'une caravane, disait la lettre… Une caravane de quoi ? De voitures, de dragons, de tapis volants ?

Jeter des cailloux dans l'eau sur le port était une occupation vraiment ennuyeuse. Normalement, elle devrait être avec ses cousins et frère et sœur, à nager, jouer au ballon, explorer les rochers avec eux, se raconter des histoires quand il faisait trop chaud pour sortir, empêcher Kader de détruire les châteaux de sable de sa sœur, faire les marchés avec sa tante et sa grand-mère, aller au cinéma avec sa cousine, écouter les récits de son grand-père, ou le regarder leur apprendre à jouer aux échecs, aider sa grand-mère à faire des pâtisseries… L'an passé encore, ces vacances chez les grands-parents avaient été si simples et si agréables !

Mais cette année, elle était seule.

Les jours s'égrenèrent lentement. Malika essaya de combler son ennui en allant le plus souvent possible à la bibliothèque, où en refaisant les mêmes promenades, en grimpant sur les mêmes rochers…

Enfin, à la mi-août, sa tante l'informa très rapidement de se tenir prête pour prendre le car le 21 août pour Tunis.

"Tu rentreras avant les autres pour ensuite…"

La tante s'interrompit, et la table du petit déjeuner devint silencieuse. On jetait des coups d'œil à Malika, et on entendait plus que les cuillères sur les bols et les bruits de mastication.

Ensuite… Ensuite elle partirait, elle le savait. La lettre qu'elle avait reçue parlait d'un rendez-vous à l'Obélisque des Mirages, et de flèches rouges. Elle n'avait aucune idée d'où se trouvait cet endroit, même en ayant essayé de le trouver sur une carte.

La dernière semaine de vacances fut interminable, mais le petit voyage en autocar jusqu'à Tunis encore plus !!!! Son frère vint la chercher et elle en fut heureuse. Il était hésitant et gêné, mais c'était celui qu'elle sentait le plus amical envers elle dans la famille. Sans oublier Titus, qui vint se frotter à ses jambes avec entrain.

La malle de son oncle l'attendait. En fait, ce n'était pas une vieille malle, mais une malle neuve, de belle couleur brune et aux renforcements de couleur bronze. Sans doute Hichem avait-il découvert que la précédente était hors d'usage.

La préparation de ladite malle fut un moment assez émouvant pour Malika, car sa famille sembla se rappeler qu'elle partait quand même pour des mois dans un endroit qu'elle n'avait jamais vu.

"Il faut partir tôt, demain matin." expliqua son père.

"Où est le rendez-vous ?" demanda Youssef, qui apportait les cartons de fournitures magiques dans la chambre.

"A l'Obélisque des Mirages." répondit Malika, qui avait sa lettre posée sur son oreiller, le reste du lit étant envahi par toutes les affaires qu'elle et sa mère étaient en train de lister.

"Ca va faire de la place dans les placards." murmura Madame Nassim d'un air absent.

"Naïma sera contente." jeta Samira qui écoutait, installée dans la chambre d'à-côté.

"Et c'est où ?" relança Youssef en examinant un livre intitulé "Manuel des Sortilèges, 1ère année"

Malika fronça les sourcil, et saisit sa lettre. Elle lut à voix haute l'un des feuillets de la lettre :

"Le départ de la Caravane aura lieu à l'Obélisque des Mirages, le rendez-vous est fixé à neuf heures, le 22 août. Les flèches rouges vous indiqueront votre trajet, prenez soin de prévoir une heure pour atteindre le point de rendez-vous. Les Flèches Rouges ???" s'étonna t-elle en regardant son père avec une mimique d'incompréhension.

"Elles apparaîtront pour nous montrer le chemin dès que nous sortiront de la maison." dit tranquillement son père.

Sa femme s'arrêta un instant de fouiller dans le placard. Youssef releva la tête et Samira vint s'adosser à la porte. Comme tout le monde attendait qu'il s'explique, il continua tout aussi tranquillement, en enlevant les livres des mains de son fils pour les mettre dans la malle :

"J'ai accompagné Hichem trois fois à ce rendez-vous. Je sais comment ça se passe. Il y a toujours des flèches bizarres qui surgissent d'on ne sait où. Il faut les suivre pendant environ une heure, et on arrive à l'Obélisque des Mirages. C'est un simple bloc de pierre. Pour rentrer, il suffit de suivre les flèche en sens inverse, mais il ne faut pas modifier son chemin, où on se retrouve à l'autre bout du pays."

