Alléluia, alléluia…j'en suis venue à bout. Et oui, je sais que vous n'osiez plus l'espérer mais j'ai rempli mon contrat (avec quelques mois de retard certes mais qu'est ce que des mois, des années quand…quand rien du tout). Mon 6ième chapitre est bel et bien achevé.
J'ai eu un mal fou pour le finir. J'ai manqué de temps puis d'inspiration, au final je vous le livre avec mes plus humbles excuses.
Des excuses j'en ferais également à mes rewiewers à qui je n'adresserais pas de réponse pour le moment. Je me réserve pour le prochain chapitre. Là je suis trop crevé pour le faire comme il faut. Je m'abstiendrais de faire également un commentaire sur le chapitre à venir. A vous de vous faire votre propre avis à ce sujet. (Avis qu'il serait très bien venu de me poster sous forme de rewiews…si vous voyez de quoi je parle.)
Quand au résumé du chapitre précédent, c'est très simple :
-Yselle vient de se faire agresser par Saint-Lô le préfet en chef et capitaine de l'équipe de quidditch des serpentard...
Voilà. Pour la suite c'est à vous de lire.
Alors bonne lecture.
L'EDELWEISS
CHAPITRE VI : Une obscure clarté.
Le couloir était large et ouvert. Des résidus de lumières pâles planaient au sol d'une manière mélancolique. L'air était frais et revigorant pourtant Yselle ne s'était jamais sentie aussi cloisonnée, oppressée par ces grands murs blanchis à la chaux qui paraissaient se refermer sur elle. La pénombre l'étouffait, le silence l'opprimait, la fraîcheur asphyxiait ses poumons. Tout accentuait son malaise. Son cœur n'arrivait plus à se contenir. Il tonnait dans sa poitrine avec une force douloureuse. Yselle respirait avec difficulté. Le manque d'air rendait son souffle haletant. L'Edelweiss n'était pas capable de se ressaisir. Incapable de reprendre le contrôle de son corps, incapable de fixer son esprit. Yselle était demeurée debout, au centre de nulle part, depuis que les pas du professeur Angus s'étaient effacés dans l'écho de ce long corridor. Il s'était précipité vers la bibliothèque, laissant derrière lui une jeune fille tremblante qui maintenait ses poings serrés. Ses ongles labouraient la chaire de ses paumes sans qu'elle n'en prenne conscience. Tout était vide. Son regard fixé sur le néant, l'esprit d'Yselle dérivait à mille lieux de ce simple monde matériel. Elle le sentait partir, sortir de son corps malade, ce corps fiévreux, perlé de sueur froide. Que venait t-elle de faire ? Non, ce n'était pas elle qui avait fait çà, çà ne pouvait pas l'être mais qui alors ? Quelqu'un en elle ? Au fond d'elle ? Tapis dans la noirceur de son âme ? Un être qu'elle ne pouvait pas contrôler ? Un nouveau tremblement la saisit. Ses dents claquaient. Ses poils se hérissaient. Elle avait chaud, elle avait froid. Tout et rien en même temps. Trop de chose qu'elle était incapable de supporter. Il y avait quelqu'un en elle et elle se sentait devenir délirante. Yselle appuya sa main contre son front. Ce fut le premier geste qu'elle esquissa pour se calmer. Ce fut d'un maigre effet mais la jeune fille n'avait pas la force nécessaire pour en faire plus. Le cri râpeux d'un corbeau qui traversait l'encadrement des fenêtres, finit de la réveiller de cette longue agonie. Encore brumeuse, Yselle resserra les deux pans de sa chemise déchirée. Ses mains saignantes vinrent tâchés de rouge le coton blanc de sa camisole. Puis elle avança. Un pas après l'autre. Lentement. Encore hésitante, la démarche affectée par cette fièvre qui engourdissait son esprit. Elle se traîna ainsi sans réfléchir au chemin qu'elle empruntait. Pourtant elle ne pouvait rester ici, dans cet état. Mais où pouvait t-elle aller ? Où pouvait t-elle fuir, se cacher, s'ensevelir à jamais ?
Ysella. Ysella Edelweiss. Qu'as tu fais vilaine fille ?
Yselle se figea. Cette voix. Une voix frêle et enfantine. Une voix moqueuse et sifflante. Mais d'où venait t-elle ? La jeune fille tourna tant bien que mal son visage de gauche à droite. En vain. Sa tête lui faisait tellement mal et elle ne voyait personne autour d'elle. Pourtant cette voix semblait s'y proche, tellement proche d'elle…
L'Edelweiss s'est réveillée et Voldemort a sonné. Le pouvoir mélangé finira par la consumer.
Une autre voix. Un autre timbre. Plus grave et lugubre. Yselle fit un pas en arrière, tourna à nouveau précipitamment sa tête pour vérifier d'où provenaient ces échos. Mais il n'y avait personne, aucune silhouette se dessinant dans l'ombre de cet interminable couloir.
As-tu peur Edelweiss ? Regardez comme elle tremble la gamine. Elle a raison de trembler, de grelotter d'effroi. Bientôt…
D'autres voix frappaient à nouveau contre ses tempes. Elles résonnaient avec une méchanceté complice. Yselle serra sa tête entre ses mains. Elle emprisonna son crâne douloureux dans cet étau ensanglanté. Les murmures se firent plus nombreux, plus envahissants. Yselle du se résigner à penser qu'ils n'avaient d'autre provenance que son esprit malade. Elle se rappela alors ce jour où elle était entrée pour la première fois dans la chambre de sa défunte mère. Elle se souvint de ces mêmes voix qui l'avaient assaillie avec une brutalité inconnue. N'était ce pas ce qui lui arrivait à cet instant ?
Si seulement elle savait ce qui l'attend. Mais à présent, elle saura tout. Tout lui viendra en tête et la folie avec.
Yselle ne parvenait pas à contenir ces échos incessants. Ces bruissements terrifiants qui étaient devenus des cris. Elle ne comprenait rien à ce qui lui arrivait, rien à ces paroles qui martelaient son crâne. Elle crut, un instant, perdre pied sous le poids de ces maux mais dans un dernier sursaut elle chercha, comme une aveugle, du bout des doigts, le médaillon qui était miraculeusement resté autour de son cou. Elle le serra très fort, chercha de l'adoucissement dans cette pierre précieuse qui avait été ciselée dans le seul but de la protéger. Ce fut pour elle comme un réconfort de sentir le froid du médaillon se diffuser contre sa paume endolorie. Yselle reprit peu à peu le contrôle de sa respiration. Mais ce ne fut certainement pas suffisant pour l'apaiser. Le choc avait été trop brutal, les évènements trop incompréhensibles pour qu'elle puisse mettre de l'ordre dans ses idées. Et puis ces voix, ces voix toujours là, toujours menaçantes, des oiseaux de mauvaises augures dont elle ne comprenait pas les piaillements prophétiques. Si elle pouvait mourir en cet instant…
« -Ysella, comment te sens tu ? »
Yselle ne prit même pas la peine de lever son regard vers l'homme qui venait de lui parler. S'en était trop pour elle. Ses forces l'abandonnaient, son corps ne lui appartenait plus. Il était tout entier le jouet de sa propre fièvre. Quant à son esprit, les voix avaient fini par avoir raison de son bref apaisement. Les jambes flageolantes, la jeune fille s'écroula à terre. Dumbledore eut à peine le temps de la recueillir dans ses bras. Le front de l'Edelweiss était brûlant et son aspect physique ne pouvait pas être plus inquiétant. Le grand père qu'il était, fourbu par l'inquiétude, n'attendit pas un instant de plus pour la mener vers l'infirmerie où il espérait qu'elle puisse être soignée comme il se doit.
Le temps s'était soudainement levé. Le ciel s'était assombri, couvert par des nuages épais qui cachaient jusqu'à la lueur d'une lune nouvelle. Le soleil n'était plus qu'une lumière vacillante dont l'éclat avait disparu dans le crépuscule agonisant. Très vite une pluie diluvienne avait accompagnée cette nuée grisâtre. Les pelouses n'avaient pas eu le temps de sécher qu'elles se retrouvaient à nouveau assaillit par les eaux. Les quatre maraudeurs se désolèrent d'un tel temps, James et Sirius plus que n'importe qui d'autre. L'averse les avait pris en traître les obligeant à interrompre brutalement leur entraînement. Quel temps de chien ! s'étaient t-ils écriés.
Ils avaient précipitamment rejoint l'enceinte de l'école avant d'investir les douches puis propres et apaisés, ils regagnèrent le Grand Hall. Leur faim avait fini par prendre le pas sur leur déception. Remus les y attendait avec une sérénité coutumière. Leur premier étonnement de cette fin de journée, l'averse mise à part, fut l'absence de leur amie. Yselle Edelweiss n'était pas parmi la cohorte des jeunes ados de Poudlard. La chose n'avait en soi rien de particulier. Absorbée par son travail ou par ses responsabilités auprès de la chorale, la jeune fille ne se formalisait pas de rater quelques repas. Le chemin des cuisines lui était bien connu et elle n'hésitait jamais à l'emprunter quand l'envi se faisait sentir.
Ce fut dans une totale insouciance qu'ils commencèrent à manger. L'effort leur avait ouvert l'appétit. Entre deux bouchées durement mastiquées, James commença à regretter la récente dispute qu'ils avaient eu, Sirius et lui, avec Yselle. Néanmoins, il eut très tôt de rejeter à nouveau la faute sur une seule et même personne, à savoir, Severus Rogue. Ses amis approuvèrent son point de vue. Cette 'carpette' de Servilus était l'unique responsable dans toute cette malheureuse affaire.
Les choses se déroulèrent ainsi sans plus de nouveauté jusqu'au départ précipité de leur directeur.
« -Bizarre, commenta Remus en concentrant son attention sur le siège que le vieil homme avait laissé vacant. »
« -Sûrement un problème avec Peeves, expliqua Sirius avant d'arracher un gros morceau de sa cuisse de faisan fumé. »
« -Il avait l'air soucieux, reprit le jeune loup. Et puis personne ne l'a prévenu, comment pourrait t-il savoir que… »
« -Dumb' sait tout, l'interrompit Sirius. C'est un vieux malin à qui rien n'échappe. »
« -N'empêche qu'Angus est absent lui aussi, renchérit Remus. C'est pas normal. »
« -Alors çà, personne ne s'en plaindra, ajouta précipitamment Peter la bouche encore remplie de pudding aux petits pois. Moins je le vois, mieux je porte. »
« -C'est pas lui qui te coupe l'appétit en tout cas, ironisa Sirius avec un petit sourire en coin. Angus ou pas Angus, 'à peine servi déjà parti'. La nourriture fait pas long feu avec toi. »
Peter se contenta de rougir à cette remarque qui n'était pas dénuée d'une certaine vérité.
