¤ Comme d'habitude ¤
Il est 6h30, d'ici une seconde ou deux le réveil va sonner. Je te regarde dormir. Le réveil se déclenche. Je l'éteins d'une main tandis que l'autre caresse ton visage avec tendresse. Les minutes passent. A 7h réalisant l'heure je me penche sur toi et t'embrasse sur les lèvres délicatement. Un sourire se dessine sur ton visage. Tu as frémis. Si seulement cela me suffisait. Il est tard.
Je me lève et je te bouscule
Tu ne te réveilles pas comme d'habitude
Tu dors encore. Hier tu es rentrée tard, pour ne pas changer. Un dossier important selon toi. Ton travail est une drogue dont tu m'exclues. Je ne dois poser aucune question et jouer les maris comblés. Tout cela me fatigue. Je passe dans la salle de bains rapidement. Mes gestes sont automatiques, je fais les mêmes chaque matin depuis bientôt un an. Depuis ta promotion. D'abord je me soulage, puis je me rase. Un peu d'eau de Cologne et je reviens dans la chambre pour m'habiller. En passant près de toi, je me rapproche hypnotisé.
Sur toi je remonte le drap
J'ai peur que tu aies froid comme d'habitude
Tu es tellement frileuse, je ne voudrais pas que tu tombes malade. Ma main se promène sur ton visage et un soupir quitte ta poitrine. Tu sens ma présence même lorsque tu dors. Je te trouve magnifique et c'est d'autant plus dur de te quitter à présent que je me le suis avoué.
Ma main caresse tes cheveux
Presque malgré moi comme d'habitude
Tu changes de position et je me retrouve face à ton dos. M'ignorant. Ca aussi, ce n'est pas nouveau. Voilà longtemps que je n'en prends plus ombrage. Du moins ai-je appris à ne pas le montrer.
Mais toi tu me tournes le dos
Comme d'habitude
Je soupire. Il est 7h30. J'attrape des vêtements au hasard et m'habille sans bruit. Soucieux de te laisser de reposer. Prévenant sans même le vouloir. Cet automatisme mécanique m'est insupportable. Je quitte la pièce.
Alors je m'habille très vite
Je sors de la chambre comme d'habitude
C'est en baillant que je pénètre dans la cuisine. D'un coup de baguette, je fais apparaître une tasse de café et un croissant. Une mauvais habitude que tu m'as inculqué j'imagine. Manger le matin quelle perte de temps ! Ce mettre encore plus en retard juste pour ce nourrir. Quelle absurdité !
Tout seul je bois mon café
Je lève la tête, la pendule affiche 8h. Je souris, pas le moins du monde inquiet par une éventuelle sanction. Je travaille avec papa qui a été promu à la fin de la guerre dans le département de la justice magique. Toi, tu passes tout ton temps au bureau. Je me demande ce que les elfes de maisons on de plus que moi pour que tu m'oublies tant que ça. Toute cette vie morose me travaille. Je secoue la tête pour me sortir ces idées noires.
Je suis en retard comme d'habitude
Arrivé dans l'entrée, j'attrape au passage mon imper, mes clés et mon attaché-case. J'ouvre la porte et sort.
Sans bruit je quitte la maison
Tout est gris dehors comme d'habitude
Nous sommes en février, le temps est couvert et le vent glacial. J'ai le sentiment que notre couple ne passera pas la Saint-Valentin. Une sorte d'intuition teintée de résignation. Tu pars à 10h. Tu rentres à minuit. Je ne te vois pas ou presque. Nous ne dînons plus ensemble, nous ne parlons plus ensemble. Est-ce bien là notre seul problème ? Je sens bien que notre couple sombre dans l'Habitude. J'ai essayé de changer ça. J'ai préparé des dîners pour toi avec une bougie et une rose dans un vase. J'ai essayé de t'offrir des billets d'opéra. Ce soir là j'y suis allé seul, tu avais un dîner d'affaires. Je passe devant la boîte aux lettres et un minuscule sourire apparaît à la commissure de mes lèvres lorsque je lis : M Ronald Weasley et Mme Hermione Weasley. J'ai attendu toute ma vie l'instant où nous scellerions notre amour devant l'église. L'erreur était-elle là ? Suis-je allé trop vite ?
