Jeux d'enfants
Auteurs : Yerno et Charlie
Disclaimer : Les personnages ne sont toujours pas à nous, et plus ça avance, plus on s'en félicite, parce que sinon... ;)
Merci à tous les gentils reviewers qui nous ont fait part de leur avis sur le premier chapitre, en espèrant que cette partie-ci vous plaira également. N'hésitez surtout pas à nous dire, encore et toujours, ce que vous en pensez... ( Yernomailyahoo.fr ou )
Le point de vue est toujours celui de Carol.
Bonne Lecture !
Le lundi 15 avril 2002
9 heures.
Les pompes funèbres étaient arrivés chez nous pour mettre nos
deux bébés en leurs cercueils respectifs. J'avais tenu à ce que nous gardions
leurs corps chez nous jusqu'au jour de l'enterrement. Sans contrôler plus aucun
de mes gestes, je me jetai sur l'un des hommes qui s'apprêtait à déposer le
corps de Tess dans la boîte en bois et criai :
" Noon ! ! ! Vous n'aurez pas
mes petites ! Non, n'y touchez pas ! ! Doug, aide-moi ! ! Par pitié ! ! Doug, tu
ne peux pas les laisser emporter nos bébés ! DOUG ! ! "
Doug me prit dans ses
bras, me caressa les cheveux... J'étais en larmes, des rivières de pleurs
parcouraient mon visage pendant que l'homme de ma vie tenter de me
raisonner.
" Par pitié... Doug ! Aide-moi à les reprendre !
-Carol, me
dit-il l'air désespéré, c'est fini... On n'y peut rien... C'est injuste, je
sais... Mais c'est ainsi... "
Les deux hommes chargés de la mise en bière me
regardaient, l'air blafard. J'avais honte, j'avais terriblement honte de moi.
Cela me ressemblait si peu... Je n'étais vraiment pas du genre à agir avec
excès, mais durant l'espace de quelques secondes, j'avais été incapable de me
contrôler, je ne savais plus ce que je faisais.
" Allez-y, dis-je en essuyant
mes larmes. "
Les entrepreneurs déposèrent les deux corps dans les boîtes en
bois. Des larmes coulaient sur mon visage, et Doug retenait difficilement les
siennes également. Je me pressai contre lui et agrippai son pull tant la douleur
devenait presque physique. Nos enfants furent enfermés à tout jamais. Mon amour
et moi nous mîmes à pleurer, sans parvenir à s'arrêter... Je me répétais sans
cesse cette question, cette terrible et cruelle question : pourquoi ? Pourquoi
mes filles ? Pourquoi tant de cruauté envers de pauvres enfants de deux ans ?
J'étais persuadé que le kidnappeur de mes bébés avait balancé leurs pauvres
petits corps du haut du pont avant de s'enfuir en courant... Comment quelqu'un
pouvait-il faire preuve d'autant de cruauté ?
10 heures.
J'étais assise dans la cuisine, en train de boire un café. Mes
larmes avaient de nouveau disparu, je n'avais plus rien à pleurer. J'étais
plutôt désespérée, inconsolable : ce n'était pas une tristesse du moment, qui
disparaît avec les jours... Non, c'était une tristesse qui allait détruire ma
vie, qui allait me mettre dans un état de dépression constant. A quoi bon vivre,
dans ce cas ? Doug arriva dans la pièce et se servit un café, me tirant de ma
rêverie suicidaire...
" Tu penses encore à tout ça ? me dit-il avec un triste
sourire.
-Oui, répondis-je, comment ne pas y penser ? Si tu as une solution,
je suis preneuse...
-J'aimerais bien l'avoir, la solution... Malheureusement,
je crois qu'il ne pourra plus se passer un jour sans qu'on pense à ce drame.
C'est ainsi. La vie est cruelle, je crois que nous en avons déjà été assez
victimes pour pouvoir l'affirmer sans douter.
-Je ne te le fais pas dire...
Je pensais pourtant avoir dépassé le stade du malheur, je pensais pouvoir être
heureuse maintenant. Mais je me rends compte, au fil des années, que mon destin
est semé d'embûches. "
C'est alors que le téléphone sonna, me faisant
sursauter. En effet, je ne supportais plus la sonnerie du téléphone, je ne
pouvais pas m'empêcher de penser que c'était à cause de cet engin si j'étais à
présent si malheureuse... On m'avait appris par téléphone de la mort de mes deux
fillettes. Je ne voulais pas décrocher, mais Doug n'avait visiblement pas les
mêmes intentions que moi. Il se leva et prit l'appareil dans sa main.