« -Tu crois qu'il est arrivé quelque chose à Yselle ? demanda James en se tournant vers Remus le visage visiblement plus soucieux que ce qu'on pouvait attendre de sa part. »
« -C'est idiot ! s'exclama le jeune Black avec une arrogance involontaire. Qu'est ce qui pourrait bien lui être arrivée ? Yselle est le genre de fille qui aime se faire désirer, un point c'est tout. Et puis c'est pas parce que Dumb' et Angus sont pas là que çà a forcément un rapport avec notre chieuse à nous. »
« -Sûrement, accorda James. »
« -Tu te fais du souci pour elle ? demanda Remus d'un voix posée. »
« -J'ai juste un mauvais pressentiment, répondit t-il. »
« -Oublie, lui conseilla Sirius. Je suis sûre qu'elle nous attend dans la salle commune. »
La certitude de Sirius ne se confirma pas. Arrivée dans leur Maison, ils ne trouvèrent aucune trace de la jeune fille. Sous l'impulsion du jeune Potter, ils décidèrent de se diriger vers la grande bibliothèque, confiants de l'y trouver dissimulée sous une montagne de vieux grimoires. A mesure qu'ils se rapprochaient du lieu en question, Remus ne pouvait s'empêcher de sentir une certaine appréhension noyer son esprit. L'odeur du sang, de la peur avaient oppressé ses sens. Un malaise sourd s'insinua alors en lui. Il s'abstint cependant d'en faire part à ses amis. Il était bien trop effrayé parce que son imagination lui laissait supposer. Seul James avait perçu la pâleur soudaine de son ami mais il s'était obstiné à croire que la fatigue coutumière du loup-garou en était l'unique responsable. Malheureusement pour lui, il n'en était rien.
Quand ils arrivèrent enfin à la hauteur de la bibliothèque, ils furent forcés de constater que quelque chose n'allait pas. Une partie du corps professoral se trouvait réunie aux portes de la grande salle d'étude. Leurs visages blêmes laissaient présager du pire. Ils semblaient plongés dans une conversation tendue. Certains d'entres eux ne cessaient d'entrer e sortir comme pour vérifier quelque chose. Plongés comme ils l'étaient dans leur propre réflexion, ils ne virent pas le jeune Potter arriver vers eux. James s'était élancé en direction des deux battants de la bibliothèque avec une vigueur effrayante. Sirius et Remus le suivirent de près talonnés par un Peter hébété. Nul n'eut la capacité de les arrêter avant qu'ils ne pénètrent dans ce lieu mort. Puis James stoppa net sa course quand son regard se fixa sur une tâche pourpre abondante qui maculait le plancher de la bibliothèque. Son cœur cessa de battre et d'une voix enraillée il ne pu prononcer que ce mot :
« -Zélie ! »
Mais Zélie n'était pas là. Il avait balayer de son regard perçant les moindres recoins de la salle. Il n'y avait aucune trace de la jeune fille. « Et si jamais elle était… » James tenta de comprendre ce qu'il se passait mais il était incapable d'ordonner ses idées, incapable de concentrer son esprit pour y trouver une réponse satisfaisante.
« -Où est t-elle ? Où est Zélie ? »
La voix de Sirius avait tonné avec une sévérité qui ne lui était pas coutumière. Le jeune Potter sortit enfin de sa torpeur. Il ne pu s'empêcher de jeter à son ami un regard interrogateur. L'inquiétude de Sirius l'avait presque surpris. Puis il se ressaisit. Oui. Lui aussi voulait savoir. Lui aussi voulait comprendre ce qu'il en était. Il fallait qu'on leur réponde, que leur professeur cessent de les observer comme des animaux pathétiques, qu'ils cessent d'afficher cette expression de profonde contenance qui ne convenait pas dans un instant si critique où l'inconnu était plus cruel que la connaissance des faits réels.
Ce fut leur tout nouveau professeur de Métamorphose, Mrs Minerva Mc Gonagall, qui tenta de les rassurer.
« -Ne vous inquiétez pas Messieurs, Miss Edelweiss va bien. Elle se trouve à l'infirmerie pour le moment. »
« -L'infirmerie ?! murmura James. »
« -Si elle va bien, alors à qui appartient ce sang ? demanda rageusement Sirius en pointant du doigts la flaque qui se répondait sur le bois nervuré du planché. »
« -Ce n'est pas celui d'Yselle, répondit Remus Lupin. »
L'assistance tourna vers le garçon des regards interrogateurs.
« -Votre ami a raison, Mr Black, confirma Mrs Mc Gonagall avec une contenance exemplaire. Il y a eu un incident très fâcheux entre Mlle Edelweiss et Mr Saint-Lô. »
« -Fâcheux ?! s'emporta James. Que lui a fait cette pourriture ?! »
« -Mr Potter ! Je sais que la situation n'est pas des plus plaisante mais je vous prierais de mesurer un tant soit peu votre langage, intervînt sévèrement Miss Taraxa. »
« -Comment voulez vous mesurer quoique ce soit, s'énerva à son tour Sirius. Si ce salop l'a touchée, je vous jure que je lui ferais bouffer sa face de reptile et tout ce qui va avec. »
« -Miss Edelweiss s'en ait déjà occupé, laissa échapper Mr Terkwin. »
« -Comment ? questionna Peter d'une mine angoissée. »
« -Nous ne savons pas vraiment mais Mr Saint-Lô a dû être transporter d'urgence à l'hôpital, son état était critique et… »
« -Rien à faire, le coupa James d'une voix agressive. Dites nous comment va Zélie ! Dites nous ce qui s'est pass ! »
« -Mr Potter ! le reprit à nouveau Miss Taraxa. Calmez vous je vous prie. Nous ne savons pas grand-chose, nous pouvons seulement supposer de certains faits. Quand Mlle Edelweiss se réveillera, nous en saurons un peu plus à ce sujet. »
Les quatre garçons voulurent protester mais leur professeur les devança.
« -Maintenant Messieurs, je vous prierais de rejoindre votre Maison. »
« -Mais on veut voir… »
« -Pas de 'mais', Mr Black. Votre amie a besoin de repos et vous quatre avez besoin de vous calmez un peu. Allez vous coucher. Vous ne pouvez lui être d'aucune utilité pour le moment. »
D'un geste ordonné, Mrs Mc Gonagall reconduisit le groupe d'élèves hors de la bibliothèque. Mrs Hasty se chargea de les raccompagner dans la tour des griffondores. Avant de les quitter, elle les pria de ne dire mot de ce qu'ils avaient appris ce soir. Ils promirent de garder le secret d'un hochement de tête. Le visage pâle, les yeux perdus dans des pensées chaotiques, ils traversèrent leur salle commune sans prononcer un mot, sans accorder un regard à quiconque sous le regard surpris de certains de leurs camarades qui étaient demeurés groupés autour de l'âtre flamboyant.
« -Vous n'avez pas vu Yselle ? les apostropha Lily Evans. »
Remus se chargea de lui répondre.
« -Non. On l'a pas vu depuis le début de l'après midi. Elle doit sûrement traîner avec Rogue comme d'habitude. »
Malgré l'apparente désinvolture de sa voix, la jeune fille ne pu s'empêcher de trouver cette réponse étrangement dissonante. Elle s'abstint néanmoins de faire une quelconque remarque à ce sujet et après avoir remercier Remus, elle reprit sa conversation avec Nonnée Desprès.
Arrivés dans leur chambre, il y eu un long silence puis Peter prit enfin la parole :
« -Vous avez un idée de ce qui s'est pass ? demanda t-il avec une naïveté outrancière. »
James, Sirius et Remus échangèrent un regard entendu. Pas besoin de se poser la question, les suppositions faisaient amplement office d'explication plus que convaincante. Néanmoins de nombreuses zones d'ombre demeuraient. Pourquoi un homme comme Saint-Lô s'en était pris à leur amie ? Pourquoi le préfet en chef des serpentards, élève brillant, capitaine adulé, pourquoi cet être qui possédait toutes les qualités qu'un homme puisse désiré avait t-il soudainement agressé une gamine d'à peine 15ans ?
« -C'est une ordure, lâcha Sirius. Je l'ai toujours su. Ces serpentards ! Si seulement je pouvais…ragea t-il en serrant les poings. »
James ne répondit pas. Il demeurait songeur, emprisonné dans sa propre rage, le cœur tiraillé dans un bouillonnement de sentiments qu'il lui était difficile de mettre en ordre. Rage, colère, culpabilité et incompréhension se mélangeait dans un chorus douloureux. Il souffrait d'autant plus de ne pas savoir. Ne pas savoir si son amie allait bien, si son appréhension était justifiée. Il resta ainsi cloîtré dans son silence tandis que Sirius continuait à s'époumoner.
« -Ils n'ont rien à faire dans cette école. Il faudrait s'en débarrasser. Et Yselle qui s'obstinait à traîner avec l'autre pourriture de Rogue. »
« -Arrête, Sirius ! Cà sert à rien de t'énerver comme çà. Ce qui est fait est fait, l'interrompit Remus. Tout ce qu'il faut c'est être sûre que Zélie va bien. Le reste, on verra plus tard. »
« -Remus a raison, il faut qu'on aille à l'infirmerie, accorda James dont le visage s'animait à nouveau. »
« -Il suffit de prendre ta cape, James, ce soir, quand tout le monde sera endormi, ajouta Sirius avec un enthousiasme à peine dissimulé. »
« -Mais si on nous trouve en pleine nuit…protesta Peter d'un ton inquiet. »
« -Oh ! Arrête, on s'en fiche de toute façon, répliqua aussitôt le jeune Black dont l'attitude poltronne de son ami commençait réellement à l'exaspérer. Si tu as trop peur pour venir avec nous, tu n'as qu'à rester ici. »
« -C'est…c'est pas çà mais…balbutia le petit gras. Il va y avoir du monde avec Yselle. C'est sûr que son grand père va pas vouloir la laisser toute seule. »
« -Peter n'a pas tord. Si Dumbledore est dans le coin, il saura tout de suite qu'on est là aussi, cape ou pas, reprit Remus d'une voix songeuse. Et je penses que Mc Gonagall n'a pas tord quand elle dit que Zélie a besoin de repos. Moi-même j'aimerais être sûre que tout va bien mais je suis convaincu qu'elle ne court aucun danger. Elle a bien réussi à se débarrasser de Saint-Lô, alors… »
« -Mais comment a t-elle fait ? intervînt précipitamment Peter. Je veux dire, c'est vrai, comment a t-elle fait pour blesser Saint-Lô au point de l'envoyer d'urgence à St Mangouste. C'est pas que je m'inquiète pour lui, non, bien au contraire, mais je trouve çà bizarre. »
« -C'est vrai mais Yselle nous le dira si elle le peut. D'ici là, nous devrions essayer de nous reposer. »
« -Tu parles comme un prof, Remus, bougonna le jeune Black. »
« -T'as autre chose à proposer ?! De toute manière rien ne sert d'élaborer des suppositions qui n'ont aucun sens. C'est pas en se torturant l'esprit qu'on arrivera à quoique ce soit. »
Sirius ne répondit pas, James non plus. Ce dernier avait déjà repris son air maussade. Très vite les quatre garçons se mirent au lit sans prononcer un mot. L'atmosphère était lourde et pesante. Le jeune Black en voulait à Remus d'avoir raison. Remus, lui, préférait ne pas se soucier de l'air renfrogné de son ami. La pleine lune était pour bientôt et ses effets se faisaient déjà sentir sur son corps fragile. Le jeune homme souffrait mais ne le montrait pas. Peter, pour sa part, semblait de tous les quatre le plus apeuré. Pourquoi était t-il effrayé, lui qui n'avait, semble t-il, rien à craindre dans cette histoire ? Peut être parce que son esprit craintif s'était rapidement emballé à la vue de ce sang répandu sur le sol de la bibliothèque. Pour la première fois de sa vie, il avait senti la mort roder autour de lui. C'était une sensation nouvelle et des plus désagréables. Cela le renvoyait à ses propres faiblesses et à son incapacité à se protéger des aléas de la vie. Quand il remonta bien haut ses draps, Peter repensa à tous cela. Il ne pu s'empêcher de frissonner. Comment Yselle avait t-elle pu faire une telle chose ? Il n'avait de cesse de se poser cette question. Sa seule réjouissance était d'avoir pu éviter de rendre visite à la jeune fille. Et si elle était dangereuse ? Après tout n'était t-elle pas une Edelweiss ? Une chose étrange et mal définie ? Il ne connaissait pas grand-chose au sujet des anciens mais son imagination d'adolescent lui laissait penser que ce fait n'était pas sans importance et qu'il devait se tenir sur ses gardes. Un nouveau frisson. D'un geste prompt, il s'enterra sous sa couverture. 'Et si…' Il finit par s'endormir rapidement. Sa fatigue avait été plus forte que ses propres angoisses. Demain était un autre jour et il avait tout le temps de s'y préparer.