"Ca t'est… déjà arrivé ?" demanda Youssef, impressionné malgré lui.

Leur père marqua un temps d'arrêt.

"Non. Je n'étais pas avec votre grand-père cette fois-là."

Il y un silence.

Malika aurait aimé mettre son uniforme immédiatement, mais sa mère s'y refusa.

"Et si on te voyait habillée avec demain matin ? Non, pas question. Tu ne le mettras pas ici."

Elle replia l'un des uniformes que Malika avait déployé pour montrer à son frère. Leur père rajouta, pour rassurer sa fille, qu'il y avait de quoi se changer à l'Obélisque des Mirages, et qu'il suffisait de laisser un uniforme en haut de la malle.

Par contre, il lui enjoignit de laisser baladeur et cassettes audio à la maison.

"Les appareils électriques ne marchent pas, là-bas."

Remplir la malle fut très facile. Il n'y eut presque pas besoin de se creuser la tête pour caser toutes les affaires de Malika, il y avait juste la place de tout mettre, et même quand on rajouta après coup les chaussures, les chaussons, puis la trousse de toilette et enfin Nini, la poupée de chiffon, il y avait toujours juste la place pour ce qu'on avait oublié…

"Malle magique…" marmonna Monsieur Nassim. "Je parie que tu trouveras tout ce dont tu as besoin en l'ouvrant, même si on l'avait rangé tout au fond."

Et il la referma d'un coup sec. Toutes les affaires de Malika étaient rentrées dedans.

Elle eut du mal à dormir cette nuit-là, et se réveilla bien avant l'heure prévue. Elle était très excitée par ce départ, mais aussi très nerveuse. Comment sa famille réagirait-elle ? A sept heures et demi, elle était entièrement prête, sa malle bouclée. Elle se rendit dans la cuisine. Youssef était debout, essayant de se réveiller avec un bon café.

"Je viens avec vous, ce matin."

Malika adressa un sourire éclatant à son frère.

"Merci. Ca me fait vraiment plaisir."

"Tu pars pour des mois… C'est un peu normal. Et puis ça m'intéresse un peu."

Malika sourit. Youssef était du genre à tout minimiser en paroles, mais il ne trompait personne.

Quand il fut temps de partir, Youssef et son père chargèrent la malle dans la voiture. Titus était là, devant la porte, et il gémissait doucement. La brave bête avait-elle comprit ce qui se passait ? Toujours est-il qu'il donna de vigoureux coups de langues à Malika avant qu'elle ne sorte. Samira était descendue, en robe de chambre, pour voir sa sœur partir. Elle l'enlaça, un peu gênée. Elle ne semblait toujours pas savoir quoi penser de la situation.

Mais c'était la réaction de sa mère qui angoissait le plus Malika. Quand sa mine renfrognée se détendit en un sourire triste et en de gros soupirs, elle fut brutalement rassurée : les embrassades de sa mère et les larmes qu'elle essuya de ses yeux lui prouvait que sa maman tenait à elle, même si elle n'aimait pas le fait qu'elle soit une sorcière.

"Aller, va, et fais bien attention à toi." murmura t-elle avec une dernière accolade. Malika grimpa dans la voiture qui démarra aussitôt, et resta à la fenêtre pour voir sa mère et sa sœur devenir toutes petites, puis disparaître en bas de la rue de la Petite Montée, quand la voiture prit un tournant.

"On va où, alors ?" demanda Youssef.

"On roule. On suivra les flèches quand elles apparaîtront."

Perplexe, Youssef se tourna vers sa sœur, mais elle n'eut qu'un haussement d'épaule. Comment voulait-il qu'elle en sache plus que lui ?

"Là !" s'exclama soudain leur père en désignant un trottoir dans une vaste rue des faubourgs de Tunis.

En effet une large flèche rouge était dessinée sur le sol, d'un rouge étonnant : pas un rouge poussiéreux et terne, mais un rouge vif, lumineux, dans une matière qui ne semblait pas être de la peinture. Personne ne semblait l'avoir remarquée.

