Chapitre 25 : Baïkal.

« Vous.... Vous saviez que cela n'était pas possible... Vous le saviez et pourtant... »

Je regardai sans vouloir y croire le monstre que j'avais devant moi.

« Et pourtant vous n'avez pas cherché à arrêter Akira... Vous l'avez même encouragé ?! »

Il était grand, trapu, un peu comme un gorille. On l'aurait cru s'il disait travailler sur un chantier. Ses vêtements étaient noirs. Je me rappelai vaguement que la fois d'avant aussi ils avaient été sombres. Sombre, comme le plumage d'un corbeau. Sa mâchoire carrée, ses sourcils épais, ses cheveux noirs, bouclés, courts et brossés vers l'arrière... Et ses yeux froids.

Tout cela je me le mit en mémoire en un instant. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un qui m'avait inspiré autant d'horreur.

« Mais qui êtes vous vraiment?! »

« Humph, Miyano aussi m'avait posé cette même question. »

« Mi... Miyano ?! »

« Je suis Baïkal Takuta. » Répondit-il avec un sourire cruel.

« Et tant qu'on y est... Si on en parlait, de cette Miyano. »

« Comment ? » Et puis, me rappelant de comment on en était venu là...

« Que lui avez vous fait ?! »

« Akira l'a dit tout à l'heure. On l'a enfermée dans la cave de son ancienne maison. »

Je fis un effort de mémoire, avant de continuer.

« Mais... Il avait dit que c'était Haibara qui y était enfermée ?»

« Oui, c'est bien cela. Miyano Shiho, qu'Akira méprends pour Haibara Aï, a été capturée et enfermé par nos soins. Cependant, je dois te dire que sa réaction au nom d'Haibara était des plus intéressantes. » Baïkal se repositionna en bougeant légèrement des pieds.

« J'ai peur de ne pas bien comprendre... » Répondis-je honnêtement.

« Je pense que Miyano en sait bien long sur le secret du vrai Edogawa Conan... » Continua-t-il, sans se soucier de mes paroles.

« Je pense même... Qu'elle sait très bien ce qu'est devenu Edogawa Conan aujourd'hui. »

« C'est impossible. » répondis-je. « Elle n'a jamais rencontré Conan à ce que je saches. On lui en a tout juste parlé. »

« Héhéhé... Et si quand elle l'a rencontré, elle ne portait pas le nom de Miyano Shiho ? »

« Mais que... »

« Je pense avoir maintenant compris quel était le secret que Tomoaki cherchait à me cacher... Il avait déjà deviné... »

« Qu'est ce que vous voulez dire ?! »

« Si je n'avais pas vu sa réaction, si Tomoaki n'avait pas cherché à en savoir plus il y a dix ans, je n'aurai jamais fait le lien... Après tout, les rumeurs étaient trop fantastiques pour que l'on y paye vraiment attention... »

« Qu'est ce que vous racontez ? » Son monologue commençait à m'effrayer.

« Tu te rappelles de quoi les noms de codes étaient composés ? » Me demanda-t-il.

Non, je ne m'en rappelais pas. Cela faisait parti des informations restées confidentielles.

« De noms d'alcools... » Répondit-il à ma place. « Tel que Gin, Vodka, Tequila, ou encore... » Ses yeux étincelaient de façon dérangeante....

« Sherry. Celle qui a trahi... Oui, je m'en souviens, la fille des Miyano, des deux savants fous. »

Je commençai à ressentir un sentiment de panique... Sa réflexion me menait à des pensées pas très rassurantes du tout.

Baïkal aussi est un nom d'alcool...

Shinichi s'approcha silencieusement. Il était soulagé d'encore entendre la voix d'Ayumi. Le coup de feu n'avait pas dû la toucher. Par contre c'était embêtant. Baïkal semblait être bien plus qu'il ne l'avait craint. Qui plus est, il commençait à se douter de la vérité concernant Conan. Jurant silencieusement, il parvint à se rapprocher d'un amas de caisses, remplis de sachets de drogue, sans se faire remarquer.

Humm ? Il avait mis la main, par accident, sur un objet bizarre qui jonchait le sol.

Les lunettes radars ! Il les ramassa, essuya d'un revers de manche, et se les mit sur le nez.

Alors si les lunettes sont là... Prenant garde de ne pas attirer le regard d'Ayumi ou de Baïkal, il chercha le sol avoisinant des yeux.

Trouvé ! Il ramassa le téléphone mobile de Ran. Il l'éteignit du pouce, rassuré que le portable était en mode silencieux. Il en profita pour éteindre son combiné et enlever l'écouteur dont il n'avait plus besoin pour espionner la conversation.

L'air grave, il parcourut le reste de la salle des yeux. Alors, a part Ayumi et ce Baïkal, il devait y avoir...

Ah ! Deux hommes étaient avachis pas loin d'eux. L'un d'entre eux était sûrement le fameux « Yamada ». Il pouvait voir ses lunettes refléter la lumière des lampes.

C'est vrai qu'il me ressemble vaguement... Fit il, voyant celui qu'Ayumi avait pris pour Conan pour la première fois. Une coupe de cheveux similaires, quoique légèrement plus long... Des lunettes, ma foi, très semblables à ceux de mon père... Pas étonnant qu'Ayumi y ai cru.