Yselle n'apprécia pas son réveil. Elle n'apprécia nullement cette douleur qui pointa dans son crâne aussitôt qu'elle eût ouvert ses yeux. Elle n'aima pas cette odeur camphré, propre à toute infirmerie qui lui révulsa l'estomac. Et elle détesta se rappeler ce qui s'était passé quelques heures auparavant. Quand ses paupières laissèrent enfin la lumière des candélabres attaquer sa rétine, la jeune fille ressentit comme un nouveau malaise, un vieux reste du mal qui l'avait assaillit un peu plus tôt. Elle se redressa tant bien que mal, pensant ainsi retrouver un peu de contenance mais Mrs Pomfrey s'élança aussitôt vers elle.
« -Oh ! Non, fillette. Faites bien attention. Il ne faut pas vous lever d'un coup comme çà, vous allez vous sentir mal. »
Yselle voulut protester, bloquer ce geste qui l'obligeait à se rallonger mais elle était plus faible que ce qu'elle ne pensait.
« -Allons, allons, attendez que je vous donne quelque chose pour vous soulager, poursuivit l'infirmière avec une bienveillance maternelle. »
L'Edelweiss entendit un verre tinter, le bruit d'une mixture que l'on tourne accompagné par un parfum de chocolat très prononcé. Mrs Pomfrey lui tendit un bol plein avant de l'aider à boire sagement ce merveilleux remède. Yselle n'avait aucune envi de cette préparation sucrée dont l'odeur suffisait seule à lui soulever le cœur. Néanmoins elle ne pu faire autrement que d'obtempérer et de laisser le liquide chaud couler dans sa gorge. Les effets furent immédiats. Ses maux de tête puis ses nausées s'estompèrent avec une rapidité miraculeuse.
« -Voila qui est mieux, n'est ce pas ? reprit la jeune médicomage en gratifiant ses propos d'un sourire tendre. »
Yselle s'accorda sur ce fait d'un hochement de tête.
« -J'espère que tu te sens mieux, Yselle. »
Son grand-père était là près de son lit. Pour la première fois depuis son réveil, elle remarqua sa présence et pour la première fois de sa vie elle redouta d'être confronté à son regard.
« -Je crois, chuchota t-elle. »
Comme sa voix lui paraissait enfantine et peu sûre d'elle ! Yselle se maudit à l'instant d'être incapable de contrôler ses émotions. Elle racla sa gorge en espérant que cela suffirait pour qu'elle retrouve son timbre habituel.
« -Je me doute que ce moment n'est pas très évident pour toi, Yselle, reprit t-il. Je suis convaincu que tu préférerais oublier ce qui c'est passé ce soir… »
« -Quelle heure est t-il ? demanda t-elle précipitamment comme si elle n'avait pas entendu ce que le vieil homme venait de lui dire. Cà fait longtemps que je suis ici ? »
« -Non, pas très, répondit posément son grand-père. »
Yselle tourna son regard vers lui. Il lui souriait mais sans qu'elle ne sache pourquoi elle se sentait accablé par les émotions qui se dissimulaient derrière les yeux translucide de cet homme.
« -Grand-père, tu sais je…tenta t-elle de dire. »
Elle baissa la tête, se détournant ainsi de ce regard qui lui pesait tant puis elle essaya de parler avec plus de facilité.
« -…je voulais pas, grand-père. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je n'ai rien fait. Saint-Lô était là et puis après il s'est retrouvé à terre et…il y avait du sang... »
« -C'est bon, Yselle, calme toi, je sais bien que tu ne voulais pas lui faire de mal. »
« -Non ! C'est pas çà, protesta t-elle avec une violence aussi soudaine que peu coutumière. Je voulais…je voulais qu'il meurt. »
La voix de la jeune fille avait percé le silence angoissant de cette fin de journée. Son visage s'était crispé, ses yeux s'étaient voilés de noir et ses poings avaient inévitablement refermé leur étau sur le rebord de la couverture en laine.
« -J'ai eu ce que j'ai voulut, conclut t-elle. Je n'ai eu qu'à y penser pour que çà arrive. »
« -Vous voulez dire que vous n'avez pas eu recours à votre baguette pour vous défendre ?! »
Angus. Yselle tourna son visage vers cette voix déstabilisante. Elle ne l'avait pas vu jusqu'à maintenant. Elle n'avait pas même devinée sa présence. Son visage calme, emprunt d'une grande sérénité s'extirpa de l'ombre dans lequel il s'était cantonné. Le regard d'Yselle fut aussitôt frappé par le bleu électrisant de ses yeux. Ses tremblements s'arrêtèrent à l'instant même où leurs regards se croisèrent. Elle en fut pétrifiée. Il y avait tellement de ressemblance entre Saint-Lô et cet homme qui la dévisageait avec une telle froideur. Cette même assurance, ce même charisme étouffant. Et pourtant elle savait bien que ces deux hommes n'avaient rien avoir l'un avec l'autre. Yselle, malgré le choc, réussit à lui répondre d'un hochement de tête. Le visage d'Angus se contracta aussitôt, son esprit semblait s'être tout à coup plonger dans une profonde réflexion. Le jeune Edelweiss prit sur elle pour tenter de se ressaisir, tenter de devenir à nouveau maîtresse d'elle-même. D'un froncement de sourcil, elle durcit ses traits. Pourquoi le fait de ne pas avoir utiliser sa baguette paraissait à tel point déranger son professeur ? Certes la chose était étrange en soi mais pourquoi semblait t-il le lui reprocher ? Assurément, Marat Angus n'était rien de moins qu'un puit de reproches néanmoins Yselle aurait bien aimé connaître quelles pensées hantaient l'esprit de cet homme à cet instant précis. Ce dernier échangea un rapide coup d'œil avec Dumbledore, ce qui déplut fortement à la jeune Edelweiss. Pourquoi affichaient t ils tous deux un air si grave ? La complicité sévère qui les liait ne la rassura en rien. Yselle attendit une parole réconfortante qui ne vînt jamais. Alors, la colère remplaçant tout autre sentiment, elle se leva de son lit. Elle ne pouvait plus supporter ce silence pesant. Elle savait à présent qu'on ne le lui dirait rien, rien qui ne la satisfasse. Les pieds aussitôt au sol, elle se redressa, chancela un peu mais sa détermination l'aida à reprendre des forces. Elle aurait ainsi pu se diriger sans mal jusqu'à la sortie si Mrs Pomfrey ne s'était élancée vers elle pour la retenir.
« -Vous devriez rester au lit, ordonna t-elle en la tenant fermement par les épaules. »
« -Pas besoin, je me sens très bien, protesta Yselle. »
« -Zélie, Pompom a raison. Il serait bien mieux pour toi que tu restes cette nuit à l'infirmerie. »
« -Il n'en est pas question ! C'est inutile ! reprit la jeune fille d'un ton résolu. »
« -Après ce qui vous êtes arrivée, il vaut mieux que vous demeuriez ici. »
Angus avait parlé à nouveau et le son de sa voix avait glacé le sang d'Yselle. Elle avait oublié. Elle avait oublié ce qui lui était arrivé. Sa colère avait été si forte que tout s'était volatilisé de son esprit : la bibliothèque, Saint-Lô, les voix, la douleur…Ce fut comme un retour en arrière cruellement brutal. Yselle se cramponna aux barreaux du lit pour mieux assurer son équilibre. Ses jambes lui faisaient défauts. Le choc venait de lui enlever le peu de force qu'elle tenait pour acquise. Son regard se fixa dans l'air intoxiqué par l'odeur des potions et autres herbages qui emplissaient l'infirmerie.
« -Dormez ! Nous reparlerons de tout çà demain, poursuivit son professeur avec un calme glacial. »
« -Bonne nuit, Yselle. Essaie de te reposer mon enfant. »
Tout en parlant, Dumbledore s'était approché de sa petite fille pour apposer un baiser sur son front brûlant. Sans rajouter un mot, les deux hommes disparurent dans le silence de Poudlard tandis que Mrs Pomfrey aidait l'Edelweiss à prendre place dans son lit encore tiède. Cette dernière ne protesta pas. Elle s'accorda pour faire ce que l'infirmière lui demandait. Yselle était fatiguée. Elle pouvait bien le reconnaître. Quand les lumières s'éteignirent, quand l'infirmière partit à son tour vaquer à d'autres occupations, quand le lieu demeura définitivement mort, la jeune griffondore pu enfin fermer les yeux et laisser le sommeil la gagner. Peut être que son esprit pourrait enfin s'apaiser, peut être pourrait t-elle enfin trouver un peu de répit mais combien de temps cela durait t-il ?