D'autres flèches semblables les guidèrent : sur le sol, sur les murs, sur des panneaux publicitaires (il était très amusant de voir l'éclatante publicité pour du dentifrice traversé par une flèche rouge). Ils quittèrent Tunis pour une grande route, puis une route poussiéreuse apparemment moins fréquentée. Les flèches apparaissaient toujours, sur des rochers ou au sol. Et puis la route devint sauvage, pleine de cailloux. Malika se demanda où ils pouvaient bien être. Youssef avait essayé de suivre avec la carte, mais ils n'avaient traversé aucune ville, aucun hameau, et n'avaient plus rencontré d'autres voitures où même de marcheurs depuis un bon moment.

"Mais on est où ?" murmura Youssef, cherchant désespérément un point de repère à l'horizon.

C'était peine perdue : il n'y avait que collines desséchées, herbes folles, cailloux, et beaucoup de poussière.

"Cherche pas. Ne cherche surtout pas à comprendre dans ces cas-là. Ca vaut mieux." dit son père d'une voix plate.

Il semblait devenir plus nerveux au fur et à mesure du voyage.

Youssef laissa retomber sa carte routière, et regarda devant lui, cherchant, comme Malika, à apercevoir le fameux Obélisque des Mirages.

La route caillouteuse, devenue une simple piste avec d'autres traces de pneus, continua encore un peu, et brusquement, derrière un renfoncement de terrain, apparut devant eux un attroupement. Malika et Youssef se dressèrent sur leurs sièges.

Oui, il y avait une grande pierre qui se dressait vers le ciel, une pierre taillée en pointe. De nombreuses voitures étaient rassemblées en retrait de l'Obélisque, et des centaines de personnes allaient et venaient. Il y avait aussi des tapis magiques à profusion qui flottaient dans les airs - avec ou sans sorciers dessus. En se rapprochant, ils distinguèrent un peu mieux tout ces gens, habillées en         Moldus autant qu'en sorciers, ainsi que des inscriptions et des pictogrammes sur l'Obélisque. Au delà de la rangée de voitures, devant l'Obélisque, se tenait une grande tente de toile rouge, et derrière, des dizaines de dromadaires qui attendaient sagement, attachés à des piquets de bois, grignotant les maigres touffes d'herbe jaune qu'ils trouvaient.

C'était époustouflant. Malika en était bouche bée.

Quand Malika descendit de la voiture, tandis que son père et son frère déchargeaient sa malle, elle vit arriver un tapis avec une famille dessus. Les parents firent descendre leurs enfants, déjà en uniforme, puis se dirigèrent vers la tente, le tapis les suivant docilement avec les malles. Les Nassim les suivirent des yeux tandis qu'ils passaient devant eux. Le frère de Malika était hébété devant ce spectacle. On aurait dit que les yeux allaient lui sortir de la tête. Leur père, lui, avait plutôt l'air méfiant. D'un geste brusque, il intima à ses enfants de le suivre, et leurs recommanda de rester vigilants.

Imitant la foule, les Nassim firent la queue devant la grande tente. Sous un auvent, une jeune fille assise derrière une petite table croulant sous les parchemins remplissait des formulaires. Des élèves sortaient de la tente en uniforme, papotant joyeusement. Plus loin, des élèves plus âgés et des parents aidaient à installer les malles et les sacs sur les dromadaires. Malika reconnu le jeune homme qu'elle avait croisée avec son oncle au restaurant, mais sa petite amie n'était pas là. Il ajustait les sangles d'un dromadaire qui semblait tout à fait indifférent à ce remue-ménage.

En patientant derrière les familles déjà arrivées, Malika repéra quelques regards vers sa famille, et d'autres également moldues d'après leur vêture. Certains sorciers les regardaient un peu étonnés, d'autres avec mépris. Cela ne semblait pas gêné la famille juste devant eux, visiblement moldue et positivement ravie de se retrouver là. La mère et la sœur aînée faisaient mille et une recommandations à la plus jeune, une jeune fille d'environ quatorze ans, tandis que le père faisait rapidement coché le nom de « Harissa, Amina » par la jeune fille aux parchemins. Puis, l'adolescente arracha presque son uniforme des bras de sa mère et se précipita dans la grande tente, tandis que son père traînait la malle vers les dromadaires.