Alors sur sa gauche il pouvait voir Mitsuhiko. Shinichi espérait sincèrement que ce n'était pas du sang qu'il voyait sur le crâne de l'adolescent. Retenant sa respiration, il tourna sa tête pour regarder à sa droite. Comme il s'y attendait, il pouvait y voir Genta. Il ne semblait cependant qu'assommé. Etrangement, contrairement aux trois autres, il était attaché. Et derrière lui, Shinichi pouvait voir...

Ran !!!

Il se glissa rapidement aux côtés de la jeune femme. Elle était ligotée solidement... Au plus grand soulagement de son petit ami, elle respirait normalement et n'avait pas de taches de sang provenant d'une hypothétique blessure. Une odeur forte indiquait qu'on l'avait droguée pour l'endormir.

Doucement, Shinichi toucha du bout de ses doigts une portion de son visage qui avait commencée à bleuir. Son expression passa d'inquiet et concerné à en colère et calculateur. S'assurant que Ran était dans une position plus confortable, il contourna plusieurs pans de mur, afin de trouver une meilleure position pour préparer son entrée en scène.

Baïkal allait regretter d'avoir un jour croisé Shinichi du mauvais coté de la ligne.

« C'est vous... » Je fus surprise de voir a quel point ma voix ne tremblait pas. Intérieurement je chavirais devant la conclusion qui avait pris forme dans mon esprit.

« Pardon ? » Fit Baïkal, abandonnant son monologue devant le ton que j'avais employé.

« C'est impossible que ce soit Shinichi, alors ça doit être quelqu'un d'autre... un membre de l'organisation... Baïkal est un nom d'alcool... Leurs noms de code étaient des noms d'alcools... En plus Shinichi disaient qu'ils portaient toujours du noir... »

Baïkal eut un air étonné pour un court instant, avant de remplacer sa surprise par un air féroce et souriant.

« Vous êtes un membre de cet organisation! »

Je pouvais pratiquement lire la mort dans ses yeux.

« Un membre de plus ou de moins... Vous avez fait croire que Baïkal était mort en mettant en scène le meurtre de Tomoaki, comme s'il s'était suicidé... Vous avez fait ça afin de ne pas être arrêté... »

« Je vois que ce n'est pas pour rien qu'on vous a nommé les Detective Boys. » répondit-il.

« Akira est peut-être bête, mais il n'est pas idiot... J'ai bien fait de l'assommer. En parlant avec toi, je craignais qu'il ne se rende compte de mes mensonges.»

Alors c'était pour ça ? En effet, cela m'avait étonné, que le complice de Conan, non, Akira, l'ait assommé. Pourquoi est-ce que je n'arrivais pas à me défaire de l'idée qu'Akira était Conan ?

« En effet, j'étais un membre de l'organisation, dites des « hommes en noir ». Mon nom de code était Baïkal... Mon nom de baptême est Saru Takuta. A l'époque j'étais chargé d'empêcher Tomoaki de découvrir les identités de certains membres haut placé, en même temps que diriger un petit trafic de drogue afin de maintenir les fonds. Tomoaki était vraiment doué, il savait que j'étais un trafiquant, mais jusqu'à aujourd'hui, je ne m'en étais jamais rendu compte, héhéhé... »

Son langage corporel était en contraste total avec le ton neutre et presque amical de sa voix. Je ne pouvais m'empêcher de le comparer mentalement avec un King Kong... Un King Kong meurtrier, prêt à mettre tout à feu et à sang. Et cette fois pas même une jolie femme ne pourrait l'arrêter. Un King Kong assassin aux paroles insouciantes....

L'image mentale avait de quoi donner des frissons.

« Alors... Vous voulez vous venger... ? » Demandai je, la voix tremblante.

Baïkal, né Saru Takuta, s'esclaffa de rire.

« La vengeance, je laisse ça au chtit Akira. L'organisation nous donnait peut-être pouvoir, ressources et argent, mais au moindre faux pas, c'était la mort assurée. Tu pourras demander à Miyano, si elle te rejoint en enfer. »

Shiho... ? Mes sourcils se tordaient pour traduire mon incompréhension, mais Baïkal n'expliqua pas plus loin son allusion.

« Non, je ne regrette vraiment pas l'organisation. Je n'ai aucune raison pour me venger... Non, moi je pense à mon futur ! »

« Comment ça ? » Je commençai à sentir son impatience d'en finir avec cette conversation.

« Akira n'avait pas besoin d'entrer dans le trafic de drogue pour sa vengeance... C'est moi qui l'ai encouragé... S'il cherche à se venger de Shinichi Kudo et du vrai Conan Edogawa, ça m'arrange! Ca ferait un détective de moins qui risquerait de démanteler mon réseau ! Et je n'aurai même pas à lever un doigt... »

Il avait un air de plus en plus mauvais.

« Si jamais je devais me venger de quelque chose... Ca serait du fait que j'ai du refaire un réseau à partir de zéro. J'ai du couper tout mes contacts avec l'organisation du jour au lendemain... Qui plus est, je n'ai jamais aimé m'occuper des gamins... Si je n'avais pas eu de plans pour Akira, je l'aurai bien tué aussi...»

Le reste de ce qu'il disait fut perdu dans les cris et le chaos qui s'en suivit...