Impossible de dormir, impossible de vider son esprit de tout ce qui le tourmentait. James se retourna une fois de plus dans son lit. Il tira les couvertures sur son visage puis les retira aussitôt d'un geste brusque. Zélie. Inconsciemment il tâtonna du plat de la main la place inoccupée. Les draps y étaient froids, encore parfaitement lisses. L'Edelweiss n'était pas là et cette réalité lui était des plus désagréables. Il tourna son visage sur sa droite pour observer avec désolation le vide qui le faisait tant souffrir. Puis il se laissa envahir par le silence de la nuit. Quelques ronflements se faisaient entendre, celui de ses amis profondément endormis, le lointain cris des chouettes, le sifflement d'un vol de corbeau barrant la lumière de la lune de son vol impeccable. James n'y tînt plus. Il se leva brusquement. Il avait pris sa décision. Il devait la voir, voir son amie, celle qui lui avait si souvent témoigner sa tendresse. La voir pour apaiser son esprit. Il emporta sa cape avec lui et sans bruit il s'échappa de la tour des griffondores. Caché sous son étoffe invisible, il traversa rapidement l'école. Bientôt les portes de l'infirmerie se dressèrent devant lui. Il ressentit comme un pincement au cœur, une certaine appréhension de la savoir si proche. Il craignait ce qu'il s'apprêtait à découvrir. Et si elle ne dormait pas…qu'allait t-il pouvoir lui dire ? Serait t-il capable de lui parler sans détourner le regard ? Bien sur que oui. Il la regarderait sans sourciller. Il plongerait ses yeux dans les siens avec douceur et bienveillance pour qu'elle sache qu'il était venu pour elle, pour la soutenir. Ce fut avec cette résolution en tête que James pénétra dans la noirceur de cette infirmerie silencieuse. Il avança lentement en veillant à ne faire aucun bruit qui puisse venir troubler la tranquillité angoissante de ce lieu. Yselle était là, dans un de ces lits. Il devinait déjà son petit corps pelotonné dans une grande couverture de laine bleue. Elle dormait. James s'avança vers elle avant de se pencher légèrement pour la regarder. Elle respirait. Son cœur s'apaisa alors. Yselle était bien vivante, on ne lui avait pas mentit. Ainsi, plongée dans son sommeil, elle paraissait noyée dans une quiétude tranquille des plus surréalistes. Le jeune Potter éclaira ce visage serein de sa baguette lumineuse. Sa peau lui parut alors si blanche, quasi fantomatique, puis il vit sur les reflets nacrés de sa chaire les marques impardonnables que Saint-Lô y avait laissées. Des bleus le long de son cou gracile. D'autres empreintes de ses doigts criminels inscrites au-delà de ce que ses vêtements pouvaient laisser entrevoir. L'esprit de James s'emballa à nouveau. Il crut voire défiler sous ses yeux une scène qu'il ne pouvait qu'imaginer. Pauvre Zélie ! Sa si tendre Zélie. James effleura du plat de la main le duvet doux de sa joue. La jeune fille en frémit légèrement. Il arrêta son geste aussitôt pour mieux observer ce visage, pour mieux observer cette amie pour qui il éprouvait à cet instant une compassion qu'il lui avait toujours été inconnue. Son cœur se comprima. Il aurait tellement aimé la saisir dans ses bras, la recouvrir de son étreinte protectrice, être celui qui lui viendrait en aide. Il se pencha, se rapprocha d'elle un peu plus encore avant d'embrasser sa joue. Sans savoir pourquoi, il sentit aussitôt ses propres joues s'empourprer. Ce geste anodin lui parut alors bien audacieux. Pourquoi ressentait t-il une telle gêne ? Pourquoi semblait t-il se troubler pour si peu ? Des murmures. Les lèvres d'Yselle venaient de bouger imperceptiblement. James tendit son oreille.
« -Harry…Harry ne me laisse pas…je t'aime Harry… »
Le jeune griffondore jeta un regard interdit en direction de l'Edelweiss. Qui était cet Harry ? Ce garçon qu'elle aimait ? James s'approcha de nouveau pour déchiffrer ses chuchotements incompréhensibles mais un bruit de pas l'arrêta net dans sa tentative. Il tourna brusquement sa tête pour vérifier ce qu'il en était. Quelqu'un s'approchait. Il était temps pour lui de partir. Il regarda une dernière fois le visage de son amie avant de réajuster sa cape sur le dessus de sa tête.
« -Dors bien ma Zélie. »
Puis il s'évanouit dans l'ombre de la nuit sans avoir pu entendre ce que la petite bouche de l'Edelweiss laissait échapper, sans entendre ce que les rêves de la jeune fille avaient prédit. Il aurait peut être su alors que le temps de l'innocence venait de prendre fin, il aurait compris que l'acte de Saint-Lô venait de fracturer les portes d'un monde dont la noirceur finirait par les engloutir.
Yselle ne se présenta pas le lendemain matin au cours d'Astronomie tenu par Miss Taraxa, ni à ceux qui suivirent. Elle fut absente toute la journée au grand étonnement de ses camarades de classes et de ceux pour qui elle avait un minimum d'importance. James s'empressa d'y apporter une explication des plus banales prétextant une mauvaise fièvre soudaine. L'excuse sembla convenir à tous et personne ne chercha à se renseigner plus en amont. Seuls Lily et les membres de la chorale demandèrent à la voir mais on leur refusa ce droit le plus civilement qu'il soit.
Le départ de Saint-Lô fut annoncé plus tard dans la journée par le directeur lui-même. L'absence du préfet en chef avait elle aussi suscitée beaucoup de murmures. Dumbledore eut tôt fait d'y mettre un terme. Laszlo était parti précipitamment pour des raisons familiales qui ne pouvaient être précisées. Cette explication aurait pu convenir pourtant elle ne fit qu'accroître la curiosité de la plupart des élèves notamment de ceux pour qui portait au préfet des serpentards une admiration sans borne. Très peu d'entre eux cependant tentèrent de voir un parallèle entre les absences jumelées d'une jeune griffondore de 4ième année et celle de l'héritier des Saint-Lô. A la fin de la journée il ne restait plus rien des on-dit. L'école avait tourné la page sur un mystère qui n'avait déjà plus grand intérêt. La bande des quatre maraudeurs avait de son côté pris garde de ne rien dire de ce qu'il savait. Ils n'avaient d'ailleurs évoqué à aucun moment ce fait entre eux. Le silence avait été leur seul moyen pour oublier un tant soit peu la tension qu'avaient fait naître en eux les évènements de la veille. Leur colère était bien présente, leur inquiétude aussi. Ils essayaient de les dissimuler derrière leur habituel air goguenard mais James ne pouvait s'empêcher de trouver que tout cela sonnait faux.
Dans la journée, ils tentèrent à plusieurs reprises de rendre visite à leur amie qui demeurait encore à l'infirmerie mais Mrs Pomfrey affirma une fois de plus que la jeune fille avait besoin de repos. James essaya à nouveau en fin de journée. Les portes de l'infirmerie lui demeurèrent closes. Il rebroussa chemin, regagnant lentement la tour des griffondores. Il gardait à l'esprit l'image d'un Yselle endormie, le visage et le cou marqué par les contusions que Saint-Lô y avait laissé. Ce soir encore, il ne pourrait trouver le sommeil, il le savait déjà. L'angoisse lui avait coupé toutes envies. La chaleur de sa joue qu'il avait caressée la nuit dernière lui revînt en mémoire. Il se rappela alors du regard qu'il avait porté sur elle, cet élan de tendresse qu'il avait eu en l'observant dormir. Il lui avait semblé la voir pour la première fois. Ce souvenir ne lui fut que plus douloureux. Une colère sourde revînt l'assaillir. Il fallait qu'il la venge, qu'il venge Zélie, qu'il trouve un moyen de faire ressortir le profond ressentiment qui bouillait en lui. Mais cette idée lui parut aussitôt absurde. Saint-Lô n'était plus là. Il ne savait pas ce qu'il était advenu du jeune serpentard, il lui était pourtant facile d'imaginer quel avait été son sort. Il replongea à nouveau dans ses sombres pensées, son esprit tout entier accaparé par des évènements qu'il ne comprenait pas, alourdit par un pressentiment funeste et dans sa tête cette même question : qui était cet 'Harry' ? Ce garçon qu'il haïssait s'en même être sur de son existence réelle.
Au grand étonnement de ses amis, Yselle refit son apparition le lendemain matin, la mine rayonnante, les traits du visage détendus. Les quatre griffondores furent troublés par la nonchalance de la jeune fille qui semblait réagir comme si rien de tout ce qu'on leur avait raconté n'avait eu une quelconque réalité. En fin de journée, ils en vinrent presque à oublier l'étrange cauchemar dans lequel ils avaient été plongés deux jours plus tôt. Aucun d'eux ne se risqua à évoquer le sujet, ils tentèrent encore moins de questionner leur amie. A quoi bon ressasser des souvenirs aussi gênants et douloureux ?
Tout reprit son cours normal, tout ou presque. Quelque chose avait changé. Yselle elle-même avait changée et bien qu'elle s'attachât à être ce qu'elle avait toujours été, ses quatre amis n'étaient pas dupes. La jeune fille semblait avoir lentement glissé vers un ailleurs dont l'accès leur demeurait, au fil des jours, de plus en plus difficile.
Yselle avait commencé par prendre de la distance avec ses amis. Elle qui aimait trouver refuge dans le capharnaüm de leur chambre, n'avait plus remit un pied dans le dortoir des quatre garçons. Sirius lui avait pourtant, à maintes fois, fait la demande mais Zélie avait su se défiler à chaque fois sous des prétextes multiples. James s'était lui-même confié à Remus à ce sujet. Yselle n'était pas comme avant et cela le préoccupait. Il s'était abstenu de rajouter à quel point il se languissait de la jeune fille, à quel point sa présence lui manquait. Leur complicité avait toute l'apparence des jours passés pourtant il demeurait une faille dans leur relation. Il avait remarqué à plusieurs occasions comment Yselle évitait tout contact avec ses amis. Il avait été pétrifié quand en posant sa main sur son épaule, la jeune Edelweiss s'était prestement dégagée de cette étreinte légère. Ce fait troublant s'était répété à chaque fois jusqu'à ce que James, lui-même, évite soigneusement de tel geste de proximité. Avait t-elle peur de lui ?
Ceci n'avait été que le début d'un tout. Au fil des jours, le comportement d'Yselle avait été de plus en plus inquiétant. Tout avait commencé par des petits riens, des éléments anodins qui, pris séparément, ne semblaient que des fioritures sans importance : une Yselle inattentive, un peu plus tête en l'air qu'à son habitude. Rapidement ses moments d'absences s'étaient multipliés. La jeune fille demeurait alors prostrée, l'esprit comme accaparé, le regard hagard. Dans ces moments mis en suspens, Yselle paraissait rêver les yeux grands ouverts. Puis un après-midi d'hiver plus doux que les autres, alors que la jeune fille et ses quatre amis se trouvaient dissimulés au cœur de la forêt interdite, assis à même la pierre tombale polie par le temps, en pleine séance d'entraînement au quel ils s'astreignaient un peu plus souvent depuis la fin des grandes pluies, le visage d'Yselle avait soudainement changé d'expression. Sirius s'était empressé de la secouer mais cela n'avait servi à rien. Elle était demeurée accroupie sur le dallage froid, les bras ballants, sans aucune trace de vie. Malgré les appels de ses amis et leurs tentatives désespérés de la faire réagir, Yselle ne cilla pas puis des mots intelligibles s'échappèrent de sa bouche avant qu'un cri étouffé ne les accompagne. Après cela, les quatre garçons l'avaient pressés de question mais elle n'avait manifestée aucune envie de leur répondre. « Je suis fatiguée, avait t-elle dit. » Remus avait porté une main à son front brûlant. Une nouvelle fois Yselle s'était brusquement reculée fuyant le contact chaud de cette main qu'on lui tendait et qui n'était pas le sienne.