" Allô
?-Ah... merci d'appeler...-Oui, je lui dirai. Comment
l'as-tu appris ?-D'accord. Salut. "
Il raccrocha.
" Qui
était-ce ? demandai-je.
-C'était Mark... Il appelait pour nous présenter ses
condoléances. Il a appris par la presse. Il va venir nous rendre visite la
semaine prochaine.
-Il a des jours de congé ?
-Il va en
prendre...
-C'est un bon ami...
-Le meilleur qui soit. "
Nous
échangeâmes un sourire. Curieusement, cet appel du meilleur ami de Doug m'avait
rendu un peu plus sereine. Ce n'était évidemment pas non plus le bonheur
complet, mais je me sentais apaisée : quelqu'un d'extérieur à notre problème
allait venir nous apporter un soutien psychologique. Lors d'une épreuve
difficile, il est toujours difficile de s'en sortir sans quelqu'un qui soit
presque totalement objectif et qui puisse garder sa joie de vivre pour nous
consoler...
" Carol, me dit alors Doug, on devrait se préparer pour la
cérémonie...
-Bonne idée. Je prends la salle de bains la première, si tu n'y
vois pas d'inconvénient. "
Doug me fit un signe pour me faire comprendre que
cela ne le dérangeait pas. J'avais envie de prendre une longue douche
bouillante, tenter de faire disparaître, ne serait-ce que quelques minutes,
toutes ces pressions que j'avais subies ces derniers jours... D'un coup, je me
sentis alors comme une mère indigne : je cherchais absolument à oublier mes
filles ! Quel genre de mère pouvait vouloir oublier ses enfants, même après leur
mort ? Je culpabilisais de me dire que je pouvais réussir à oublier ce drame le
temps d'une simple douche. Comment cette idée avait-elle pu m'effleurer l'esprit
? Je me détestais soudainement pratiquement autant que le kidnappeur et
l'assassin de mes enfants. On dit qu'il vaut mieux vivre avec des remords
qu'avec des regrets, mais lorsqu'on ressent un véritable remord, on ne peut PAS
vivre...
13 heures.
" Tu devrais manger un peu, Carol... "
Doug s'inquiétait
pour ma santé. Personnellement, je n'en avais plus rien à faire, j'étais une
mère indigne qui tentait d'oublier la mort de ses filles... Mon amour remarqua
bien que quelque chose d'anormal se passait en moi. Il ressentait bien la
tristesse que je ressentais moi-même, mais il sentait qu'autre chose se tramait
dans mon esprit. Ce qui m'avait toujours étonné, c'était cette façon qu'avaient
deux êtres qui s'aiment de deviner ce que l'autre ressent en un simple regard...
Pas besoin de mots, juste des yeux fixés, les uns dans les autres. Je me
plongeai alors dans le doux regard rassurant de Doug, c'était une activité que
je pratiquais régulièrement avant la mort de mes enfants. Depuis cette tragédie,
je n'avais pas pensé à le refaire, pourtant, cette action apparemment
insignifiante me faisait un bien fou. Elle me rendait plus sereine, me
rassurait.
" Carol ? m'interpella Doug. Carol ?
-Oui, répondis-je en
sortant de ma rêverie, qu'est-ce qu'il y a ?
-Je te disais : tu devrais
manger un peu.
-Je vais enterrer mes filles dans quelques heures... Je n'ai
pas faim. "
Il baissa la tête. Je lui avais fait de la peine. Il est vrai que
j'avais prononcé cette phrase sur un ton plutôt sec... Mais ma tristesse et mon
remord étaient si grands que je ne parvenais pas à faire semblant d'aller bien,
et à être aimable.
14 heures.
Tous les invités commençaient à arriver. J'avais toujours
détesté les enterrements. Je trouvais cela absolument inadmissible, ils
illustraient parfaitement pour moi la phrase : " Allons-y ! Enterrons nos
proches pour faire la fête ! ". Mais Doug tenait absolument à organiser une
cérémonie funéraire, je n'avais donc pas insisté. Le prêtre prononça son
discours et m'invita ensuite à venir faire le mien.
" Kate et Tess sont nées
sans père. Elles l'ont retrouvé quelques mois plus tard, et nous avons enfin pu
vivre comme une famille unie. Nous connaissions enfin le bonheur, nous qui le
cherchions depuis si longtemps, et lui qui nous fuyait depuis si longtemps...