C'était au tour de Malika.

"Bonjour, quel nom, quelle année, je vous prie ?" demanda la jeune fille.

Elle avait les cheveux frisés pas très longs, qui formaient comme une crinière sur sa tête, et des tas de colliers de perles et de pendentifs autour du cou.

"Première année, Malika Nassim." répondit son père.

La jeune fille eut un arrêt. Elle leva les yeux et fixa Malika une seconde, puis son père, qui tendait la lettre du Caravansérail. Elle lut celle-ci attentivement, et eut un sourire un peu crispé.

"Ah… Tu sais comment les choses se passent ?" demanda t-elle à Malika, semblant s'attendre à ce qu'elle réponde par l'affirmative.

Malika secoua la tête. La fille eut l'air surprise.

"Oh… Hé bien il faut que tu ailles revêtir ton uniforme, dans la tente, la partie droite est pour les filles. On t'expliquera comment le mettre. Tu resteras dans la tente avec les autres premières années, on va vous expliquer les règles de base pour le voyage. Ton père pourra emmener tes affaires au dépôt, là-bas, et on se chargera de les installer pour le voyage. C'est bon ?"

Malika hocha la tête. Ils s'éloignèrent un peu, pour sortir l'uniforme de Malika de la malle. Heureusement il était sur le dessus, avec la baguette, il n'y eut pas besoin de beaucoup fouiller. Les sorciers derrière eux les regardaient avec curiosité, mais Malika n'eut pas le temps d'y faire attention ; son père la poussa vers la tente, les bras chargés, alors que lui et Youssef emmenaient la malle vers les dromadaires.

"Aller, va, ma fille !" souffla t-il, comme s'il voulait en finir au plus vite de ce moment pénible.

Malika vit un grand jeune homme habillé en véritable touareg s'approcher pour les aider, puis elle dut se tourner pour regarder où elle mettait les pieds et son père et son frère sortirent de son champ de vision.

Elle entra dans la grande tente rouge en même temps qu'un garçon plus âgé qui fila vers le côté gauche. Elle alla donc du côté droit, souleva la toile qui servait de porte et manqua de se faire renverser par deux filles à peine plus âgées qu'elle qui gloussaient. Elles lancèrent un " Désolé " et coururent au dehors. Malika pénétra dans le vaste espace de la tente.

Il y avait des dizaines de filles de onze à dix-huit ans en train de se changer, de se coiffer et surtout de parler. Un joyeux brouhaha emplissait la tente. Les jeunes filles posaient leurs vêtements à même le sol, sur les confortables tapis.

"Bonjour." dit une voix près de l'oreille de Malika. "Tu es nouvelle ?"

Elle se retourna. C'était une jeune fille noire, très belle et souriante. Ses longs cheveux étaient nattés en une myriade de petites tresses, terminées par des perles de couleurs qui cliquetaient à chaque mouvement. Elle portait une longue robe de toile à double épaisseur de couleur bleue foncée, un turban de même couleur autour des épaules, et une large ceinture en cuir tressée. Son sourire accentuait ses hautes pommettes et lui donnait un air tellement joyeux qu'elle parut immédiatement sympathique à Malika.

"Oui." répondit Malika.

"Moi aussi ! Ca tombe bien, non ? Viens, avance, il faut te mettre en uniforme."

"Heu… Tu n'es pas un peu âgée pour être nouvelle ?" demanda Malika tandis qu'elle s'avançait avec la fille, qui avait posé la main sur son épaule pour la rassurer.

La jeune fille eut un rire clair.

"Oh, mais moi je ne suis pas élève. Je suis étudiante. Je m'appelle Rokhaya. Hé, Karine, encore une première année !"

D'une nuée d'élèves bruyantes, surgit une jeune fille assez petite, aux traits asiatiques. Elle portait quand à elle une robe du même genre que Rokhaya, dans des tons rose pâle, une robe de traversée du désert, un peu comme celle des Touaregs.

"Salut. Dépêche-toi de te mettre en uniforme, ça prend toujours plus de temps la première fois. Non, les filles, arrêtez avec ça !" ordonna t-elle à un groupe de filles qui se battaient pour rire avec leurs foulards et se roulaient par terre.

