DES VAGUES ET DES CHINOIS
J'ai mal au cœur!!! Et ça ne fait que 2 jours que nous sommes partis! Peut-être ai-je du sang de navigateur dans les veines, mais je n'ai pas le pied marin du tout! Quel cauchemar!!! Je commence presque à regretter mon choix. Peut-être qu'un peu d'air frais me ferait du bien... Encore faut-il que je me rende sur le pont, c'est-à-dire deux paliers plus haut. Et pour monter un palier, il faut monter des escaliers. Et lorsque tu as le cœur au bord des lèvres, et que tout tangue en même temps… Je sors de la cabine à pas lents en tentant désespérément (ça va faire là, la poésie la petite Manille!) de garder mon équilibre en m'appuyant sur les murs.
" Ça va mieux Manille? "
Tiens, il y a quelqu'un derrière moi, mais je ne reconnais pas la voix. Je me retourne lentement pour ne pas tomber. Ah, c'est Tom! Il arrive juste au bon moment.
" Oui merci. En fait non. Pas du tout. J'ai encore de la difficulté à tenir sur mes jambes. Pourriez-vous m'aider à monter jusque sur le pont, s'il vous plait?
- À une condition…
- Laquelle?
- C'est que vous me tutoyez.
- D'accord d'accord. Je vous… euh… te retourne la même.
- On s'entend alors. Viens, prends mon bras. "
Je lâche le mur et je trébuche. J'espère que je vais m'y habituer parce que je ne sais toujours pas combien de temps durera le voyage. Tom rigole. Je lui donne une petite gifle derrière la tête pour qu'il arrête de se moquer de moi, mais rien n'y fait; il rit encore plus. Et je ris aussi. Ça fait du bien de rire après deux jours intenses de grimaces!
" Tu es sortie au bon moment! Nous allions justement te chercher. On va passer une journée à Singapour. Tu vas pouvoir prendre du repos sur la terre ferme! Ensuite, direction Caraïbes!!
- Oh! J'ai hâte!
- Hâte à quoi? À la terre ou aux Caraïbes?
- Les deux! "
Nous arrivons sur le pont. Effectivement, l'air frais me fait du bien. Je retrouve tranquillement mes esprits. Je respire à grands coups. Ah que c'est bon! Je regarde les pirates s'affairer autour de moi. Je suis sur un bateau de pirates. Jamais je n'aurais cru ça possible.
Chacun a l'air très occupé. Et moi qui croyais que les pirates se la coulaient douce sur leur navire et qu'ils attaquaient une fois de temps en temps. Quelques-uns lavent le pont, d'autres s'occupent des voiles, d'autres sont autour de mon père (Ah! Étrange sensation! J'ai un père finalement!) et lui donnent des indications sur le vent ou sur la mer. Bref, personne ne perd son temps. Sauf…
"Tom? lance Anamaria. Tu n'as rien de mieux à faire que de draguer?
- Je vous rappelle, MADAME, que c'est moi qui étais de veille hier, alors c'est mon jour de congé. "
La pirate lui répond en tirant sa langue. Joyeux l'équipage de la Perle, quand même! Je m'appuie sur la rambarde de tribord (est-ce tribord? Bah je crois que oui… je n'ai jamais réellement été attirée par les bateaux alors…). On aperçoit Singapour au loin. Je respire un bon coup. C'est un sentiment si étrange. Je ne cesse de me le répéter dans ma tête. Je suis sur un BATEAU, de PIRATES, avec mon PÈRE, que je vais CONNAÎTRE d'avantage. J'éclate de rire!
" Tu ris toute seule maintenant ? De quoi ? Pas de moi j'espère, je ne sais même pas ce qui aurait pu être drôle…
- Non, rassures-toi. C'est la situation qui me fait rire. "
Et je lui répète la phrase qui venait de me passer par la tête.
" Tu ne le connaissais pas ? Tu ne savais pas qui il était du tout ?
- Non, aucune information. Ma mère ne m'en avait jamais parlé. Je n'ai aucun détail… Tout ce que je savais, c'est qu'il était parti, avant que je naisse.
- Est-ce qu'il savait que tu existais, à ce moment-l ?
- Je ne sais pas, il faudrait lui demander.
- Et tu as l'intention de lui demander ses précieuses explications quand ?
- Ça m'embête, tu vois ? Ce n'est pas un père comme les autres…
- Pourquoi pas ?