Elles ont fait leurs premiers pas, ont prononcé leurs premiers mots sous notre
regard rendu flou par les larmes, ces larmes d'émotion. Elles ont aussi effectué
ces actions sous le regard de notre caméra. Nous conserverons les cassettes
encore plus précieusement que ce que nous avions prévu, car elles sont à présent
les seuls témoins de l'existence de nos filles, la seule preuve matérielle.
Elles sont l'unique moyen de revoir nos bébés adorer s'animer, nous regarder
avec leurs petits yeux adorables, nous demander un câlin en tendant leurs bras
vers nous, comme elles savaient si bien le faire. Je vous aime, mes bébés.
"
Je me retins jusqu'au moment où je regagnai mon siège pour ne pas fondre en
larmes. A peine assise, je ne pus résister et me laissai aller, le plus
discrètement possible, pour n'importuner personne, et aussi parce que je me
sentais mal à l'aise lorsque je pleurais en public... A présent, c'était fini.
Je ne verrais jamais mes petites progénitures devenir de véritables petites
filles, d'élégantes jeunes filles, de belles femmes qui savent s'assumer dans la
vie. Je n'aurais plus jamais l'occasion de leur apprendre quoi que ce soit. Kate
et Tess Ross faisaient désormais partie du passé, de mon passé, de notre
passé...
Mercredi 24 avril 2002
15 heures.
Treize jours. Treize jours que mes fillettes étaient mortes, et
pourtant, chaque matin, au lever, je me surprenais dans leur chambre, à espérer
les trouver, les lever, leur préparer leur biberon, changer leurs couches ou
leur faire prendre leur bain... On se dit toujours que ce genre de drame
n'arrive qu'aux autres, malheureusement, ce n'est pas le cas... Ca nous était
arrivé, et c'était désormais irrémédiable : nous étions seuls avec nos deux
filles. C'est alors qu'on frappa à la porte. J'allai ouvrir.
" Mark !
m'écriai-je, ravie de voir le meilleur ami de mon mari.
-Salut Carol, me
dit-il l'air désolé, je suis vraiment navré pour... toute cette
histoire...
-Hum... oui... si ça ne t'ennuie pas, j'aimerais éviter d'en
parler. Je suis bien assez mal à l'aise avec la recherche du coupable de ce
crime, et de tout ça... Je voudrais juste me changer les idées quelques
instants. Et on peut dire que tu tombes à pic !
-Ravi de te faire plaisir. Où
est Doug ?
-Il est sorti faire quelques courses. Il ne devrait plus tarder à
revenir... "
Mark me sourit, de son visage si doux et rassurant. C'était un
homme en qui j'avais une confiance totale. Je savais qu'il n'avait jamais trahi
Doug, et je savais qu'il ne me trahirait jamais. Il avait toujours été
totalement dévoué à ses amis, prêt à les aider, et même si lui et mon mari
avaient été en conflit à certaines périodes, leur amitié était restée très forte
et solide. Cela dit, le visage de Mark n'était pas le même qu'avant, il ne
portait plus autant les traces de cette sérénité. Il était comme terni, mais il
était impossible de savoir pourquoi...
15 heures 30.
Doug rentra, trois paquets encombrants dans les bras. Je le
débarrassai de deux d'entre eux et allai le poser sur la table de la cuisine, où
Mark attendait son ami. En entrant dans la pièce, le visage de mon amour
s'éclaira et il sauta dans les bras du médecin chauve.
" Mark ! Ca faisait si
longtemps ! Comment te portes-tu ? "
La mine de Mark s'assombrit.
" Ca va,
ça va... "
Nous ne demandâmes pas davantage d'informations, mais nous savions
que quelque chose n'allait pas chez l'homme chauve. Il cachait difficilement sa
souffrance intérieure... Par pudeur sans doute, aucun d'entre nous n'osa lui
demander pourquoi il avait une mine si rabougrie.
" Je suis désolé pour ce
qui vous arrive, prononça-t-il, je sais que je me répète mais... c'est tellement
inattendu... Est-ce que la police a eu des nouvelles de ce malade ?
-Non,
répondit Doug. Ou alors, si c'est le cas, ils ne nous ont pas encore rappelés...
De toute façon, on se renseigne régulièrement, et l'enquête n'a pas l'air
d'avancer énormément pour le moment.
-Oui, dis-je à mon tour, nous appelons
tous les jours les inspecteurs qui sont chargés de l'enquête du sujet du
kidnappeur tous les jours, et nous n'avons eu aucune nouvelle jusqu'ici...