"Viens, tu vas voir, c'est pas si dur." dit Rokhaya. "Tu peux garder tes vêtements Moldus en dessous, ils ne sont pas trop chauds."

Malika ne portait en effet qu'un tee-shirt et un pantalon flottant très léger. Rokhaya commença par étendre les affaires de Malika au sol, grondant des adolescentes négligentes qui marchèrent dessus.

"Dehors ! Allez plutôt donner un coup de main ! Toi, là, va plutôt aider celles-ci à mettre leurs foulards !"

Il y avait deux ou trois autres filles qui ne portaient pas l'uniforme qui aidaient les plus jeunes à se vêtir, parfois aidée par des élèves plus âgées.

Malika commença par enfiler sa robe, puis le manteau, qu'elle ajusta avec sa ceinture à lacets Rokhaya lui montra comment ne pas trop serrer pour garder une bonne liberté de mouvements, mais aussi comment l'ajuster pour qu'il conserve sa fonction protectrice, et comment ranger sa baguette dans le pli de toile prévu à cet effet. Ensuite, elle lui expliqua comment resserrer les manches avec les cordons en cas de tempête de sable.

"Quand on en a partout dans les vêtements, c'est insupportable. Mais tu en auras quand même après ce voyage, de toute façon !"

Ensuite, elle enfila les lourdes chaussettes bien ajustées, qu'elle remonta et noua jusqu'aux genoux, avant d'enfiler les grosses sandales extrêmement résistantes. Enfin, elle dut s'y reprendre à plusieurs fois avec les conseils de Rokhaya pour enrouler le lourd foulard sur sa tête. Il fallait bien placer le tissu pour protéger son cou, sa nuque et son visage s'il en était besoin. Et surtout, avoir le coup de main pour le faire tenir solidement n'était pas si simple ! Au final, son visage était entièrement protégé, et on en voyait plus que ses yeux qui dépassaient de la protection de tissu.

Enfin, Rokhaya eut un hochement de tête appréciateur, et lui enjoignit gentiment de s'installer dans le fond de la tente avec les autres premières années. Malika dégagea le bas de son visage, en imitation des autres filles, et s'assit, à côté de deux fillettes qui parlaient avec animation entre elles, et qui ne lui prêtèrent pas attention. D'autres filles entraient, se changeaient puis ressortaient. Rokhaya et ses compagnes tentaient d'organiser la bousculade, mais quand une fille hurla en se retrouvant avec des taches rouges sur sa robe ET sa peau, elles devinrent furieuses.

"Ca suffit !" beugla une européenne au visage rond et à l'accent ronronnant. "La Magie est interdite ici, vous le savez ! La prochaine fois, c'est un blâme !"

Mais personne ne savait qui avait lancé le sort et la victime ne voulut pas dénoncer celle qui avait fait le coup, à moins qu'elle ne le sache pas. Rokhaya la débarrassa de ses tâches d'un coup de baguette, et Malika entendit Karine murmurer :

"Combien tu paries qu'elle se venge durant le voyage ?"

Rokhaya et une autre fille, aux cheveux en chignon et portant des lunettes, hochèrent la tête, pas très enthousiastes.

Enfin, le flot des élèves se tarit, et ne resta dans la tente que les filles de première année et les étudiantes. Les quatre filles qui n'étaient pas en uniforme furent rejointes par la jeune femme de l'entrée, les bras pleins de parchemins, suivit par une foule de garçons de l'âge de Malika, tous vêtus de l'uniforme, turban bien en place sur la tête.

"Bon, on va pouvoir y aller." déclara la jeune femme d'un ton autoritaire. "Les garçons, asseyez-vous avec les filles, allez, allez, vite !"

Les élèves s'assirent avec empressement, les jeunes femmes se tenant debout devant eux.

"Bien, je suis Hâdiya Monhdoû, et je suis étudiante au Caravansérail. Les étudiants sont chargés de veiller au respect du règlement, à la discipline des élèves, des activités extrascolaires et de l'aide aux devoirs. Surtout, nous sommes responsables de vous durant ce voyage. Voici quelques-unes de mes homologues, Maria Fianchetto, Roxanne Rami, Karine Tran Koi et Rokhaya Awélé, qui effectue sa première année d'étude ici, comme vous."