« -Tu as de la fièvre, avait t-il constaté. Tu devrais aller à l'infirmerie. »
« -C'est simplement de la fatigue, avait t-elle répondu avec une gêne fâchée. Et puis il y a trop de courant d'air ici, c'est normal que je tombe malade. »
Sur ces derniers mots, elle était partie. D'autres auraient préféré dire qu'elle s'était enfuie.
« -Elle ne va pas bien du tout, avait ajouté James. »
« -Ce n'est pas que la fièvre, avait repris à son tour Sirius d'un ton sombre. »
« -Il faut en parler au directeur, avait affirmé Remus d'une manière catégorique. »
« -J'ai l'impression qu'elle perd la tête, avait déclaré Peter d'une petite voix. »
« -Y a pas de raison pour que çà arrive, avait aussitôt protesté James avec une hargne surprenante. Zélie allait parfaitement bien jusqu'à…Elle est encore sous le choc. Si seulement elle pouvait nous parler, nous dire ce qui ne va pas. »
« -Elle n'en a pas envi. Tout çà lui pèse trop. »
« -Raison de plus pour parler avec nous. Il faut pas qu'elle se referme sur elle comme elle le fait. »
« -Et si ce n'était pas que ? avait alors demandé Remus. S'il se passait autre chose qui nous échappe complètement ? »
« -Comme quoi ? »
« -Yselle est une Edelweiss, peut être que…avait t-il commencé à répondre. »
« -Tu parles d'une crise de delirium ? l'avait questionné Sirius avec une noirceur soudaine. »
« -Je n'y connais pas grand-chose mais çà y ressemble. »
« -Une crise de delirium ?! De quoi parlez vous ? s'était empressé d'intervenir James. Cà ne peut pas arriver à Zélie… »
« -C'est une Edelweiss, James, lui avait rappeler à juste titre Sirius. Une Edelweiss donc une vactionari logum, tu sais ce que cela veut dire. »
« -Qu'est ce que vous raconter ? Je comprends rien, moi, était intervenu Peter d'une voix chevrotante, son esprit peureux lui faisant craindre les pires choses. »
« -Une vactionari logum est une personne qui lit l'avenir, enfin pas vraiment mais on va essayer de simplifier au maximum. Dans la plus part des cas leurs pouvoirs se manifestent dans des crises de delirium. C'est sûrement çà ce qui lui arrive. »
« -Et après ?! C'est beau d'arriver à ce genre de conclusion mais qu'est ce qu'on fait de Zélie ? On peut pas la laisser comme çà sans rien faire, s'était agité nerveusement le jeune Potter. »
« -Rester à ses côtés, faire attention à ses moindres faits et gestes…avait expliqué Remus. »
« -Oui c'est çà, on va l'aider, on va être à ses côtés et tout rentrera dans l'ordre comme cela était le cas avant, s'était enthousiasmé James non sans un peu de mal. »
Ses amis avaient approuvés ses dires néanmoins chacun gardait au fond de soi le sentiment que tout ceci ne serait pas aussi facile qu'ils se plaisaient à le croire.
Le comportement d'Yselle n'était pas passé inaperçu et bien qu'elle fasse tout son possible pour paraître telle qu'elle avait toujours été, peu de gens, parmi ceux qui la côtoyaient, ne semblaient se laisser prendre au piège des apparences. Pour autant nul n'était capable d'expliquer pareil changement. Yselle avait toujours été considérée comme une personnalité étrange, un être à part dont le passé énigmatique et les légendes fantasmagoriques l'entourant, ne faisaient qu'accroître les a priori entretenus à son égard. Il fut rapidement accordé, par les plus mauvaises langues de l'école que la pauvre Ysella Edelweiss perdait tout bonnement la tête. Certains avaient même lancé des paris quand au nombre de temps qu'il faudrait avant qu'elle ne prenne résidence dans les murs du service des grandes pathologies du trouble mentales de l'hôpital Ste Mangouste.
Le grand réfectoire était le lieu idéal pour la divulgation de ce genre de rumeur. La promiscuité, la réunion au complet de tous les élèves de Poudlard étaient autant d'éléments qui favorisaient la propagation de ce type d'histoires souvent peu fiables mais dont tout un chacun raffolait. Le groupe de Winnifred Wintly s'entendait mieux que personne dans l'art des cancans. Ce fut avec une joie certaine mais retenue que le 'commère des commères' et son groupe de harpies entreprirent de faire d'Yselle le sujet coutumier de leurs passionnantes conversations.
« -Vous l'avez entendu vous aussi cette nuit, chuchota Adélie Swan grande asperge au nez droit comme un poteau téléphonique. Elle m'a fait tellement peur ! J'ai cru qu'on l'égorgeait. »
« -Ne m'en parle pas, renchérit Emma Von Blum de son habituel ton hautain. J'en ai encore la chaire de poule. »
« -Cà ne peut plus durer. Regardez mes poches sous les yeux, se plaints à nouveau Adélie en tirant sur la fine peau bleutée qui bordait le bas de son regard. Je suis affreuse ! Il faut qu'on fasse quelque chose. Va parler à sa bande de potes, Winnie, dis leur de s'en occuper. »
« -Je crois qu'il n'y a plus que çà à faire, répondit la jeune Wintly d'un air solennel. On a suffisamment été clémente comme çà. Beaucoup serait déjà allé se plaindre au directeur de notre maison. »
Dans un bond franc et décidé, elle partit rejoindre le groupe des maraudeurs qui demeuraient encore présent dans la salle. Dès qu'ils la virent venir à leur rencontre, Sirius et James tentèrent une fuite discrète mais trop tard.
« -Black ? Potter ? Attendez deux secondes ! J'ai quelques choses à vous dire. »
« -Qu'est ce que tu nous veux encore, Wintly ? cracha Sirius. »
« -Pas besoin d'être si désagréable ! Surtout quand je viens pour vous parler de votre petite copine. »
« -Qu'est ce qui se passe avec Yselle ? questionna James avec une désinvolture qui frisait l'arrogance. Elle t'a encore remis à ta place et ton ego surdimensionné n'a pas pu le supporter, c'est ? Ne pense qu'on va te consoler. »
« -C'est plutôt elle qui aurait besoin d'être remise à sa place ces derniers temps, reprit t-elle avec un brin de malice diabolique dans la voix. »
« -Où veux tu en venir ? »
« -Depuis que Mlle 'la petite princesse' préfère dormir dans notre dortoir, poursuivit t-elle. On n'a pas pu passé une seule nuit sans être réveillé par ses cris. »
« -'Ses cris' ? »
« -Oui. Votre Yselle est sûrement somnambule mais à ce niveau là çà frise la psychiatrie. Alors que çà vous botte de l'entendre s'égosiller dans son sommeil c'est votre affaire mais nous on n'en veut plus, lança t-elle avec sa gentillesse et sa bienveillance naturelle. Elle n'a qu'à retourner squatter votre chambre. Je suis sûre que vous en serez ravis… »
« -De quoi tu te mêles, langue de vipères ! rétorqua Sirius dans un rictus malsain. Comme si Yselle allait faire selon votre bonne volonté. Tu ne t'es jamais dis que c'était de dormir à proximité de décérébrés dans ton genre qui lui faisait faire des cauchemars ?! J'en ferais pas moins à sa place. T'as de la chance qu'elle ne pense pas à te clouer le bec une fois pour toute durant son sommeil. J'aurais pas hésité à le faire à sa place. Crois moi, il y a longtemps que tu passerais tes nuits la chiasse au cul avec moi dans les parages. »
« -Ce que tu peux être vulgaire mon pauvre Black ! répondit t-elle dans un pincement de lèvres qui se voulait méprisant mais qui témoignait surtout de son peu d'assurance. De la part d'un descendant direct de la famille Black, çà me déçoit énormément. Et moi qui venait vous parler pour le bien d'Yselle, j'aurais mieux fais de m'en abstenir. »
« -Si tu pouvais t'abstenir d'exister tout simplement, une majorité en serait folle de bonheur, reprit Sirius dans un sourire moqueur. »
« -Pff ! N'empêche ce n'est pas moi qu'Yselle s'obstine à fuir… »
« -Espèce de…s'emporta James avant que son ami arrête son geste malheureux. »
« -Laisse. Elle ne mérite pas que tu te coltines des heures de détention. Tronche de Roquet ! lâcha une dernière fois Black en regardant la silhouette de Winnie s'éloigner. Où vas-tu ? demanda t-il à James qui se dirigeait d'un pas énergique vers la sortie. »
« -Voire Yselle, répondit celui-ci en se tournant vers le jeune Black. J'ai deux mots à lui dire. »
« -Laisse. On la retrouvera au cours de potions. Allé viens, on va être en retard. »
« -C'est bien la première fois que tu t'en soucie. »
« -Que veux tu, j'aime bien être plein d'imprévu. C'est ce qui fait tout mon charme, ajouta Sirius en affichant un joli sourire goguenard. »
« -Du charme ?! C'est quand même pas flagrant…rétorqua son ami le regard malicieux avant que tous deux ne rejoignent rapidement le reste de leur classe. »
Yselle était arrivée un peu en retard au cours de potions. Sa tête la faisant à nouveau souffrir, elle avait du faire une halte aux toilettes du deuxième étage pour se rafraîchir un peu. Ce fut avec un peu d'appréhension qu'elle pénétra dans la salle de classe tenue par l'effrayant professeur Angus. Son entrée ne passa pas inaperçue. A peine eut t-elle passée la porte d'entrée que tous les regards se braquèrent sur elle. La chose n'était pas nouvelle en soi mais demeurait des plus déplaisantes. Outre son arrivée tardive, elle savait que beaucoup de ses camarades se posaient des questions concernant son étrange comportement.