- C'est un pirate, et les pirates…
- … sont des humains comme les autres, me coupe-t-il. Tu t'imagines quoi ? Que nous sommes des monstres sanguinaires sans émotions et sans pitié qui ne pensent qu'à faire le mal ?
- Non ce n'est pas ce que je voulais dire…"
Il rigole. C'est tout ce qu'il sait faire dans la vie lui, rire de moi ? Je me tourne (pour le bouder un peu, qu'il se sente coupable) vers Singapour qui grossit à vue d'œil. C'est étrange. Je ne connais cet homme que depuis quelques jours, et pourtant, c'est comme si cela faisait une éternité. Il y a des gens, comme lui, qui ont un don pour mettre les autres en confiance rapidement. Comme les Thang. Comme Lanh.
" Tiens, d'ailleurs, où il est lui ?
- Ton père ? Effectivement, c'est étrange pour nous aussi de penser que le capitaine a une fille…
- T'inquiètes, je comprends ça… Non, je parlais de Lanh.
- Ah oui, où avais-je la tête ! Il est monté dans le mât central pour raccrocher la voile.
- Merci. Et pour ton information, ta tête est perchée sur ton cou. "
Ma chère Manille,
Je ne voulais pas te raconter cela maintenant. En fait, je voulais que tu ignores pour le reste de tes jours. Je voulais… je voulais te le cacher, que tu puisses rester dans tes rêves, que tu ignores complètement qui il était. Je voulais t'épargner la souffrance de savoir.
Mais vu les circonstances... Tu es assez vieille maintenant, je ne peux pas t'empêcher de faire tes propres choix. Parce que je sais que tu vas partir, je ne peux pas te retenir, même si je te racontais tout, tu ne me croirais pas. Pourquoi ? Parce que j'ai fais la gaffe de ne pas te le dire assez tôt.
J'écris des mots disparates, des phrases peut-être sans queue ni tête, mais je ne sais pas à quel moment tu vas partir, et je veux que tu saches avant. Que tu ailles ma version de l'histoire. Que tu saches pourquoi.
Saches que j'ai profondément aimer ton père. Je ne serais pas devenue comme ça si ça n'avait pas été le cas. Je lui aurais tout donner, tout, je te dis, tout. Et lui m'avait tout promis. Ne jamais croire un pirate. Je n'ai pas eu de mère, peut-être que si ma mère me l'aurait dit, je n'aurais pas été aussi aveugle. Sache le, ma fille, NE JAMAIS FAIRE CONFIANCE À UN PIRATE !
Il m'avait séduite, envoûtée. J'étais comme dans un rêve. J'étais jeune, mais je savais ce que voulais dire aimer. J'étais à peine plus vieille que toi, 3 ou 4 ans de plus. J'aurais tout quitté pour lui. Je l'aurais suivi. Il m'avait promis de m'amener aussi loin que dans son pays natal, en Amérique. Ne jamais croire un pirate… J'espère que tu retiendras. NE TE LAISSE PAS AVOIR…
Puis un beau matin, il est parti. Comme un salaud. Lui et ses amis nous ont joué un sale tour, à mes amies et moi. Ils nous ont dit de les attendre, qu'ils allaient arriver avec une surprise. Il n'est jamais revenu. Ou plutôt si, il est revenu hier, 16 ans après avoir fait de ma vie un enfer. Pour t'arracher à moi…égoïste qu'il est.
Il essaiera de t'amadouer, et il réussira. Il réussit toujours tout. Les pirates en général réussissent toujours à avoir ce qu'ils désirent. FAIS ATTENTION À TOI. Je ne te le répéterai jamais assez ma fille. NE TE LAISSE PAS AVOIR. Ne fais pas comme moi !
Mais comme tu ne m'écouteras pas, vas-y, te faire ta propre idée. Oublie tout ce que j'ai fais pour toi, va-t-en à l'autre bout du monde rencontrer ton précieux père. Mais ne vient pas me dire que tu ne savais pas…
Saches que malgré tout, je t'aime
Ah bien sûr, je n'en doute pas une seconde que tu m'aimes maman. Seulement, en ce moment présent, je n'en ai pas l'impression. C'était légèrement accusateur comme lettre, non ? Je la replie et la remet dans mon sac. Moi qui croyait avoir une explication claire à lire en attendant que Lanh et Tom aient fini de faire leurs achats, c'est raté.