Elle désigna successivement l'européenne, la fille au chignon, l'asiatique et Rokhaya.

"Voici les règles du voyage : ne sortez jamais de la route. JAMAIS. De toute façon, pour ce premier voyage, vous serez sous surveillance des étudiants, à qui vous devez obéir. Vous alternerez la marche et le transport à dos de dromadaire."

"Et sur tapis volant ?" demanda avidement un garçon.

"Non, les tapis sont plutôt réservés au bagages." répondit Hâdiya en roulant des yeux, et Roxanne et Karine eurent une petite moue. "Il n'y en a que quelques-uns pour le contrôle de la caravane, on ne veut pas que les élèves se lancent dans des courses idiotes et s'écartent de la route. Vous apprendrez à voler sur un tapis à l'école."

Il y eut des murmures déçus.

"Les dromadaires sont calmes et dociles, ne cherchez pas à les contrôler, ils savent très bien où ils vont. Donc, laissez-les en paix et tout ira bien. Ensuite, nous allons vous distribuer des gourdes. Gardez-les toujours avec vous. Ce sera votre gourde personnelle, elle fera toute votre scolarité. Elles ont été enchantées par les cinquièmes années pour rester toujours pleines et toujours fraîches."

Malika écarquilla les yeux. Ca, c'était pratique !

"Enfin," termina la jeune fille de son ton de commandement, "sachez que le voyage durera toute la journée. Au soleil couchant seulement nous atteindrons l'école. Vous laisserez les autres élèves se rendre dans la Coupole, vous vous regrouperez avec les autres nouveaux, et attendrez qu'on vous dise d'y aller à votre tour, afin d'effectuer la Répartition des nouveaux élèves."

"Les autres nouveaux ?" fit une fille aux cheveux blonds foncés, étonnée.

Malika entendit une des filles à côté d'elle murmurer à l'autre, avec mépris : "Moldue !"

"Oui, il y a d'autres Caravanes qui vont au Caravansérail. C'est un grand établissement. Vous verrez bien. Bon, s'il n'y a pas de questions, on va y aller, ou on sera en retard !! Tous à la Caravane !"

Les enfants se levèrent, et en sortant de la tente, prirent chacun une gourde en peau que leur tendaient les étudiantes. Dehors, les parents et les familles s'étaient reculés derrière les piquets des dromadaires. Les élèves plus âgés finissaient d'aider les étudiants à fixer leurs malles, certains étaient déjà juchés sur leurs montures. Plusieurs dromadaires en tête de convoi étaient semble t-il réservés aux premières années. Les étudiants et certains élèves commencèrent à aider les première années à se hisser sur les dromadaires, par deux ou trois. Malika se retrouva assise derrière Rokhaya, qui s'était elle aussi équipée pour le voyage ; on ne distinguaient plus ses tresses, entièrement cachées sous son grand foulard. A côté, sur un dromadaire, un garçon faisait grise mine d'être derrière deux petites filles.

La jeune fille du nom de Hâdiya montait une chamelle à la robe très claire. Elle était visiblement la meneuse de la Caravane. Elle regardait fréquemment un petit cadran solaire qu'elle portait en pendentif. Elle attendit qu'un étudiant, rouleaux de parchemins sous le bras, se glisse vers elle sur son tapis magique pour échanger quelques mots. Malika trouvait la mouvance du jeune homme fantastique. Comment faisait-il pour diriger le tapis ? Comment volait-il ? Elle ne put s'interroger davantage. Hâdiya porta une sorte de cor ou de trompette à ses lèvres, et de courtes notes résonnèrent. Aussitôt, les dromadaires commencèrent à se lever, engagés par les cris des élèves. Environ la moitié des voyageurs montait, le reste était à pied. Les murmures en provenance des familles se firent plus enthousiastes. De gros tapis volants pleins de malles et de sacs côtoyaient les dromadaires. Quand tous les animaux furent debout, le garçon au tapis volant et la jeune asiatique, qui volait elle aussi sur un tapis, firent plusieurs fois le long de la caravane, les étudiants vérifiant les derniers détails.