J'ai froid, je relève mon col
Comme d'habitude
Au bureau on m'attend. Ils ont l'habitude eux aussi, je suis toujours en retard. Toujours depuis un an. Ils pensent tous qu'Hermione et moi sommes un couple uni qui vit d'amour et d'eau fraîche. Peut-on être aussi éloigné de la vérité ? Cela me semble difficile. La liasse de dossiers qui m'attends me fourni un alibi et je m'enferme dans mon bureau, heureux d'éviter de sournoises conversations. Mon père arrive et me sort une remarque qui se veut amusante. Il n'y a que lui que ça fait rire mais je souris quand même, pour la forme. Le repas à midi entre collègues. Les discussions animées et les rires qui éclatent. Je me mêle à eux sans parvenir à me fondre totalement dans ce personnage que je joue sans répit.
Comme d'habitude, toute la journée
Je vais jouer à faire semblant
Comme d'habitude je vais sourire
Comme d'habitude je vais même rire
Comme d'habitude, enfin je vais vivre
Comme d'habitude
Il est 19h. Je range mes affaires, enfile ma veste et en passant devant le bureau de ma secrétaire, jette les dossiers sur la table. Elle n'a qu'à se débrouiller. J'en ai assez de faire semblant, je suis fatigué à force d'y avoir passé ma journée.
Et puis le jour s'en ira
Moi je reviendrai comme d'habitude
J'ouvre la porte de la maison, rentre et jette mon imper. Une note sur la table. Je sais tu es sortie dîner tu rentreras tard. Un coup d'œil pour la forme sur l'écriture régulière. 'Je suis sortie dîner, je rentrerais tard ne m'attends pas'. Comme tous les soirs. Aucune variation. Juste un mot impersonnel. Sommes-nous un couple ou de simples colocataires ? Je me demande pourquoi tu laisses encore ces mots alors que je les connais par cœur avant même de commencer à les lire.
Toi, tu seras sortie
Pas encore rentrée comme d'habitude
Seul à la table de la cuisine, je mange mes œufs. Ils sont froids. Aussi froids que mon cœur l'est chaque fois que tu n'es pas là. Je fais la vaisselle, sans avoir mangé le quart de mon repas. Les gens disent que j'ai maigrit et pensent que je suis devenu plus sportif. Ils se trompent. Je ne mange plus, je ne vis plus non plus. Je survis juste dans l'ombre de ton absence. L'habitude nous consume tous les deux. Enfin sûrement plus moi que toi. Ta vie semble moins monotone que la mienne mais qu'en sais-je après tout ? Tu ne m'en parles pas. Je me traîne misérablement vers le lit et me change. Je me couche attristé. Le long de mes joues coulent des larmes. Je me tourne dans un coin. De toute façon, personne ne voit ma tristesse, surtout pas toi. Comment pourrais-tu comprendre ce que j'ai, alors que je n'existe qu'à peine à tes yeux ?
Tout seul j'irai me coucher
Dans ce grand lit froid comme d'habitude
Mes larmes, je les cacherai
Comme d'habitude
Une porte qui claque. Je me réveille. Tes pas résonnent dans la maison. Je suis pathétique à t'attendre.
Comme d'habitude, même la nuit
Je vais jouer à faire semblant
Comme d'habitude tu rentreras
Comme d'habitude je t'attendrai
Comme d'habitude tu me souriras
Comme d'habitude
Sur le seuil de la porte tu me regardes. Mes yeux sont entrouverts. Tu me souris et je te réponds doucement, comme de coutume. Devant moi tu te changes accomplissant ce rituel répété tous les soirs. Tu vois, si vraiment pour toi je représentais encore quelque chose, tu te déhancherais un peu mettant le feu à mes reins juste par ce geste discret. Mais non, tu te changes et tu lances tes vêtements sur une chaise. Tu passes dans la salle de bains te démaquiller. J'entends le bruit de l'eau qui coule et une larme unique m'échappe que je m'empresse d'effacer.