" Qu'est-ce que tu faisais ? "
Je sursaute. Jack est là. Derrière moi. Il est très imposant lorsqu'on le regarde, assise par terre, et que lui est debout dans toute sa grandeur.
" Pas grand chose… je… je lisais une lettre. Pourquoi avez-vous l'air si étonn ?
- C'est étonnant le hasard parfois. C'est exactement à cet endroit que j'ai connu ta mère.
- Ici ? Attendez, ne sommes-nous pas dans la partie "hors-la-loi" de Singapour ?
- Toi, il y a des choses qu'il va falloir que tu apprennes. Mais ce n'est pas le moment… opportun disons, on doit retourner sur la Perle immédiatement, et lever l'ancre le plus tôt possible. "
Mon regard perplexe se transforme en moue. La perspective de retourner en bateau et de retrouver le mal de mer ne me sourit pas plus qu'il ne le faut. Je vois passer furtivement un rien de déception dans les yeux de Jack, mais il reprend son air insouciant à l'instant même. Je me mets à sa place : ça ne doit pas être terrible, lorsqu'on est marin, d'avoir un enfant qui ne supporte pas la mer. Désolée Jack, mais je ne suis pas comme toi !
" Allez. On y va."
Je me lève lentement en m'aidant de sa main tendue vers moi. Je suis déçue, j'espérais plus d'explications.
" Désolé mais tu devras attendre pour la suite de l'histoire, si bien sûr tu la veux ?
- C'est évident que je veux savoir. Mais pourquoi pas maintenant ? Qu'y a-t-il de si pressant pour devoir quitter le plus tôt possible Singapour ?
- Il y a ÇA, fait-il en pointant du doigt les autres bateaux amarrés dans le port.
- Des bateaux de pirates ? En quoi ça dérange ?
- Ça, ce ne sont pas des pirates ordinaires. Ce sont des Chinois.
- Et qu'est-ce que ça change ?
- Plus tard les explications j'ai dit. "
Ah bon. Je ne savais pas que ça incluait ça aussi.
" Excuse-moi de te brusquer, mais je n'ai pas envie que tu te fasses découper en une multitude de petits morceaux. Tu ne sais pas te battre, du moins, j'en doute fort. On va aller voir Will à Port Royal pour ça. Maintenant viens. "
Will ? C'est qui lui maintenant ? Il m'entraîne à bord de la barque et on se dirige vers la Perle. Je n'ai pas fini de monter l'échelle que mon père est déjà rendu derrière le gouvernail, criant des ordres à droite et à gauche pour que nous partions. Une paire de mains vigoureuses me saisit le bras lorsque j'arrive en haut et me dépose debout sur le pont.
" Faut se dépêcher, petite Manille ! On n'est pas aller te chercher pour que tu restes à Singapour ! "
Lanh me caresse rapidement les épaules, me fait un clin d'œil et escalade les cordages avec l'agilité d'un petit singe avant que j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit. Merci bien ! Pourquoi personne ne m'explique jamais rien à moi ??? Comment ça je serais restée à Singapour ??? Et c'est quoi ces histoires de Chinois ?
Dans nos jeux, avec Lanh, Li Ahn, Xuan et Phao, le Shing Long, notre invincible navire pirate, se faisait fréquemment attaquer par de nombreux navires ennemis, peu importe le pays. Nous nous en sortions toujours victorieux, et aucun membre de notre imposant équipage, au nombre de 3 (Li étant la princesse enlevée et Xuan le pauvre marin innocent de la marine espagnole), n'était blessé. Pourtant, nous nous battions toujours avec fureur contre ses ennemis invisibles, mais ô combien redoutables, qui nous surpassaient en quantité, mais non pas en qualité. Bref, je n'ai jamais perdu une seule bataille de ma vie de jeune pirate.
J'ai malheureusement le sentiment que ce ne sera pas le cas cette fois-ci. Autant mon personnage était courageuse, fonceuse et sans pitié, autant là, Manille-Aux-Mains-Rouge-Sang aurait plutôt tendance (et intérêt) à aller se cacher. Ils avaient raison. Tous les deux, Jack et Lanh. Ne pas rester trop longtemps à Singapour, surtout (apparemment) lorsque l'on s'appelle Jack Sparrow et que l'on est Antillais ! Attention aux Chinois qu'ils disaient, et ils avaient bien raison !