Enfin, quand tout sembla en ordre, Malika regarda Hâdiya revenir tout en tête de la longue ligne des dromadaires, et, portant de nouveau le cor à ses lèvres, elle souffla de nouveau dedans. Cette fois, ce furent trois notes longues et plaintives qui en sortirent.

Malika s'aperçut que tout était devenu silencieux.

Pendant un moment, il ne se passa rien, et elle échangea des regards inquiets avec les trois cavalier du dromadaire d'à-côté.

Et puis… Il y eut quelque chose… Elle le devina tout d'abord… Puis le sentit… Sa médaille, sous la toile de ses vêtements, vibra contre sa peau… Puis elle l'entendit : le vent, un vent étrange se levait, avançait vers la caravane… Il venait… de l'horizon désertique… Il devint plus fort, et Malika put voir la poussière et le sable tourbillonner, grandir... Une fille près d'elle hoqueta de peur.

"Du calme." dit doucement Rokhaya. " Tout va bien, la Route Rouge a été appelée. Elle arrive."

La Route Rouge ?

Le sable et la poussière portés par le vent se coloraient de rouge, en effet ; mais il n'envahissait pas tout l'horizon. Il n'en était pas moins impressionnant… Devenu tourbillon, tel une tornade, le vent se rapprocha ; tout le monde se protégea le visage pour ne pas recevoir des grains de sable dans les yeux ou la bouche. Cela piquait la peau, et un instant, Malika craignit d'être engloutie par cette étrange tempête.

Et puis, comme une vague, le vent vint s'écraser au pied de la chamelle d'Hâdiya, diminua, s'apaisa, et retombant comme un soufflet, dévoila une large route de sable rouge, qui tranchait sur le sol beige terne, et qui s'étendait jusqu'à l'horizon…

Il y eut un court silence, et Hâdiya fit de nouveau retentir des notes brèves et sourdes de sa trompe. Puis, son visage fier et déterminé tourné vers la caravane, elle hurla de toute sa voix :

"Caravane de la Route Rouge ! Pour le Caravansérail, en avant !"

Et en même temps que les dromadaires s'ébranlèrent, explosa une vague de cris, d'applaudissements et de hurlements, venant autant des élèves que de leurs familles restées en arrière. Tout le monde agitait les mains, les femmes poussaient des "lélés" qui faisaient comme une rivière de chant sur le passage de la compagnie. Commet les familles faisaient-elles pour reconnaître leurs enfants ? Tous les membres de la caravane étaient voilés, enveloppé dans leur uniforme… Malika ne remarqua même pas que la grande tente avait disparue. Elle chercha son père et son frère des yeux. Où étaient-ils ? Déjà partis ? Pourraient-ils la distinguer ? Elle fouilla la foule du regard ; des enfants avaient grimpés sur des voitures pour mieux saluer, certains sorciers avaient prit de l'altitude sur leurs tapis pour mieux voir la caravane.

Et puis, Malika les vit, en retrait. Son frère faisait un geste de la main, sans savoir s'il l'avait repéré ou agitait le bras dans 'espoir d'être vu. Elle y répondit frénétiquement, mais ne put être certaine qu'il l'avait vu, car elle était déjà derrière d'autres dromadaires, et de toute façon, elle n'était qu'une silhouette parmi d'autres. Son cœur se serra. Elle partait vers l'inconnu.

Un à un, les lourds animaux posèrent leurs sabots sur le sable rouge, et la Caravane s'étira sur la route. Les cris s'apaisèrent, et Malika se retrouva doucement porté par le balancement tranquille de sa monture, protégée du terrible soleil par son ample foulard.

Le grand voyage commençait.

Elle partait.

- Fin du chapitre cinq -

Prochain chapitre : La Caravane de la Route Rouge

Grâce à Rokhaya, Malika en apprend un peu plus sur le système du Caravansérail. Elle commence à lier connaissance avec d'autres élèves de première année, notamment Laïla, dont le frère est en cinquième année. Elle retrouve le désagréable gamin du magasin magique, mais aussi le jeune homme du restaurant. Quand on apprend qui elle est, tout le monde s'intéresse à elle. Mais certains insinuent que son oncle a été mêlé à des histoires louches…