« -Mlle Edelweiss. Vous daignez enfin nous honorer de votre présence, ironisa Marat Angus de son habituelle voix ténébreuse. C'est trop nous accorder. »
« -Veuillez m'excuser professeur, j'ai du faire une halte aux toilettes, expliqua t-elle. »
« -Abstenez vous de ce genre d'excuse et dépêchez vous plutôt de prendre place. Vous nous avez déjà suffisamment fait perdre de temps. »
Yselle ne rajouta rien. Elle fit ce qu'on lui indiquait, obtempérant sans retenue. La place aux côtés de Nonnée Desprès restant vacante, elle s'y installa silencieusement. Celle-ci lui accorda un sourire aimable en guise de salut avant de poursuivre sa prise de notes. La jeune Edelweiss fit de même. Silencieusement elle commença à gratter consciencieusement sa plume contre la surface granuleuse du vélin. Absorbée comme elle était par sa besogne elle ne prit conscience que tardivement du regard appuyé qui s'était posé sur elle depuis son arrivée quelques instants plutôt. Pas besoin de se retourner pour deviner qui s'obstinait à l'observer avec une telle insistance. Lucius. La chose n'était pas nouvelle. Il s'était toujours plu à la narguer de son air hautain, tentant de la défier à chaque occasion mais ce qui n'était qu'un jeu puéril et sans intérêt avait depuis quelques temps changé. Depuis l'agression de Saint-Lô plus précisément. Yselle était convaincu que le jeune Malfoy avait, contrairement aux restes de ses camarades, eut vent de la réalité des faits. Severus, lui-même, en avait été informé avant même que l'Edelweiss n'en fasse mention. Comment cela était t-il possible ? La question demeurait une énigme qui tourmentait la jeune fille plus que de mesure. Et s'ils avaient été tenus au courant par Saint-Lô bien avant que celui-ci ne lui tende son piège ? Et s'ils l'avaient encouragés à cela ? Eux ou quelqu'un d'autre ? Mais qui ? Une personne puissante. Monsieur Malfoy ? Son père ?...Non, elle divaguait. Tout ceci était absurde. Elle devait se mesurer et ne pas se laisser prendre au jeu de la paranoïa. Et pourtant…le doute demeurait. Les paroles que Lucius avait partagées avec Severus lui revinrent à l'esprit :
« -Rappelle toi ce que son père nous a dit à son sujet. 'Yselle doit apprendre à supporter la tristesse comme l'allégresse, elle doit y goûter pour ne plus avoir à en souffrir'. »
Il avait ajouté autre choses mais la jeune fille, dissimulée derrière une lourde tenture qui cachait l'entrée du passage secret, n'avait pas réussi à percevoir ce qu'il disait. Seuls ces derniers mots lui étaient parvenus dans une brutale incompréhension :
« -Raison de plus pour qu'elle s'aguerrisse. Tu sais bien ce qui l'attend. Elle a un destin. C'est elle qui détient notre avenir entres ses mains. Il faudra qu'elle soit prête à l'assumer le jour venu. Et concernant Saint-Lô…disons qu'il n'y a pas de hasard. »
Cela faisait deux jours déjà qu'elle avait surpris cette conversation. Deux jours que ces paroles repassaient en boucle dans son esprit. Deux jours à tenter de trouver une explication acceptable à leur signification. Une explication qui pourrait encore faire vivre ses croyances de petite fille et qui permettrait à son innocence de perdurer quelques temps encore. Mais elle n'en avait pas trouvée. Tout ce qui demeurait était l'incompréhension et la peur de la trahison. Trahir. Severus ne pouvait pas en être capable à son égard. N'est ce pas ? Il était son ami, son frère…il était tout pour elle. Jamais il n'aurait laissé Saint-Lô lui faire du mal en toute connaissance de cause. Mais peut être qu'il y avait d'autres raisons qui l'avaient poussé à le faire…Non. Son esprit s'égarait de nouveau. Tout ceci était impossible. Il était criminel de sa part de penser à une telle chose. Elle se gronda d'y avoir même songer. Encore. Le regard de Lucius sur elle. Que lui voulait t-il à la fin ? A chaque fois qu'ils se retrouvaient rassemblés dans le même espace, elle le sentait. Toute l'attention du jeune homme se concentrait sur elle. Yselle avait fini par trouver cela malsain. Les rares fois où elle avait laissé ses yeux croisés l'éclat métallique de Lucius, elle avait ressenti un frisson la parcourir dans tout son corps. Il possédait une lumière identique à celle de Saint-Lô. Une lumière qui lui rappelait trop cruellement ce qu'elle avait vécu quelques jours plus tôt. Lucius. Lui revinrent encore en mémoire les souvenirs de ses premières années quand perchée dans les hauteurs d'Equilhem elle découvrait pour la première fois les traits angéliques du jeune Malfoy. Se souvenait t-elle de ce qu'elle avait ressenti à cet instant précis où leurs regards s'étaient entrechoqués ? Peut être mais elle ne désirait, à cet instant précis où sa vie sombrait dans des méandres inconnues, se remémorer les sentiments fulgurants qui avaient été les siens il y avait plus d'une dizaine d'années. Maudit Lucius ! Pensa t-elle. Pourquoi son regard avait t-il chang ? Pourquoi ses intentions à son égard s'étaient muées aussi étrangement en quelque chose d'indéfinissable ?
Incapable de supporter plus longtemps encore le poids de ce regard posé sur elle, Yselle se retourna brusquement mais à son plus grand étonnement ce ne furent pas les yeux de Lucius qui vinrent s'imprimer dans les siens mais l'éclat inquiet du jeune Potter. James. C'était lui qui l'observait ainsi depuis le début. Avait t-il toujours eu pour elle cette expression si bienveillante et attentive ? Elle ne devait pas le regarder, pas observer comment l'inquiétude se peignait sur son visage si fier, comment elle en imprimait chaque trait d'une mélancolie douloureuse qui n'avait jamais été la sienne. Elle ne pouvait supporter ses yeux à lui posés sur elle et ce questionnement toujours présent comme une exigence inavouable. Il désirait savoir mais elle était incapable de répondre à la moindre de ses interrogations. Comment expliquer ce qu'on ne comprend pas soi même ?
« -Yselle, souffla t-il en agrippant la main qu'elle avait laissé traîné par mégarde sur le bureau qui se trouvait derrière elle. Il faut que je te parle, Yselle. »
Cette phrase lui avait fait si peur qu'elle ne pu se refreiner de la laisser transparaître sur son visage nacré. Elle tenta de retirer brusquement sa main de cet étau étouffant, de cette chaleur qu'elle avait tant de fois recherchée auprès du jeune homme mais dont elle ne se sentait, aujourd'hui, plus digne. Elle était folle. Elle le savait. Elle n'avait plus de force pour le nier. Mais lui ne le savait pas encore, il ne se doutait pas que tout était irrévocable qu'elle n'avait plus d'échappatoire à cette toile tendue dans laquelle son esprit s'était emmêlé. S'il l'apprenait tout serait fini…à quoi bon continuer. Alors plutôt que d'avouer elle préférait fuir et se taire. Mais peut être était t-il trop tard. Les voix lui avaient dit que tout serait noir et qu'il n'y aurait personne. Pas même James ? Pas même Severus ? Pas même son père ?
« -Promet moi, Yselle de nous attendre à la fin du cours. Il faut qu'on parle, répéta t-il en fixant son regard dans le sien comme pour la rassurer. »
Mais cela eut l'effet inverse. Yselle tenta à nouveau de s'extirper de sa poigne légère mais n'y parvint pas une fois de plus. Alors comme pris dans un élan effrayant, elle afficha une morgue aussi soudaine qu'inhabituelle.
« -Lâche ma main…souffla t-elle entres ses dents. »
« -Quoi ? demanda t-il stupéfait. »
« -Lâche ma main je t'ai dit…cracha t-elle les yeux rougis. »
Apeuré par cette étincelle étrange, James obtempéra non sans continuer à fixer la jeune fille de l'éclat le plus ardent qui pouvait l'animer. Que se passait t-il ?
« -Mlle Edelweiss ! Je vous prierais de bien vouloir vous en tenir à mon cours. Vos affaire ce cœur non rien à faire au sein de ma classe. Cela est t-il clair ?! s'emporta le professeur Angus en usant du ton glacial de sa voix caverneuse. »
Yselle tourna rapidement son attention vers son professeur. Elle fronça les sourcils de manière menaçante soutenant avec une témérité provocante le regard assassin de cette ombre gigantesque. Puis dans un geste prompt, elle ramassa ses affaires avant de disparaître hors des murs d'une classe tétanisée par un évènement que nul ne comprenait. Contrairement à ce que tout le monde pensait, le professeur Angus ne fit rien pour rattraper cette effrontée. Il poursuivit avec un naturel méprisant ses explications sur le composition du sérum contre le dédoublement neuropsychologique. James, de son côté, demeura immobile, les yeux perdus dans un ailleurs qu'il ne comprenait plus.
A la fin du cours, les murmures redoublèrent quand au pourquoi de la fuite soudaine d'Yselle. Tandis que tous s'empressaient de quitter la lugubre salle de potion, le professeur Angus pria Severus de rester un instant. Le jeune homme obtempéra bien civilement.
« -Cela fait longtemps que votre amie est comme ? lui demanda t-il sans préambule. »
« -Je vous demande pardon. »
« -Mr Rogue, ne jouez pas les incrédules et dites moi depuis quand avez-vous remarquez que l'esprit de Mlle Edelweiss était, disons, perturb ? »
« -Professeur, avec tout le respect que je vous dois, reprit le jeune homme en affichant une expression aussi neutre qu'elle pouvait l'être. Vous savez aussi bien que moi que l'esprit d'Yselle demeure impénétrable. Mes facultés de légimance ne sont sûrement pas assez développées pour que je puisse prétendre à une quelconque assurance dans ma capacité à sonder les esprits mais si je m'en tiens à ce que j'ai perçu jusqu'à maintenant je peux affirmer que je ne suis pas le seul à qui Yselle demeure fermée. Qu'en pensez vous professeur ? »
Angus ne préféra pas répondre au brillant sarcasme dont faisait preuve son élève. Il se contenta d'afficher un sourire narquois avant de rependre.
« -Si tel est le cas vous savez ce que cela veux dire ? »
« -Malheureusement Monsieur, répondit le jeune homme en conservant son air froid. Je sais qu'un esprit fermé aux légimances est soit celui d'un puissant sorcier qui maîtrise parfaitement l'occlumancie soit celui…d'un fou. »
« -Votre amie ne pouvant être encore l'un est sûrement l'autre. Cela vous attriste je le sens pourtant vous en éprouvez une certaine satisfaction. Pourrais je savoir pourquoi ? »
Severus ne s'offusqua pas de ses dires et répondit avec un naturel glacial.
«-Ma curiosité sûrement. Les crises d'Yselle ne sont que les prémices d'évènements à venir plus incroyables. Le pouvoir qu'elle possède est unique, affirma t-il le regard soudainement flamboyant…j'avoue que son étude me passionnerait. »
Angus observa son élève un instant. Son index tapotant lentement le velouté de ses lèvres, un rictus léger imprégnant son noble visage.