Dès le premier coup de canon, Lanh est descendu me voir pour me trouver un endroit dans le bateau où je pourrais me cacher. Il m'a littéralement traîné à l'autre bout du navire, dans la cabine de Jack, où il y a un entre mur assez grand pour que quelqu'un puisse y tenir tout en suivant l'action, et surtout, sans être vu. Avant de partir, il m'a fait apprendre un mot français, très utile si l'on se fait prendre. Pourparler, ou « PARLAY », c'est plus rapide, et plus courant lorsque l'on rencontre des pirates qui ne parlent pas français. Parlay. Je m'en souviendrai, mais j'espère fortement ne pas avoir à l'utiliser.
Pour l'instant, j'essaie de me faire toute petite entre les murs. Non pas que j'aie peur de me faire repérer, mais c'est tout comme. Je ne sais pas pourquoi il veut me cacher là, j'ai l'impression que je serais mieux à la cale. Je me sens trop proche de la bataille.
Le sang gicle partout. C'est horrible ! J'en ai des nausées. Remarquez que je commence à être habituée, mais je me passerais du surplus que cette vision d'horreur m'apporte.
Argh ! Un pirate vient de s'écraser contre le mur, à l'endroit où je suis ! Je ne peux m'empêcher une exclamation de surprise et de terreur. Le pirate chinois se retourne. Mon sang se glace dans mes veines. Il m'a entendue. Il va me découvrir d'un instant à l'autre. Quel est le mot déj ? Pa… Pa… Par… Je ne me souviens plus… Au secours, je dois trouver sinon je ne suis pas mieux que morte ! Par… Par… PARQUOI DÉJ ? IL Y A UN ŒIL JAUNE ET GLOBULEUX QUI ME REGARDE ENTRE LES DEUX PLANCHES, CE N'EST PAS DU TOUT LE MOMENT DE PERDRE LA MÉMOIRE… PAR… PAR…
" PARLAY ! "
Au moment même où je trouve le mot, le Chinois tombe sur le sol, raide mort. Je reste sous le choc. Un petit mot ne peut pas provoquer la mort d'un homme, n'est-ce pas ? Je relève la tête et j'aperçois Lanh qui me regarde avec de gros yeux exaspérés.
" Manille, tais-toi sinon tu vas y passer…
- LANH DERRIÈRE TOI ! "
Mon ami se retourne juste à temps pour éviter l'épée d'un adversaire qui siffle dans le vide et va se planter dans le dos de celui qui m'avait découvert. Le sang jaillit. Mon cœur se soulève à nouveau en fermant mes yeux. Tout cela me dégoûte. Et dire que mon père et Lanh se plaisent dans ce monde.
Je reporte mon attention sur Lanh. Il a disparu de mon champ de vision. Je baisse les yeux rapidement. Il y a maintenant deux corps au sol. Non. Ça ne se peut pas… ça ne peut pas être vrai… Non… Lanh… Je l'appelle. Il ne peut pas, pas maintenant…
" Lanh…
- Manille, pour la dernière fois, tais-toi ! " fait une voix derrière moi. Je sursaute et soupire en même temps. J'ai eu peur une seconde et quart qu'il soit… Enfin… Ce n'est pas le cas.
Il me sourit et retourne rapidement à la bataille. J'observe de loin, l'action se déroulant surtout à l'autre bout du bateau. Tout à coup, je sens quelque chose de chaud se glisser entre mes orteils. Quelque chose de liquide. Cela ne me dit rien de bon. Je regarde mes pieds qui reflètent dans un rayon de lune : Ils sont rouges de sang. Le sang des deux pirates Chinois abandonnés à quelques pas de moi. Beurk ! Et à la vue de tout ce sang, mes genoux se dérobent sous moi et je perds connaissance.
Je sais, c'est infiniment long avant d'avoir la suite. J'ai eu tout un été mes amis, vous ne pouvez pas vous imaginer ! Donc bref, vous avez eu à patienter, et je ne vous promets rien pour le prochain chapitre non plus. J'écris pour le plaisir, et quand on n'en a pas…
En espérant que vous avez tout de même apprécié celui-ci et que vous avez continuer à me lire malgré mes énooooooormes délais,
Eriam
P.S. Notez que j'ai des problèmes avec l'édition de mon texte. Je ne peux plus faire de petites vagues comme j'adorais insérer, ni mettre plus de deux espaces entre chaque partie. Bref, le chaos total... j'espère que ça va aller quand même...