Comme d'habitude tu te déshabilleras
Tu reviens, et t'allonges sur le lit sans un mot. Suis-je un mari ou un meuble ? Un être vivant ou un objet ?
Comme d'habitude tu te coucheras
Tu te tournes vers moi. Je suis triste, c'est toujours la même chose, les mêmes gestes, chaque jour. Tes lèvres s'approchent des miennes et se touchent. Tu soupires, entrouvre la bouche et ma langue s'insère à l'intérieur taquinant la tienne sans plaisir. Tu gémis et place tes mains dans mes cheveux courts. Ca ne m'intéresse plus. Cette absence d'imagination m'endort.
Comme d'habitude on s'embrassera
Mes mains se promènent sur ton corps, enlèvent ta nuisette et jouent avec tes seins. Tu échappes un son délicieux en te mordant les lèvres, lèvres que je m'empresse d'embrasser. Je ne suis pas très motivé mais comment t'expliquer ? Tu ne m'entends jamais ni moi ni les suppliques dans mes yeux.
Comme d'habitude
Comme d'habitude on fera semblant
Je suis en toi et tu cries sous moi. Soumise. Tes hanches bougent avec délectation. Les mouvements se font plus rapides, plus violents. Je m'enfonce en toi profondément et tu t'agrippes à mon dos, le griffant au passage. Jusqu'à ce délicieux instant où l'oubli surpasse mon ennui. L'éjaculation libératrice. Je me retire et t'enlace. Un accouplement tout ce qu'il y a de plus commun.
Comme d'habitude on fera l'amour
Comme d'habitude on fera semblant
Tu dors maintenant. Ta respiration est paisible. Ma décision s'affirme dans l'obscurité. Demain je partirais, je ne peux plus rester, j'en ai assez de n'être là que quand tu le souhaites. De n'exister que quelques minutes par jour. De n'être important qu'après tout le reste. De ce vide entre nous que l'on ne peut plus combler. Il est temps d'en finir avec cette mascarade.
Elle se lève, il est 9h. Lentement elle s'habille et se maquille. Pendant qu'elle déjeune, elle se répète pour la 150ème fois au moins depuis un an, que ce soir, elle rentrera tôt et le surprendra. Tout redeviendra comme avant. Depuis quelques temps, elle ne le voit plus et en souffre énormément. Sûrement que lui aussi même s'il n'en parle pas. Leurs soirées sont comme ces photos en noirs et blancs, des moments précieux qu'elle ne souhaite pas gâcher en parlant de ces journées harassantes. Oui ce soir se dit-elle. C'est une promesse.
C'est en sortant qu'elle voit le mot sur la table basse : Je me suis aperçu que je ne t'intéressais plus. Alors je pars. Adieu. Ton Ronny
Ses mains tremblent et ses yeux relisent sans cesse les quelques mots éparts jetés à la va vite. Sa vie repasse sous ses yeux. Tous les événements heureux qu'elle ait cru résolument acquis. Ce bonheur ancré en elle s'envole, miettes d'amour dans cette maison cossue. Des perles salées roulent sur ses joues tandis qu'elle s'effondre sur le sol, impuissante devant ce sentiment qui monte en elle. Pas de travail aujourd'hui. Juste la souffrance infinie d'avoir perdu l'être qu'elle aimait par dessus tout.
Et son cri monte entre les murs silencieux qui préserveront le secret de cette apothéose de sentiments exprimés avec une rage que seule une douleur innommable peut amener.
RON !!
Voilà voilà… gênée… Vous en pensez quoi ? Vous voulez une suite ?
Bisous
Alfa