« -Voudriez vous connaître votre avenir, Monsieur Rogue ? C'est peut être cela que vous attendez de votre amie. C'est un pouvoir formidable semble t-il de connaître à l'avance ce qui vous attends, surtout si on peut modifier son avenir à sa guise, n'est ce pas ? »
« -Je ne pourrais pas le nier. Cette perspective à quelque chose… »
« -D'excitant ? Excitant au point de ne pas vous embarrasser des affres que connaît en ce moment Mlle Edelweiss ?! Je ne m'étais donc pas trompé sur vous jeune homme. La quête de la connaissance a pris chez vous une importance démesurée. »
« -Me le reprochez vous ? »
« -Ne prenez pas en compte un avis que je n'ai pas. Et puis j'avais cru comprendre que vous n'étiez pas esprit à vous soucier des avais extérieurs. »
« -En général mais… »
« -Vous êtes jeune encore, observa Angus d'un ton paternaliste. Vous ne pouvez pas être parfaitement imperméable à tout ce qui vous entoure. Encore moins avec une Ysella Edelweiss à cos côtés. C'est bien ce qui m'étonne dans votre comportement. »
« -Vous trouvez à redire sur mon comportement, Monsieur ? s'étonna le jeune homme. »
« -En effet. Pensez vous réellement que votre amie se réveillera un matin l'esprit clair, débarrassé de ce qui la tourmente en ce moment et qu'elle pourra sur commande vous indiquer ce qu'il vous plait de savoir ?! demanda t-il d'un air ironique qui lui convenait parfaitement. »
« -Et bien je…tenta de se défendre le jeune Rogue. »
« -Pensiez vous que les choses seraient si plaisantes et faciles ?! Cela m'étonne de vous. Moi qui estimais votre esprit clairvoyant mais peut être me suis-je gravement mépris sur vos capacités de déduction… »
Angus marqua un silence comme pour donner plus de théâtralité à ce qu'il s'apprêtait à dire. D'un ton soudainement plus grave, il ajouta :
« -Sachez que rien de tel n'arrivera. Mlle Edelweiss va continuer à s'enfoncer au point de perdre pied avec la réalité. Bientôt elle ne maîtrisera plus rien sa vie. »
« -Les autres Edelweiss ne sont pas tous devenus fous…protesta Severus qui tentait tant bien que mal de trouver une parade à ce que son professeur lui présentait comme un fait inévitable. »
« -Pas tous c'est exact. Mais c'est parce qu'ils ont appris à contrôler ce don. »
« -Vous allez faire quelque chose pour elle, n'est ce pas ? demanda t-il avec une note d'espoir. »
« -Je n'ai pas de goût pour ce genre de dévouement. Il y a longtemps que je ne me repais plus du plaisir de contenter les gens. »
« -Mais Yselle…elle ne peut pas finir…vous comprenez…elle…balbutia le jeune serpentard d'une voix qui lui faisait défaut. »
« -Calmez vous, jeune homme. Je vois que vous évaluez enfin la situation à sa juste valeur. »
« -Je ne pourrais pas aider Yselle, avoua t-il sur un ton amer. »
« -Peut être pas pour le moment mais un jour il se pourrait qu'elle n'ait plus que vous comme seul soutien. »
« -Seriez vous aussi capable de lire l'avenir ? ironisa le jeune homme. »
« -Non mais j'ai eu de nombreuses années pour exercer mon talent de déduction. Allé, filez à présent. Qu'on ne m'accuse pas de séquestrer mes élèves…même si je ne suis plus à une accusation près me concernant. »
« -Bonne journée professeur, le salua Severus avant de disparaître à son tour laissant dans la lumière pâle du cachot son professeur de potions encore songeur. »
Malgré le coup d'éclat qu'elle avait provoqué en sortant précipitamment de la salle de potion, Yselle suivit le reste des cours dans une totale indifférence. Elle ne parla à personne, s'abstint de s'arrêter quand ton l'appelait, nia la présence même de ses amis. Elle n'était plus capable de rien. Son esprit avait été une fois pour toute emprisonné dans des sphères inconnues d'où s'élevait le tremblement de voix dissonantes qui n'avaient de cesse de marteler sa tête de paroles prémonitoires qu'elle s'entêtait à ne pas vouloir comprendre. Pourtant elle ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir. Le sentiment de culpabilité qui l'envahissait était le seul à pouvoir encore la retenir au monde qui l'entourait. Le regard de James lui rappelait à chaque instant la faute qu'elle commettait en tentant de fuir ses amis. Si seulement elle avait la force de leur parler, d'alléger le poids qui venait s'écraser sur son esprit faible. Elle parcouru rapidement le couloir qui la menait jusqu'à sa maison. Des bruits de voix cristallines arrêtèrent net sa marche. Winnie et sa bande. Leurs ombres se rapprochaient de plus en plus. Dans un élan inexpliqué, Yselle se dissimula derrière une grosse pile de maçonnerie.
« -Elle est complètement cinglée…c'est irrémédiable, lâcha Emma dans un rire moqueur. Vous avez vu le cinéma qu'elle a fait au cours d'Angus. Et dire qu'elle s'en est tirée sans souci. On dira après qu'il n'y a pas de favoritisme. »
« -Je n'ai qu'un mot à dire : Edelweiss. Parce que Mlle descend parait t-il des anciens, elle a le droit de péter complètement les plombs, ajouta Winnifred d'un ton péremptoire. »
« -Tu oublies qu'elle est en plus la petite fille du directeur. Çà aussi çà compte, renchérit Adèle. Elle pourrait commettre le pire des crimes que çà lui serait aussitôt pardonner. Qui sait ce qu'elle pourrait nous faire. On partage bien la chambre de cette folle ! »
« -Ne vous inquiétez pas pour çà les filles, répliqua Winnie d'un air malicieux. Vous savez que mon père travaille au ministère ? Et bien je me suis déjà plaint à lui du comportement dangereux d'Yselle. Le connaissant, je suis convaincue que dans quelques jours on verra débarquer un groupe d'inspecteurs attachés au maintien de l'ordre sorcier. S'ils constatent le cas désespéré qu'est cette fille, je suis sûre qu'ils sauront nous en préserver en nous en débarrassant. »
« -Tu plaisantes ?! s'extasia l'une de ses deux compères. Ce serait l'idéal. Vous imaginez ?! Et quand vont t ils venir ? Tu le sais ? »
« -Non, non, répondit Winnie pressée comme elle l'était par ses deux amies. Je n'en sais rien mais croyez moi sur parole, ils ne tarderont pas. Yselle est une Edelweiss et mon père m'a dit que les Edelweiss avaient toujours été très surveillée par le ministère. Je suis convaincue que cette pimbêche n'y coupera pas. »
« -Comme c'est bien dit ! Oui cette pimbêche ne pourra pas s'en sortir cette fois-ci, siffla Emma avec un brin de méchanceté qui témoignait de la jalousie latente qu'elle avait toujours entretenue à l'égard d'Yselle. »
Cette dernière, tapie derrière sa colonne massive, attendit que le groupe s'éloigne, que leurs voix ne soient plus que des murmures à peine audibles pour reprendre son souffle. Rien de cette conversation vipérine ne lui avait échappée. Si elle pouvait demeurer blasée par le discours perfide de ses trois camarades, elle fut plus ébranlée par la révélation qui veniat de lui être faite. Des inspecteurs ? Pour elle ? Pour savoir si elle était folle ? Mais bien sur qu'elle l'était et cela ne leur échapperait sûrement pas, tout comme ne leur échapperait pas la nécessité de l'enfermer à Ste Mangouste aussi longtemps qu'il le faudrait. Cette perspective lui fit froid dans le dos. Mais n'était ce pas compréhensible pour une personne normalement constituée d'éprouver de l'effroi à l'idée même d'être emmenée dans un institut à la réputation aussi lugubre que celle que s'en était faite le commun des mortels ? Yselle se sentit alors incapable de regagner sa maison encore moins de traverser la salle commune des griffondores à la vue et au su de tous. Elle ne pouvait pas s'exposer ainsi à leur critique, à leurs craintes perfides et aux regards amplis de pitié qu'ils allaient lui offrir. Elle prit le chemin inverse, déambulant dans les couloirs de l'école en évitant de rencontrer ses précieux camarades. Errant comme une âme tachée du sceau de l'infamie, elle perdit la notion du temps et poursuivit son chemin bien après que le soleil ait agonisé une fois encore aux confins de l'horizon. Ce fut par le plus grand des hasards, semble t-il (mais à cela même il nous est permis de douter) que la jeune fille se retrouva face à un passage qu'elle connaissait bien pour l'avoir utilisé à plusieurs reprises. Sans même réfléchir à ce qu'elle faisait, elle emprunta le long corridor étroit qui s'ouvrait derrière la lourde tapisserie qu'Yselle avait déjà rabattue à l'aide de ses petits bras à peine développés. Très vite elle se retrouva là où finalement elle pensait retrouver le dernier réconfort possible. Ses petites ballerines vernies vinrent claquer contre la pierre nue de sol de cette grande chambre.
« -Yselle ! s'exclama aussitôt Severus avec un certain étonnement. »
« -Tiens, tiens, tiens qui voil ?! se moqua aussitôt Lucius qui trônait de façon languissante sur la chaise de son bureau, les pieds posés insolemment sur le plat lisse de sa table de travail. Ne serait ce pas notre petite 'Miss effrontée'. »
Yselle ne répondit pas. Pire que cela, elle sembla ne pas réagir à cette réflexion, comme si son esprit niait malgré elle la présence du jeune Malfoy. Les yeux dans le vague, elle fixa son attention sur un Severus troublé avant de détourner son visage.
« -Quelque chose ne va pas, Zélie ? demanda t-il à la jeune fille tandis que son sombre regard s'alourdissait sur la silhouette confuse de son amie. »
« -Je…je…bafouilla t-elle ses iris contemplant avec une lassitude accusée le grain du tais laineux que ses petits pieds piétinaient. Non rien…il vaut mieux que je parte. »
Elle amorça un pas en arrière pour rebrousser chemin mais Severus l'arrêta net dans un élan qui ne manqua d'étonner son camarade serpentard.
« -Tu n'es pas venu pour rien n'est ce pas ?! reprit t-il en relevant le menton de la jeune fille pour que son regard perçant puisse s'imprimer dans le sien. »
Noires. Ses prunelles étaient d'une obscurité inconnue. La pupille de ses grands yeux de petites filles était noyée par tant de noirceur. Severus crut percevoir au plus profond de ses iris des vagues sinueuses, des formes diaphanes entamant une ronde funeste. Etait ce çà le pouvoir ? Etait ce ainsi qu'il se manifestait ? Il aurait pu se perdre dans cet océan ténébreux, perdre pied et touché à son tour aux tréfonds des tourments qui bousculaient l'Edelweiss. Puis il se ressaisit. La discussion qu'il avait eu en début de journée avec son professeur de potion lui revint à l'esprit et avec elle l'inquiétude qui en était née.
« -Tu as l'air fatiguée, ajouta t-il d'un ton paternaliste. Viens dans mon lit, viens te reposer un peu. »
Yselle se laissa guidée. Avançant comme une poupée désarticuler. Son esprit lui avait une fois de plus fais faux bon. Des images se bousculaient dans sa tête. Des dizaines, des centaines, des milliers d'images. Des choses sans signification et avec encore et toujours le poids de ses voix troublantes qui ne cessaient de la tirailler. La jeune fille s'aperçut à peine que son ami l'avait installée sur le douillet des couvertures.
Des sifflements…des sifflements de serpents.
Elle ne s'aperçut pas même qu'il avait pris soin de lui retirer ses petites ballerines dont elle aimait faire claquer les talons contre les sols durs à chaque fois qu'elle le pouvait.
Un désespoir drapé de solitude…
Il glissa un drap de coton blanc sur cette silhouette recroquevillé dont les yeux demeuraient grands ouverts sur le néant.
Avançant gravement dans un couloir obscur…
Puis il reprit son étude non sans avoir porté une dernière son attention sur la jeune fille.