"
Soudain, comme pour porter un écho à ce que nous venions de dire à Mark, le
téléphone sonna. Je me précipitai sur le combiné : je réagissais au moindre
signal tant ma nervosité était à son comble ces jours-ci...
" Allô
?
-Mademoiselle Hathaway ? Ici l'inspecteur Jackson. Je vous appelle pour
vous informer que nous avons trouvé une personne qui est susceptible d'être
inculpée dans cette affaire de kidnapping...
-Vraiment ?
-Oui. Evidemment,
rien n'est encore certain, nous n'avons pas assez d'éléments ni assez de preuves
pour mettre cette personne en prison, mais nous l'avons placée en garde à vue.
Son interrogatoire aura lieu à 17 heures, je préfère ne rien vous dire au sujet
de son identité par téléphone... La ligne pourrait être sur écoute.
-Sur
écoute ?
-Dans ce genre d'affaires, on n'est jamais trop
prudents...
-D'accord. 17 heures... C'est noté... J'en informe mon mari et
nous arrivons. "
Je raccrochai. Doug me demanda ce qui se passait... Je lui
expliquai toute la situation. Je me sentais un peu rassurée : même si ce
kidnappeur avait tué nos fillettes, il ne pourrait plus faire de mal à personne,
aucune famille ne subirait la souffrance que nous avions subie. D'accord, il
n'était qu'en garde à vue, mais je restais tout de même relativement optimiste :
la police allait trouvait suffisamment de preuves pour l'inculper pour
l'enlèvement et le meurtre de mes jumelles.
17 heures.
Doug et moi arrivâmes pile à l'heure à la police de Chicago.
Nous avions dit à Mark de garder la maison en état pendant notre absence, et de
ne pas se gêner pour visiter, si cela le tentait. L'inspecteur Jackson nous
accueillit. Elle portait une longue jupe assez serrée et noire, ainsi qu'une
veste assortie. Elle nous offrit un sourire très charmant avant de nous parler
de l'homme qui avait été arrêté.
" Il a été retrouvé dans les montagnes, non
loin de l'endroit où vos filles ont été retrouvées... Il dormait, il avait l'air
désorienté et triste... Il nous disait des mots plutôt troublants : " je suis
désolé, je ne voulais pas, pardonne-moi. " On aurait dit qu'il s'adressait à
quelqu'un en particulier, mais impossible d'en savoir plus. Il s'est un peu
reposé, nous espérons en savoir plus lors de l'interrogatoire.
-Est-ce qu'on
peut avoir l'identité de cet homme ?
-Il était évidemment psychologiquement
incapable de nous dire quoi que ce soit sur son identité. Nous avons fait des
recherches, et nous avons obtenu son nom grâce à plusieurs informations
réunies... Et lorsqu'on voit son passé, on ne s'étonne pas qu'il soit devenu si
détraqué... "
Je demandai une nouvelle fois l'identité de cet homme à
l'inspecteur Jackson, et lorsque la jeune femme prononça le prénom et le nom de
famille du kidnappeur et de l'assassin de mes deux adorables bébés, de mes
raisons de vivre, je ne pus retenir un cri d'horreur. Mes paupières se furent
lourdes et je ne pus m'empêcher de tomber en arrière. Doug eut tout juste le
temps de placer une chaise derrière moi pour que je puisse m'asseoir. Je sentais
mon visage pâlir, mon cœur battre à une vitesse folle. Tous mes membres
tremblaient, devant tous ces spectateurs impuissants... Personne ne
comprenait... Personne ne savait ce qui se passait, et ils ne comprendraient
sûrement pas avant l'explication... La fameuse explication...
17 heures 15.
L'interrogatoire s'apprêtait à commencer. L'accusé avait une place prévue en plein milieu d'une pièce vide et glauque. En face de lui, une autre chaise, sans doute pour accueillir l'inspecteur qui allait l'interroger. Entre ces deux chaises et les deux êtres qui allaient bientôt s'y asseoir, une table assez peu large et délabrée. Doug et moi étions de l'autre côté d'une vitre teintée : nous pouvions voir l'homme qui avait détruit notre vie, nos espoirs, mais lui ne pouvait pas nous observer. L'inspecteur Jackson nous avait autorisés à assister à l'entrevue... On fit entrer l'homme, assez grand, le visage totalement décomposé, les traits tirés, d'énormes cernes sous les yeux... Il était habillé comme un sans-abri, portait des vêtements déchirés, des fripes dans un état alarmant. Il avait des traces noires sur son visage... J'étais abasourdie par une telle vision. Comment avait-il pu changer à ce point ?
A suivre... petit rire sadik