L'odeur du sang grouillant comme la vermine sous des ongles élimés par la pierre…et toi petite fille qui ne dort plus…qui rêves les yeux grands ouverts…te perds dans les méandres d'un avenir qui sera ton labeur et te volera tout ce que tu as…
Ses paupières enfin closes, elle semblait dormir d'un sommeil agité mais pour Severus, cela était toujours préférable au reste. Il se concentra un peu plus sur son devoir d'Arithmancie mais en vain.
L'odeur du sang grouillant comme la vermine sous des ongles élimés par la pierre…tes si jolies ongles petite fille.
Dans un bond, Yselle se releva en poussant une plainte stridente qui glaça d'épouvante les deux jeunes hommes qui s'attelaient studieusement à leur travail. Elle semblait essoufflée, le regard hagard. Severus s'approcha d'elle. Elle tomba à ses genoux, repliée sur elle-même comme une enfant qui vient de naître, le visage enfoui dans les draps fripés, une main cachant ses yeux suppliants du regard des deux serpentards. Les sanglots secouaient son corps fragile, entrecoupant sa respiration. Severus agrippa ses bras autour de cette forme. Il posa sa tête dans le creux de son cou. Sa joue vint caresser la longueur de sa chevelure qui n'était plus à présent qu'une masse épaisse de boucles sombres.
« -J'ai honte, j'ai tellement honte d'être comme çà. Ne me regarde pas Severus. Ce n'est pas moi, je ne suis pas fragile comme çà. Je suis…Si mon père me voyait. »
Severus ne dit mot. Il se contenta de la tenir serrée contre lui. Qu'espérait t-il en faisant ? La soulager ? Peut être. Mais peut être voulait t-il également étouffer ses pleurs qui le gênaient terriblement. Yselle, pour sa part, ne s'offusqua pas de cette accolade. C'était pourtant la première fois qu'un homme la capturait dans ses bras depuis Saint-Lô. A son grand étonnement, elle n'éprouva rien. Ni tendresse, ni peur. La chaleur de cette étreinte la laissa de marbre. Elle sentait poindre en elle les échos de ces voix dissonantes qui continuaient de la tourmenter. Elle se recroquevilla un peu plus, plongea sa tête dans l'épaisseur du coton comme pour faire taire le bruit qui s'élevait dans son esprit. Mais cela n'eut aucun effet. Alors ses sanglots redoublèrent comme emmenés par un mal inexorable. Ses nerfs lâchaient, la fatigue l'emportait sur tout. Qu'importe que Severus et Lucius la voient dans cet état, elle n'avait plus la force de s'en soucier. Elle pleura sans cesse au point d'imbiber les draps de ses larmes. Severus demeurait là contre elle sous le regard d'un Lucius interdit. Le jeune homme préféra quitter les lieux, laissant Yselle et son ami seuls dans cette chambre où ne résonnait plus que les sanglots suffocants d'une petite fille. Yselle épuisée finit par s'endormir. Severus ne bougea pas, berçant dans ses bras maigres le corps fiévreux de cette pauvre Edelweiss. Il finit par s'allonger à ses côtés en espérant que le sommeil vienne le sauver des pensées sombres qui l'assaillaient. Ce fut en vain.
A son retour, Lucius retrouva Severus et Yselle profondément endormis, leurs corps emmêlés sur l'épaisseur des draps fripés. Le jeune Malfoy demeura immobile à observer cette scène étrange. Ses yeux de diamantine se fixèrent avec une intensité redoublée sur la silhouette torturée de l'Edelweiss. Il en perçut chaque contour, chaque rondeur nouvelle qu'il connaissait déjà. Son père lui avait promis. Il lui avait dit qu'elle serait à lui. Il se délectait d'avance de ce qu'Yselle pourrait lui apporter en temps venu. Dans un silence gracieux, il s'approcha de la jeune fille puis caressa du plat de la main la texture velouté de sa joue encore moite de ses pleurs passés. Une larme demeurait prisonnière dans ses longs cils. Il la recueillit à l'extrémité de son doigt avant de la porter à ses lèvres pour mieux goûter cette essence salée. Son visage se targua d'un rictus satisfait. C'était la première fois qu'il la sentait si proche de lui, si accessible à son emprise. Une impression étrange s'insinua alors en lui, un contentement enivrant, une plénitude grisante comme une drogue parcourant ses veines, emplissant son corps de la plus agréable des manières. Yselle. Un jour il prendrait goût à la saisir dans ses bras avec la même fougue que celle qu'il manifestait quand il laissait ses hormones le gouverner face aux charmes des résidentes du 'Palais des délices'. Un jour.
Yselle avait disparu. Le vent menaçant grondait contre les hautes vitres de l'école, ébranlant de sa fureur les parois squelettiques. Les arbres se cambraient sous la force de ce Zéphire mécontent. Leur silhouette rachitique se balançait péniblement dans le balai de cette fin d'après midi. Dimanche venait de passer, le soleil voilé par de lourds nuages commençait à s'estomper et Yselle avait disparu. Depuis quand ? Elle n'avait pas dormi la nuit dernière dans son dortoir. Nonnée l'avait assuré aux quatre Maraudeurs. Personne ne l'avait non plus vu de la journée, ni ses camarades griffondores, ni les membres de la chorale qui se désolaient qu'elle n'ait pas assurée leur répétition hebdomadaire. En fin de journée, Remus avait été cherché de plus amples informations auprès de Rogue. Ce dernier, affichant sa morgue habituelle, lui avait néanmoins répondu en affirmant n'avoir pas vu la jeune fille depuis qu'elle avait quitté sa chambre au petit matin. Malgré son air distant et froid, le serpentard lui avait semblé plus inquiet que ce qu'il ne laissait paraître. Quand chacun eux regagner ses chambres, quand l'école parut alourdie par le sommeil venant, les quatre griffondores de quatrième année entreprirent de parcourir les allées délaissées de Poudlard. Chacun, muni de sa baguette lumineuse, se chargea d'inspecter en solitaire les moindres recoins envahit par la noirceur de la nuit. Le vent continuait de balayer la vieille bâtisse. Chacun de ses souffles était comme un cri lancer avec fureur. Il n'en est pas un qui n'avait fais frissonner de peur le jeune Pettigrew. Enveloppé dans sa terreur, le garçon maudissait à chacun de ses pas celle dont la stupidité l'avait mené à déambuler en plein milieu de cette nuit surréaliste. Un autre coup retentit, le vent venait de s'abattre contre la paroi de pierre, les portes du corridor en avaient tremblées, Peter aussi. Sa peur redoubla, il courut se cacher dans une salle de classe, se terrer sous une table et manger le reste de Crocauchoc qui se mourrait dans le fond de sa poche de pyjama.
Tandis que le plus pleutre des griffondore amorçait une discrète retraite, James continuait ses recherches tout comme ses deux autres amis. Seul, il parcourait avec attention chaque endroit susceptible d'abriter son amie. L'idée qu'elle puisse se trouver à l'extérieur de ce vieux bâtiment lui avait taraudé l'esprit toute la journée. Mais le temps peu clément et l'ordre formulé par leur directeur de maison de demeurer au sein de l'école l'avaient empêché de vérifier ce doute. James observa par la fenêtre la pluie se réveiller soudainement. En quelques minutes, les grains d'eau étaient devenus de violents crachins qui martelaient en cadence le sol boueux du parc. Le vent, la pluie…leurs bruit se mélangeaient avec une harmonie incontestable. Et si Yselle se trouvait au milieu de ce déluge ? Et si…Une silhouette blanche. James était convaincue d'avoir vu s'extirper de l'antre sombre de la forêt une forme fantomatique. Yselle. Ce ne pouvait être qu'elle. Elle semblait se diriger vers la petite entrer qui longeait le cloître. Il courut aussitôt à sa rencontre. Il l'avait retrouvé. Il en était sûr. Plus il avançait, plus il pouvait sentir la présence rassurante de son amie se rapprocher. Il se retrouva à la lisière du parc devant une Yselle métamorphosée. Il observa le regard inquiet la silhouette désuète qui lui faisait face. Elle, dans sa robe de coton blanc, trempée, le corps tremblant se dessinant parfaitement sous le tissu rendu transparent par la pluie. Sa peau blanche, humide. Ses cheveux…ses cheveux transformés balayés par la rugissement du vent.
« -Que fais tu là, Zélie ? parvint t-il à lui demander une fois qu'il eut retrouvé ses esprits. On t'a cherché partout. »
Yselle leva son regard sans vie vers le jeune homme et d'un ton fatigué elle lui répondit :
« -J'ai suivit les enfants dans la forêt…dit t-elle en pointant du doigt les hauteurs des bois. »
James tourna sa tête pour vérifier ses dires mais aucune trace de ces fameux enfants.
« -Quels enfants ? »
« -Les petits enfants qui courent partout, reprit t-elle d'un air divaguant. Les jumeaux de la dernière Edelweiss. J'ai cru qu'ils pourraient m'indiquer où se trouvait Spider. Je ne trouve plus mon chat depuis des jours. Tu l'as vu toi ? »
Le jeune homme, décontenancé par ses propos incohérents, hocha simplement de la tête.
« -Ce n'est pas grave, poursuivit t-elle. Ils viennent de me dire que Spider est un vautour. Alors je ne peux pas retrouver un vautour, n'est ce pas ? »
« -Qu'est ce qu'il t'arrive, Zélie ? Qu'est ce que tu racontes ? »
James avait agrippé les épaules de son amie puis pour attirer son attention il avait saisis son visage entre ses mains penchant son regard dans les ténèbres de ses yeux perdus.
« -Et tes cheveux ? Qu'à tu fais à tes cheveux ? demanda t-il en caressant cette masse bouclée. »
« -Je les ai coupé. Tu m'as dit qu'il le fallait. Alors je les ai coupé, répondit t-elle tandis que James constatait, son inquiétude grandissante, comment ses mèches de cheveux s'organisaient à présent en un carré sauvage. »
« -Yselle…mon Yselle…pourquoi fais tu tout ? s'attrista t-il en observant la jeune fille avec une peine redoublée. »
La jeune Edelweiss trembla à nouveau. D'une main ferme, il caressa son front.
« -Tu as de la fièvre, constata t-il. »
« -Tu resteras vivant, James, pour voire grandir Harry, n'est ce pas ? Tu me le promets ? lui demanda t elle. Je te le donnerais seulement si tu promets. »
Ses paroles n'avaient aucun sens. Qui était cet Harry ? Encore lui. James s'apprêtait à le lui demander mais…
« -Je suis fatiguée, souffla t-elle d'une voix diminuante avant de s'effondrer dans les bras de son ami. »
A suivre…
A/n : Ce chapitre finit comme il commence c'est-à-dire mal. Mais çà c'est pas nouveau. Le prochain marquera la fin de la quatrième année de nos héros. Par la suite j'enchaînerais avec leur 5ième année d'école.
N'hésitez pas à me donner vos avis sur ce nouveau chapitre…çà m'aidera grandement pour la suite de mon histoire.
Merci d'avance et gros bisous.
Nell.
